**** *creator_laforge *book_laforge_joueusedupee *style_verse *genre_comedy *dist1_laforge_verse_comedy_joueusedupee *dist2_laforge_verse_comedy *id_CLIDAMANT *date_1664 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_clidamant C'est se moquer du monde, et sans doute Uranie Ne se ressouvient pas qu'elle attend compagnie. Pour avoir le plaisir d'être longtemps au jeu, Elle m'avait promis de se presser un peu Cependant il est tard. Mais elle ne dit pas ce que le jeu lui vaut, Et que les... Eh bien, pour t'apaiser reçois cette monnaie. Sans compliment, prends ces écus pour gage D'en recevoir bientôt douze fois davantage. C'est bien fait ; mais, Lisette, à ton tour Tu peux... Je te suis obligé, mais au moins dis-lui bien... Tu rêves, Turlupin ; d'où vient cette surprise ? Que veux-tu, j'adore Cléonice, Et n'ai qu'un seul moyen d'apaiser mon supplice : Uranie est joueuse ; il faut, par mon malheur, Ou ne point voir sa fille, ou flatter son humeur. Pour plaire à mon amour, je ferais davantage. De ces avis en vain ne me romps plus la tête, J'ai su tous leurs détours. Mais tu risques toi-même, et perds ainsi qu'un autre. Va, va, dans peu de temps nous aurons la revanche : J'ai pour les abuser un marquis dans ma manche. C'est un de ces marquis si connus au théâtre, De la façon desquels le peuple est idolâtre, Et qui couvrent leurs noms d'un noble marquisat Pour attraper la dupe, et se moquer du fat. La mode dans Paris en est toute commune. Ils savent par adresse attirer la fortune ; Le jeu les entretient, et la plupart du temps... Mais il faudrait avoir une intrigue de même, Être sûr des marchands et de tout leur crédit, Mentir adroitement, railler avec esprit, Des cartes et des dés connaître tous les pièges, Parler à tous moments de combats et de sièges, Savoir entretenir et Bacchus et l'Amour, Hanter l'Académie, et paraître à la Cour. Je deviendrais marquis aussi bien comme un autre, Si le nom suffisait. Mais j'aperçois le nôtre. Eh bien, mon cher marquis, que dit-on à la cour ? N'as-tu point découvert quelque nouvel amour ? Tu me sembles joyeux comment va la satire ? Parle. Mais quel est le sujet qui t'y convie ainsi ? On ne rit pas de même à la moindre parole, Sans avoir... Qu'il le joue ? Mais en si peu de temps peut-on venir à bout ?... Les personnes d'esprit en un moment font tout : N'as-tu point remarqué L'Impromptu de Versailles ? Fort bien, et c'est ce nom qui fait que l'on le raille Je le crois, mais enfin ne veux-tu pas me dire ?... Soit, je te le promets. Ce maître toutefois passe pour un fin homme. L'accident est heureux. La baronne ! Un tel nom doit me rendre surpris Il n'est plus de baronne à présent dans Paris. C'est avoir en jouant une adresse infinie. Prends garde toutefois aux fourbes d'Uranie : Elle est fine. Vous gagnâtes hier sans doute ? Et Phénice ? Quoi, Madame, mes soins n'obtiendront rien de vous ? Vous serez insensible à ma cruelle peine, Et vous me haïrez ! Ah ! N'achevez pas : Ce fâcheux "mais" pourrait me coûter un "hélas". Quant à moi, cette fois, D'en être dispensé je demande la grâce ; Mais notre cher marquis occupera ma place. À celui qui peut seul apaiser nos ennuis. Si jamais à l'amour votre coeur fut sensible, Madame, sauvons-nous d'un état si terrible ; Finissez nos malheurs en recevant ma foi. Quoi que puisse l'envie exciter contre vous, On ne rougit jamais de suivre son époux, Et je veux à vos yeux perdre cent fois la vie, Si je pense jamais à forcer votre envie. Vous voyez qu'en ce point tout s'accorde à ma flamme ; Notre dessein est sûr. Partirons-nous, Madame ? Quittez, quittez, Monsieur, cette colère extrême : Je serai son époux. **** *creator_laforge *book_laforge_joueusedupee *style_verse *genre_comedy *dist1_laforge_verse_comedy_joueusedupee *dist2_laforge_verse_comedy *id_TURLUPIN *date_1664 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_turlupin Que diable ! Ta maîtresse est longue à s'attifer ! Bon, bon, pousse toujours, et pestons de plus belle C'est ici que le jeu ne vaut pas la chandelle, Monsieur, et l'on nous doit passer pour vrais filous, À nous voir chaque nuit courir comme des fous. Cependant que Monsieur ou que Madame joue, Nous sommes à trembler les pieds dedans la boue, Et de mille accidents incessamment surpris, Nous avons belle peur en faisant les esprits Tantôt quelque présent descendu des gouttières, Tantôt quelques archers ou traîneurs de rapières, Tantôt le vent, la pluie, et cent mille autres maux, Tombent sur notre tête, et chargent notre dos. Jugez après cela si la fine Lisette A raison de songer à plier sa toilette. Vous vous moquez, elle ne prendra rien ; Je la connais, Monsieur, elle est fille de bien. Si je parais surpris, c'est de votre sottise. Continuez ainsi, vous ne savez pas mal Prendre le grand chemin qui mène à l'hôpital. Il ne vous manque plus qu'à porter la besace ; Vous serez gueux parfait. Eh ! Mon maître, de grâce, Croyez votre valet, et vous croirez un fou : Si vous jouez encor, nous n'aurons pas un sou, Et le jeu.... Mais vous ne dites pas que Turlupin enrage, Et que dans mon pourpoint je crève de dépit De ce que bien souvent notre ventre en pâtit. Il est bien employé si l'on vous prend pour dupe ; Vous avez de l'amour pour un moule de jupe, Et vos gens cependant, avec vos carolus, Prennent pour eux la belle et vous donnent du flux. Je vous l'ai déjà dit, et vous le dis encore, Que l'on vous croit céans une franche pécore, Et que, vous érigeant en galant tout nouveau, Vous êtes bonnement leur valet de carreau : Témoin le grand miroir, attaché par derrière, Qui pour voir votre jeu leur servait de lumière, Et dont la fine dame, habile à vous tromper, Se faisait un moyen à vous mieux attraper ; Témoin ce diamant qu'ils avaient pour indice, Quand ils vous ballottaient avec leur artifice, Et dont les as, marqués par un adroit complot, Vous rendaient en un coup pic, repic et capot ; Témoin ces tours de main, dont la carte battue Avec subtilité s'ôtait à votre vue, Qui changeaient les écarts, et qui plus d'une fois Vous ont fait régaler d'un franc pâté de Rois, Témoin ce coup du hoc où, de ma connaissance, De trois marques et plus on haussa la séquence , Et les adroits joueurs, empochant le teston, Sur votre argent défunt firent un beau fredon. Témoin ce coup enfin, à la dernière fête, Où votre sot amour vous fit faire la bête, Et par une renonce habilement surpris, Vous laissâtes manger le chat à la souris. Vous en êtes plus bête De souffrir que la poule attrape le renard, Et de laisser toujours votre argent à l'écart. Eh oui, de par le diable ! Il y va trop du nôtre, Et je me suis si bien avec vous contrefait, Que je n'en sais que trop pour y perdre mon fait. Obligez-moi, Monsieur, de me dire entre nous. Depuis quand les marquis sont devenus filous. Diable ! Que ces marquis sont de subtiles gens ! De nous emmarquiser mon désir est extrême. N'avais-tu point aussi la puce dans l'oreille, Lisette, cette nuit ? Je te crois un monstre de vertu ; Mais un sommeil trop long n'est, ma foi, rien qui vaille, J'en juge par moi-même, et je te vois de taille À mériter assez cette innocent soupçon : Aux filles comme toi le dormir n'est pas bon. Mais il n'est pas aisé de forcer vos natures, Et j'en sais plus de vingt d'un honnête maintien Qui dorment beaucoup plus qu'elles ne voudraient bien. Je veux aussi jouer, ma petite badine. Va, pardonne-les moi, je t'aimerai toujours : Pour te mieux apaiser, je vais tendre la joue, Frappe. Mais tu te fâches bien pour quatre pauvres mots. Ce cas est donc bien tendre, Et ton honneur aussi ? Puisqu'en vain à jouer je t'invite, Lisette, Bonsoir et bonne nuit, je vais faire retraite Mon séjour en ces lieux sent les coups de bâton. Lisette encore un coup, souffre que je m'en aille : J'ai peur que jeu de chien ne vienne à jeu de chat. En seras-tu bien mieux, dis-moi, si l'on me bat ? Laisse-moi, mon amour, mon souci. Non, non, si tu le veux, je t'offre mon service, Mais à condition que tu ne joueras plus Il suffit que je sois au nombre des cocus, Sans que ma bourse encor, par un usage infâme, Entretienne chez moi les galants de ma femme, Et dès ce même jour je dégage ma foi, Si tu prétends jouer avec d'autres que moi. **** *creator_laforge *book_laforge_joueusedupee *style_verse *genre_comedy *dist1_laforge_verse_comedy_joueusedupee *dist2_laforge_verse_comedy *id_LEMARQUIS *date_1664 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lemarquis Je n'en puis plus, cousin, laisse moi rire. Je vais te le conter, mais ris en donc aussi. Ah ! Parbleu, cet accident est drôle ! Je veux être pendu si le tour n'est divin, Jamais Italien n'en a fait un plus fin, Et je veux dès demain que Molière le joue. Oui, mornon et de plus qu'on le loue. Oui, ceux qui ne l'ont vu que les dernières fois ; Mais quand il me le lut, il n'avait que six mois. Mais encore une fois promets-moi donc d'en rire. Le tour est délicat Sache que j'ai dupé le maître du hoccat. Je l'ai trompé pourtant, et d'une bonne somme, De quarante louis, dont tu serais ravi ; Mais apprends le moyen dont je me suis servi. Tu sais que dans ce jeu chacun tire une boule, Et que sur trente points toute l'affaire roule. On place son argent, mais souvent sans succès, Si l'on ne sait le point qui doit venir après ; Aussi, pour en sortir avecque plus d'adresse, J'ai voulu de ma main employer la souplesse, Et lier à mon bras un cercle de fer-blanc. On m'est venu prier de tirer en mon rang ; Moi, d'un air dédaigneux, maudissant la fortune, J'ai pris adroitement deux boules au lieu d'une, La première en ma manche et l'autre dans ma main ; Mais, afin de pouvoir achever mon dessein, Un ami du billet a pris la connaissance, Et de peur que le maître en eut quelque apparence, Il m'a rendu mon vol que par un second tour, J'ai feint de retirer et laisser voir au jour : Ainsi certain du coup, lui-même, sans rien dire, A su couvrir le point que je devais produire, Et le banquier surpris, témoignant sa douleur, A cru que le hasard avait fait son malheur. Alors, l'esprit joyeux d'une telle victoire, J'ai quitté le hoccat en demandant à boire, Et laissant mon second après un gain si doux, Je suis venu, sur l'heure, à notre rendez-vous. Nous n'en avons point d'autres On ne fait point de tours comparables aux nôtres, Et je veux en ami t'en décrire encore un, Que tu confesseras n'être pas du commun. Pour jouer l'autre jour, ne rencontrant personne, Il me vint en l'esprit d'aller voir la baronne. C'est la joueuse Aglante ; elle est demi marquise, Mais je me moque d'elle, et je la baronnise Et ne puis endurer qu'elle ose devant moi Se vanter qu'aux plus fins elle fera la loi. Par hasard au piquet ayant perdu contre elle, Le gain, quoique petit, lui troubla la cervelle, Et présumant tenir son homme dans un sac, Elle me proposa le jeu du tric-trac ; Je l'accepte, et d'abord je vois qu'elle s'amuse Au Janot vétilleux qu'elle croit une ruse, Et ne s'aperçoit pas que, pour l'entretenir, À ses cases d'en haut elle ne peut fournir. Ce mauvais coup d'essai me donna l'espérance De profiter bientôt de son peu de science, Et dès les premiers coups abattant tout mon bois, En dépit de son Jan, je prends mon coin bourgeois ; L'injuste opinion d'être la plus habile L'empêche d'aviser aux bandes que j'enfile, Lorsque, par un malheur, je frappe dans son jeu Et la case du diable et celle du milieu. Elle, honteuse alors de se voir découverte, À force de caser, croit réparer sa perte ; Mais pour l'en empêcher, prévoyant l'accident, Je frotte par dessous mes dés de vif argent. C'est en vain désormais qu'elle use de fallace Remuant le cornet d'une façon mollasse, Et rompant de la main tous ses coups à propos, Je demeure fixé dans mes coins de repos. Autrefois le mari conseillait à sa femme, Mais j'étais seul alors avec la bonne dame, Et je pris tant de peine à gagner mon argent Que, malgré ses efforts, je vous fis mon grand Jan Surprise d'un seul coup, elle maudit ma chance, Et pense m'attraper au Jan de récompense ; Mais ces soins sont perdus, et ne m'empêchent pas De la matter une heure avec mes ambesas, Il arriva pourtant que, par une bévue, Je retombai deux fois sur Margot la fendue, Et par deux fois encor dessus Jan qui ne peut , Car un homme en ce jeu ne fait pas ce qu'il veut. Mais enfin, dans la peur de perdre ses pistoles, Elle même se brouille, et me fait vingt écoles ; Et moi, pour la réduire avançant mon retour. Je fournis ma carrière et j'achevai mon tour. Va, va, ne t'en afflige point : Bien huppé qui pourra m'attraper sur ce point ; Nous savons au besoin comment il s'y faut prendre. Mais la voici qui vient. Il est vrai que ces gens sont fâcheux dans le monde. Leur malheur cependant ne vient que de leur crainte : Tout le monde chez eux est soupçonné de feinte ; Ils tremblent à tous coups, et craignent d'échouer. Ne nous accusez point dans le siècle où nous sommes, Les femmes sont au jeu plus fortes que les hommes ; En France, en Angleterre, en Espagne, et partout, On les y voit toujours tenir le meilleur bout. Les unes dans l'ardeur de plumer quelques dupes, Savent mettre leur gain au-dessous de leurs jupes, Et publient leur perte avec beaucoup de soins, Afin que les joueurs les appréhendent moins ; D'autres, joignant l'amour avecque leurs adresses, Des pauvres idiots se rendent les maîtresses, Et caressant des yeux leurs amoureux niais, Reçoivent leurs écus, et ne payent jamais ; D'autres enfin, dont l'art a besoin de complices, Se mettent trois ensemble à former leurs malices, Et trichent hardiment pour nous donner échec, Dans l'espoir qu'à leur sexe on rendra du respect. Au moins faites, Madame, Que vos coups n'aillent point jusques dedans mon âme, Que je sauve mon coeur, si je perds mon argent, Et que... Ce sont de vrais soleils. Volontiers. Attaquez notre jeu par de meilleures causes : Un esprit en jouant s'instruit de toutes choses ; Aussi bien qu'au théâtre on y trouve des lois, Et l'on y fait agir des Dames et des Rois. Non, mais on les anime en cent diverses sortes, Et si je ne craignais de paraître ennuyeux, Je pourrais aisément vous nommer mille jeux La bête, le berlan, la ferme, la reale, Le trente et un, la belle, avec l'impériale, Le here, l'entre-lut, le trois, le lansquenet, Le hoc, le reversis, la prime, le piquet, La triomphe, le trut, le cubas, la chouette Le jeu de Cupidon, de l'oie, et de gillette Le double tric-trac, le hoccat, le billard, Les dames, les échecs, la poule, le renard, Le jeu des coins du monde et de toute la terre, Les quatre fins de l'homme et celui de la guerre , Tant d'autres jeux encore où l'on n'est point assis. Que si vous prétendez disputer de noblesse, Nos jeux sont descendus de l'ancienne Grèce. Vous nous vantez en vain un Tespis aujourd'hui, Cyrus joua longtemps au renard avant lui. Les Lydiens alors inventèrent la poule. Le grand jeu de la paume, où tant d'argent s'écoule, Le fameux Galien nous est recommandé ; Les Grecs étaient adroits à manier le dé, Et si du grand César on croit le commentaire, On jouait dans son camp au jardin militaire. Ne plaignez par si fort l'argent de votre bourse De ce qu'un jeu vous ôte un autre est la ressource, Et du sexe en cela l'avantage est si grand Que l'on joue avec vous, et même sans argent. Quoi, pour un quart d'écu vous entrez en bataille ? Accordez-vous enfin, il est temps. **** *creator_laforge *book_laforge_joueusedupee *style_verse *genre_comedy *dist1_laforge_verse_comedy_joueusedupee *dist2_laforge_verse_comedy *id_URANIE *date_1664 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_uranie Je vous ai fait attendre, Et de quelque paresse on me doit accuser ; Mais de toute la nuit je n'ai pu reposer : Je l'ai passée entière avec un mal de tête. À jouer toutefois je n'en suis pas moins prête. Nullement Je perdis vingt louis presque dans un moment. Ah, mon Dieu, la vilaine joueuse ! Avec de tels esprits que je suis malheureuse ! Eh quoi ! Tricher toujours, et sans cesse crier, Quand on perd une maille, ou qu'on gagne un denier ! Je n'ai jamais connu chicaneuse pareille. Ah ! Ne me parlez point d'aucun joueur qui gronde, Et qui, sitôt qu'un autre est plus heureux que lui, Peste, jure, se fâche, et montre de l'ennui. Mais s'ils ont peur de perdre, il ne faut pas jouer. À quoi bon dans le jeu montrer leur vilenie ? Ce n'est pas là l'humeur de la pauvre Uranie La perte ni le gain, le bien ni le malheur, Ne sont pas assez forts pour changer sa froideur ; Elle sait en user avec plus de franchise, Et l'on m'enlèverait jusques à ma chemise, Que je ne dirais pas un seul mot de courroux. Je confesse entre nous qu'il en est quelques-unes Dont les subtilités ne sont pas trop communes ; Mais nous perdons le temps au lieu de l'employer, Et je réussis mal à vous désennuyer. Des cartes, des jetons, des fauteuils, une table ! Lequel de tous les jeux vous semble plus aimable ? Nommez-le, car enfin nous sommes ici trois, Et nous pouvons choisir. Ah ! Voilà notre fait, il faut la recevoir ; Qu'on la fasse monter. Ne craignez rien, le péril n'est pas grand ; Vous n'avez pas sujet de vous en mettre en peine, Et mes yeux... Mais je vois l'illustre Polixène. Madame, quel bonheur me permet de vous voir ? Vous me faites honneur. Que vous êtes bien mise ! Que votre tour est beau c'est un point de Venise. Mais admirez, Marquis, que ces yeux sont charmants ! Je le dis franchement, votre grâce est divine. Que ce corps est bien pris ! Je gage mille écus Qu'il est du bon tailleur. Si j'en serai ? Ce doute avec raison m'étonne : Proposez hardiment, nous suivrons vos désirs. Il doit être charmant, s'il vous paraît aimable. Où, Madame ? Point du tout, c'est du jeu que j'entendais parler. Sans doute, et je n'en fais nulle difficulté J'y trouve plus de gloire et plus de sûreté. Toutes filles d'esprit, dont l'honneur est le maître, Dans ces lieux de plaisir ne doivent point paraître, Et quand elles y vont, j'en rabats la moitié, Du moins. Je n'irai pourtant pas, m'offrît-on des empires. On dit que le théâtre est rempli de satyres Je les connais trop bien, et j'ai lu quelquefois Que ces vilains forçaient les filles dans les bois. De tous les animaux ces bouquins sont les pires. Pensez-vous me gagner avecque votre mode ? Pour moi de tous ceux-là j'aime le reversis. Cédez, cédez, Madame, après tant de raisons ; Ne vous défendez point de ce que nous faisons De jouer une fois accordez-nous la grâce. Tout à fait. Prenons place. De l'esprit j'en ai peu ; Mais je me pique au moins de jouer un beau jeu. À l'aide, je me perds, quelle faute j'ai faite ! Ce terme me surpasse ; il est nouveau. Ah ! Vous êtes pour nous un marquis trop adroit, Et votre as appointé m'a prise au trébuchet. Comment ! Voilà ma carte, et c'est moi qui l'ai mise. Et j'en jure ma foi. C'est vous qui me fourbez, Madame. Je la suis plus que vous. Qu'est-ce donc ? Que me voulez-vous dire ? Pensez-vous me railler ? Mais votre fille enfin n'a point sorti d'ici ? Vous sortez donc ainsi sans le dire, Madame ? Laisse, laisse courir ce vieillard en colère ; C'est un bonheur pour toi qu'il te donne un époux, Et nous aurons le temps de calmer son courroux. **** *creator_laforge *book_laforge_joueusedupee *style_verse *genre_comedy *dist1_laforge_verse_comedy_joueusedupee *dist2_laforge_verse_comedy *id_CLEONICE *date_1664 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_cleonice Non, je n'ai point de haine, J'estime vos vertus ; mais... Ah ! Que puis-je choisir sans l'aveu de mon père ! À quel parti me rendre en l'état où je suis ? Mais après un tel coup que dira-t-on de moi ? Qu'en pourra-t-on juger, si, perdant ma franchise, Je souffre qu'en secret un amant me séduise ? Mais si dans le chemin nous rencontrons mon père ? Nous allions à la foire. Vraiment oui. Ah ! Mon père, excusez un amour téméraire. **** *creator_laforge *book_laforge_joueusedupee *style_verse *genre_comedy *dist1_laforge_verse_comedy_joueusedupee *dist2_laforge_verse_comedy *id_LISETTE *date_1664 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lisette Dans une heure, monsieur, vous verrez ma maîtresse ; Mais il faut accorder ce temps à sa paresse, Et lui permettre au moins de se faire coiffer. Je n'y saurais que faire Aussi bien comme vous j'en suis toute en colère. Mais, dût-on enrager, je le donne au plus fin, Quand on se couche au jour, de se lever matin. Je ne m'étonne pas, après un tel supplice, D'où naissent sur mon teint ces marques de jaunisse. Et si, devenant maigre à vous faire pitié, Il me faut étrecir mon corset de moitié. Dieu merci, nous faisons un assez beau ménage Mais je veux bien mourir si j'y suis davantage C'est trop en endurer, ma constance est à bout N'avoir point de repos, ne dormir point du tout, Sans oser dire un mot, souffrir un froid extrême, En dépit de ses dents jeûner plus d'un carême Faire du jour la nuit, et de la nuit le jour, Vous en êtes témoin, grâce à vôtre amour Ce n'est pas d'aujourd'hui que vous voyez la dame Passer toutes les nuits sans voir ni feu ni flamme. Être dans une chambre à croquer le marmot, Ne trouver au matin ni marmite, ni pot, C'est pour être joyeuse et devenir bien grasse Se mette qui voudra dans ma chienne de place, Qu'une autre que Lisette y serve de jouet : Si j'y demeure plus, je veux avoir le fouet. Il est vrai car le gain monte haut Les doubles maltoutiers, avec leur monopole, Empêchent à présent qu'on ne gagne une obole. N'enragerait-on pas de voir que ces filous Ont voulu rehausser les cartes de deux sous ? Je ne suis pas ici la seule qui murmure ; Personne n'est exempt de leur maudite usure, Et je pense qu'un jour on les verra, les gueux, Enchérir sur les choux et tondre sur les oeufs. S'ils étaient tous pendus que j'en aurais de joie ! Ah ce que j'en disais n'était pas pour cela Dieu m'en garde, Monsieur, d'avoir ce dessein-là Je suis... Non, non. Voyez-vous ce railleur ! Fait-il pas beau l'entendre ! Pour te faire dépit exprès je les veux prendre : Regarde. Je vous entends, aider à votre amour Attendez un moment, je vais trouver la fille ; Il faut prendre le temps que sa mère s'habille. Faites votre métier, et je ferai le mien. Moi ? Pour qui me prends-tu, Insolent ? Mais je me lasse enfin de souffrir tes injures. Enfin, voici te temps d'achever vos desseins : Nos gens embarrassés ont les cartes aux mains ; Consultez promptement ce que vous devez faire. Quoi ! Vous vous arrêtez à ce qu'en-dira-t-on, Et vous doutez encore en cette occasion ? Allez, contre ces bruits où le peuple s'abuse, L'humeur de votre mère est une juste excuse, Et l'on vous prisera, sachant qu'elle vous perd, D'avoir mis au plutôt votre honneur à couvert. Dans le fâcheux renom où je vois la famille, Vous courez grand hasard de vivre et mourir fille, Et vous ferez très bien, bon gré malgré ses dents, De quitter vite un nom qui dure trop longtemps. Et qu'appréhendez-vous du vieillard débonnaire ? Il aime trop la paix pour troubler vos amours. Uranie au bonhomme a bien fait d'autres tours. Sortez, elle consent, puisqu'elle ne dit mot : Avec vos compliments c'est trop faire le sot. Nous allons demeurer pour faire bonne mine. Tu crois donc m'apaiser après tes beaux discours ? Ne pense pas pour cela que je joue Je suis trop offensée, et j'ai le coeur trop gros. De tels mots en ce cas ne se peuvent entendre Sans blesser notre honneur. Non, demeure. Arrête, malheureux. Chien de poltron... Faut-il donc me résoudre à quitter Cléonice ? **** *creator_laforge *book_laforge_joueusedupee *style_verse *genre_comedy *dist1_laforge_verse_comedy_joueusedupee *dist2_laforge_verse_comedy *id_POLIXENE *date_1664 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_polixene Je viens auprès de vous m'acquitter d'un devoir. Trêve de compliments. Votre civilité, ma chère m'assassine. Mais n'en parlez donc plus. J'ai fait une partie ; en serez-vous, ma bonne ? Je vous promets au moins de sensibles plaisirs ; Vous n'avez jamais eu de passe-temps semblable. Vous en allez juger, et ces Messieurs aussi. Allons donc, mon carrosse est ici. À l'Hôtel, chercher la comédie. Comment ! À ce seul nom vous semblez refroidie ? Est-ce au Palais-Royal que vous voulez aller ? Du jeu, ma chère ? Hélas ! Quel abus est le vôtre ! Quoi, vous préféreriez ce passe-temps à l'autre ! Ah ! Sans mentir, vous me faites pitié ! Avec quels ignorants passez-vous votre vie, Qui s'osent gendarmer contre la comédie, Qui masquent ses beautés d'un voile si trompeur, Et qui d'un jeu d'esprit vous font un point d'honneur ? Ces lieux contre lesquels votre vertu tempête, N'entretiennent nos coeurs que d'un plaisir honnête. Ignorez-vous encor que, sans aucuns soupçons, La femme la plus sage y trouve des leçons ; Que si l'on ne se tient comme une vraie idole, On ne peut s'empêcher d'y courir à l'école, Et qu'il est sûr enfin que, dans ce dessein-là, On en revient toujours plus contrit qu'on n'y va. Que vous êtes plaisante avecque vos satyres, Et que vous tournez bien les choses à l'envers Apprenez que ce sont des satires en vers, Des écrits instructifs, où selon la matière, Un chacun est drapé d'une aimable manière ; Et, loin que notre sexe en doive être surpris, C'est l'occupation de tous les beaux esprits À la cour maintenant on ne voit autre chose ; Chaque seigneur en est la matière ou la cause, Et la mode est venue, au lieu de se louer, Qu'il faut jouer un autre, ou se faire jouer. Mais quand on la méprise, on devient incommode, Et de plus, quel plaisir, pour un malheureux jeu, De ne sortir jamais des coins de notre feu ? C'est à la comédie où l'on voit le beau monde, Attiré par les vers d'une Muse féconde Les savants de leur art y rencontrent les lois, Et les Princes enfin y vont ouïr les rois. Ce ne sont en effet que des figures mortes. Vous m'épargnerez donc? Cet impromptu n'est pas d'une joueuse adroite. Fort peu On en fait au théâtre, et l'on en fait au jeu, Et les auteurs du temps, se mettant sur leurs gardes, Se servent d'impromptus comme de hallebardes. Tout beau, laissez-là ce jeton ; L'argent n'est pas à vous, n'usez point de surprise. Nullement, c'est la mienne, et le coup est à moi, J'en jure sur mon âme. Fi, fi, pour une femme, Vous trichez trop. Mais aussi J'ai gagné. Voilà cette belle joueuse ! **** *creator_laforge *book_laforge_joueusedupee *style_verse *genre_comedy *dist1_laforge_verse_comedy_joueusedupee *dist2_laforge_verse_comedy *id_VALERE *date_1664 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_valere Venez, venez, coureuse ; Quand je vous ai trouvée, où, de grâce, alliez-vous, Avec ce beau galant qui vous fait les yeux doux ? Répondez, s'il vous plaît. À la foire, bon Dieu ! Vraiment voire ? Votre bonne maman vous l'avait-elle dit ? Et vous qui n'avez rien que le jeu dans l'esprit, Vous dont je veux en vain combattre la manie, Parlez à votre tour, ô Madame Uranie ? C'est ainsi que vos soins conservent mon honneur ! Vous laissez une fille avec un suborneur, Et souffrez !... Oui, je parle pour rire ! J'ai grand tort, en effet, d'avoir aucun souci. Eh non, non, j'extravague, et j'avais la berlue, Quand je l'ai rencontrée au milieu de la rue ! Ah ! Joueuse fatale au repos de mes jours, Que je suis las enfin d'endurer tous vos tours ! Que d'un pauvre mari l'aventure est cruelle, Quand il est embâté d'une telle femelle, Et que je suis niais de souffrir, par amour, Qu'une femme s'occupe à jouer tout le jour ! Ce n'est donc pas assez, mes chères demoiselles De perdre tant d'argent en jupes et dentelles ; C'est peu de s'appauvrir pour votre chien de cou, Si l'on ne vous permet de jouer votre sou ! Au lieu de vous tenir à vos propres affaires, Vous y passez les jours avec les nuits entières, Et Dieu sait à quel jeu vous jouez le plus fort, Quand vous avez appris que le bonhomme dort. Encore avec cela si j'avais patience, Je pourrais dans mon mal témoigner ma constance ; Mais, sitôt, que je pense à blâmer quelques jeux, On me chante goguette, et l'on me saute aux yeux : Le nom de fou, d'avare est la plus belle injure Quand je veux m'emporter dans le moindre murmure, Et si je me réserve un pauvre louis d'or, Je crains de les contraindre à faire pis encor. Ne la querellez point, malencontreuse femme De votre attachement c'est là l'indigne effet, Et vous devez prévoir à tout ce qu'elle fait. Elle n'aurait pas eu l'occasion si belle, Si le jeu n'occupait toute votre cervelle, Et vous auriez tâché d'éloigner un amant De ce que l'on ne peut garder trop sûrement. Mais, pour les damoiseaux le temps est trop commode : Souffrir force galants, c'est se faire à la mode, Et dans le monde un jour par l'usage vaincu, On se reprochera de n'être pas cocu. Je l'entends bien de même, Et je consens à voir cet assemblage heureux D'une fille peu sage et d'un mari fort gueux. Mais si vous l'emmenez, ne laissez pas sa mère : Depuis un trop longtemps je cherche à m'en défaire, Et je gagnerai trop si, pour finir mes maux, Vous daignez me priver de ces deux animaux. L'une perd tout mon bien, et l'autre est amoureuse ; Cléonice est coquette, et sa mère est joueuse : Je renonce à leur garde et, me laissant en paix, Elles m'obligeront de ne me voir jamais.