**** *creator_lafontaine *book_lafontaine_daphne *style_verse *genre_opera *dist1_lafontaine_verse_opera_daphne *dist2_lafontaine_verse_opera *id_JUPITER *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_jupiter Vous, qui voulez qu'à la fureur de l'onde Jupiter mette un frein, et repeuple ces lieux, Vous vous lassez trop tôt d'être seul dans le monde ; Mille voeux vont troubler cette paix si profonde Dont la terre à présent laisse jouir les cieux. Eh bien, faisons d'autres mortels : Vos talents et nos soins deviendront nécessaires. Les premiers des humains sont péris sous les eaux : Fille de ma raison, forgeons-en de nouveaux. Prométhée en fait des modèles ; Vents, allez le chercher, qu'il vienne sur vos ailes. Ouvre tes magasins. Vivez, nouveaux humains. Tel dieu sait l'avenir, qui n'a pas su prévoir Quels maux ce démon lui va faire. Mais un jour un prince viendra Qui plaira plus qu'il ne voudra. Le Destin parmi nous lui garde un rang insigne, Et je lui veux accorder, Afin qu'il en soit plus digne, L'art de savoir commander. Mars lui promet en apanage La grandeur d'âme et de courage. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_daphne *style_verse *genre_opera *dist1_lafontaine_verse_opera_daphne *dist2_lafontaine_verse_opera *id_VENUS *date_(non *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_venus Charmante oisiveté, repos délicieux ! Quoi ! le sommeil pourrait aux déesses déplaire ! Ne point souffrir, Ne point mourir, Et ne rien faire, Que peut-on souhaiter de mieux ? Ce qui fait le bonheur des dieux, C'est de n'avoir aucune affaire, Ne point souffrir, Ne point mourir, Et ne rien faire. Mon fils, par de secrètes causes, Peut encor mieux que vous les calmer à son tour : Rien n'a d'empire sur l'Amour, L'Amour en a sur toutes choses. Le plus magnifique don Qu'aux mortels on puisse faire, C'est l'amour. C'est l'amour. Amour, qu'il est doux de te suivre ! Laissez-vous enflammer. Que vaut la peine de vivre, Sans le doux plaisir d'aimer ? Le démon opposé n'a pas moins de pouvoir. Souvent nous haïssons ce qui devrait nous plaire. Moi, l'agrément. Qu'est devenu mon fils ? Mortels, le savez-vous ? Je souffre, je languis, je meurs en son absence : Si l'Amour ne me suit, rien ne me semble doux. Heureux les lieux qu'anime sa présence ! Heureux tout l'Univers qui me doit sa naissance ! Qu'est devenu l'Amour ? Échos, le savez-vous ? Quel nouveau coeur aujourd'hui de ses coups Éprouve la puissance ? Qu'est devenu l'Amour ? Échos, le savez-vous ? Je souffre, je languis, je meurs en son absence. Ah ! Mon fils, d'où viens-tu ? Amour, tu sais dompter les coeurs et les esprits. Que la terre et les cieux célèbrent de mon fils La dernière victoire ! Mortels et dieux, chantez sa gloire. Allez de toutes parts, courez, Amours et Ris ; Faites connaître de mon fils Le doux et le suprême empire : Ne laissez rien qui ne soupire. Allez de toutes parts, courez, Amours et Jeux ; Rendez l'Univers amoureux **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_daphne *style_verse *genre_opera *dist1_lafontaine_verse_opera_daphne *dist2_lafontaine_verse_opera *id_MINERVE *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_minerve Ou plutôt, repos ennuyeux ! Est-ce ainsi qu'on a des autels ? Laissez-moi régler ces transports. C'est la raison. Le don le plus nécessaire Aux hôtes de ce séjour, C'est la raison. Que vous vous tourmentez, mortels ambitieux, Désespérés et furieux, Ennemis du repos, ennemis de vous-mêmes ! A modérer vos voeux mettez tous vos plaisirs : Régnez sur vos propres désirs ; C'est le plus beau des diadèmes. Moi, la vertu. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_daphne *style_verse *genre_opera *dist1_lafontaine_verse_opera_daphne *dist2_lafontaine_verse_opera *id_MOMUS *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_momus Ne vous faites point tant d'affaires. Sont-ce là des humains ? Quelle race immobile ! J'aimais mieux la première, encor que moins tranquille. Fais-leur faire quelques pas. Quelles gens ! Ce n'est qu'une machine. Je la trouvais trop lente, et la voilà trop vive. D'où vient que si mal assortie Cette belle a fait choix d'un vieillard pour amant ? Demeurons encore où nous sommes : Ai-je pu voir en un instant Toutes les sottises des hommes ? Par vos puissants efforts, invincible Apollon, On ne craint plus ici les fureurs de Python. Les habitants de ces rivages DeVÉNUS plus heureux, n'en seront pas plus sages : Le temps de la sottise est celui du bonheur. Elle vous a comblé d'honneur, Et rien n'égale votre gloire. Vous méprisez celui qui tient tout sous sa loi. Si l'Amour vous entend ? Parlez bas, c'est un dieu ; s'il venait à paraître ? Qui donne à Jupiter un maître, Vous en pourrait donner aussi. Que cet enfant est fier ! Voyez comme il menace ! Ne le prendrait-on pas pour l'aîné des Titans ? Je plains le dompteur de serpents ; Il ne fait pas sûr en sa place. Elle fuit. Mille amours ? C'est beaucoup ; je n'en ai pas tant vu. Vous aimez ; vous voyez d'un autre oeil que le nôtre : De quelques qualités qu'un objet soit pourvu, L'amant y voit toujours ou plus ou moins qu'un autre. Passerons-nous pour dieux ? Pour mortels, car les dieux, par leur grandeur suprême Ne font souvent qu'embarrasser : On les craint plus qu'on ne les aime. Les vrais amants doivent toujours Sous un maître commun vivre d'égale sorte : Ou monarques ou dieux, n'entrez chez vos amours Qu'après avoir laissé vos grandeurs à la porte Et moi, son suivant Télamon Que si sur mon chemin quelque Nymphe jolie Se rencontre en passant, je prétends bien aussi La cajoler, m'approcher d'elle, Non pas en amoureux transi : Je vous veux servir de modèle Et cependant, allons conquérir votre belle. A quelques filles de la noce, près desquelles il se rencontre : Pour un pareil lien formez-vous point des voeux ? Songez-y bien, bergères : Hyménée est un dieu jeune, charmant, et blond ; Mais les jours avec lui ne se ressemblent guères : Le premier est amour, amitié le second, Le troisième froideur ; songez-y bien, bergères. Que vous êtes reprenante, Gouvernante ! Laissez-nous causer en paix : Laissez la jeunesse rire : Elle inspire Toujours d'innocents secrets. Je crois que vous êtes sage : À votre âge On le doit être, ou jamais. Vingt ou trente ans de veuvage, C'est dommage, Ont refroidi vos attraits. Ah ! si selon vos souhaits Vous redeveniez aurore, Vous vous serviriez encore De vos traits. Vous qui de votre sort, voulez être éclaircis, Consultez, comme moi, le démon de la treille ; Mon oracle est Bacchus, quand j'ai quelques soucis, Et ma sibylle est la bouteille. Cette chasse m'altère. Ah ! Si Bacchus... Je crois Que ce dieu m'entendait. Noyez-en dans le vin la funeste mémoire. Toujours le vin et la satire Tiennent aux tables le haut bout ; Tu sais boire, et je sais médire : Voilà de quoi passer partout. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_daphne *style_verse *genre_opera *dist1_lafontaine_verse_opera_daphne *dist2_lafontaine_verse_opera *id_PROMETHEE *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_promethee Que me veut Jupiter ? Paraissez, nouveaux humains. Vous ne les connaissez pas. Descendez. C'est l'idole d'un sage. Leur coeur en est tout plein ; ce n'est qu'ambition, Colère, désespoir, crainte, ou joie excessive. Machine, on veut voir vos ressorts ; Quittez tous ces trompeurs dehors. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_daphne *style_verse *genre_opera *dist1_lafontaine_verse_opera_daphne *dist2_lafontaine_verse_opera *id_CHOEUR *date_(non *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_choeur Que vaut la peine de vivre, Sans le doux plaisir d'aimer ? Heureux qui par raison doit plaire ! Plus heureux qui plaît par amour ! Daphné doit aujourd'hui couronner Apollon. Comment faire Pour se taire ? **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_daphne *style_verse *genre_opera *dist1_lafontaine_verse_opera_daphne *dist2_lafontaine_verse_opera *id_APOLLON *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_apollon Voici Tempé, cette vallée Dont on vante partout l'ombrage et les beautés ; Et voilà les flots argentés Qu'y fait couler le dieu Penée. Plus loin vers ces sommets mon empire s'étend. N'y veux-tu pas venir, Momus ? On nous attend. Mais que dis-tu de ma victoire ? Que le fils de VÉNUS cesse de se vanter Qu'ainsi que nous il sait porter Un carquois, un arc, et des flèches ; C'est un enfant qui fait des brèches Dans les coeurs aisés à dompter. Il remporte toujours des victoires faciles ; Je défais des serpents qui dépeuplent des villes. Et que crains-tu pour moi ? Un dieu ! c'est un enfant : quitte ce vain souci. Ah ! Qu'ai je vu, Momus ! Que de traits éclatants ! Que de jeunesse, que de grâce ! Mille amours avec elle ont paru. Déesse, tu me fuis ? T'ai-je déjà déplu ? C'est pourtant Apollon qui t'aime, qui t'adore. Je n'en puis plus, je sens un feu qui me dévore : Reviens, charmant objet ! Et vous, Olympe, cieux, Je vous dis d'éternels adieux ; Je vous méprise, je vous laisse : Qu'êtes-vous près de ma déesse ? Tout votre éclat vaut-il un seul trait de ses yeux ? Ne la verrai-je plus ? Faut-il que cette belle Emporte mes plaisirs et mon coeur avec elle ? Demeurons sur ces bords, je ne les puis laisser. Et pour qui donc passer Je te croirai ; changeons de nom : Je m'appelle Tharsis, satrape de Lycie. Tu me fuis, divine mortelle ! Où cours-tu ? N'aperçois-tu pas Un précipice sous tes pas ? Il est plein de serpents : détourne-toi, cruelle. Suis-je encor plus à craindre ? Et rien dans ce vallon Ne peut-il t'arrêter quand tu fuis Apollon ? Quoi ! Tant de haine en une belle ! Insolent, qui brûles pour elle, Renonce à l'hymen de Daphné ; C'est Apollon qui te l'ordonne. Regarde quel rival ton malheur t'a donné. Ô dieux ! Ô citoyens du lumineux empire ! Que vient un mortel de me dire ? Malheureux, ton orgueil s'en va te coûter cher. Les dieux ne sont pas insensibles. Qu'on l'attache sur ce rocher Avec des chaînes invisibles. Pourquoi finir vos jours en des lieux pleins d'ennui ? Trouvez-vous le dieu du Parnasse Plus affreux qu'un désert ? Hélas ! ce dieu la chasse : Elle aime mieux mourir que régner avec lui. C'est toi qui nous causes ces peines. Mortel, contre les dieux oses-tu contester ? Qu'on redouble ses chaînes Démons ! Daphné, C'est contre vous que retournent ces armes. La pitié redouble vos charmes ; En combattant l'amour, elle le rend vainqueur. Votre douleur vous nuit ; vous en êtes plus belle. Venez, venez être immortelle : Je l'obtiendrai du Sort, ou je jure vos yeux Que les cieux Regretteront notre présence. Zéphyrs, enlevez-la malgré sa résistance. Barbare, qu'as-tu fait ? Détruire un tel ouvrage ! Faire à ton frère un tel outrage ! Cruelle soeur, Cruelle, et cent fois plus sauvage Que les ours avec qui tu vis ! Que de trésors tu m'as ravis Rends-moi ces biens, rends-moi ce divin assemblage. Daphné, vous n'êtes plus, j'ai perdu mes amours, Et ne saurais perdre la vie Heureux mortels, vos Pleurs cessent avec Vos jours : La mort est un bien que j'envie. Puissent les cieux cesser leur cours ! Périsse l'Univers avecque ma princesse Puis-je t'ajouter foi ? m'as-tu fait cette grâce ? Allons, et que sur le Parnasse On célèbre des jeux à l'honneur de Daphné. Que le vainqueur y soit de laurier couronné. Bel arbre, adieu. je quitte à regret cette place, Et veux qu'à l'avenir on ceigne de lauriers Le front de mes sujets et celui des guerriers. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_daphne *style_verse *genre_opera *dist1_lafontaine_verse_opera_daphne *dist2_lafontaine_verse_opera *id_PENEE *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_penee Dieux tributaires de mon onde, Je veux, par les beautés de ce moite séjour, Arrêter quelque temps deux princes à ma Cour ; Que votre zèle me seconde ! Que le Sort vous a rendus heureux ! Hyménée et l'Amour fréquentent vos rivages : Vos grottes quelquefois leur prêtent des ombrages : Ces dieux me méprisent tous deux. Combien de coeurs depuis ce temps Ont en vain soupiré pour elle ! Ah ! si Tharsis pouvait la rendre moins cruelle ! Hélas ! Jamais Daphné n'aimera que les bois. J'approuve vos raisons ; et Daphné, pour me plaire, Doit faire en mon palais les honneurs de ce jour. On y va célébrer l'hymen du jeune Amphrise Il s'engage avecque Florise ; La fête arrêtera ces princes à ma Cour : Allons en prendre soin. Daphné vient, et Clymène ; Entrons dans la grotte prochaine. Laissez-nous achever cette cérémonie. Daphné, rendez grâces aux dieux : Cet ours fatal aux bergeries, Fatal aux autres ours, teint de sang nos prairies ; Tharsis a vaincu seul ce monstre furieux. Ma fille, venez voir aussi l'énorme bête. Réjouissez-vous, bergers ; Que les ours soient de la fête : Ils avaient part aux dangers. Ma fille, tout est prêt ; Ismèle va sortir : N'ayez point de repentir, Si le choix des dieux est autre Que le vôtre. Ismèle, servez-vous vous-même d'interprète ; Expliquez-nous l'ordre des dieux. Couronner Apollon ! Qu'importe à l'hyménée De la fille de Pénée ? Pour comprendre ces mots, je fais un vain effort. Ma fille, rendez-vous aux volontés d'un père : Qu'il soit votre oracle aujourd'hui Aimez Tharsis ; il vous doit plaire ; Toute notre Cour est pour lui. L'hymen change les coeurs : suivez mes volontés. Moi, je perdrais Daphné ! qu'ai-je à conserver qu'elle ? L'hymen m'a-t-il fait d'autres dons ? **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_daphne *style_verse *genre_opera *dist1_lafontaine_verse_opera_daphne *dist2_lafontaine_verse_opera *id_DAPHNE *date_(non *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_daphne Amour, n'approche point de nos ombrages doux, De nos prés, de nos fontaines ; Laisse en repos ces lieux ; assez d'autres que nous Se feront un plaisir de connaître tes peines. Chloris, n'est-ce pas la ta soeur que tu m'amènes ? Cherchons, cherchons des fleurs ; l'âge nous y convie : Parons-nous de bouquets pendant notre printemps : Les plaisirs ont chacun leur temps, Comme les saisons de la vie J'entends de nos bergers le concert plein d'appas. Qu'ils chantent, je le veux, mais qu'ils n'approchent pas. Déployons nos trésors. Et vous ? Quel mauvais choix vous avez fait, ma soeur ! Vous nous direz, pour votre peine, Une chanson contre l'Amour. Cependant je veux que ma Cour Jure de lui porter une éternelle haine ; Jurez la première, Clymène ! Je veux que vous juriez ; dites donc après moi : Amour, Si jamais sous ta loi Je respire, Je consens de mourir. Je consens de mourir, si jamais je soupire. Clymène, acquittez-vous ; accompagnons ses sons, Et que nos pas animent nos chansons. Méroé, poursuivez nos divertissements. Ah, Clymène ! Plains-moi. Je ne me connais plus ; ce n'est plus moi, Clymène : Ces puissants dédains, cette haine, Ces serments contre Amour, que sont-ils deVÉNUS. Un mortel les rend superflus. Hélas ! il vient de me dire sa peine, Et depuis ce moment je ne me connais plus. Je crois ? Si tu le veux, qu'on en est enchanté, Cependant il me cause une invincible haine ; Contre lui dans mon âme un dieu me semble agir. Ah, Clymène ! Ne me regarde point, tu me ferais rougir. Hélas ! le mien aussi ; mais garde-toi, Clymène De découvrir ma flamme, et l'exposer au jour : Plains-toi que de Tharsis je méprise la peine ; Notre sexe veut bien que l'on sache sa haine, Mais il met tous ses soins à cacher son amour. Non, Seigneur, je ne puis recevoir vos hommages ; Offrez-les à d'autres objets ; Abandonnez nos rivages : Quel plaisir aurez-vous parmi des coeurs sauvages ? Fuyez cette triste douceur. Il vaut mieux qu'une prompte absence Rende le calme à votre coeur, Que de vous voir enfin guéri par ma rigueur, Ma haine, ou mon indifférence. Son amour ; c'est assez : je le dis à regret. Vous avez dans mon coeur quelque ennemi secret Qui met un voile sur ces charmes A qui d'autres auraient déjà rendu les armes. Enfin quittez nos bords, Seigneur, vous ferez mieux ; Qui ne peut être aimé doit s'éloigner des lieux Où sans cesse il peut voir le sujet de ses peines. Faut-il livrer son coeur à d'éternelles gênes Pour le plaisir de ses yeux ? Je vous laisse, et me tais ; ma fuite et mon silence Vous seront des tourments plus doux. Je vous ai tous deux entendus : Heureuse, si Tharsis ne me pressait pas plus ! Oui, Leucippe, approchez ; On ne craint pas votre présence ; Venez me consoler de celle de Tharsis. J'ai souffert votre amour ; répondez-vous vous-même. Quand il aurait pour lui le dieu même hyménée, Ce n'est pas son bonheur qui fera votre mal. Attendez la réponse d'Ismèle : Peut-être elle sera favorable à nos voeux. Allez : il reviendra quelque moment heureux ; Daphné craint qu'on ne trouve un amant avec elle. Que notre sexe a d'ennemis ! A combien de tyrans le destin l'a soumis ! Des amants importuns, un père inexorable, Un devoir impitoyable ; Tout combat nos désirs : trop heureuses encor Si nous n'avions que cette peine ! Mais il faut, par un double effort, Ainsi que notre amour, surmonter notre haine. Hélas ! J'en crus autant, lorsqu'en notre prairie Je le vis arriver inconnu dans ces lieux. Maintenant mon coeur tâche à démentir mes yeux. Ne m'en accusez point : quelque force suprême M'entretient malgré moi dans cette erreur extrême. Que Tharsis soit parfait, qu'il ait l'air qu'ont les dieux, Est-ce par raison que l'on aime ? Quoi ! Seigneur, vous aussi vous me persécutez ! De ses autres tyrans sans peine on se console ; Mais d'un père ! un père m'immole ! Je tiens le jour de vous, Seigneur ; vous me l'ôtez. Cependant, quand je vous appelle Du plus tendre de tous les noms, Vous ne vous souvenez que de votre puissance ; Vous regardez l'obéissance, La raison, et jamais d'autres tyrans plus doux ; Il en est toutefois. Leucippe vient à nous : Je lui vais ôter l'espérance. Vous le voulez, Seigneur ; je le lis dans vos yeux. Leucippe, il faut tâcher d'éteindre votre flamme. Je ne puis être à vous. Cet oracle odieux Vient de mon père seul. Il le faut. Quoi ! Faut-il que mon coeur soit par vous soupçonné ? Cruel ! n'avais-je pas encore assez de peine ? Plût au Ciel que Tharsis causât seul vos alarmes, Et qu'un père... Eh ! Que sert d'achever Un souhait qu'on sait bien qui ne peut arriver ? Ne m'aimez plus. Vos tourments ont pour moi quelque chose de doux, Il est vrai ; mais cessez. Leucippe, si je vous perds, Il faut que dans nos déserts La solitude me donne Un sort plus calme et plus doux ; Et ne pouvant être à vous, je ne veux être à personne. Qui vous consolera ? Ne le savez-vous pas ? Je sens qu'on me repousse : Quelque charme arrête mes pas. Mais, si c'est adoucir vos peines Qu'y prendre part, souffrir ces gênes, Gémir avec vous sous ces chitines, Vous aimer malgré tous, malgré Cieux, malgré Sort, Votre princesse en est capable. Hélas ! J'irrite un dieu jaloux et redoutable. À qui dois-je adresser ma voix ? Je n'ose t'invoquer, déesse de nos bois . Dans ta Cour, dans ton coeur, autrefois j'avais place ; L'amour m'en a bannie ; écoute toutefois : Je ne demande point pour grâce Que tu souffres mes feux, et qu'un hymen charmant Engage à d'autres dieux celle qui t'a servie ; Délivre seulement Mon amant, Et prends le reste de ma vie. Faites-les arrêter. Pouvez-vous bien me voir à vos pieds toute en larmes, Sans vous laisser toucher le coeur ? Ô dieux ! Consentez-vous à cette violence ? **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_daphne *style_verse *genre_opera *dist1_lafontaine_verse_opera_daphne *dist2_lafontaine_verse_opera *id_LEUCIPPE *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_leucippe Puis-je interrompre le silence Qu'en ces paisibles lieux peut-être vous cherchez ? Me le permettez-vous ? Et qu'ordonnerez-vous de mes propres soucis ? Mon rival ne peut plaire à l'objet qu'il adore, Un sentiment jaloux ne me peut alarmer : C'est beaucoup ; mais que dis-je ? ah ! ce n'est rien encore Vous savez bien haïr, mais pourriez-vous aimer ? Ô dieux ! qu'ai-je entendu ? quelle gloire suprême ! Quel bonheur ! Doux transports qui venez me saisir, Exprimez, s'il se peut, ma joie et mon plaisir, Et votre juste violence. Princesse, après l'aveu qui vient de me charmer, Je ne sais rien, pour m'exprimer, Que le langage du silence. Je bénis mon destin, et cependant Pénée Favorise mon rival. Et mon bien ? Ô cieux ! Injustes cieux ! Est-ce là votre arrêt ? Votre père et les dieux Disposent de mon sort, mais non pas de mon âme : Moi-même en suis-je maître ? Ah ! Daphné ! Que ce mot est facile à dire ! Et que l'amour possède avecque peu d'empire Un coeur que la contrainte a si tôt entraîné ! Enfin donc le Destin me déclare sa haine ; Vous serez à Tharsis ; et moi, par mes soupirs, J'augmenterai ses plaisirs. Achevez. Il n'importe, mon âme y trouvera des charmes. Le puis-je ? Et le souhaitez-vous ? Hélas ! Cesser de vivre Est le seul remède à mon mal. Voilà le parti qu'il faut suivre ; Mais avec moi je veux perdre aussi mon rival. Vous ne me serez pas impunément ravie : Non, Daphné. Vous pleurez ? Ah ! Princesse, je dois Mourir pour vos yeux mille fois. Avant qu'avoir Daphné, Tharsis aura ma vie. Je ne puis voir tant de biens En d'autres bras que les miens : Que mon rival me les cède, Et renonce à votre amour, Ou qu'il m'ôte aussi le jour Si l'on veut qu'il vous possède. Mon malheur ? Dis le tien. Toi, le fils de Latone ! N'es-tu pas ce Tharsis que tantôt on a vu ? D'un magique ornement ton front s'est revêtu. Enchanteur, penses-tu que ta pompe m'étonne ? Ce n'est qu'un songe, ce n'est rien ; Va tromper d'autres yeux, et me laisse mon bien. Astres, soyez témoins de ces injustes fers. J'atteste ici tout l'Univers, Et les vents emportent ma plainte. Jupiter, je t'implore ; on veut forcer les coeurs : Il n'est plus de libres ardeurs, Ni d'autres lois que la contrainte. Loges-tu dans le ciel ou dans les antres sourds ? Écoutez-moi, déserts ; on m'ôte mes amours : Est-il douleur pareille ? Qui me consolera sur ce rocher fatal ? Leucippe est un spectacle à son cruel rival. Déserts, écoutez-moi : les dieux ferment l'oreille. Quoi ! Je vous vois ! C'est vous ! C'est ma princesse ! Hélas ! J'avais perdu l'espoir d'une faveur si douce. Craignez-vous d'approcher ? Apollon, Apollon, tu fais un vain effort ! Je ne suis plus le misérable. Mes amours sont mes dieux. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_daphne *style_verse *genre_opera *dist1_lafontaine_verse_opera_daphne *dist2_lafontaine_verse_opera *id_THARSIS *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_tharsis Que je dois au Destin de m'avoir arrête En des lieux ou l'on voit briller votre présence ! Vous y régnez par la beauté, Aussi bien que par la naissance : Souffrez que j'y demeure au rang de vos sujets. Je vous verrai. Ô Ciel ! Lui dois-je ajouter foi ? Quoi ! Ne pouvoir m'aimer ! me haïr ! me le dire ! Amour, tyran des coeurs, depuis que sous ta loi On gémit, on pleure, on soupire, Fut-il jamais amant plus malheureux que moi ? Que je sache au moins, inhumaine, Ce qu'a Tharsis en lui de si digne de haine ? Princesse, demeurez : je trouve votre absence Plus cruelle encor que vous. Suis-je donc le fils de Latone ? Ai-je dompté Python ? Suis-je un dieu ? Je n'ai pu Gagner une mortelle ! un enfant m'a vaincu ! Qu'il m'ôte mes autels : que sert-il qu'on me donne En ces lieux l'encens qui m'est dû ? Et qu'est-ce que l'encens qu'une chose frivole Près des moindres faveurs que nous font de beaux yeux ? Daphné, vous me pourriez d'une seule parole Mettre au-dessus des autres dieux. Tu ris. Je n'ose plus parler de mes feux à Daphné. L'Amour m'accompagnait ; lui seul en a la gloire : Ce n'est pas à mes mains qu'on doit cette victoire, Belle Daphné, c'est à vos yeux. Daphné ne peut souffrir ma flamme. Si je parlais au sort ? Je vais le consulter. Attends ici Tharsis. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_daphne *style_verse *genre_opera *dist1_lafontaine_verse_opera_daphne *dist2_lafontaine_verse_opera *id_TELAMON *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_telamon Ceci vous trouble et vous étonne. Espérez ce mot favorable : Il n'est amant si misérable Qui n'espère. Jupiter vous vaut bien : Je ris aussi quand l'Amour veut qu'il pleure. Vous autres dieux, n'attaquez rien Qui, sans vous étonner, s'ose défendre une heure : Sachez que le temps seul en a plus couronné Que tous les efforts qu'on peut faire. Laissez dormir sa colère. Après que l'on vous aura Contraint longtemps de vous taire, Un moment arrivera Que l'on vous écoutera. Que vous avez de grâce à porter un carquois ! Rien ne vous sied si bien. On ne vous l'a pas dit peut-être au fond d'un bois. En ces forets, je vous prie, Écartons-nous un moment, Et mettons de la partie L'ombre et l'amour seulement. C'est trop s'en défier. Mais, dites-moi, Clymène, Daphné montre en ses yeux une secrète peine ; Qui la cause ? Leucippe est-il ce bienheureux ? Ou plutôt est-ce un dieu qui s'attire ces voeux ? Je m'y connais, l'Amour la touche. N'en saurai-je pas plus ? Vous voulez garder ce secret : Je serais importun aussi bien qu'indiscret Si je vous pressais trop, et la chasse m'appelle. Adieu, Nymphe cruelle. Changera-t-il son âme ? **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_daphne *style_verse *genre_opera *dist1_lafontaine_verse_opera_daphne *dist2_lafontaine_verse_opera *id_APIDAME *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_apidame Laissez agir le temps ; il peut tout auprès d'eux. A peine a-t-il encor fait passer la princesse Des appas de l'enfance à ceux de la jeunesse : Deux soleils ont à peine éclairé son printemps. Il faut peu pour changer ces âmes si sévères ; L'exemple à ce doux noeud les amène toujours. Des bergers chantant leurs amours, Dans les bras de l'hymen voir mener des bergères, Et leurs folâtres jeux sur les vertes fougères, Apprivoisent les coeurs, qui, deVÉNUS plus doux, S'accoutument aux mots d'amour, d'amant, d'époux ; Des mots on en vient au mystère. Tels étaient ces mortels pour qui l'idolâtrie Commença d'introduire au monde son pouvoir. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_daphne *style_verse *genre_opera *dist1_lafontaine_verse_opera_daphne *dist2_lafontaine_verse_opera *id_AMPHRISE *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_amphrise Ces plaisirs passeront : tout passe dans la vie ; De différents désirs elle est entre-suivie ; On y change d'humeur, on y change d'envie ; On y veut goûter de tout. Le plus libre enfin se lie ; Tôt ou tard on s'y résout. Les dieux à leur interprète Ont fait un étrange don ; Ne peut-on être prophète, Si l'on ne perd la raison ? Un prophète entend-il les choses qu'il annonce ? C'est à l'événement d'expliquer sa réponse. Nos conseils ont été frivoles ; La seule obscurité fait le prix des paroles Que l'on cherche aux livres du Sort. Il a tout l'air d'un dieu ; l'on dirait à le voir, Que l'Olympe est sa patrie. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_daphne *style_verse *genre_opera *dist1_lafontaine_verse_opera_daphne *dist2_lafontaine_verse_opera *id_SPERCHEE *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_sperchee Consultez la Sibylle Ismèle : Les dieux peut-être par sa voix Obligeront Daphné de suivre votre choix **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_daphne *style_verse *genre_opera *dist1_lafontaine_verse_opera_daphne *dist2_lafontaine_verse_opera *id_MEROE *date_(non *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_meroe Moi, les plus vives en couleur. J'ai vu le temps qu'une jeune fillette Pouvait, sans peur, aller au bois seulette. Maintenant, maintenant les bergers sont loups : Je vous dis, je vous dis : « Filles, gardez-vous. » Vraiment, Télamon, La leçon Est jolie. Changez de place, Iris ; venez ici, Célie, Pholoé, ne l'écoutez plus. J'en suis d'avis ; mes soins deviendront superflus ; Télamon corrompra cette troupe innocente. Me faudra-t-il aussi souffrir la raillerie ? **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_daphne *style_verse *genre_opera *dist1_lafontaine_verse_opera_daphne *dist2_lafontaine_verse_opera *id_CHLORIS *date_(non *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_chloris Viens, ma soeur. Viens goûter une vie Dont le calme est digne d'envie. Notre Nymphe a banni de ces lieux si charmants Ce peuple d'importuns que l'on appelle amants. La voici. Je vous la viens offrir. Nous cherchions en ces lieux Ce que Flore a pour vous de dons plus précieux. J'ai cueilli les plus belles. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_daphne *style_verse *genre_opera *dist1_lafontaine_verse_opera_daphne *dist2_lafontaine_verse_opera *id_ISMELE *date_(non *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_ismele Monarque de l'Olympe, en qui sont tous les temps, Qui les fais devant toi passer comme moments, Et pour qui n'est qu'un point toute la destinée, Dis-nous, Ô maître des dieux, À qui doit être donnée La princesse de ces lieux. Où sont tes truchements ? Es-tu sourd aux prières ? Fantômes, qui savez peindre en mille manières Les secrets du destin gravés au haut des cieux, Simulacres volants, frères du dieu des songes, Faites-nous voir sans mensonges Ce qu'ont ordonné les dieux Sur un si digne hyménée ; Dites-nous la destinée De la Nymphe de ces lieux. Que vois-je ! Quel objet ! Quelle image à mes yeux Si vive et si claire9 Vient se présenter, Et me tourmenter Plus qu'à l'ordinaire ? L'objet Me fait Tressaillir : Je sens Mes sens Défaillir. Qu'on se taise : soyez attentifs aux mystères. J'épands en l'air ces caractères : C'est ma réponse ; il faut la poser sur l'autel. Démons, peuples légers, ministres de l'oracle, Cherchez-la ; car aucun mortel Ne la peut trouver sans miracle. Approchez-vous, lisez, et que dans ce vallon Un invisible choeur mon oracle répète. Adieu, princesse, adieu, je vous laisse en ces lieux. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_daphne *style_verse *genre_opera *dist1_lafontaine_verse_opera_daphne *dist2_lafontaine_verse_opera *id_DIANE *date_(non *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_diane Démons, gardez de lui toucher ! Deviens laurier, Daphné ; Leucippe, sois rocher. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_daphne *style_verse *genre_opera *dist1_lafontaine_verse_opera_daphne *dist2_lafontaine_verse_opera *id_MERCURE *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_mercure Chacun de vous doit être couronné : Recevez ces présents de la part de Daphné. Elle est maintenant déesse, Aimant le dieu de ces lieux : Poussez-en jusques aux cieux Des chants remplis d'allégresse. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_daphne *style_verse *genre_opera *dist1_lafontaine_verse_opera_daphne *dist2_lafontaine_verse_opera *id_MELPOMENE *date_(non *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_melpomene Ce n'est pas l'ouvrage d'un jour : Sublime, allez dormir encor sur le Parnasse, Et vous, clairons, faites place Aux doux concerts de l'Amour. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_daphne *style_verse *genre_opera *dist1_lafontaine_verse_opera_daphne *dist2_lafontaine_verse_opera *id_THALIE *date_(non *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_thalie Ridicules, envoyez-nous Les principaux d'entre vous. Soyez les premiers à rire. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_daphne *style_verse *genre_opera *dist1_lafontaine_verse_opera_daphne *dist2_lafontaine_verse_opera *id_PHILIS *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_philis Les Zéphyrs sont de retour : Flore avec eux se promène. De quoi parle en ce séjour La savante Philomèle ? **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_daphne *style_verse *genre_opera *dist1_lafontaine_verse_opera_daphne *dist2_lafontaine_verse_opera *id_DAPHNIS *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_daphnis Savez-vous qui les ramène ? C'est l'Amour. Et de quoi parlerait-elle, Que d'amour ?