**** *creator_lafontaine *book_lafontaine_astree *style_verse *genre_tragedie lyrique *dist1_lafontaine_verse_tragedie lyrique_astree *dist2_lafontaine_verse_tragedie lyrique *id_ASTREE *date_1691 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_astree Avais-je tort, Philis ? Tu vois ces témoignages De sa main propre ils sont tracés ; Considère de quels outrages Mes feux y sont récompensés ; Ne me parle jamais du traître Céladon, Céladon, il est un dieu vengeur. Voici pourtant ses traits, peux-tu les méconnaître ? Dédiras-tu nos yeux, qui l'ont vu ce matin Embrasser les genoux d'Aminte ? Eh ! qu'il ne mente plus. Que ne me l'a-t-il dit ? Mon coeur à Céladon n'était que trop connu N'aurait-il pas prévu ma crainte Si l'ingrat, d'autres soins occupé, prévenu... Aminte est engageante, et prévient par ses charmes ; Ton amitié me rend trop parfaite à tes yeux. Hélas ! qui feint d'aimer est toujours téméraire De la feinte à l'effet on n'a qu'un pas à faire ; C'est un écueil fatal pour la fidélité : Une première ardeur n'est bientôt plus qu'un songe ; La vérité devient mensonge, Et le mensonge, vérité. Quand il plaît à l'Amour, tout objet est à craindre. Ce dieu met bien souvent sa gloire à nous atteindre Du trait le plus commun et le moins redouté ; Une première ardeur n'est bientôt plus qu'un songe La vérité devient mensonge, Et le mensonge, vérité. Il le prévoyait bien, le traître, l'infidèle J'eus peine à l'obliger à feindre ces amours ; Il résista longtemps, je persistai toujours Trouvait-il Aminte si belle ? Je lisais dans ses yeux une secrète peur L'ingrat avait raison de craindre pour son coeur. C'était à lui d'avoir de la constance, En résistant au danger De changer. Ma soeur, j'ose aujourd'hui te garantir sa foi ; L'Amour ne réservait ce miracle qu'à toi. Berger, vous paraissez aujourd'hui bien paré De cet ajustement quels yeux vous sauront gré ? Céladon, bannissez ces discours d'entre nous ; Je sais qu'en votre coeur une autre est préférée, Et vos voeux ne sont pas pour l'innocente Astrée. Sois traître seulement, et ne sois pas impie. Va, perfide, va, garde-toi D'oser jamais paraître devant moi. Non. Non, perfide, non, garde-toi D'oser jamais paraître devant moi. Serait-il innocent ? me serais-je trompée ? Soupçons dont j'ai l'âme occupée, Dois-je donc vous bannir ? L'ai-je à tort condamné ? En quel trouble me met cette fuite soudaine ! Qu'as-tu fait, bergère inhumaine ? Où s'en va cet infortuné ? Ne le pas écouter ! se rendre inexorable ! Ses pas précipités, ses regards pleins d'effroi, Me font craindre pour lui ; que ne dis-tu pour toi, Bergère misérable ! Tu ne l'as pu haïr, quand tu l'as cru coupable ; Que sera-ce, s'il meurt en te prouvant sa foi ? Cours, malheureuse, cours, va retarder sa fuite. Céladon ! Céladon ! Hélas ! il précipite Ses pas et son cruel dessein : Il est sourd à mes cris et je l'appelle en vain ; Je n'en puis plus, la force et la voix, tout me quitte. Je le sais, Philis ; ce malheur Est l'effet de ma jalousie. Déteste-moi ; c'est peu de me haïr Céladon ne périt que pour mieux m'obéir. Il s'est perdu ! je me perdrai moi-même Que me sert la clarté du jour ? Je ne verrai plus ce que j'aime ! Cher amant, as-tu pu me quitter sans retour ? Notre bonheur était suprême ; Les dieux nous enviaient du haut de leur séjour. Tu t'es perdu ! je me perdrai moi-même Que me sert la clarté du jour ? Ô dieux ! j'y vois un temple. Quoi ! de son ennemie il en fait sa déesse ! Au moment que je viens de causer son trépas, Il me consacre un temple, et demeure ici-bas Afin de m'adorer sans cesse ! Dans ce sombre réduit retirons-nous, ma soeur. Pourrais-je, après de tels outrages, Sans honte et sans remords jouir d'un tel honneur ? Un tombeau m'est mieux dû qu'un temple et des hommages. C'est de moi seulement qu'ils détournent leurs pas Eût-on dit qu'un jour cette Astrée Serait l'horreur de la contrée ? Tout le monde me fuit ! on a raison, Philis ; Qui ne détesterait mes fureurs excessives ? Ô lieux que mon berger a longtemps embellis, Redemandez-moi tous l'ornement de vos rives. Enfin me voilà seule, et j'ai trompé Philis. Venez, monstres cruels : ce n'est pas que j'espère Que ma beauté faible et légère Donne atteinte à des sorts par l'Enfer établis. Je ne veux que mourir. Céladon, tu m'appelles. Si parmi les choses mortelles Quelqu'une peut encor t'attacher ici-bas, Plains la bergère qui t'adore ; Ce n'est plus pour moi que l'Aurore Reparaîtra dans nos climats. Chère ombre, je te suis. Adieu, rives cruelles ; Adieu, Soleil, adieu, mes compagnes fidèles : N'aimez point, ou tâchez de bannir de l'amour Les soupçons, les dépits, les injustes querelles Celui que je regrette en a perdu le jour. Je ne vous fuis que pour le suivre ; À ce devoir il me faut recourir Si je vous ai promis de vivre, Aux mânes d'un amant j'ai promis de mourir. C'est trop tarder, ombre chérie Viens voir mon crime s'expier Aide mon coeur à défier Ces animaux pleins de furie. Mais d'où vient que je perds l'usage de mes sens ? La mort sur mes yeux languissants Étend un voile plein de charmes. Avec quelle douceur je termine mes jours ! Quel plaisir de céder à de telles alarmes, Pour se rejoindre à ses amours ! Qui me ramène au jour ? et d'où vient que je vois L'ombre de Céladon se présenter à moi ? Mes yeux me trompent-ils ? Son ombre ! C'est lui-même. Quoi ! je reverrais ce que j'aime ! Hélas ! il est sans mouvement. Vains et trompeurs démons, rendez-moi mon amant. Il ouvre enfin les yeux ! il reprend tous ses charmes ! L'ai-je ranimé par mes larmes ? Ah ! ne rappelez point une injuste défense Mes pleurs ont lavé cette offense ; Deviez-vous suivre cette loi ? N'irritez point les dieux, et craignez leur puissance Vos transports les pourraient contre nous animer. J'ai de vos feux assez de connaissance Vous m'aimez trop... Que je vous ai causé d'alarmes ! Ai-je trop pu les payer par mes larmes ? Ah ! que nous bénirons nos fers, Si l'Amour mesure ses charmes Sur les tourments qu'on a soufferts. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_astree *style_verse *genre_tragedie lyrique *dist1_lafontaine_verse_tragedie lyrique_astree *dist2_lafontaine_verse_tragedie lyrique *id_CELADON *date_1691 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_celadon Hé quoi ! seule en ces lieux, sans songer à la fête Dont vous serez tout l'ornement ! C'est un triomphe qui s'apprête Pour les dieux et pour vous, aux yeux de votre amant. On n'entend en tous lieux que des chants d'allégresse ; Bergères, bergers, tout s'empresse De célébrer ce jour charmant. Cependant vous rêvez : d'où vient cette tristesse ? Les vôtres, ma déesse. Il n'est rien en ces lieux Qui ne s'efforce de vous plaire ; Et c'est pour attirer vos regards précieux, Que ces prés, que ces bois, et cette onde si claire, Étalent ce qu'ils ont de plus délicieux L'astre même qui nous éclaire Ne se montre si beau que pour plaire à vos yeux. Ciel ! Mes voeux ne sont pas pour vous ! Dieux puissants qu'ici l'on révère, Dieux vengeurs des forfaits, je vous atteste tous Si quelque autre qu'Astrée à mes désirs est chère, Faites tomber sur moi vos plus terribles coups Juste Ciel ! vous doutez encore de ma foi ! Mais quel est cet objet dont mon âme est ravie ? Ah ! du moins... Quoi ! sans l'entendre, Condamner un amant si fidèle et si tendre ! Mon sort est dans vos mains, il faut vous satisfaire ; Et, puisque votre arrêt me livre au désespoir, J'y cours ; et respectant votre injuste colère, Je me fais du trépas un funeste devoir. Vous me regretterez, j'en suis sûr, et votre âme, Au vain ressouvenir d'une constante flamme Se laissant trop tard émouvoir, Me donnera des pleurs que je ne pourrai voir. Princesse, ma douleur n'est pas en ma puissance Je sors, vous le savez, du plus affreux danger ; Puis-je m'empêcher d'y songer ? Belle princesse, comme à vous, Hélas ! je suis bien loin de lui devoir la vie ! J'y tombai, vous savez le reste ; Je ne veux vous parler que de vous seulement. Nymphe, c'est malgré moi que sous un doux ombrage L'aspect de ce fatal rivage A rappelé les maux que je viens d'endurer. Léonide, je sais que cet enchantement Nuit ou sert à plus d'un amant. Voyez combien il m'est contraire Sans ces monstres pleins de fureur, Astrée aurait pu lire en cette onde sincère Mon innocence et son erreur ; Elle m'aurait trouvé fidèle. Vous voulez m'engager sous un nouvel empire ; Et dans mes premiers feux je veux persévérer. Ce n'est point par conseil que notre coeur soupire, Ou qu'il cesse de soupirer. Votre princesse est jeune et belle Elle mériterait le coeur d'un souverain ; Mais celui d'un berger ! quelle gloire pour elle ! Nymphe, vous combattez en vain La foi que j'ai jurée. Combattez-la quand vous verrez Astrée. Ah ! si j'étais dans nos bocages ! Si leurs frais et sacrés ombrages Pouvaient servir de temple à l'objet de mes feux ! Si mon coeur y pouvait sacrifier sans cesse Au souvenir de sa déesse, Que je me trouverais heureux ! Confidente des dieux, un amant trop fidèle Attend tout de votre savoir ; Faites, par son divin pouvoir, Que, libre et dans nos bois, j'adore ma cruelle. Sous ces ombrages verts je viens de voir Astrée Bois, dont elle parcourt les détours ténébreux, Ne me la cachez pas sous votre ombre sacrée. Ô dieux ! Je l'aperçois aux pieds d'un monstre affreux ! Des puissances d'Enfer ministre malheureux, Par quel droit nous l'as-tu ravie ? Inhumain, devais-tu seulement l'approcher ? Ce dard punira ta furie ! Tous mes efforts sont vains, et je frappe un rocher. Meurs, Céladon : qui me retient la main ? Fiers animaux, je vous réclame en vain ; Tout est marbre pour moi, tout est sourd à ma peine. Léonide, est-ce là cette faveur d'Ismène ? Je meurs enfin ; et plût aux dieux Que j'eusse pour témoins de ma mort ces beaux yeux ! Où suis-je ? Le soleil éclaire-t-il les morts ? Quoi ! je revois les mêmes bords Où ma divinité m'interdit sa présence ? C'est elle-même que je vois. Quoi ! vous m'avez pleuré ! Ces larmes précieuses Auraient arrosé mon tombeau ! Divinités, de mon sort envieuses, Avez-vous un destin si beau ? Les yeux de la divine Astrée M'ont vengé de votre courroux ; Vous ignorez les plaisirs les plus doux Descendez en une contrée Où de semblables yeux puissent pleurer pour vous. Peut-on vous trop aimer ? La Nymphe vient à nous. Princesse, notre sort Vous doit faire excuser ces marques de transport. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_astree *style_verse *genre_tragedie lyrique *dist1_lafontaine_verse_tragedie lyrique_astree *dist2_lafontaine_verse_tragedie lyrique *id_SEMIRE *date_1691 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_semire Perfide que je suis ! infortuné Sémire ! Les bruits qu'en ces hameaux je répands tous les jours Soulageront-ils mon martyre ? Que me sert de troubler d'innocentes amours ? J'aime Astrée et je tente un dessein téméraire : Je détruis son amant, mais que fais-je pour moi ? Ce qui le rend suspect de violer sa foi Me rend-il capable de plaire ? Au sein d'Astrée en vain j'ai versé cent poisons. L'implacable dépit, les injustes soupçons, L'aveugle et la sourde colère, La jalousie, au repos si contraire, Enfants de l'art dont je me sers, M'ont en vain procuré le secours des Enfers. Quel fruit aura ton crime, infortuné Sémire ? Les mensonges divers à quoi tu donnes cours Soulageront-ils ton martyre ? Que te sert de troubler d'innocentes amours ? Je me venge, il suffit ; je fais des misérables. N'est-ce pas un bien assez doux ? Achevons ; puis retirons-nous En des déserts inhabitables. Amants, heureux amants, dont je détruis la foi, Puissiez-vous devenir plus malheureux que moi ! Je vois déjà cette bergère en larmes Ce doit être l'effet des dernières alarmes Par qui mon imposture a séduit sa raison ; Laissons sur son esprit agir notre poison., **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_astree *style_verse *genre_tragedie lyrique *dist1_lafontaine_verse_tragedie lyrique_astree *dist2_lafontaine_verse_tragedie lyrique *id_PHILIS *date_1691 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_philis Ne le soupçonnez pas, ma soeur. Je connais encor mieux son coeur ; Tout m'est suspect, tout vous doit l'être Quelque ennemi secret vient d'imiter sa main. C'est un reste de feinte ; Vous-même avez pu voir avec quelle contrainte Il feignait des transports qu'il ne pouvait sentir. Qu'un véritable amant a de peine à mentir ! Sait-il votre pensée ? Il voit, depuis quelques jours Que sa flamme est traversée, Et qu'on trouble vos amours il veut vous ménager, en exposant Aminte. Sans doute il ne l'a pu. Ma soeur, bannissez ces alarmes Quel objet vous peut-on préférer sous les cieux ? Les coquettes les plus belles Ne touchent que faiblement. On peut, par amusement Feindre de brûler pour elles ; Et le plus crédule amant Les regarde seulement Comme on fait les fleurs nouvelles, Avec quelque plaisir, mais sans attachement. C'était à vous d'avoir de la prudence, En l'éloignant du danger De changer. À vos soupçons je ne saurais me rendre ; Mais voici mon dessein, ma soeur : D'Hylas depuis deux jours je ménage le coeur ; Je veux que pour Aminte il feigne de l'ardeur, C'est le moyen de tout apprendre Elle lui dira son secret. Je l'attends ; vous savez combien il est discret. Le voici. J'ai besoin, Hylas, de votre adresse. Puis-je compter sur vos serments ? Vous me rendez des soins ; mais ces empressements Sont-ils des effets de tendresse ? Ou ne sont-ce qu'amusements ? Sans cesse vous allez de bergère en bergère, Jurant de sincères amours : Zéphire n'eut jamais d'ardeur si passagère ; Eh ! comment s'assurer qu'une âme si légère Puisse ne l'être pas toujours ? Déclarer si bien son ardeur, Ce n'est pas ce qui nous engage Les vrais interprètes du coeur Ne sont pas les traits du langage. J'en croirai vos serments, si votre amour s'applique À m'instruire des feux d'Aminte et d'un berger. Il vient, partez. Adieu ; vous pourrez mieux vous éclaircir sans moi. Céladon dans les flots a terminé sa vie ; Comment le dirai-je à ma soeur ? Nous parcourons en vain tous les bords du Lignon. Reposons-nous, ma soeur ; entrons dans ce bocage. Il porte votre nom. Je viens de voir, au fond de cet ombrage, Ces mots écrits par Céladon "C'est dans cette demeure Qu'un amant exilé cherche en vain quelque paix. Que, pour le prix des pleurs qu'il y verse à toute heure, Puisse Astrée être heureuse, et n'en verser jamais !" Retirons-nous aussi, quittons cette demeure ; La peur m'y saisit à toute heure. Il est tard, et chacun s'en retourne aux hameaux ; L'ombre croît en tombant de nos prochains coteaux ; Rejoignons ces bergers : déjà la nuit s'avance, Dans ces lieux règne le silence. Bergers, attendez-nous... Ils ne m'écoutent pas... **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_astree *style_verse *genre_tragedie lyrique *dist1_lafontaine_verse_tragedie lyrique_astree *dist2_lafontaine_verse_tragedie lyrique *id_HYLAS *date_1691 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_hylas Quoi ! Vous doutez si je vous aime ? Eh ! Qui pourrait, Philis, vous voir sans vous aimer ? Vous avez plus d'appas que n'en a l'Amour même, Des traits à tout ravir, des yeux à tout charmer, Et vous doutez si je vous aime ! Si je n'aime Philis, que ce dieu me haïsse ! Qu'il me livre à des coeurs ennemis de ses traits ! Qu'à la fin mon bonheur dépende du caprice D'une bergère sans attraits ! N'est-ce pas Céladon ? La chose est si publique Qu'à de trop grands efforts ce n'est pas m'engager. Je vole où votre ordre m'appelle. Voilà l'effet que produit la constance ! Vantez, bergers, votre persévérance ! C'est une erreur de persister toujours Dans les mêmes amours. Raconte-moi donc son oracle. Que vois-je, juste Ciel ! Astrée et Céladon De ces monstres cruels ont éprouvé la rage ! De ces monstres horribles L'aspect n'est plus à redouter. Ces indiscrètes eaux vont vous accuser tous ; Vous feriez beaucoup mieux de croire que vos belles Sont fidèles. À quoi sert d'être jaloux ? C'est le moyen de déplaire, Et de faire Qu'à l'objet de vos voeux d'autres plaisent que vous. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_astree *style_verse *genre_tragedie lyrique *dist1_lafontaine_verse_tragedie lyrique_astree *dist2_lafontaine_verse_tragedie lyrique *id_TIRCIS *date_1691 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_tircis C'est un devoir de persister toujours Dans les mêmes amours. Hylas, y songes-tu ? Profaner un tel temple ! C'est ici que se doit accomplir le miracle Que la Fée a prédit aux rives du Lignon. Le sort est accompli, ne nous alarmons pas ; Le Ciel en ces amants achève son ouvrage. Pour finir tes frayeurs, entends l'oracle, Hylas « Le plus constant et la plus belle, Pour rendre à l'Univers cette glace fidèle, Détruiront un enchantement : On les verra mourir, mais d'une mort nouvelle ; Ils revivront en un moment. » Ne troublons point du sort les mystères terribles ; Sortons : à nos hameaux allons tout raconter. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_astree *style_verse *genre_tragedie lyrique *dist1_lafontaine_verse_tragedie lyrique_astree *dist2_lafontaine_verse_tragedie lyrique *id_GALATEE *date_1691 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_galatee Je ne me connais plus ; quelle nouvelle ardeur Se rend maîtresse de mon coeur ? Un berger cause ces alarmes. Doux et tranquilles voeux, qu'êtes-vous devenus ? Le sort offre à mes yeux un berger plein de charmes, Et depuis ce moment je ne me connais plus. Je me laisse conduire à mon inquiétude. Mais que fait Céladon ? Dis-moi, qu'en penses-tu ? Je vois qu'en secret tu me blâmes D'avoir pu concevoir de si honteuses flammes ; Mais, hélas ! qui n'aurait vainement combattu Contre les traits dont il a su m'atteindre ? Il allait expirer ; l'onde venait d'éteindre Le vif éclat de ses attraits : La pitié lui prêta ses traits. L'oracle, les destins, tout lui fut favorable. Rien ne vint s'opposer à ma naissante ardeur. Mes yeux me trompent-ils ? C'est à toi d'en juger. Par les noeuds de l'hymen le sceptre et la houlette Se sont unis plus d'une fois. L'amour n'est plus amour, dès qu'il cherche en ce choix Une égalité si parfaite. Mon coeur est excusable, et Galatée enfin Serait-elle, sans toi, dans cette peine extrême ? Léonide, ce fut toi-même Qui me fis, malgré moi, consulter ce devin. " Princesse, me dit-il, voici votre destin Une étoile ennemie autant que favorable, Peut vous rendre en hymen heureuse ou misérable. Dans ce miroir regardez bien ces lieux : Vers le déclin du jour il faudra vous y rendre ; Celui qui s'offrira le premier à vos yeux Est l'époux que le Ciel vous ordonne de prendre. " J'aperçus ce berger : résisterai-je aux dieux ? Eh ! n'ai-je pas les mêmes armes ? N'est-ce rien que mon rang auprès de Céladon ? Toutes les conquêtes d'éclat Flattent la vanité des hommes. Quelque constants qu'ils soient dans les lieux où nous sommes, La beauté dans mon rang ne fit jamais d'ingrat. Je tremble : je le vois. Quoi ! même en ma présence Il soupire, il se plaint aux échos d'alentour ! Céladon, contemplez nos jardins et nos bois Qui ne croirait que Flore y tienne son empire ? De ces oiseaux qu'Amour inspire Écoutez les charmantes voix. À charmer vos ennuis en ces lieux tout conspire Cependant c'est en vain que tout vous fait la cour. Nos soins, nos voeux, ce beau séjour, N'ont point d'agrément qui vous flatte. Galatée a sujet de se plaindre de vous : Faut-il que sans effet sa présence combatte Cette tristesse ingrate Que vous osez conserver parmi nous ? Songez plutôt à ma présence ; C'est la seule reconnaissance À quoi je veux vous engager. Vous soupirez, vous vous plaignez sans cesse Si c'est d'une ingrate maîtresse, Changez : vous pouvez faire un choix rempli d'appas. À souffrir tant de maux quel coeur peut vous contraindre ? Hélas ! le mien ne comprend pas Que vous deviez jamais vous plaindre. Mais quelle est cette Astrée ? Et depuis quand ses coups Tiennent-ils votre âme asservie ? Votre esclavage était-il doux ? Du Lignon en fureur dans ce fatal moment Contez-moi l'accident funeste. Vous pâlissez ; vous changez de visage. De vos chagrins, de cette triste image Puisse le Ciel vous délivrer ! Divertis ses soins, Léonide ; Fais-lui voir de ces lieux toutes les raretés ; Parle-lui de cet antre, où des flots enchantés Faisaient connaître un coeur ou constant ou perfide. J'ai déjà tout appris d'Ismène ; Tendres amants, vos voeux sont exaucés Venez voir en cette eau la fin de votre peine. Le printemps, avec toutes ses grâces, Ne nous paraîtrait pas entouré de plaisirs, Si l'hiver, environné de glaces, N'avait interrompu le règne des Zéphyrs. Que tout ce que ma Cour a de magnificence Accompagne aujourd'hui l'hymen de ces amants ; Inventez tous des divertissements Dignes de ma présence. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_astree *style_verse *genre_tragedie lyrique *dist1_lafontaine_verse_tragedie lyrique_astree *dist2_lafontaine_verse_tragedie lyrique *id_LEONIDE *date_1691 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_leonide Princesse, cherchez-vous ici la solitude ? Que de raisons ont fait entrer dans votre coeur Un ennemi si redoutable ! Princesse, il est charmant ; mais ce n'est qu'un berger. Princesse, son Astrée a pour lui trop de charmes. Vous ne connaissez pas les bergers du Lignon. Leurs amours sont leurs dieux : l'offense la plus noire Pour eux est l'infidélité. Aimer fait leur félicité ; Aimer constamment fait leur gloire. Il n'est plein que de son amour Par ses chagrins, jugez de sa constance. Dans le fond de ce bois est un antre sacré. Là, jadis chacun à son gré Pouvait, en regardant dans une onde fidèle Qui coule en ce lieu révéré, Connaître si l'objet en son coeur adoré Ne brûlait point de quelque ardeur nouvelle. Cette fontaine a nom la Vérité d'amour : On n'en approche plus ; deux monstres à l'entour Interdisent l'abord d'une source si belle. Vous aimez trop une beauté cruelle : Oubliez-la : cédez à des transports plus doux, Et songez qu'en ces lieux il est une princesse Dont les appas et la tendresse Sont dignes d'un amant aussi parfait que vous. Laissez la constance Aux heureux amants. Vous souffrez mille tourments ; Vous aimez sans espérance. Laissez la constance. Des plaisirs les plus charmants Amour ici récompense De si justes changements. Laissez la constance Aux heureux amants. Sa beauté ne saurait excuser sa rigueur. Céladon, il est vrai, votre bergère est belle ; Mais elle est fière, elle est cruelle, Elle abuse de votre coeur. Qui vous rend à ces lieux, Ismène, dites-moi ? Quels biens votre pouvoir ne va-t-il pas répandre Dans cet heureux séjour ! **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_astree *style_verse *genre_tragedie lyrique *dist1_lafontaine_verse_tragedie lyrique_astree *dist2_lafontaine_verse_tragedie lyrique *id_ISMENE *date_1691 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_ismene Le Ciel exaucera vos voeux ; Il me l'a fait savoir. Je suis la fée Ismène. Ma puissance et mon art vont vous tirer de peine. L'ordre secret des dieux ; j'exécute leur loi. Mon oracle doit vous l'apprendre Avant la fin du jour. Céladon, mettez fin à vos tristes alarmes. Votre bergère par ses larmes Veut elle-même vous venger. Elle croit que de son berger L'âme encor dans les airs, faute de sépulture, Autour de ces hameaux errante à l'aventure, Attend qu'un vain tombeau la vienne soulager. Je ferai plus encore et pour vous et pour elle Dans ce moment mon art vous fera voir Ses regrets et son désespoir. Princes de l'air, Nymphes, Héros, Génies, Calmez de ce berger les peines infinies. Faites-lui voir Astrée, et cachez-le à ses yeux. Rendez à cet objet l'honneur qu'on rend aux dieux. Et le temple, et l'autel, et les cérémonies, Vous ont été déjà par mon ordre prescrits. Faites votre devoir, purs et légers esprits, Princes de l'air, Nymphes, Héros, Génies. Rien ne peut plus troubler une si douce chaîne ; Achevons de remplir les ordres du Destin. Tout obéit à mon pouvoir divin ; Rien ne peut plus troubler une si douce chaîne ; Unissons ces tendres amants : Ils n'ont que trop souffert ; finissons leurs tourments. Du haut de leur gloire éternelle Les dieux ont daigné voir ces amants en ce jour, Et veulent rendre leur amour Heureux autant qu'il fut fidèle. Plus on a de tourments soufferts, Plus douce est la fin du martyre ; Plus Borée a troublé les airs, Et plus le retour de Zéphire Cause de joie à l'Univers. Esprits soumis à ma puissance, Venez, et, sous divers déguisements, Faites connaître à ces heureux amants Les surprenants effets de votre obéissance. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_astree *style_verse *genre_tragedie lyrique *dist1_lafontaine_verse_tragedie lyrique_astree *dist2_lafontaine_verse_tragedie lyrique *id_LIZETTE *date_1691 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lizette Chi pet mogl' mi vuol pigliar ? Son Lizetta, Fanciulletta, Vezzozetta, Leggiadretta, Son d'amore la saetta Fatta pet tutto infiammar. Chi per mogl' mi vuol pigliar ? Ogni fior, se non è colto, Cade, e da gli venti è tolto. Ahi, che tem' ch' al primo fiato Certo fior troppo guardato Meco piu non possa star ! Chi pet mogl' mi vuol pigliar ? Ô quanti becchi, Balordi e vecchi ! Qual bruttalacciol Qual nazonaccio ! Non voglio tal servitù, Ne mi maritaro più. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_astree *style_verse *genre_tragedie lyrique *dist1_lafontaine_verse_tragedie lyrique_astree *dist2_lafontaine_verse_tragedie lyrique *id_GALIOFFO *date_1691 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_galioffo Di voi sono inamorato. Il fantolin dio bendato Con un stral avelenato M' ha per voi ferito il cor. Rispondete a tanto ardor, E fate entrar, en sto di fortunato, Il mio vascel' tormentato Nel dolce porto d'amor. Voi mi sprezatte ! **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_astree *style_verse *genre_tragedie lyrique *dist1_lafontaine_verse_tragedie lyrique_astree *dist2_lafontaine_verse_tragedie lyrique *id_GAMBARINI *date_1691 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_gambarini Tu sci matt' d'amar sta bella. Speri tu qualche merce ? Quest' amor convien'a te, Com' all' asino la sella. Lizetta è fatta pet me, Com' io son fatto per ella. Son gioven', le è giovanella ; Son fedel, le è pien' di fe. Com' io son fatto pet ella, Lizetta è fatta per me. Voi mi beffate !