**** *creator_laharpe *book_laharpe_philoctete *style_verse *genre_tragedy *dist1_laharpe_verse_tragedy_philoctete *dist2_laharpe_verse_tragedy *id_PHILOCTETE *date_1783 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_philoctete Hélas ! Au nom des dieux, qui que vous puissiez être, Étrangers que les vents dans cette île ont portés, D'où venez-vous chercher ces bords inhabités ? Et quel est votre nom ? Quelle est votre patrie ? Vous m'offrez de la mienne une image chérie ; Oui, c'est l'habit des Grecs qu'avec transport je vois. Répondez, que je puisse entendre votre voix, Reconnaître des Grecs l'accent et le langage, Ah. ! N'ayez point d'horreur de mon aspect sauvage. Je ne suis point à craindre : ayez, ayez pitié D'un malheureux, du monde et des dieux oublié. La grâce que de vous ici je dois attendre, C'est qu'au moins vous daigniez me parler et m'entendre. Ô ciel ! Après un si long temps d'un exil si cruel, Ô que cette parole à mon oreille est chère ! Quel dessein, ou pour moi quel vent assez prospère A guidé vos vaisseaux et vous mène en ces lieux ? Parlez, et contentez mes désirs curieux. Ô fils d'un mortel renommé, D'un héros que jadis mon coeur a tant aimé ! Ô du vieux Lycomède et l'élève et la joie ! De quels bords venez-vous ? Comment ! Vous n'étiez point au nombre des guerriers Qui contre ses remparts marchèrent les premiers ? Vous ignorez peut-être Quel mortel devant vous le destin fait paraître. Quoi ! Mon nom, mes revers, ma funeste aventure ! Ô comble de l'injure ! Eh bien ! Suis-je en effet assez infortuné, Des dieux et des mortels assez abandonné ? La Grèce de mes maux n'est pas même informée ; On en étouffe ainsi jusqu'à la renommée ; Et quand le mal affreux dont je suis consumé, Devient plus dévorant et plus envenimé, Mes lâches oppresseurs, dans leur secrète joie, Insultent aux tourments dont ils m'ont fait la proie. Ô mon fils ! Vous voyez délaissé dans Lemnos Ce guerrier, autrefois compagnon d'un héros, Inutile héritier des traits du grand Alcide, Philoctète, en un mot, que l'un et l'autre Atride, Excités par Ulysse à cette lâcheté, Et seul et sans secours dans cette île ont jeté, Blessé par un serpent de qui la dent impure M'infecta des poisons d'une horrible morsure. Les cruels !... De Chrysa, vers les bords phrygiens, La victoire appelait leurs vaisseaux et les miens. Nous touchons à Lemnos : fatigué du voyage, Le sommeil me surprend sous un antre sauvage. On saisit cet instant, ou m'abandonne, on part ; On part en me laissant, par un reste d'égard, Quelques vases grossiers, quelque vile pâture, Des voiles déchirés, pour sécher ma blessure, Quelques lambeaux, rebut du dernier des humains : Puisse Atride éprouver de semblables destins ! Quel réveil ! Quel moment de surprise et d'alarmes ! Que d'imprécations ! Que de cris et de larmes ! Lorsqu'en ouvrant les yeux, je vis fuir mes vaisseaux Que loin de moi les vents emportaient sur les eaux ! Lorsque je me vis seul sur cette plage aride, Sans appui dans mes maux, sans compagnon, sans guide ! Jetant de tout côté des regards de douleur, Je ne vis qu'un désert, hélas ! Et le malheur. Tout ce qu'on m'a laissé, le désespoir, la rage !... Le temps accrut, ainsi mes maux et mon outrage. J'appris à soutenir mes misérables jours. Mon arc, entre mes mains seul et dernier recours, Servit à me nourrir ; et lorsqu'un trait rapide Faisait du haut des airs tomber l'oiseau timide, Souvent il me fallait, pour aller le chercher, D'un pied faible et souffrant, gravir sur le rocher, Me traîner, en rampant, vers ma chétive proie ; Il fallait employer cette pénible voie Pour briser des rameaux et pour y recueillir Le feu que des cailloux mes mains faisaient jaillir. Des glaçons, dont l'hiver blanchissait ce rivage, J'exprimais avec peine un douloureux breuvage. Enfin, cette caverne et mon arc destructeur, Et le feu, de la vie heureux conservateur, Ont soulagé du moins les besoins que j'endure ; Mais rien n'a pu guérir ma funeste blessure. Nul commerce, nul port aux voyageurs ouvert, N'attire les vaisseaux dans ce triste désert. On ne vient à Lemnos que poussé par l'orage ; Et depuis si longtemps errant sur cette plage, Si j'ai vu des nochers, malgré tous leurs efforts, Pour obéir aux vents, descendre sur ces bords, Je n'en obtenais rien qu'une pitié stérile, Des consolations le langage inutile, Des secours passagers, ou de vieux vêtements ; Mais malgré ma prière et mes gémissements, Nul n'a sur ses vaisseaux accueilli ma misère, Ni voulu sur les flots me conduire à mon père. Depuis dix ans, mon fils, je languis dans ces lieux, Sans cesse dévoré d'un mal contagieux, Victime d'une lâche et noire ingratitude, Souffrant dans l'abandon et dans la solitude. Les Atrides, Ulysse, ainsi m'ont attaché À ce supplice lent que leur haine a cherché ; Ils m'ont surpris ainsi dans les pièges qu'ils tendent ; Ils m'ont fait tous ces maux : que les dieux les leur rendent ! Quoi ! Vous-même, Pyrrhus, vous ont-ils outragé ? De grâce, instruisez-moi de leurs nouveaux forfaits. Qu'entends-je ? Achille est mort ? Ô mort digne, en effet, d'un héros invincible ! Ô perte qui pour moi n'en est pas moins sensible ! Pardonnez si mes pleurs vous ont interrompu ; Aux mânes d'un ami cet hommage était dû. Ô mon fils !... Poursuivez. Je vois qu'on vous a fait une cruelle injure. Ce n'est pas sans raison que loin d'un camp parjure, Vous avez vers Scyros pressé l'heureux retour Qui vous a, grâce aux dieux, conduit dans ce séjour. De Sisyphe en effet le rejeton profane, Du mensonge toujours fut l'auteur et l'organe ; De l'adroite imposture il aiguise les traits, Sa main est occupée à tramer des forfaits. Mais, de quel oeil Ajax a-t-il vu cette offense ? Dieux ! Ulysse respire ! Ajax est au cercueil ! Et ce sage mortel à qui l'expérience Donnait de l'avenir la triste prévoyance, Nestor, mon vieil ami, l'âme de nos conseils, Qui confondit cent fois Ulysse et ses pareils, Que fait-il ? Antiloque ?... À de nouveaux regrets chaque moment me livre. Quoi ! Tous ceux que j'aimais ont donc cessé de vivre, Ou subi les rigueurs d'un destin ennemi !... Et d'Achille du moins ce vertueux ami, Patrocle, dont les Grecs admiraient le courage ? Grâce au ciel, mon attente est trop bien confirmée, La mort a respecté le rebut de l'armée ; Les héros ne sont plus ! Aux lâches, aux pervers, Les dieux semblent fermer le chemin des Enfers ; Aux plus grands des humains ils en ouvrent la route. Ulysse est donc vivant !.... et Thersite, sans doute. Voilà , voilà les dieux, et nous les adorons ! Vous partez ? Ah ! Par les Immortels de qui tu tiens le jour, Par tout ce qui jamais fut cher à ton amour, Par les mânes d'Achille et l'ombre de ta mère, Mon fils, je t'en conjure, écoute ma prière : Ne me laisse pas seul en proie au désespoir, En proie à tous les maux que tes yeux peuvent voir. Cher Pyrrhus, tire-moi des lieux où ma misère M'a longtemps séparé de la nature entière. C'est te charger, hélas ! d'un bien triste fardeau, Je ne l'ignore pas ; l'effort sera plus beau De m'avoir supporté : toi seul en étais digne, Et de m'abandonner la honte est trop insigne ; Tu n'en es pas capable ; il n'est que les grands coeurs : Qui sentent la pitié que l'on doit aux malheurs, Qui sentent d'un bienfait le plaisir et la gloire. Il sera glorieux, si tu daignes m'en croire, D'avoir pu me sauver de ce fatal séjour : Jusqu'aux vallons d'OEta le trajet est d'un jour. Jette-moi dans un coin du vaisseau qui te porte À la poupe, à la proue, où tu voudras, n'importe. Je t'en conjure encore, et j'atteste les dieux : Le mortel suppliant est sacré devant eux. Je tombe à tes genoux, ô mon fils ! Je les presse D'un effort douloureux qui coûte à ma faiblesse. Que j'obtienne de toi la fin de mes tourments ; Accorde cette grâce à mes gémissements. Mène-moi dans l'Eubée, ou bien dans ta patrie ; Le chemin n'est pas long à la rive chérie Où j'ai reçu le jour, aux bords du Sperchius. Bords charmants, et pour moi depuis longtemps perdus ! Mène-moi vers Poean : rends un fils à son père. Et que je crains, ô ciel ! Que la Parque sévère De ses ans, loin de moi, n'ait terminé le cours ! J'ai fait plus d'une fois demander ses secours. Mais il est mort sans doute, ou ceux de qui le zèle Lui devait de mon sort porter l'avis fidèle, À peine en leur pays, ont bien vite oublié Les serments qu'avait faits leur trompeuse pitié. Ce n'est plus qu'en toi seul que mon espoir réside ; Sois mon libérateur ; ô Pyrrhus, sois mon guide ! Considère le sort des fragiles humains ; Et qui peut un moment compter sur les destins ? Tel repousse aujourd'hui la misère importune, Qui tombera demain dans la même infortune. Il est beau de prévoir ces retours dangereux, Et d'être bienfaisant alors qu'on est heureux. Jour heureux ! cher Pyrrhus, vous, compagnons chéris, Ô Grecs ! Dans les transports de mes sens attendris, Que ma reconnaissance au moins se fasse entendre ! Pour un si grand bienfait d'ailleurs que puis-je rendre ? Souffrez que Philoctète, abandonnant ce lieu, À cet asile encor dise un dernier adieu. Ma grotte, après dix ans, me doit être sacrée. Venez voir ma demeure obscure et resserrée, Et connaissez quels maux vous daignez secourir; Vous ne pourrez les voir, et j'ai pu les souffrir. Et la nécessité, des lois la plus sévère, M'a rendu bien souvent cette caverne chère. Eh ! Que puis-je emporter ? Qu'est-ce que je possède ? Des plantes de ces bords, seul et faible remède, Dont l'effet passager assoupit mes douleurs. Mes seuls biens sont mon arc et mes traits destructeurs. Oui, je n'ai point d'autre arme, et que puissent les cieux Ne m'enlever jamais ce trésor précieux ! Ah ! Sur moi, mon cher fils, tu peux ce que tu veux. Ta piété me charme : hélas ! N'est-ce pas toi Qui me rends à la vie, à ma famille, à moi ; Qui daignes sur ces bords, où chaque instant me tue, Relever ma misère à tes pieds abattue ? Tu trompes les fureurs de mes vils ennemis ; J'étais mort en ces lieux, tu parais, je revis. Prends sur moi désormais une entière puissance : Le plaisir des bons coeurs, c'est la reconnaissance. Cet arc qui fut jadis un don de l'amitié, Pour prix de tes bienfaits te sera confié. Tu dois à tes vertus ce noble privilège ; Nul n'y porta jamais une main sacrilège ; Nul, sans craindre la mort, n'osa s'en approcher : Viens, toi seul des mortels auras pu le toucher. Allons... Ciel !... Ô douleurs ! Rien... Je te suis... Ah dieux ! De nous ouvrir la route et de veiller sur nous. Dieux ! Non : je reviens à moi ; pardonne à ma faiblesse, Marchons... Ah ! Je ne puis. Il n'est plus temps De te cacher encor de si cruels tourments. Non, c'est trop, c'est en vain dissimuler mes peines. Le poison se répand dans mes brûlantes veines. Mon fils, avec le fer termine mes douleurs, Tranche, tranche mes jours... Frappe, dis-je... Je meurs. Je meurs à chaque instant. Tu n'en as pas l'idée. Mais prends pitié de moi, je t'en conjure, hélas ! Que l'aspect de mes maux ne te rebute pas. Ne m'abandonne point... ma blessure fatale Produit ces noirs accès, calmés par intervalle. Je dois te l'avouer. J'implore, mon cher fils, une grâce dernière, Le mal qui m'a surpris finit par le sommeil, Et le soulagement suit l'instant du réveil. Maintenant abattu, trop faible pour te suivre, À tes soins généreux Philoctète se livre. Viens dans ma grotte, viens, je mets en ton pouvoir Ces flèches que tes yeux ont souhaité de voir ; Mais prends garde surtout que la force ou l'adresse N'enlève ce dépôt qu'entre tes mains je laisse. Je perds tout, si jamais... C'est mon unique bien, c'est le seul qui me reste : Veuille le juste ciel qu'il te soit moins funeste Qu'il ne le fut, hélas ! Pour Alcide et pour moi ! Il n'exaucera point tes voeux et ta prière. L'indomptable venin, passant jusqu'à mon coeur, Dans mon sang embrasé bouillonne avec fureur ; Il redouble de rage, il s'acharne à sa proie... Ah ! Ne me quittez pas, amis, que je vous voie !... Ne vous éloignez point... Il faut, il faut qu'enfin... Ulysse, que ce feu ne brûle-t-il ton sein ? C'est à vous, fils d'Atrée, à vous, ô rois perfides, À vous seuls qu'étaient dûs ces tourments homicides. Ô mort, dont tant de fois j'implorai le secours, Mort, que toujours j'appelle et qui me fuis toujours, Quand me recevras-tu dans mon dernier asile ? Prends le feu de Vulcain qui brûle dans cette île ; Mets-moi sur le bûcher, comme jadis mes mains Osèrent y placer le plus grand des humains. Le prix que j'en reçus sera ta récompense... Mais il ne m'entend pas, je n'ai plus d'espérance. Pyrrhus, où donc es-tu, cher Pyrrhus ? Tu pleures, mon cher fils ! Garde cette pitié ; jure, quoi qu'il arrive, De ne point me laisser mourant sur cette rive. Ta bouche l'a promis ; ton coeur ne peut changer. Mon mal est effrayant, mais il est passager. Je n'espère qu'en toi. Qu'un serment solennel m'en donne l'assurance. Ah ! Ne me touche pas, n'approche point de moi. Peut-être jusqu'à toi le poison peut s'étendre. Laisse-moi... C'en est fait... Ô terre de Lemnos ! Reçois donc un mourant qui succombe à ses maux. Ô réveil ; ô jour qui me ranime ! Pyrrhus, est-il bien vrai ? Ta bonté magnanime, Par l'excès de mes maux n'a pu se rebuter ! Pyrrhus près d'un mourant a daigné s'arrêter ! Et sans que mon malheur le fatigue ou l'effraie, Il supporte l'aspect et l'horreur de ma plaie ! Achille t'a transmis sa générosité. Les Atrides ainsi ne m'avaient pas traité. Mais allons. Je suis prêt à marcher au rivage. Le sommeil du poison a suspendu la rage. Viens. Tu balances !... Ô ciel ! La pitié que d'abord tu m'avais annoncée, Du poids de mes malheurs serait-elle lassée ? De quelle faute ici peux-tu te repentir ? Les secours que de toi j'attends dans ma misère, Ne feront point rougir les mânes de ton père. Tu veux m'abandonner, ton coeur se le propose, Tu veux partir sans moi. Toi !... Que veux-tu me dire ? Explique ce mystère. Comment ? Qu'as-tu dit ? juste ciel ! Eh quoi ! Que veux-tu que j'écoute, et que prétends-tu faire ? Ce sont là tes desseins ? Je suis trahi, perdu ; qu'as-tu fait, malheureux ? Pyrrhus, est-il bien vrai ? Rends-moi, rends-moi mes armes. Ô trahison ! Ô rage ! Quoi ! Tu me préparais cet exécrable outrage ! Lâche, tu m'as séduit par d'indignes détours, Pour m'enlever ainsi le soutien de mes jours ! Et lorsque tu trahis la foi qui m'était due , Tu peux me regarder et soutenir ma vue ! Tromper un suppliant qui gémit à tes pieds ! Rends, mon fils, rends ces traits que je t'ai confiés, Tu ne peux les garder ; c'est mon bien, c'est ma vie, Et ma crédulité doit-elle être punie ? Rougis d'en abuser.... Au nom de tous les dieux.... Tu ne me réponds rien ! Tu détournes les yeux ! Je ne puis te fléchir !... Ô rochers ! Ô rivages ! Vous, mes seuls compagnons, ô vous, monstres sauvages, Car je n'ai plus que vous à qui ma voix, hélas ! Puisse adresser des cris que l'on n'écoute pas, Témoins accoutumés de ma plainte inutile, Voyez ce que m'a fait le fils du grand Achille. Il promet de m'ôter de ces tristes climats, Il jure qu'à mon père il conduira mes pas ; Et quand il me flattait de cette fausse joie, Le perfide ! C'était pour me conduire à Troie. Il consolait un coeur qu'il cherchait à frapper, Sa main touche la mienne, et c'est pour me tromper ! Il ose me ravir mes flèches homicides, Pour en faire un trophée aux insolents Atrides ! Il triomphe de moi, comme s'il m'eût dompté ! Il ne s'aperçoit pas, dans ma calamité, Qu'il triomphe d'une ombre aux enfers descendue ! Oh ! devant que ma force en ces lieux fut perdue, S'il m'avait attaqué !... Même tel que je suis, Ce n'est que par surprise... Ah ! Pyrrhus ! Ah ! Mon fils ! Souviens-toi de ton nom, reprends ton caractère, Sois semblable à toi-même, et semblable à ton père. Tu gardes le silence, et je te parle en vain.... Antre qui m'as reçu, je reviens dans ton sein ; J'y rentre dépouillé, privé de nourriture, Et je n'attends de toi rien que la sépulture. Tu me verras mourir : les hôtes des forêts Ne ressentiront plus l'atteinte de mes traits. Ma retraite contre eux n'a plus rien qui m'assure ; J'en avais fait ma proie et serai leur pâture. Et je suis donc tombé dans ce revers affreux, Pour avoir cru Pyrrhus sincère et généreux !... Écoute : jusqu'ici mon courroux qui balance, N'a point aux immortels demandé, la vengeance. Tu peux changer encore et céder à mes voeux ; Tremble d'y résister, crains ma voix et les dieux. Abjure des desseins indignes d'un héros. Aux yeux de l'univers, aurais-tu la bassesse De tromper le malheur, d'accabler la foiblesse ? Tu n'es pas né méchant : quelque autre te conduit ; Par de lâches conseils je vois qu'on t'a séduit. Le crime t'entraînait ; que la vertu te guide. C'est Ulysse ! grands dieux ! Ciel ! Où suis-je ? Ulysse dans ces lieux ! Ah ! Lui seul a tout fait : ce cruel artifice, Tout cet affreux complot est l'ouvrage d'Ulysse. Mes armes, c'en est trop, mes armes... Tu me menaces, traître !... Ô Lemnos, mon asile, Feux sacrés de Vulcain, allumés dans cette île ! Vous, mes seuls protecteurs, ô dieux de ces climats, Vous voyez cet outrage, et ne le vengez pas ! Ainsi, tu fais les dieux complices de ta haine, Artisans du parjure et de l'iniquité ! Penses-tu donc traiter Philoctète en esclave ? Tant que cet antre obscur pourra me recevoir, De m'arracher d'ici rien n'aura le pouvoir. Oui, j'aime mieux mourir ; du haut de cette roche ; J'aime mieux à l'instant... Ô comble de l'opprobre, ainsi que de l'horreur ! Ô bras, jadis à craindre, aujourd'hui sans défense ! Du plus vil des mortels je reçois cette offense ! Lâche qui ne connais ni remords ni pudeur, De ce jeune héros tu séduis la candeur. Son âme noble et pure, et semblable à la mienne? N'était pas faite, hélas ! Pour imiter la tienne. Il déteste en secret les complots qu'il servit ; Sa faiblesse docile à regret t'obéit. Son coeur sensible et bon, dont j'entends le murmure, Se reproche à présent sa fraude et mon injure. À ton fatal génie il ne put échapper, Et toi seul, en un mot, sus l'instruire à tromper. Et maintenant encor, pour combler tes outrages, Tu prétends m'enlever de ces mêmes rivages Où tu m'abandonnas, où je vis délaissé, Du nombre des vivants dès longtemps effacé. Ah ! Que puissent les dieux !... Que dis-je ? misérable.... Les dieux s'occupent-ils de mon sort déplorable ? Et pourquoi répéter trop vainement, hélas ! Des imprécations que le ciel n'entend pas ? Ses rigueurs sont pour moi, ses faveurs pour Ulysse. Tu triomphes, cruel, et ris de mon supplice ; Ma douleur fait ta joie, et ta prospérité Est un affront de plus à ma calamité. Va, va t'en réjouir avec tes chers Atrides; Vante-leur le succès de tes ruses perfides. Malgré toi cependant tu suivis leurs drapeaux, Tandis qu'à leur secours j'ai conduit mes vaisseaux. Ils prodiguent pour toi leurs biens et leur puissance ; Ils m'ont abandonné, voilà ma récompense ; Du moins tu les chargeais de ce crime honteux, Et toi-même à ton tour en es chargé par eux. Mais, dis-moi, que veux-tu ? Pourquoi dans sa retraite, Pourquoi dans son tombeau troubles-tu Philoctète ? Je suis mort pour les Grecs ; et comment à tes yeux Ne suis-je plus un poids incommode, odieux, Offensant les autels de ma présence impure, L'horreur de tout un camp souillé par ma blessure ? C'étaient là tes discours... barbare, si les dieux Sont justes une fois, en exauçant mes voeux... Et je vois qu'ils le sont : je vois qu'ils vous punissent ; Leurs redoutables mains sur vous s'appesantissent. De quelque trait fatal si vous n'étiez frappés, À me chercher ici seriez-vous occupés ? Eh bien ! Égale enfin le supplice à l'offense, Ciel, qui m'as si longtemps refusé la vengeance ! De mes longues douleurs entends le dernier cri ; Extermine les Grecs, et je me crois guéri. Toi ! Posséder mes traits et mon arc homicide ! Armes que si longtemps porta le grand Alcide ; Non, vous ne serez point au dernier des humains ; Vous vous indigneriez de passer dans ses mains. Quoi ! tu.te montrerais à la Grèce étonnée, Paré de ma dépouille à ce point profanée ! Et toi, Pyrrhus ! Vous, amis, à ma voix vous ne répondez plus ? Eh bien ! À tant d'horreurs il faut que je succombe. Lemnos fut ma demeure, elle sera ma tombe. Tout espoir est perdu, tout secours m'est ôté. Oiseaux, ne fuyez plus cet antre redouté. Hôtes de ces rochers, approchez-moi sans crainte; Mes mains n'ont plus ces traits dont vous craigniez l'atteinte. Vengez-vous, et tranchez mes jours infortunés : Bientôt la faim, sans vous, les aura terminés. Moi, j'irais secourir des ingrats, des perfides ! Non, périssent les Grecs, périssent les Atrides ! C'en est donc fait, hélas ! je mourrai loin de vous, Ô patrie ! Ô mon père !... Il m'eût été bien doux, Avant que d'expirer, de vous revoir encore ! Je vous abandonnai pour ces Grecs que j'abhorre, Pour eux seuls j'ai tout fait, pour eux seuls tout quitté : Ma mort en est le prix... je l'ai bien mérité. Pourquoi de ma retraite Venez-vous me tirer ? Que voulez-vous enfin ? Venez-vous augmenter l'horreur de mon destin ? Alh ! Qans doute, cruels, c'est là votre espérance. Il m'en a trop coûté, Je suis trop bien puni de t'avoir écouté. Auteur de tous les maux dont mon coeur est la proie... C'est avec ces discours que tu m'avais séduit, Que dans un piège affreux toi-même m'as conduit. Oui, tu trompas ainsi ta crédule victime. Oui, j'y suis résolu, Résolu pour jamais. Tu parlerais en vain : traître, c'est bien à toi Qu'il convient de prétendre aucun pouvoir sur moi. Va, trop indigne fils du plus illustre père, Lorsque aujourd'hui ta fourbe a comblé ma misère. Tu m'offres des conseils ! Ôte-toi de mes yeux: Va retrouver Ulysse et tes Grecs odieux. Tu n'échapperas pas, ni toi, ni les Atrides, Au céleste courroux qui poursuit les perfides. Je vous ai dévoués aux vengeances des dieux ; Qu'elles tombent sur vous : ce sont là mes adieux. Est-ce un piège nouveau qui me serait tendu ? Je reconnais ton sang à ce noble retour ; Ce n'est pas un Sisyphe à qui tu dois le jour. Tu viens de me montrer que la vertu t'est chère, Que la gloire t'anime, et qu'Achille est ton père. Pourquoi, traîné-je encore une inutile vie, Que le ciel dès longtemps devrait m'avoir ravie ? Que fais-je, hélas ! Au monde où je n'ai qu'à souffrir ? Faut-il combattre encor ce que je dois chérir, Qu'un mortel généreux qu'il faut que je revère, M'adresse cependant une vaine prière ! Pyrrhus, épargne-moi, cesse de m'accuser ; Va, mon dernier malheur est de te refuser. Mais, que demandes-tu ? Quelle est ton injustice ? Veux-tu que Philoctète à ce point s'avilisse ? Qu'il reparaisse aux yeux des mortels indignés, Couvert de tant d'affronts qu'il aura pardonnés ? Où porter désormais ma honte volontaire ? Ce soleil qui voit tout, ce jour qui nous éclaire, Verra-t-il Philoctète auprès d'Ulysse assis ? Et pourrai-je d'Atrée envisager les fils ? Qu'en puis-je attendre encore ? Et sur quelle assurance D'un avenir meilleur fondes-tu l'espérance ? Sais-tu quel traitement ils me gardent un jour ? Va, de ces coeurs ingrats n'attends point de retour. Le crime flétrit l'âme et ne conduit qu'au crime. En leur faveur, dis-moi, quel intérêt t'anime ? Je dois te l'avouer ; je m'étonne en effet Que tu serves les Grecs après ce qu'ils t'ont fait. Toi-même me l'as dit, que leur lâche insolence D'Ajax et de Pyrrhus outragea la vaillance, Et des armes d'Achille osa priver son fils ; Et ton bras s'armerait contre leurs ennemis ! Garde, garde plutôt le serment qui te lie ; Remène Philoctète aux bords de Thessalie ; Et toi-même à Scyros, tranquille et respecté, Laisse périr les Grecs comme ils l'ont mérité. Ainsi d'un malheureux tu finis la misère ; Ainsi dans son tombeau tu consoles ton père ; Et tu n'as plus la honte, aux yeux de l'univers, De rester le complice et l'appui des pervers. Laisse-les moi ces maux : je les ai supportés. C'est l'ami des Atrides. Tu voudrais me traîner au camp de ces perfides, Où de tous mes malheurs le cruel souvenir.... Ne parle plus des Grecs, ne parle plus de Troie. Tous deux m'ont trop coûté de pleurs et de tourments ; Je ne te dis qu'un mot : j'ai reçu tes serments. Veux-tu les accomplir ? Va, leur ressentiment ne doit pas t'alarmer. Pyrrhus aura pour lui la vertu qui le guide, La cause la plus juste, et les flèches d'Alcide. Ulysse ! Attends, mes traits vont punir cet outrage. Dans un sang odieux Laisse-moi les tremper.,.. Oui, leur juste colère M'encourage à frapper mon indigne ennemi. Ô voix auguste et chère, et longtemps attendue ! Ô voix avec transport de mon coeur entendue ! Je vous obéirai : tous mes ressentiments Doivent être effacés dans de si doux moments. Je me rends, c'en est fait : sous ces heureux auspices, Partons, brave Pyrrhus, avec les vents propices. Remplissons le destin qui, nous est confié : Je sers, en vous suivant, les dieux et l'amitié. **** *creator_laharpe *book_laharpe_philoctete *style_verse *genre_tragedy *dist1_laharpe_verse_tragedy_philoctete *dist2_laharpe_verse_tragedy *id_ULYSSE *date_1783 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_ulysse Nous voici dans Lemnos, dans cette île sauvage, Dont jamais nul mortel n'habita le rivage. Du plus vaillant des Grecs, ô vous, fils et rival, Fils d'Achille, ô Pyrrhus ! C'est sur ce bord fatal, Au pied de ces rochers, près de cette retraite, Que l'on abandonna le triste Philoctète. C'est moi qui l'ai rempli cet ordre de rigueur. Il le fallait : frappé par quelque dieu vengeur, D'une incurable plaie éprouvant les supplices, Il troublait de ses cris la paix des sacrifices, De son aspect impur blessait leur sainteté, Et souillait tout le camp de sa calamité. Mais laissons ce récit : le temps, le danger presse. Je veux rendre aujourd'hui Philoctète à la Grèce. S'il sait que dans cette île Ulysse est descendu, De nos travaux communs tout le fruit est perdu : Je dois fuir ses regards. Vous, dont le noble zèle Promit à mes projets l'appui le plus fidèle, Approchez de cet antre, et voyez son séjour : Par une double issue il est ouvert au jour ; Un ruisseau, si le temps n'a point tari son onde, Coule des flancs creusés d'une roche profonde. Vous pouvez aisément reconnaître à ces traits L'asile qu'il habite : observez-en l'accès. Tâchez de découvrir s'il est dans sa demeure. S'il est absent, je puis vous apprendre sur l'heure Quels grands desseins ici je dois exécuter, Et surtout quels secours vous devez leur prêter. Au sommeil peut-être est-il livré. Ce sont là ses trésors. C'est sa retraite : à nos yeux tout l'atteste Sans doute il n'est pas loin ; sa blessure funeste Laisse bien peu de force à ses pas douloureux. Pourrait-il s'écarter ? Hélas ! Le malheureux Est allé sur ces bords chercher sa nourriture, Quelque plante, remède aux tourments qu'il endure. Vous, d'un oeil attentif observez tout, Soldats ; Que son retour ici ne nous surprenne pas. De tous les Grecs, objets du courroux qui l'anime ; C'est Ulysse surtout qu'il voudrait pour victime. Fils d'un héros, songez bien que la Grèce A de ses intérêts chargé votre jeunesse. L'État n'a point ici besoin de votre bras, Et la seule prudence y doit guider vos pas, Doit fléchir la hauteur de votre caractère. Quoi qu'on exige enfin de notre ministère, Pour servir la patrie, il faut nous réunir ; Elle attend tout de vous, et doit tout obtenir. Il s'agit de tromper Philoctète. Je vois l'étonnement où ce seul mot vous jette ; Mais, n'importe, écoutez : il va vous demander Qui vous êtes, quel sort vous a fait aborder Sur les rochers déserts qui défendent cette île : Dites-lui, sans détour, je suis le fils d'Achille. Mais feignez qu'animé d'un fier ressentiment, Et contre des ingrats irrité justement, Vous retournez au lieu où vous prîtes naissance, Que vous abandonnez les Grecs et leur vengeance ; Les Grecs qui, suppliants, abaissés devant vous, Trop instruits qu'llion doit tomber sous vos coups, Ont au pied de ses murs conduit votre courage, Et qui de vos bienfaits vous payant par l'outrage, Près du tombeau d'Achille ont dépouillé son fils, De vos exploits, des siens, vous ont ravi le prix, Et préférant Ulysse, ont à votre prière Refusé l'héritage et l'armure d'un père. Contre moi-même alors, s'il le faut, éclatez En reproches amers par le courroux dictés, Sans craindre que ma gloire en paraisse flétrie ; On ne peut m'offenser en servant la Patrie ; Et vous la trahissez, si Philoctète enfin Échappe au piège adroit préparé par ma main. Ne vous y trompez pas : sans les flèches d'Hercule, En vain vous nourrissez l'espérance crédule De renverser les murs d'un superbe Ilion ; Oui, pour marquer le jour de sa destrcution, Il faut que Philoctère aille aux remparts de Troie, Et des flèches quiporte ilion est la proie. Vous seul de tous les grecs, vous pouvez aujourd'hui, Sans crainte et sans danger, paraître devant lui. Il ne peut avec vous confondre en sa haine Vous n'avez point prêté le serment qui m'enchaîne. Vous n'eûtes point, trop jeune au gré de votre ardeur, De part à nos exploits, non plus qu'à son malheur. Mais, s'il savait qu'Ulysse a touché ce rivage, Nous devons, vous et moi, tout craindre de sa rage. C'est la ruse, en un mot, qui seule dans vos mains Fera passer ces traits dont les coups sont certains, Ces traits, dépôt fatal, trésor cher et terrible, Armes d'un demi-dieu, qui l'ont fait invincible. Je connais votre coeur, il feint malaisément ; Sans doute il n'est pas né pour le déguisement. Mais le prix en est doux, Seigneur ; c'est la victoire. L'artifice est ici le chemin de la gloire. Osez tromper pour vaincre, et n'en croyez que moi. Ailleurs de l'équité suivons l'austère loi ; Sachons en respecter les bornes légitimes ; Aujourd'hui seulement oublions ses maximes. Je ne veux rien qu'un jour, un seul jour ; désormais À vous, à vos vertus, je vous rends pour jamais, Et moi, Pyrrhus, aussi, comme vous autrefois, Sans peur dans les dangers, dans les conseils sans voix, Je crus que la valeur seule pouvait tout faire. Aujourd'hui que le temps me détrompe et m'éclaire, Je vois qu'il faut surtout, pour régir des États, Que la tète commande et conduise le bras. Le mensonge est léger ; la récompense est grande, La douceur ni la force ici ne peuvent rien, Ses traits portent la mort, la mort inévitable. Oui, si l'art ne vous sert et de guide et d'appui, On le doit, s'il s'agit du salut de la Grèce. Eh ! Comment rougit-on de servir son pays ? À Philoctète enfin les dieux ont promis Troie. La gloire entre tous deux est commune aujourd'hui; Il ne peut rien sans vous, ni Pyrrhus rien sans lui. Accomplissez des dieux l'immuable décret. Le prix de la sagesse et celui du courage, De qui leur est soumis est le double apanage. Mes conseils dans ce coeur sont-ils bien affermis ? Puis-je compter sur vous ? Je retourné au rivage. Demeurez : attendez Philoctète en ces lieux. Je vous laisse un moment ; et que puissent les dieux, Mercure protecteur, Minerve tutélaire, De nos soins partagés assurer le salaire ! Adieu. Qu'attendez-vous, perfide ? Remettez-moi ces traits, Lui-même. Non, Pyrrhus Sait respecter des Grecs les ordres absolus. Ces armes sont à nous : il ne peut vous les rendre. Vous, marchez sur nos pas : c'est trop vous en défendre. Ne vous obstinez plus à résister aux dieux, Ou je vous fais sur l'heure enlever de ces lieux. Jupiter est leur maître, et c'est lui qui m'amène. Je vous parle en leur nom ; suivez leur volonté. Je le traite en guerrier et généreux et brave ; En digne compagnon de tant de rois fameux, Qui doit renverser Troie et triompher comme eux. Ne fuyez point la gloire à vos regards offerte : Venez, le ciel l'ordonne, et la route est ouverte. Gardez qu'il n'en approche ; Préservez-le, soldats, de sa propre fureur. Aux transports violents d'une aveugle furie, Je n'oppose qu'un mot : j'ai servi la patrie. C'est là mon seul honneur, c'est là mon seul devoir. Sur les coeurs quelquefois ma voix eut du pouvoir ; Mais je ne prétends pas en avoir sur le vôtre. Vous voulez demeurer, et je vous cède : un autre Saura des immortels mériter les bienfaits : Cet arc est dans nos mains garant de nos succès. Le valeureux Teucer en saura faire usage ; Moi-même de cet art j'ai fait l'apprentissage, Et pour lancer ces traits, arbitres des combats, Le bras d'Ulysse ou moins peut valoir votre bras. Nourrissez à loisir la haine et la colère, Habitez cette rive à votre coeur si chère. Peut-être que les dieux, en conduisant mes coups, M'accorderont un prix qu'ils destinaient pour vous. Je n'écoute plus rien : je pars. Pyrrhus, de votre coeur surmontez la faiblesse. Si vous ne me suivez, vous trahissez la Grèce. Venez sans lui parler ; sans détourner les yeux. Où courez-vous, seigneur ? quel transport vous agite ? N'expliquerez-vous point cette soudaine fuite ? De tous nos compagnons pourquoi vous séparer ? Et quelle faute encore ? Et que prétendez-vous ? Vous ! Comment ? Juste ciel ! Ce dessein qui me remplit d'alarmes, Vous pourrez l'accomplir ? Vous lui rendrez ses armes ? Ah ! de grâce, songez... Vous l'avez résolu ? Et Pyrrhus pense-t-il qu'ici rien ne s'oppose Au funeste projet que son coeur se propose ? Qui ? Tous les Grecs et moi. Le devoir ! Croyez-vous, Seigneur, ne point l'enfreindre ? Est-ce donc à vous seul que doit appartenir Un bien que mes conseils vOus ont fait obtenir ? Ainsi donc laissant Troie â nos coups échappée, C'est contre vous, Pyrrhus, qu'il faut tirer l'épée. Les Grecs vont vous punir, puisque vous le voulez, Vous n'aurez pas longtemps défié leur puissance ;' Et la peine du moins suivra de près l'offense. Non, ne l'espérez pas, Ulysse et tous les Grecs arrêteront vos pas. **** *creator_laharpe *book_laharpe_philoctete *style_verse *genre_tragedy *dist1_laharpe_verse_tragedy_philoctete *dist2_laharpe_verse_tragedy *id_PYRRHUS *date_1783 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_pyrrhus Au premier de vos soins je m'en vais satisfaire. Oui, je crois voir déjà ce sauvage repaire, Cette grotte... Nul homme ne se montre en ce lieu retiré. Tout ce que j'aperçois, c'est un lit de feuillage, Un vase d'un bois vil et d'un grossier ouvrage.... Des rameaux dépouillés.... Que dis-je ! Des lambeaux que le sang a souillés. Ah ! Dieux ! Il suffit. On se peut assurer sur leur, foi. Sur vos desseins secrets ouvrez-vous avec moi. Parlez. Que faut-il ? À suivre vos conseils comment puis-je descendre ? Loin de les approuver, je souffre à les entendre. Cessez, fils de Laà«rte, un semblable discours ; Achille ne m'a point instruit à ces détours : À son sang, comme à lui, la fraude est étrangère, Et ce n'étaient point là les armes de mon père. S'il nous faut entraîner Philoctète aux combats, Je prétends contre lui n'employer que mon bras. Faible et seul contre tous, où serait sa défense ? J'ai promis avec vous d'agir d'intelligence ; Mais dût-on m'accuser de faiblesse et d'erreur, Je crains le nom de traître, il me fait trop d'horreur. J'aime mieux, s'il le faut, succomber avec gloire, Que d'avoir à rougir d'une indigne victoire. Mais quoi ! C'est un mensonge enfin qu'on me demande. De fléchir ce guerrier n'est-il aucun moyen ? La force ! Ce mortel est-il donc indomptable ? Ainsi, l'on risque même à s'offrir devant lui ? Trahir la vérité ! Le peut-on sans bassesse ? Me résoudre à tromper ! Moi, seigneur ! J'en rougis. Quoi ! Pour servir les Grecs n'est-il point d'autre voie ? Ainsi l'on m'abusait lorsqu'on a prétendu Qu'à mes destins, à moi, ce triomphe étoit dû ; Et mon coeur que flatta son erreur et la vôtre, S'enivrait d'un honneur réservé pour un autre. Eh bien ! Des immortels il faut remplir l'oracle ; À leurs profonds desseins qui pourrait mettre obstacle ? Je dois venger un père, et soutenir son nom : Cet honneur n'appartient qu'au vainqueur d'Ilion. J'ai, pour le mériter, fait plus d'un sacrifice... À Philoctète au moins je puis, sans artifice, Me plaindre des affronts dont je fus indigné ; Je tairai seulement que j'ai tout pardonné. Puisqu'il le faut enfin, je consens qu'il ignore, Qu'offensé par les Grecs, Pyrrhus les sert encore. Il en coûte à mon coeur, et je cède à regret. Je bannis tout scrupule... on le veut... j'obéis. Ma parole est un gage Qui doit vous rassurer. La pitié parle a mon coeur combattu. Sous quel affreux destin Philoctète abattu Traîne depuis dix ans sa vie infortunée ! Sa misère en ces lieux gémit abandonnée. Tourmenté de sa plaie, assiégé de besoins, Il souffre sans remède, il pleure sans témoins. Seul, il conte ses maux à la mer, au rivage, Sans avoir un ami dont la voix le soulage. Ignorant la douceur des soins compatissants, Il n'a point de soutien de ses jours languissants, Pas même ce plaisir, si cher aux misérables, De voir, d'entretenir, d'entendre ses semblables, De l'aspect des humains privé dans ses malheurs, L'écho seul des rochers répond à ses douleurs. Quel sort ! Et cependant, illustre dans la Grèce, Égal à tous nos chefs, en courage, en noblesse, Pour un autre avenir il semblait destiné : À cette épreuve, hélas ! Les dieux l'ont condamné ! Nos jours sont leur présent ; nos destins, leur ouvrage : Heureux qui de leur main ne reçut en partage Que cet état obscur, que du moins leur faveur Éloigna des dangers qui suivent la grandeur ! Mais un soldat revient. Soyez donc satisfait, nous sommes Grecs. On me nomme Pyrrhus ; je suis le fils d'Achille ; Je suis né dans Scyros, et retourne à cette île. Vous savez tout. Des rivages de Troie. Vous-même en étiez-vous ? Il faut dissimuler. D'où puis-je le savoir ? Pour la première fois nous venons de vous voir. Je n'en ai rien appris. Noble fils de Poean, je ressens vos malheurs ; J'en déteste avec vous les coupables auteurs ; J'y reconnais la main d'Ulysse et des Atrides ; Eh ! Qui sait mieux que moi combien ils sont perfides ? Que puissé-je du moins être bientôt vengé ! Puissé-je apprendre aux rois d'Ithaque et de Mycènes, À respecter le sang qui coule dans mes veines ! Comment vous raconter les affronts qu'ils m'ont faits ? Quand la Parque d'Achille eut borné la carrière... Oui, seigneur ; mais mon père Sous les coups d'un mortel du moins n'est pas tombé ; Sous les traits d'Apollon Achille a succombé. Ce tribut douloureux pour mon coeur a des charmes : Mais pour d'autres que vous, vous reste-t-il des larmes ? Je pleurais ce héros, Quand Ulysse et Phoenix, descendus à Scyros, Alléguant un oracle, et flattant ma jeunesse, Vinrent, au nom des dieux protecteurs de la Grèce, M'assurer qu'à moi seul, à mon sang, à mon nom, Appartenait l'honneur de détruire Ilion, Que Pyrrhus héritait des grands destins d'Achille. De me persuader sans doute il fut facile. Le désir d'embrasser les restes précieux D'un père que jamais n'avaient connu mes yeux, D'aller offrir mes pleurs à des cendres aimées, Qui sous la tombe encor n'étaient point enfermées ; L'ardeur de le venger, le dirai-je ? L'orgueil De renverser des murs qui furent son écueil, Tout entraînaît mes pas. Par le ciel protégée, Ma flotte, au second jour, touche au port de Sigée, Au sortir du vaisseau, je me vois entouré De tout un camp, de joie et d'espoir enivré. Tous jurent à la fois qu'on voit revivre Achille : Hélas ! Il n'était plus !... D'une douleur stérile À ses mânes sacrés, je porte les tributs; Et l'oeil humide encor de mes pleurs répandus, Je me présente aux chefs, et ma juste prière Réclame devant eux l'héritage d'un père. Quelle fut leur réponse ! "Oui ces biens sont à vous ; Disposez-en , Seigneur, et les recueillez tous. Mais ses armes, d'un autre ont été le partage, Ulysse les possède". Indigné de l'outrage, Des larmes de dépit coulèrent de mes yeux : "Ces armes sont à moi, j'en atteste les dieux, Dis-je alors, de quel droit une main étrangère M'a-t-elle osé ravir une armure si chère ?" "Je t'obtins, dit Ulysse, et ce don m'était dû ; C'est le prix du service à la Grèce rendu, Quand je sauvai l'armée et votre père même." À ces mots, révolté de son audace extrême, J'exhale les transports d'un courroux éclatant, Et menace les Grecs de partir à l'instant, Si je n'obtiens raison de ce vol sacrilège. "Jeune homme, me dit-il, tu n'étais point au siège, Tu n'as rien fait pour nous, et menaces encor ! Ne crois pas à Scyros remporter ce trésor ; Tu ne l'auras jamais." Les chefs, amis d'Ulysse, Se déclarent pour lui, défendent l'injustice; Et moi, qu'un tel affront a percé jusqu'au coeur, Moi, qu'on dépouille ainsi sans égard, sans pudeur, Je retourne à Scyros, loin de ces rois perfides, Et plus qu'Ulysse encor, j'accuse les Atrides. Ce sont eux qui, méchants avec impunité, Protecteurs de la fraude et de l'iniquité, Infectent tous les coeurs de leurs lâches maximes, Et l'abus du pouvoir enfante tous les crimes. Ô ciel ! Que l'ennemi de ces rois odieux, Soit l'ami de Pyrrhus et soit l'ami des dieux ! On ne l'eût pas osé commettre en sa présence. Mais le trépas d'Ajax a mis la Grèce en deuil. L'infortune accable sa vieillesse ; Il se traîne au tombeau, consumé de tristesse; Il gémit d'être père : il survit à son fils. Est tombé sous des traits ennemis. Du redoutable Hector son trépas fut l'ouvrage. Telle est la guerre enfin : Mars dans ses jeux sanglants, Moissonne les vertus et fait grâce aux méchants. Pour moi, je vous l'ai dit, lassé de tant d'affronts, Je m'éloigne à jamais d'une odieuse armée , Où la vertu rougit par la brigue opprimée. Scyros est pour mon coeur un séjour assez doux, Et toujours la patrie a des charmes pour nous. Puisse des dieux fléchis la bonté tutélaire Guérir les maux affreux que vous fit leur colère ! Tels sont, fils de Poean, tels sont les justes voeux Que Pyrrhus en partant peut joindre à ses adieux. Il le faut, et mes vaisseaux n'attendent Que l'instant d'obéir aux vents qui nous commandent. À la voix du malheur pourrais-je être insensible ? Non, vous m'avez rendu le refus impossible; Je cède à vos désirs ; venez sur mes vaisseaux : Que le ciel, qui par moi veut terminer vos maux, Accorde un vent propice à votre impatience, Et nous conduise au port où tend votre espérance ! Je ne m'oppose point à de si justes soins ; Prenez tout ce qui peut servir à vos besoins. Ah ! Sans doute ce sont les flèches redoutées Que de son sang impur l'hydre avait infectées ? Puis-je toucher au moins ces armes révérées, Que jadis d'un héros les mains ont consacrées ? Puis-je les regarder d'un oeil religieux ? Rejetez, s'il le faut, ma prière timide, Et ne profanez point l'héritage d'Alcide. Quelle soudaine atteinte, Seigneur, de votre sein arrache cette plainte ? Que leur demandez-vous ? Vous déguisez mal le trouble qui vous presse. Comment ? Mon âme intimidée De cet horrible état... Ne craignez rien. Qui ! moi, Moi vous abandonner, quand vous avez ma foi ! Venez, et rappelant votre force première... Non, soyez rassuré ; Je réponds sur mes jours de ce trésor sacré. Le ciel nous conduira ; nous marchons sous sa loi : Puisse-t-il nous frayer une route prospère ! Je gémis, Je pleure sur vos maux. Soyez sans défiance. J'en atteste les dieux : recevez-en ma foi. Eh quoi ! De mes secours voulez-vous vous défendre ? Aidez-moi, chers amis ; portons-le en son asile. Attendons le moment où d'un sommeil tranquille La douceur salutaire aura calmé ses sens, Et suspendu le cours de ses affreux tourments. Les voilà donc ces traits par qui la destinée Doit marquer d'Ilion la dernière journée, Ces traits à qui le ciel attacha notre sort, Et qui d'Achille enfin doivent venger la mort. Philoctète en mes mains ainsi les abandonne ! On veut les lui ravir, et c'est lui qui les donne ! Mais ce n'est rien encor, si lui-même avec nous Ne marche à ces remparts dévoués à nos coups. Il est loin d'y penser, et tout prêt à me suivre, À mes soins, à ma foi l'infortuné se livre. Et je le trahirais ! Non : ce retour affreux Est indigne d'un coeur qu'il a cru généreux. Il faut lui dire tout : c'est trop en croire Ulysse, Trop contre Philoctète employer l'artifice, Abuser contre lui de son horrible état : Tromper un malheureux est un double attentat. Mais il vient. Que ferai-je ? Hélas ! Oserai-je lui faire un aveu si cruel ? Ô combien la vertu souffre à se démentir ! C'est moi qui dois rougir, moi qui suis désormais Coupable, si je parle, et vil, si je me tais. Non, mais si je m'expose À mériter de vous des reproches plus vrais ? Même en vous emmenant, si je vous trahiss is ? Eh bien ! Sachez donc tout : je ne puis plus rien taire. Pour Ilion vous partez avec moi. Daignez entendre.... À tant de maux enfin pour jamais vous soustraire, Vous guérir, et bientôt partager avec vous Un honneur que les dieux n'ont réservé qu'à nous. Sous vos coups, sous les miens, ils feront tomber Troie. Oui, le ciel qui m'envoie, Du soin de les remplir nous a chargés toute deux ! Je ne le puis, seigneur, et la Grèce en alarmes, Ne saurait aujourd'hui voir changer ses destins, Que par ces traits puissants remis entre mes mains. Je lui dois obéir, et je veux bien pour elle Oublier, je l'avoue, une injure cruelle. Mon coeur, qui s'en plaignait, ne vous a point déçu ; Mais j'immole â l'Etat l'affront que j'ai reçu. Imitez mon exemple. Je ne crains que mon coeur : Philoctète, la Grèce, Les serments que j'ai faits, la pitié qui me presse... Ah ! plût au ciel jamais n'avoir quitté Scyros ! Quel parti prendre, ô ciel ? Souffrez que nos soldats demeurent en ces lieux. On peut à son malheur, on peut à ma prière Accorder sans danger cette grâce dernière ; Et tandis qu'on s'apprête à quitter ce séjour, Que l'on demande aux dieux un fortuné retour, Philoctète abjurant une haine funeste, Pourra mettre à profit le moment qui lui reste, Il peut enfin se rendre, il peut se repentir... Vous, au premier signal, soyez prêts à partir. Pour expier ma faute, et pour la réparer. Ah ! D'avoir pu vous croire, Lorsque fidèle aux Grecs, et trahissant ma gloire, Je me suis abaissé jusqu'à tromper la foi De cet infortuné qui se livrait à moi. Lui rendre enfin justice. Je n'obtins que par un artifice Ces traits que d'un héros lui laissa l'amitié, Et je lui remettrai ce qu'il m'a confié. Tout est examiné. J'y suis déterminé. Et qui l'empêchera ? Je brave leur courroux, et l'attends sans effroi ; Quand je fais mon devoir, je ne saurais rien craindre. Il est vrai, vos conseils ( il faut que j'en rougisse ) M'avaient fait malgré moi commettre une injustice. Ici la politique emprunta votre voix ; Mais l'équité l'emporte, et j'accomplis ses lois. Armez-vous contre moi, la mienne est prête : allez. Qu'ils viennent : j'aime mieux éprouver leur fureur, Que d'avoir plus longtemps à combattre mon coeur. Je ne rougirai plus aux yeux de Philoctète. Je l'ai fait avertir. Rassurez-vous, Seigneur, soyez sans défiance. Daignez m'entendre au moins. Eh bien ! au repentir n'est-il aucune voie ? Vous connaîtrez bientôt quel intérêt m'anime. Dites-moi seulement ( c'est tout ce que je veux ) Si vous vous obstinez à rester en ces lieux, Si vous êtes toujours, à vous-même contraire , Si rien de ce dessein ne saurait vous distraire ? De grâce, répondez. Hélas ! J'aurais voulu De ce coeur trop aigri fléchir la violence ; Mais si vous l'ordonnez, je garde le silence. Plus d'imprécations, plus de cris, ni de larmes. Connaissez-mieux Pyrrhus, et reprenez vos armes. Recevez de mes mains ce bien qui vous est dû. Ne craignez rien de moi, quand je viens vous le rendre ; Me punisse le ciel, si je veux vous surprendre ! Ah ! Pour son fils, Seigneur, il doit être bien doux De voir que ce grand nom est si sacré pour vous. Vous avez oublié ma faute et ma faiblesse. Eh bien ! S'il est ainsi, souffrez que ma jeunesse, Instruite par les dieux, dicte leur volonté, Et s'arme contre vous de leur autorité. Seigneur, il est des maux dont une loi sévère Nous impose en naissant le fardeau nécessaire, Des maux dont nul mortel ne peut être exempté. Que nous fait la nature et la fatalité. Mais lorsque nos malheurs sont notre propre ouvrage, Lorsque nous repoussons la main qui nous soulage, Rebelles aux conseils et sourds à l'amitié, Nous devenons dès lors indignes de pitié. Votre âme est inflexible, elle aigrit sa blessure ; Les avis les plus chers sont pour vous une injure. Tous les soins sont perdus : le plus fidèle ami, S'il veut vous apaiser, vous semble un ennemi. Je parlerai pourtant, et je dois vous apprendre L'oracle que sur vous les dieux viennent de rendre. Le Troyen Hélénus, ce prophète sacré, Sur nos destins communs est par eux éclairé. Captif entre nos mains, il nous offre sa vie, Si sa prédiction se trouve démentie. Le ciel vous a puni : c'est lui dont la rigueur Suscita contre vous le reptile vengeur, Du temple de Chrysa le gardien redoutable, Alors que profanant l'asIle inviolable À ses soins confié par les dieux immortels, Vous alliez y porter des regards criminels. Vous ne verrez cesser le fléau qui vous frappe, Qu'en cherchant parmi nous les enfants d'Esculape, Qu'en prenant Ilion ; la céleste faveur De sa chute entre nous a partagé l'honneur. De tous ces grands destins digne dépositaire, Avez-vous donc aux dieux quelque reproche à faire ? Ils vous offrent, Seigneur, les plus nobles travaux, Le bonheur, la victoire et la fin de vos maux. C'est contre vous, Seigneur, que votre voix prononce. Le ciel veut vous guérir : sa clémence l'annonce : Le remède est certain, et vous le rejetez ! Pyrrhus est votre ami. Il les vit commencer, il les verra finir ; Et pour vous de salut il n'est point d'autre voie. Je les tiendrai sans doute, Malgré tous les périls qu'il faut que je redoute, Dût la Grèce en fureur contre nous deux s'armer. Eh bien donc, suivez-moi. Ah ! Gardez-vous d'en faire un si funeste usage. Vous les tenez de moi. Seigneur, au nom des dieux.... Écoutez, leur voix parle, entendez le tonnerre : Leur pouvoir se déclare. **** *creator_laharpe *book_laharpe_philoctete *style_verse *genre_tragedy *dist1_laharpe_verse_tragedy_philoctete *dist2_laharpe_verse_tragedy *id_HERCULE *date_1783 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_hercule Arrête, et reconnais Hercule et ton ami. Je descends pour toi seul de la voûte éternelle. Je partage des dieux la grandeur immortelle. Tu sais par quel chemin je m'y suis élevé : Par les mêmes travaux tu dois être éprouvé. Ton sort est de marcher dans les sentiers d'Alcide ; Suis ce jeune héros qui s'offre pour ton guide. La Grèce sur tes pas conduira ses guerriers, Et le sang de Pâris doit teindre tes lauriers. Sa vie est dévouée aux flèches que tu portes. Du coupable Ilion tu briseras les portes. Pour Pyrrhus et pour loi les destins ont gardé Ce triomphe éclatant, si longtemps retardé. Allez chercher tous deux votre commune proie ; Présente au vieux Poean les dépouilles de Troie ; Mais, lorsqu'en son palais tu rentreras vainqueur, Rapportant dans OEta le prix de ta valeur, Sur le tombeau d'Alcide offres-en les prémices ; À mes flèches, à moi tu dois ces sacrifices. Va, de ta guérison Esculape est chargé. Rends grâce aux immortels qui t'auront protégé. Honore-les toujours : ta gloire est leur ouvrage ; D'un coeur religieux ils chérissent l'hommage : Et la pure vertu, le plus beau don des cieux, Ne meurt point avec l'homme, et se rejoint aux dieux.