**** *creator_leclerc *book_leclerc_iphigenie *style_verse *genre_tragedy *dist1_leclerc_verse_tragedy_iphigenie *dist2_leclerc_verse_tragedy *id_AGAMEMNON *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_agamemnon Hélas ! C'est bien assez de ne pas murmurer. Tu vois toujours les vents malgré leur inconstance, Dans ce funeste port obstinés au silence. Ce calme plus cruel que les flots irrités, Tient avec nos vaisseaux nos desseins arrêtés. L'oisiveté forcée où la flotte est réduite, Fait gémir les héros qui sont sous ma conduite ; J'ai redoublé mes soins, et j'ai fait mille efforts Pour donner un cours libre à leurs nobles transports, J'ai cru que mes voeux forçant cette barrière Pourraient aux grands exploits nous ouvrir la carrière, Mais j'ai perdu mes voeux, mes soins et mes travaux, Et ce n'est pas encor le plus grand de mes maux. Ah ! Que je suis à plaindre en l'état où je suis, Oronte, tu me vois le chef de tant de princes Que la Grèce a choisis de toutes nos provinces, Un camp presque innombrable obéit à mes lois, Et marchant sur mes pas se règle par ma voix, Mais de tant de malheur cette gloire est suivie, Quelle devient fatales au repos de ma vie, Et j'achète bien cher l'éclat de ce haut rang, Puisqu'il faut malgré moi le payer de mon sang. Écoute. Quand les Grecs assemblés sur ces bords M'eurent choisi pour chef de leur illustre corps, Cet emploi me fut cher, je l'acceptai sans peine Pour venger Ménélas du ravisseur d'Hélène, Je brûlais du désir d'achever ce dessein ; Mais hélas ! Qu'à moi-même il devient inhumain Puisque par un revers funeste à ma famille Si je lui rends Hélène, il m'en coûte ma fille. Oronte, apprends de moi Comment j'en ai reçu la tyrannique loi. Les grecs prêts à partir brûlaient d'impatience D'aller faire sur Troie éclater leur vengeance, Lorsqu'un calme soudain répandu sur les eaux Dans ce triste rivage arrêta nos vaisseaux : Par mille et mille voeux contre cette infortune On brigua la faveur d'Éole et de Neptune, Mais ces Dieux, que pressaient nos désirs inquiets Furent à nos soupirs des Dieux sourds et muets, Et pour rendre les vents et les flots plus propices Nous offrîmes jamais que de vains sacrifices, Calcas enfin pressé de l'esprit furieux, Qui prononce aux mortels les réponses des Dieux, De la part de Diane a rendu cet oracle, Qu'il nous faut accomplir pour surmonter l'obstacle, Qui de notre vengeance arrête le dessein, Entends, Oronte, entends, cet Oracle inhumain, Pour voir finir le calme et vous conduire à Troie, Et pour y remporter un renom immortel, Du sang d'Iphigénie arrosez mon Autel, Ô GRECS, il n'est point d'autre voie. À ces mots mon courage abattu Cher Oronte, eut besoin de toute ma vertu, Je ne pus qu'avec peine etoufer le murmure Je ne pus qu'avec peine étouffer la Nature, Et quand j'envisageai l'excès de mon malheur Je me vis sur le point d'expirer de douleur. Pour prévenir ce coup et pour mieux m'en défendre Au désir de Calcas je feignis de me rendre, Et j'ai par mes détours jusqu'ici différé À lui livrer le sang dont il est altéré. Mais enfin Ménélas qui ne sent d'autre peine Que celle, que lui fait l'enlèvement d'Hélène, Du salut de l'État couvrant son intérêt Me presse d'obéir à ce funeste arrêt, Et Calcas y joignant les terribles maximes Que son zèle établit sur le sang des victimes, Attend que j'y réponde, et présente mes yeux Si j'ose y résister la colère des Dieux ; Il faut se rendre enfin. Je fais plus, dès ce jour je t'envoie en Argos, J'écris à Clytemnestre, et feins qu'Iphigénie Doit au fils de Thétis par l'hymen être unie, Qu'Achille a refusé de partir avec nous S'il n'emporte avec lui le nom de son époux, Ainsi de cet hymen l'amorce mensongère Amènera bientôt et la fille et la mère, Et moi j'accomplirai cette barbare loi Que nous connaissons seuls mon frère, Ulysse et moi. Aux tendresses du sang ma gloire inexorable Change un père sensible en juge impitoyable, Et d'un cruel effort tyrannisant mes voeux, Fait à ce que je dois céder ce que je veux. Voici l'écrit fatal, où Calcas et mon frère Trouvent à mes dépens de quoi se satisfaire, Voilà l'appas trompeur, ma fille, le voici, Qui pour trancher tes jours doit t'attirer ici. Pour ma fille, je sais que ton coeur s'intéresse, Mais tu n'aimes pas moins le salut de la Grèce, Je sais que pour nous rendre heureux et triomphants Toi-même tu voudrais immoler tes enfants. De son nom seulement nous couvrons ce mystère, Et pour lui, ce n'est pas un sujet de colère, Amour, comme tu sais, n'en est pas le vainqueur, Et Mars seul est en droit de remplir tout son coeur. Si naguère on lui vit quitter Deidamie, Et réveiller pour nous sa valeur endormie, Il verra sans en être irrité ni surpris La perte d'un objet dont il n'est point épris. Plût au Ciel, que Diane apaisant son courroux Il devint de ma fille et l'amant et l'époux, Mais un si doux espoir peut-il flatter l'envie De qui doit n'aspirer qu'à conserver sa vie ? Plein d'un zèle indiscret, et mon frère et Calcas Menacent d'éclater si je n'obéis pas, Je dois rendre aujourd'hui ma dernière réponse, Dès que je l'ai fermée, aussitôt j'y renonce. Que dois-je faire enfin ? Mais je vois Ménélas. Laisse-nous seuls Oronte, et ne t'éloigne pas. L'ingrat vient redoubler l'ennui qui me dévore, Hélas ! Vous savez bien quel sang me demandent les Dieux : S'il savait comme tous, ce camp si factieux. Par quel coup on m'oblige, et par quelle victime, D'expier le soupçon de je ne sais quel crime, Il me plaindrait sans doute au lieu de m'insulter, Et retiendrait la main qui doit l'exécuter. Le coeur d'Agamemnon, à son devoir fidèle Pour les Dieux, pour le camp ne manque point de zèle, Mais enfin, ne peut on par de plus doux moyens Faire passer les Grecs sur les murs des Troyens, Ne puis-je, sans me perdre, avoir les Dieux propices ? Diane veut son sang ? Hélas ! Et pour quel crime, Qu'ai-je dit, qu'ai je fait pour l'aigrir contre moi, Jusqu'à me demander plus que je ne lui dois ? Je serai donc puni, je serai misérable Sans savoir, sans sentir ce qui me rend coupable, J'immolerai mon sang, et mon coeur désolé N'aura qu'un vain regret de l'avoir immolé ? Hélas ! Heureux, qui comme vous N'exhorte qu'à souffrir ne sent pas les coups, J'avais cru que mes voeux, et que Calcas lui-même Trouverait un remède à mon malheur extrême, Mais je vois que du Ciel l'Arrêt est absolu ; Après tant de combats m'y voilà résolu, La nature a cédé, le devoir la surmonte. Dans une heure au plus tard je fais partir Oronte, J'écris à Clytemnestre, un hymen spécieux Va conduire la mère et la fille en ces lieux. Vous pouvez à Calcas en porter la nouvelle. Barbare qu'as-tu dis ? Tu veux verser ton sang ? Es-tu jusqu'à ce point esclave de ton rang ? La Grèce des Troyens veut punir l'arrogance Mais de cet appareil dresse pour sa vengeance Momarque infortuné, quel fruit espères-tu ? S'ils triomphent déjà sans avoir combattu, Si tu verses, ton sang pour expier leur crime, Si ta fille devient leur première victime, Si pour premier exploit ton courage inhumain, Ne peut les approcher qu'en lui perçant le sein ? Quoi donc, le choix des Grecs m'aura rendu leur maître Pour être l'assassin de ce que j'ai fait naître ? Ah ! Subsiste plutôt le superbe Illion, Périsse tout le camp par ma rébellion, Et dussions-nous du Ciel épuiser la colère, Vivons, mourrons en Roi sans cesser d'être père. Non, je n'avouerai point cet écrit criminel Qui ferait à mon âme un reproche éternel, Je vais dans ce moment par un ordre contraire Et conserver la fille et prévenir la mère, J'ai trouvé le secret d'établir mon repos, Viens recevoir ma lettre, et partir pour Argos. Pour la dernière fois tu triomphes Nature, Que les Dieux indignés accablent un parjure ; Lorsqu'ils m'osent prescrire un coup qui fait horreur II vaut mieux mériter que servir leur fureur. C'est-là ce secours tant promis Ô frère plus cruel que tous nos ennemis ! Je vous trouve interdit, quelle raison pressante Vous fait si promptement revenir dans ma tente ? C'est ma lettre, que vois-je ? Oronte est donc un traître ? Quoi ? Vous avez donc eu l'orgueil et l'insolence D'arracher ce secret avecque violence ? Qu'avez-vous fait d'Oronte ? Téméraire, mais non je retiens ma colère, Ingrat, et sens encor que je suis votre frère. Cruel, votre intérêt plus puissant que le mien, Ne prodigue qu'un sang qui ne lui coûte rien ; Vous voulez réparer le désordre d'Hélène, En donnant à ma fille une mort inhumaine, Et lorsque par surprise on m'y fait consentir Vous osez condamner jusqu'à mon repentir ? Nommez ce repentir une fausse sagesse Funeste à mon honneur et fatale à la Grèce, La vôtre est bien plus fausse, en rêvant nuit et jour À l'ingrate moitié qui rie de votre amour ; Sa honte eut dû vous faire oublier tous ses charmes, Et nous devrions rougir de vous prêter nos armes. Quelle soit criminelle ou pleine d'innocence, Ma fille ne doit point mourir pour sa vengeance. Que les Dieux soient pour vous, que le camp se mutine, J'attendrai sans trembler le coup de ma ruine, J'y pourrai, Ménélas, peut-être envelopper Les mutins, dont l'audace osera s'échapper ; Prévenez ce désordre, ou vous m'en rendrez compte. Cependant sans tarder, que l'on délivre Oronte, Pour me le renvoyer retournez sur vos pas, Ou moi-même j'irai l'arracher de vos bras, Adieu. Clytemnestre en ces lieux, Clytemnestre elle-même ! Et toi ma fille aussi. Ne la condamnez pas, elle n'est que trop juste. Le long éloignement qui va nous séparer. Que ne peut ton destin répondre à ton envie. Non, tu dépens des Dieux. À tout ce qu'ils voudront il faut se préparer. Il n'est pas à propos qu'une fille le sache. Les Dieux sont irrités, ne leur demande rien. Laisse-nous un moment, ta présence me tue, J'ai peine à rétablir ma constance abattue. Il était nécessaire au repos de mes jours Ou de ne te voir plus, ou de te voir toujours. Rendez sur ce point mon esprit éclairci, Madame, quel sujet vous a conduit ici ? L'écriture en est fausse, et le seing contrefait, Dissimulons pourtant. C'est ma lettre en effet ; Mais je ne demandais ici qu'Iphigénie, Elle seule suffit pour la cérémonie. De mes intentions il devait vous instruire, Et vous auriez appris qu'il était à propos De ne point s'éloigner de Mycènes et d'Argos. Un tas de mécontents peut pendant votre absence Y semer le venin qu'inspire la vengeance, Un peuple qui toujours aime le changement, Qui ne saurait souffrir le joug le plus charmant, Qui sans cesse gémit, qui sans cesse soupire, Peut d'un Prince étranger reconnaître l'empire. Qui laisse un trône vide, invite à l'usurper, Et qui connaît son prix doit toujours l'occuper. Prévenez de mutins l'ambitieuse audace, De peur qu'on s'en saisisse, allez remplir ma place. Ne perdez point de temps et comme sur vos bras J'ose me reposer du soin de vos États, Sans que dans notre camp cet hymen vous retarde, Reposez-vous sur moi du soin qui vous regarde, Et n'appréhendez point étant loin de ces lieux Que cet hymen ne tourne à la gloire des Dieux. Madame, suivez mieux les avis qu'on vous donne. Demeurez donc, Madame, et désobéissez, Mais destinez ailleurs ces pleurs que vous versez : Jaloux de ma douleur moins que de votre joie, Je voulais au chagrin demeurer seul en proie, Mais pour votre malheur vous ne le voulez pas. Je vous laisse, Madame, et je vais voir Calcas. Ô Ciel ! Je vois couler ses larmes. Qui peut vous obliger à répandre des pleurs Dans ce commun sujet de triomphe et de joie ? Il faut tout espérer de la faveur des Dieux Madame, le retour en sera glorieux , Et les heureux succès d'une juste vengeance Répareront bientôt la douleur de l'absence. Madame, elle sera de gloire couronnée. Vous savez un secret qu'Oronte n'a pu taire ? Ah ! Madame, peut-on affliger ce qu'on aime ? J'aurais voulu pouvoir le cacher à moi-même. Hé ! Puis-je, Madame, et vous et votre Ulysse N'avez-vous pas conduit ma fille au sacrifice ? Calcas, si je balance, est tout prêt d'éclater, Suis-je maître d'un camp qui va se révolter, Et quand je pourrais tout, dois-je perdre ma gloire, Et le prix que j'attends des mains de la victoire ? Le salut de la Grèce, et la faveur des Dieux Qui nous sont de sa perte un devoir nécessaire. Je n'attendais pas moins d'un coeur si généreux. En vain vous réveillez les tendresses d'un père. Je dois agir en Roi, si vous parlez en mère, J'ai senti le premier tout ce que vous sentez. Hélas ! Mon mauvais sort ne souffre point d'excuses, Son absolu décret a prévenu mes ruses, Il a paré mes coups, confondu mes desseins, Et contre la nature a révolté mes mains. Non, il faut qu'il m'en coûte une si chère tête, Et j'ai dit à Calcas que sa victime est prête, Ce n'est plus qu'à ma fille à satisfaire aux Dieux, Et nous montrer un coeur digne de ses aïeux. Ah ! Ma fille, croyez que ce coup généreux, Au lieu d'une victime en immolera deux, Et contondant ma peine avec votre supplice Fera d'Agamemnon un triste sacrifice, Car enfin tout conspire à ce sanglant dessein Qui doit percer mon coeur en vous perçant le sein, Le Ciel dont le pouvoir ne souffre point d'obstacle, En a formé l'arrêt par la voie de l'Oracle. Tout le camp qui sur vous établit son espoir, En attend son salut, et veut vous le devoir, Après l'arrêt des Dieux, l'innocence est coupable. Leurs droits sont absolus, leur ordre irrévocable, De ce sang innocent je sais quel est le prix, Mais il faut le verser, le conseil en est pris. Que veux-tu Lâche retour du sang qui trahis ma vertu ? Ne m'importune plus de cet objet funeste, J'ai fait ce que j'ai dû, les Dieux feront le reste. Je ne puis condamner votre juste courroux, J'ai su, Seigneur, j'ai su que vous aimiez ma fille, Le fils d'une Déesse honorait ma famille , Et si le Ciel plus doux eût secondé mes voeux, Vous partiriez content, nous serions tous heureux, Mais vous savez son sort, on a pu vous l'apprendre , Les Dieux me l'ont donnée, ils peuvent la reprendre , J'ai voulu la sauver, j'ai voulu les trahir, Ma révolte fut vaine, il faut leur obéir, Mais je ne sens que trop, que malgré ma constance, Ma mort sera le prix de mon obéissance. Vous faites à Calcas une injure cruelle, De la Déesse il est l'interprète fidèle, Et je ne sais que trop que rien ne peut changer Le rigoureux dessein qu'elle a de se venger, Qu'on a pû l'offenser ; qu'on a pu lui déplaire, Et que rien que mon sang n'éteindra sa colère. À vous flatter l'amour est trop ingénieux, Diane est contre nous d'accord avec les Dieux. Tous d'un consentement veulent ce sacrifice, Et pour m'y préparer se sont servis d'Ulysse. Tout le camp est pour lui, nos efforts seraient vains, Comme vous j'ai d'abord voulu venger l'outrage, Mais le respect des Dieux a calmé mon courage, Et je ne l'ai plus vu que comme l'instrument, Dont ils se sont servis pour notre châtiment : Étouffez comme moi cet indiscret murmure. C'est un ordre du Ciel, il faut l'exécuter, Et nous perdons ici le temps à contester. Non, non, je ne suis plus qu'un tyran inhumain, Qui de cet attentat seconde le dessein, Qui deviens de sa mort le malheureux complice, Qui l'ai livrée enfin entre les mains d'Ulysse. Que tu me fais, Achille, un injuste reproche, Et que tu connais mal l'effroyable tourment Que souffre un triste père en ce fatal moment ? Je conçois d'un amant le désespoir extrême, lorsqu'il est sur le point de perdre ce qu'il aime, Mais tes maux fussent-ils plus vifs et plus pressants Peut-on les comparer à ceux que je ressens ? L'image du malheur qui t'ôtes Iphigénie Peut par un autre objet le voir un jour bannie, Tu peux t'en consoler prenant de nouveaux fers, Mais qui me peut jamais rendre ce que je perds ? Ma fille était la gloire et l'amour de la Grèce, Te l'avais élevée avec tant de tendresse, Hélas ! Tant de vertu fut jointe à sa beauté, Le Ciel lui promettait tant de félicité, Et n'avait fait connaître à la terre charmée Ni père plus aimé, ni fille plus aimée ; Moi-même cependant je la livre au bourreau , Qui va de ses beaux jours éteindre le flambeau. Ne vois-je pas Calcas, de qui la main sanglante Plonge le fer cruel dans sa gorge innocente ? Ne vois-je pas déjà le bûcher allumé Par qui ce tendre objet doit être consumé ? J'en frémis, j'en frissonne. Votre plainte est injuste, et votre erreur est grande, Elle ne dépendait ni de vous ni de moi, Cette fille qui fait le trouble où je vous vois. Ne vous souvient-il plus ; que dès qu'elle fut née Par vous-même à Diane elle fut destinée, Cependant, pour flatter les désirs d'un mortel Vous vouliez la ravir au culte de l'autel ? Par ce voeu violé, la Déesse outragée Nous fit bientôt sentir qu'elle en serait vengée, Nous vîmes, quand le calme arrêta nos vaisseaux, Le premier, mais non pas le plus grand de ses fléaux, La mort d'Iphigénie à ce calme succède, Et surpasse le mal dont elle est le remède : Vous avez attiré le céleste courroux, Et si ma fille meurt, n'en accusez que vous. Diane par Calcas enfin l'a révélé, En m'expliquant par lui le courroux qui l'anime, M'en a dit le sujet, m'a déclaré le crime. Oronte tout en pleurs adresse ici ses pas. En est-ce fait Oronte ? Ô force, ô fermeté qui n'eût jamais d'exemple ! Souffrez plus constamment une atteinte si rude, Et moi je vais du camp prévenir les malheurs. N'allez point par vos pleurs faire un nouvel obstacle, Ma fille vit heureuse, et j'ai rempli l'Oracle, J'entends, j'entends déjà le murmure des flots, Allons à Troie, et vous retournez en Argos, Madame, et secondez nos efforts légitimes Par des voeux plus constants et par d'autres victimes. **** *creator_leclerc *book_leclerc_iphigenie *style_verse *genre_tragedy *dist1_leclerc_verse_tragedy_iphigenie *dist2_leclerc_verse_tragedy *id_MENELAS *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_menelas Hé bien, Seigneur, balancez-vous encore ? Quand les Dieux dont vous seul attirez le courroux Désolent tout un camp pour se venger de nous. Lorsqu'au calme obstiné d'où naissent nos misères Ils sont prêts d'ajouter les fléaux les plus sévères, Agamemnon croit-il pouvoir leur refuser La victime et le sang qui doit les apaiser ? Votre âme en ce malheur d'un beau zèle animée, La doit, ainsi qu'aux Dieux, au salut de l'Armée : Si je vous parle ainsi, Seigneur, c'est malgré moi, L'impatient Calcas m'impose cette loi, Et s'il en exigeait le coup qu'il vous ordonne On m'aurait vu déjà lui livrer Hermione ; Car enfin, quelque grand que soit un potentat, Il n'est pas à lui-même, il est à son État, Il se doit tout entier aux peuples qu'il commande, Il doit périr pour eux, si leur bien le demande : Cependant vous osez retarder nos exploits Chef de tant de soldats, et Roi de tant de Rois ? Bien que le camp, Seigneur, ignore encor l'Oracle, II croit qu'à son bonheur vous seul servez d'obstacle, Ulysse, en nous quittant a fait mille mutins, Et si vous n'apaisez ces troubles intestins, Je vous en avertis, à moins d'un prompt remède On met en votre place Ajax ou Diomède. À Diane on a fait de nouveaux sacrifices, Mais si de ce beau sang l'autel n'est arrosé, Nous ne verrons jamais son courroux apaisé ; Iphigénie enfin, est la seule victime. C'est un ordre du Ciel, et quand le Ciel ordonne Il veut qu'on obéisse, et non pas qu'on raisonne. Livrez Iphigénie au maître de son sort ; Croyez, puisqu'il le dit, qu'elle est digne de mort, Pour ses autels sacrés Diane la demande, Croyez que la Déesse est digne de l'offrande, Et qu'on la doit peut-être à sa Divinité Moins pour votre forfait que pour sa pureté. Si vous lui refusez le sang d'Iphigénie, Le Ciel vous ravira ce sang qu'on lui dénie. Quoi ! Vous pleurez ? Je vous plains, et ne puis qu'admirer votre zèle. Quelque ordre que j'envoie afin que dans Aulide Ma fille vienne avecque vous, Ne consentez jamais à cet ordre perfide, Son sang doit de Diane apaiser le courroux ; Mais je mourrai plutôt que d'être parricide. Ce prompt retour, Seigneur, n'est pas sans fondement, Jetez sur cette Lettre un regard seulement. Il est dans son devoir plus constant que son maître, À garder cet écrit il était obstiné, Je l'ai plutôt ravi qu'il ne me l'a donné. Le voilà, cet écrit injuste et téméraire, Désavouez-le encor si vous pouvez mon frère, Le tendre avis qu'il porte étale aux yeux de tous Cette forte amitié que vous avez pour nous. Il est en mon pouvoir, Et quand il sera temps on vous le fera voir. Je suis Roi comme vous, né dans l'indépendance, Que si vous exercez la suprême puissance, Vous la tenez de nous, vous la tenez d'un choix, Qui pourrait bien encor tomber sur d'autre rois. Devrais-je point flatter votre esprit inégal, Aux Grecs, à noire gloire, à vous-même fatal ? Quand Diane exigea le sang d'Iphigénie Pour voir de tout un camp la misère finie, Vous parûtes alors plus prompt à l'accorder , Que le sage Calcas à vous le demander. On résolut chez vous, que le prudent Ulysse Se rendrait dans Argos, et d'un sage artifice Conduirait doucement la victime en ces lieux, Sous le voile emprunté de l'hymen spécieux, Qui pour combler le camp d'une juste allégresse Devait unir Achille avec cette Princesse. Lorsqu'Ulysse fut prêt, vous ne voulûtes plus, Et ce Chef indigné de ce soudain refus Abandonna le camp, et fait par son absence De ses heureux conseils regretter la prudence : Enfin ne tenant rien, quoiqu'il promette tout, Agamemnon résiste à tout ce qu'il résout. Ou refusez, Seigneur, avec pleine assurance, Ou ne nous flattez plus d'une fausse espérance Pouvez-vous l'accuser, et savoir que son coeur, N'aime, et ne peut jamais aimer son ravisseur ? Ah ! Vous n'en êtes pas encore où vous pensez, J'ai pour moi tout le camp, et les Dieux courroucés. Ciel ! Se peut-il, qu'en ce désordre extrême t Prêt à me voir périr, prêt à périr lui-même, En dépit de l'Oracle, au mépris des autels Malgré tout le respect qu'on doit aux Immortels, Agamemnon s'obstine à garder une offrande Qu'il promit, et qu'il doit, au Ciel qui la demande, Ah ! Si ce frère ingrat m'ose manquer de foi, S'il est haï des Dieux, doit-on suivre sa loi ? Il faut changer de chef pour changer de fortune, Et combattre et mourir pour la cause commune, Mais que vois-je ? Est-ce Ulysse ? Oui, c'est lui, que les Cieux Dans ce pressant besoin présentent à mes yeux ! Ulysse, c'est donc vous, quelqu'ennui qui me presse, Votre abord en ces lieux y répand l'allégresse. Plus faible que jamais, c'est un faux magnanime, Qui cherche cent détours pour sauver la victime, Et qui verra périr le camp et ses amis, Plutôt que de donner le sang qu'il a promis. Ô surprise agréable ! Enfin qu'avez-vous fait ? Elles sont dans Aulide ? Que vous conduisez bien toutes vos entreprises, Ce qu'en vain demandaient les Oracles des Cieux, Vous l'avez obtenu pour nous et pour nos Dieux : Et sans l'heureux secours de vos prompts artifices Calcas eut fait en vain de nouveaux sacrifices. Enfin, mon frère, enfin ton coeur irrésolu Est contraint de vouloir ce qu'il n'a pas voulu, Les soins et les détours de ton âme inégale Pour suspendre des Dieux l'ordonnance fatale, N'ont pu te garantir des coups sourds et secrets Qui vengent le mépris de leurs justes décrets. **** *creator_leclerc *book_leclerc_iphigenie *style_verse *genre_tragedy *dist1_leclerc_verse_tragedy_iphigenie *dist2_leclerc_verse_tragedy *id_ACHILLE *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_achille Quel Dieu nous rend votre présence, Ulysse ? En vous voyant, pour ce camp malheureux Je ne puis qu'espérer un sort moins rigoureux Le calme va finir et nous irons à Troie. Cher Ulysse, les Dieux apaisant leur courroux Vont finir tous nos maux par un destin plus doux, Lassé du calme affreux qui règne en ce rivage, Et des champs Phrygiens nous ferme le passage, J'ai voulu voir Calcas pour apprendre de lui Si nous devons longtemps languir dans cet ennui. Achille, m'a, dit-il, ne soyez plus en peine, Je vois déjà les vents prêts à briser leur chaîne, Voici le jour fatal, où régnant sur les eaux, Ils sauront seconder nos voeux et nos vaisseaux , Éole seulement pour leur lâcher la bride Attend qu'Iphigénie arrive dans Aulide. S'il est vrai que sa voix soit l'organe des Dieux, J'apprends qu'Iphigénie arrive dans ces lieux, Ulysse, Agamemnon m'en a fait un mystère, C'est un mépris pour moi dont je ne puis me taire. Ah ! Je brûle déjà du désir de la voir. Cette jeune Princesse a des charmes si doux ! Que sa conquête, Ulysse, honorerait Achille ! Elle est digne de lui, plus elle est difficile. Ulysse, craignez moins pour l'honneur de mes armes, Le temps vous guérira de ces vaines alarmes, Je joindrai dans mon coeur, s'il se laisse enflammer, La gloire de combattre à la douceur d'aimer. Si ce divin objet captive ma franchise, J'en serai plus ardent à finir l'entreprise, Et d'un double intérêt mon courage engagé Vengera sur Pâris Ménélas outragé. Allez, qu'Iphigénie offrant son sacrifice Nous rende la mer libre et Diane propice ; Si la voie une fois est ouverte aux combats, Ulysse, mon devoir vous répond de mon bras. Si le calme obstiné qui règne en ce rivage De tous les Grecs, Madame, étonna le courage, Je les vois rassurés à l'aspect de vos yeux, Votre abord nous répond de la faveur des Cieux, Déjà dans tout le camp le pouvoir de vos charmes Fait revivre la gloire et l'éclat de nos armes, Et par le doux espoir qu'il met dans tous les coeurs. Madame, ce discours que je ne puis comprendre, A de quoi m'honorer et de quoi me surprendre. Il me serait trop doux ; Tout cède à la Princesse, et j'en garde, Madame, Le glorieux portrait jusques au fond de l'âme : À ses charmes d'abord Achille assujetti Sentit ce que son coeur n'avait jamais senti ; Mais quand de son hymen on me promet la gloire Mon bonheur est si grand que je n'ose se croire, Et comme il me surprend, j'ai peine à concevoir Par quel sort je puis être heureux sans le savoir. Il faut s'en éclaircir. J'en frémis. Quoi ! Ménélas, Ulysse, et même Agamemnon Pour faire un parricide ont employé mon nom ? Ulysse avec quel front, avec quel artifice M'as-tu parlé tantôt de ce noir sacrifice : Tyran de mon repos, sacrilège imposteur, Mes mains, mes propres mains t'arracheront le coeur. Madame, dans vos maux ma gloire s'intéresse, Je partage avec vous la douleur qui vous presse, Et je ferai bien voir peut-être avec éclat, Que je n'ai point de part à ce lâche attentat. Que faites-vous ? Je sens que pour combattre une injustice extrême. Mon courage s'élève au dessus de lui-même ; Et plus j'ose y songer, moins je puis concevoir Que le Ciel soit l'auteur d'un attentat si noir. Madame, suspendez ces mortelles alarmes, Attendez ce qu'on peut attendre de mes armes, Ne croyez-pas qu'en paix je laisse Agamemnon Pour perdre Iphigénie abuser de mon nom. Non, de cet attentat le Roi perdra l'envie, Ou d'autres que sa fille y laisseront la vie, Je suis partout Achille, et je n'attendrai pas Que je sois devant Troie à signaler mon bras. Non, Ulysse en ces lieux sous un feint hyménée Ne l'aura pas Madame au supplice amenée, Son stratagème est vain, il n'en jouira pas, Et je ferai mentir l'Oracle de Calcas. Le soin de mon amour, l'intérêt de ma gloire Arrêteront le coup d'une action si noire, Vous m'ayez honoré du nom de son époux, Et je conserverai ce que je tiens de vous. Heureux ! Si de mon sort la maîtresse et l'arbitre Souffre que mon amour ose prendre ce titre, Si je puis l'employant pour lui sauver le jour Montrer à l'Univers jusqu'où va mon amour. Non, non, elle ne peut tomber que par ma chute, Et pour elle il n'est rien qu'Achille n'exécute, Il faut. Il doit se joindre à nous pour son propre intérêt, Tout le camp, de Diane, ignore encor l'arrêt, Et le Ciel peut changer l'ordre du sacrifice ; Mais si ce cruel père en est toujours complice, Si contre nos désirs de l'Oracle inhumain Le camp mieux informé seconde le dessein, Si l'obstiné Calcas ne change de langage, On verra ce que peut un amant qu'on outrage, Que les plus grands périls ne sauraient émouvoir, Et qui ne prend de loi que de son désespoir. Souffrez que je la voie, et que j'aille auprès d'elle Prendre pour sa défense une force nouvelle. Téméraires soldats, indignes de mes coups Ou changez de langage, ou craignez mon courroux. Quelle fureur, et quelle tyrannie ! L'armée à haute voix demande Iphigénie, Déjà dans tout le camp l'Oracle répandu Madame, ne tient plus votre sort suspendu, Et mes propres soldats comme frappé du foudre À combattre pour vous n'oseraient se résoudre. En vain mon intérêt les a sollicités, De la voix de Calcas ils sont épouvantés, D'un discours affecté le captieux Ulysse Vous plaint, et cependant presse le sacrifice, Et lorsque contre lui je me suis emporté, Un cri tumultueux sur moi s'est excité, Mais sur les plus mutins ayant vengé l'outrage, Ce fer, de ce qui reste a glacé le courage. Je puis tout contre tous, Contre tout l'Univers, contre Diane même, Je n'ai plus de respect quand je perds ce que j'aime, Et dans le triste état où le Ciel m'a jeté, Je ne connais que vous pour ma Divinité. Mais calmez vos esprits trop chère Iphigénie. Je m'opposerai seul à tant de tyrannie, Le premier dont l'audace ira jusques à vous Aux autres apprendra ce que peut mon courroux, Rien ne saurait borner la fureur qui m'anime, J'immolerais le prêtre aux pieds de la victime, Et sur l'autel sanglant sans respecter les Dieux Mon coeur s'applaudirait d'un coup si glorieux. Quoi, donc ? À cette mort vous êtes résolue ? Quoi ? Vous pouvez penser qu'un complot odieux Qui menace vos jours soit un arrêt des Dieux, Et que leur ordre aveugle autorise la rage Qui cherche à ruiner leur plus parfait ouvrage ? Vivez belle Princesse, et si votre grand coeur Vous permet de répondre à ma fidèle ardeur, Préférez mon repos à la cruelle envie D'aller pour des ingrats prodigue votre vie. Si la mort vous plaît tant, ne me refusez pas Le cher et triste honneur d'accompagner vos pas : L'ordre secret du Ciel qui nous fit l'un pour l'autre, Par des noeuds si puissants joignit mon sort au vôtre, Que nous ne pouvons plus sans enfreindre sa loi, Ni moi vivre sans vous, ni vous, mourir sans moi. Si vous devez périr, adorable Princesse, Qu'importe à mon amour le salut de la Grèce ? Vous êtes le seul bien que je demande aux Dieux, Et le reste sans vous me doit être odieux. Ingrate ! Votre coeur abhorre l'hyménée, Qui devait avec vous unir ma destinée, Et vous ne renoncez à la clarté du jour, Ni ne cherchez la mort que pour fuir mon amour ; Hé bien allez remplir tous les voeux de l'armée, Ne désolez que moi, pour vous avoir aimée ; Mais courant à l'autel ne vous offensez pas Si ma douleur y fait l'office de Calcas. Je m'y signalerai par quelque illustre crime, Et vous ne serez pas la première victime. Vous me désespérez, Vous me percez le coeur, cependant vous pleurez ? Vous m'aimez ? Cruelle ! Fallait-il pour un dernier tourment Différer cet aveu jusqu'à ce dur moment, Et lorsque je vous perds pour amoindrir ma peine Ne valait-il pas mieux me montrer de la haine ? Votre rigueur rendrait mon sort moins rigoureux, Achille maltraité serait moins malheureux. Chère Princesse. Ne nous rebutons point, et par un juste effort Allons malgré les Dieux l'arracher à la mort. Si tu crois la sauver, tu te trompes Achille ? Ton courage ne fait qu'un dessein inutile, Lorsqu'un camp tout entier est armé contre toi, Et lorsque tes sujets t'osent manquer de foi. Destin, qui me promis tant d'heur et tant de gloire, Que je serais par tout suivi de la victoire, Pour première faveur, voudras-tu qu'à mes yeux On immole aujourd'hui ce que j'aime le mieux ? Et que pour couronner cet effroyable crime, Mon nom seul à l'autel ait conduit la victime. Ô ! Toi, le plus auguste et le plus grand des Dieux, Et le seul que je dois révérer en ces lieux, Amour, défends tes droits contre tant d'injustice, Et faisons tout périr avant qu'elle périsse. Achille, infortuné pour surmonter son sort Va, sur Agamemnon faire un dernier effort ; Mais qu'en dois-je obtenir ? Et qu'est-ce que j'espère ? Puisqu'il n'a pu se rendre aux larmes d'une mère ; Voyons-le, il peut changer, mais il sort. Je vous cherchais, Seigneur, pour apprendre de vous. À quoi lui sert l'amour d'un père désolé, S'il n'ose plus agir quand Calcas a parlé ? Qui vous dit que sa voix soit la voix de Diane ? II en faut mieux juger, Calcas n'est qu'un profane Qui par quelque grand coup cherche à s'autoriser, Et qui par cette mort veut s'immortaliser. Si Diane en courroux nous arrête en ces lieux, Il faut pour en sortir implorer d'autres Dieux : Des Dieux comme des Rois les liens se détruisent, Et divers intérêts bien souvent les divisent. Un jour, n'en doutez point, les Troyens assiégés Verront entre eux et nous tous les Dieux partagés, Mais c'est le seul Destin, qui dans la guerre ouverte Résoudra des Troyens le salut ou la perte. Vous pouvez excuser ce lâche scélérat Qui par son imposture, et par son attentat A supposé mon nom, et votre caractère Pour immoler la fille , et pour tromper la mère Il se cache à mes yeux mais s'il tombe en mes mains... Vous n'écoutez donc plus le sang, ni la Nature ? Ingrat, si je suivais ce que veut ma colère, Mais j'aime Iphigénie, et vous êtes son père. Tu viens de la livrer, père dénaturé ? Ah ! Courrons au secours que j'ai trop différé, Tous les moments sont chers dans un péril si proche. **** *creator_leclerc *book_leclerc_iphigenie *style_verse *genre_tragedy *dist1_leclerc_verse_tragedy_iphigenie *dist2_leclerc_verse_tragedy *id_ULYSSE *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_ulysse Votre venue a de quoi me payer à son tour, Du plaisir surprenant que vous fait mon retour. Hé bien, Agamemnon, a-t-il donc le courage Après tant de refus, d'achever son ouvrage ? Et ne verrons-nous point triompher sa vertu De l'aveugle pitié dont il est combattu ? Je l'ai toujours prévu, que sa lâche tendresse N'accorderait jamais ce secours à la Grèce , Aussi dès que je vis son esprit incertain Me refuser son ordre, et changer de dessein, Je peignis sur mon front une feinte colère, J'abandonnai le camp, touché de sa misère, Et pour exécuter tout l'ordre concerté, Je courus vers Argos d'un pas précipité ; Là, pour rendre le lustre à sa gloire ternie J'abordai Clytemnestre, et vis Iphigénie. Le seing d'Agamemnon, avec art contrefait, Remis entre leurs mains, produisit son effet ; Par un juste rapport l'une et l'autre abusée Prit pour un ordre exprès la lettre supposée, De l'Hymen proposé le prétexte trompeur Acheva de gagner leur esprit et leur coeur, Si bien que de mes soins le bonheur, ou l'adresse Assure une victime au salut de la Grèce. Un coup, dont Ménélas doit être satisfait, J'ai conduit dans Aulide et la fille et la mère ? Et pour voir votre frère S'apprêtent à venir dans ce camp malheureux, Où les attend un sort bien contraire à leur voeux, Elles vont le surprendre, et vont être surprises. J'en fais mon ennemi par ce coup téméraire, Mais le camp me dût-il livrer à sa colère, Seigneur, pour la patrie il est beau de mourir : Lorsqu'il l'abandonnait j'ai dû la secourir, Mais il pourra se rendre. Achille est plus à craindre ; J'abuse de son nom, il a droit de se plaindre, Un dépit nous pourrait priver de son appui, En le perdant, Seigneur, nous perdons tout en lui. Iphigénie est jeune, elle est sage, elle est belle, Et le fils de Thétis peut soupirer pour elle, Il la vit dans Argos, y fit quelque séjour Et la voir, c'est assez, pour prendre de l'amour. II faut le prévenir. Je le vois qui s'avance, Laissez-nous seuls. Plût au Ciel ! Que ma mort vous en ouvrît la voie, Et qu'au champ de la gloire où tendent nos guerriers Je pusse de mon sang arroser vos lauriers, J'ai pour Achille un zèle à qui tout autre cède, Si je lui fis quitter la Cour de Lycomède, Et les plaisirs trompeurs de l'île de Scyros, Ce n'est pas pour le voir languir dans le repos, Et perdre chaque jour sur ces fatales rives Des moments qu'on dérobe à ses armes oisives. Et l'ignore lui-même, apprenez tout de moi, Diane est irritée, et l'on ne sait pourquoi. Sa haine à nos desseins depuis longtemps s'oppose, De ce calme fatal elle seule est la cause. Ayant su de Calcas, que cette Déïté D'Iphigénie aimait l'innocente beauté, Et que sa main plus pure offrant un sacrifice Pourrait ici la rendre à nos armes propice. Craignant qu'Agamemnon, qui du sage devin Dédaigne les conseils, donne tout au destin, N'empêchât ce projet, ne rompit mon voyage ; Je fis le mécontent pour ôter tout ombrage, J'allai droit en Argos, un écrit supposé, Auprès de Clytemnestre y rendit tout aisé, Et je l'ai dans ce camp, et sans bruit et sans suite, Avec Iphigénie heureusement conduite. Vous ne pouvez encor lui rendre ce devoir, Laissez aux chefs des Grecs, qu'elles veulent surprendre, De ce premier abord le moment doux et tendre. Hélène a moins d'appas ! Mais quoi, l'aimeriez-vous ? Si vous l'aimiez, Seigneur, que vous seriez à plaindre, Il n'est point de héros qui ne doive la craindre, Dans le culte des Dieux renfermant ses désirs Le foin de leurs autels fait ses plus doux plaisirs, Tout ce qui peut blesser la pudeur de Diane Passe dans son esprit pour une ardeur profane, Et l'aveugle tyran des hommes et des Dieux Ne peut rien sur son coeur, pouvant tout par ses yeux. Qu'entends-je ? Quand l'honneur vous appelle aux combats Des pièges de l'amour vous suivez les appas ? Et je vois aujourd'hui par ces molles pensées Les leçons de Chiron de votre âme effacées ? Achille, encore un coup, pour un objet nouveau Veut-il quitter l'épée et prendre le fuseau ? Et par l'aveugle instinct de Terreur qui l'obsède Ramener dans ce camp la Cour de Lycomède ? Ne se connaît il plus ? Et veut-il aujourd'hui Démentir tout l'espoir qu'on a conçu de lui ? Si ce qu'Oronte a dit vous arrache des pleurs, Et s'il vous en a fait une image funeste, Seigneur, pour l'effacer écoutez ce qui reste. L'horreur régnait partout, quand après mille éclairs Diane sur son char a paru dans les airs. Clytemnestre voulait garder pour l'Hyménée Sa fille à mes autels par son voeu destinée, Ô Grecs, a-t-elle dit, j'ai puni ce mépris, Mais le sang de sa fille était d'un trop grand prix Pour en pouvoir souffrir le cruel sacrifice, Je l'aime, il me suffit que son voeu s'accomplisse. Partez, Grecs, poursuit-elle, Achille sois constant, Je dois la rendre un jour, c'est le prix qui t'attend. La Déesse à ces mots se couvre d'un nuage, Tout le Camp est charmé de cet heureux présage, Achille même cède au souverain pouvoir, Et paraît apaisé par un si doux espoir. **** *creator_leclerc *book_leclerc_iphigenie *style_verse *genre_tragedy *dist1_leclerc_verse_tragedy_iphigenie *dist2_leclerc_verse_tragedy *id_ORONTE *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_oronte Quoi Seigneur, voulez-vous sans cesse soupirer ? Quelle infortune est jointe à ce clame funeste, Où j'avais cru, Seigneur, que le courroux céleste Avait jusqu'à ce jour borné tous nos ennuis ? De votre sang, ô Dieu ! J'ai peine à vous entendre : Quel crime ou quel malheur vous force à la répandre ! Votre fille Seigneur ? Quel oracle ! Quoi ? De ce sacrifice Vous pouvez devenir le malheureux complice, Le tyran de vos jours, et de votre repos ? Mais, Seigneur, songez-vous que cet effort barbare De l'amitié d'Achille à jamais vous sépare, Et rompant cet hymen comment prétendez-vous De ce jeune héros apaiser le courroux ? Ne croyez pas qu'Achille aux combats invincible Aux attraits de l'amour ait une âme insensible, J'ai su par un des siens, qu'à des soins généreux Son coeur mêle en secret des soupirs amoureux. Que lorsque dans Argos il vit Iphigénie Il sentit de ses yeux la douce tyrannie. Ô Reine infortunée où s'adressent vos pas ? Ce secret révélé me coûta-t-il la vie, Je serai trop heureux de vous avoir servie : Le Roi consent Madame, à l'Oracle inhumain Qui porte à votre fille un poignard dans le sein, Par la voix de Calcas Diane la demande. Au coup qu'il appréhende Le Roi pour s'emparer feignait de consentir, Et j'allais en Argos pour vous en avertir ; Lorsqu'au sortir du camp d'un effort téméraire Je me suis vu, Madame, arrêté par son frère, Qui ne m'eût point encor rendu la liberté, Sans un ordre absolu du monarque irrité. Sur l'amour du pays, sur celui de sa gloire Dans son coeur la nature emportait la victoire, Mais depuis que j'ai vu, que d'un esprit rusé Ulysse vous portant un écrit supposé, Vous avait obligée à ce triste voyage, Il a cru ne pouvoir résister davantage, Et que votre arrivée en ces funestes lieux Était moins le complot d'Ulysse que de Dieux : Il vient de voir Calcas, et croirait faire un crime S'il différait encor à livrer la victime, Diane en a donné l'arrêt, Calcas a prononcé que c'est la seule voie Qu'elle a marquée aux Grecs pour arriver à Troie, Ce triste sacrifice est l'hymen glorieux Qu'Ulysse vous a dit qu'on traitait en ces lieux ; Vous serviez Seigneur d'instrument à sa perte, Puisque de votre nom la trame était couverte. Ô l'étrange aventure ! Ô coup, dont la surprise étonne la Nature ! Le Ciel vous la ravit, vous la perdez, Seigneur. La Princesse, Seigneur que conduisait Ulysse. Est à peine arrivée au lieu du sacrifice, Vers le prochain bocage et sur ces prés fleuris, Que la fière Diane a si longtemps chéris, Quand l'armée accourue à ce triste spectacle, Qui devait satisfaire au désir de l'Oracle, Pour la laisser passer s'est ouverte d'abord , Et par des cris plaintifs a déploré son sort. Elle seule constante, incapable de crainte, Lorsque chacun la plaint ne pousse aucune plainte, Et trouve dans sa mort tant d'heur et tant d'appas, Que pour l'aller chercher elle marche à grands pas, Aux Grecs de rang en rang adresse la parole, Et par ces mots hardis doucement les console : Ne pleurez pas, dit-elle, ô Grecs, mon sort est doux , Et doit être envié, puisque je meurs pour vous. Ce langage grossit le torrent de leurs larmes, Ils maudissent Hélène, et le sort de leurs armes, Et semblent accuser malgré leur piété, Diane d'injustice et d'inhumanité. La Princesse à l'autel va d'un pas magnanime, S'approche de Calcas, qui voyant sa victime Nous paraît immobile, et d'un oeil abattu. Ne peut trop admirer sa force et sa vertu. D'un regard interdit, le prêtre la contemple, Et sa tremblante main la couronne de fleurs, Qu'en dépit de lui-même, il baigne de ses pleurs ; Elle monte à l'autel, comme en son char de gloire Bellone triomphante après une victoire, C'est là qu'elle paraît avec tous ses appas, Tout le camp la salue, elle appelle Calcas. Grand Prêtre, lui dit-elle, achevons ce mystère, Je me livre en vos mains, victime volontaire, Diane veut mon sang, exécutez sa loi, Et donnons-lui tous deux ce qu'elle veut de moi. J'étais près de l'autel, où ma douleur mortelle M'avait presque réduit à mourir avant elle, Lorsque m'envisageant, Oronte, au nom des Dieux Ne pleure pas dit-elle, un sort si glorieux, Songe que par ma mort j'apaise leur colère , Je conserve les Grecs, j'obéis à mon père, Que mon nom s'éternise, et que le coup est doux. Qui ne perdant que moi, vous va conserver tous. Oronte, je ne crains que la douleur d'Achille, Mais, dis-lui, que je veux pour mourir plus tranquille, Qu'il calme en ma faveur ses transports furieux, Qu'il chérisse mon père, et se soumette aux Dieux. Calcas s'apprête alors à ce coup qu'il abhorre, Et voulant de Diane apaiser le courroux Avecque tout le camp se prosterne à genoux. Déesse, lui dit-il, reçois ce sacrifice, Rends la mer libre aux Grecs, et leur devient propice. À ces mots tout tremblant et les larmes aux yeux , Il tire le couteau. Calcas allait frapper la victime innocente, Lorsque tout transporté de sa douleur, pressante Achille fend la presse, et courant à grands pas L'ayant joint à l'autel, s'écrie, attends Calcas. À cette voix pareille à l'éclat du tonnerre Calcas laisse tomber le fer sacré par terre, Et comme il le relève, outré de son transport Achille de ses mains l'arrache avec effort, Du coup qu'il méditait le menace lui-même, Et regardant le camp d'une fureur extrême, Il s'offre à la défendre et seul et contre tous : En vain elle s'efforce à calmer son courroux, Elle ne peut changer la glorieuse envie Qui le porte à tout perdre, ou lui sauver la vie. Le camp a ce combat demeurait suspendu, lorsqu'un nuage épais tout à coup répandu Enveloppe l'autel avecque la victime En remontant dans l'air, au lieu le plus sublime, Nous laisse l'autel vide, où Calcas tout confus. Veut chercher la victime et ne la trouve plus. Achille au désespoir tonne, éclate, foudroie, Croit que c'est Jupiter qui ravit cette proie, Et ses regards remplis et de feux et d'éclairs Semblent percer la nue et menacent les airs. Le Camp en est ému, Calcas s'en désespère, Achille veut tout perdre et tout craint sa colère. **** *creator_leclerc *book_leclerc_iphigenie *style_verse *genre_tragedy *dist1_leclerc_verse_tragedy_iphigenie *dist2_leclerc_verse_tragedy *id_CLYTEMNESTRE *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_clytemnestre Elle nous luit enfin, cette grande journée Qui va rendre ta vie à jamais fortunée, Où le fils de Thétis doit être ton époux, Où les Grecs, pour partir, n'attendent qu'après nous. Mais, ma fille, d'où vient qu'avec si peu de joie Tu reçois le bonheur que le Ciel nous envoie ? Dissipe ce soupçon dont ton âme est atteinte, Et qu'un plus doux espoir succède à cette crainte, Nous devons seulement rendre grâce aux Dieux Qui font à ma famille un sort si glorieux. Ô Dieux ! Qu'Agamemnon aura l'âme contente ! J'ai voulu le surprendre, il sort de cette tente ; Mais d'où vient qu'il paraît si triste et si rêveur ? Nous allons apaiser le trouble de son coeur, Courons à lui. Seigneur que ma joie est extrême ! D'où vient ce triste accueil que l'on nous fait ici ? Quelle morne douleur ternit ce front auguste ? J'ignore quel secret cet entretien nous cache. Si vous l'aimez, Seigneur, vous savez que je l'aime, Et que m'en séparer c'est l'ôter à moi-même ; Mais lorsqu'on lui destine un si charmant époux, Ce doit être pour elle un changement bien doux, En vain vous lui montrez un naturel si tendre, Vous lui donnez des pleurs qu'elle ne peut vous rendre ; Mais. Cet Hymen proposé, mon amour, cette lettre Qu'Ulysse dans Argos en mes mains vint remettre. Ulysse par votre ordre a parlé comme vous, Mais pourquoi me priver d'un spectacle si doux ? J'ai crû qu'en cet hymen je devais la conduire. Qui vous fait me prescrire une loi si sévère ? Je connais les devoirs et d'épouse et de mère, Je suis et l'une et l'autre, et ces deux qualités D'un accord mutuel règlent mes volontés ; Mais je ne vois que trop, que l'ordre qu'on m'impose Part d'un prétexte adroit dont on cache la cause, Qui lorsque cet Hymen se célèbre en ces lieux Ne saurait m'en bannir sans être injurieux, Car doit-on dans le calme où repose l'Empire, Craindre que contre vous votre peuple conspire, Cette mère tranquille est bien moins en repos Que n'est l'état présent de Mycènes et d'Argos. Ne me défendez pas ce que le Ciel m'ordonne, Rien ne peut me forcer à partir de ces lieux Eussai-je contre moi les hommes et les Dieux, Vous conduisez les Grecs, moi je conduis ma fille, Et j'y dois soutenir l'éclat de ma famille. De tout ce que je vois quelle sera la suite ? Que dois-je, Agamemnon, juger de ta conduite ? Qu'ai-je fait qui mérite un si dur traitement ? De ce grand hyménée est-ce l'apprêt charmant ? Je n'entends que soupirs, que murmures, que plaintes, Que mots entrecoupés qui redoublent mes craintes, Et je sens malgré moi se glisser dans mon coeur Je ne sais quels soupçons qui me comblent d'horreur ; En quelque lieu du camp que je porte la vue, Je vois de tous côtés la terreur répandue ? J'en ignore la cause, et veux m'en éclaircir, J'en cherche la raison et crains d'y réussir. Hé ! Qu'espérer, Phénice Quand mon époux me traite avec tant d'injustice, Et par un changement qu'on ne peut concevoir. Allons le recevoir. De grâce, bannissons tous ces termes flatteurs, Et ne songeons, Seigneur, qu'à bénir la journée Qui doit, par les beaux noeuds d'un charmant hyménée De vous et de ma fille unir le noble sort. D'où vient que ce discours vous étonne si fort ? L'Hymen qu'on a traité de ma fille et de vous Ne vous plairait il plus ? Je vois par vos discours, que dans cette aventure Quelque intérêt secret a mêlé l'imposture. L'accueil que j'ai reçu de mon cruel époux Convertit en chagrin mon espoir le plus doux. Ne vois je pas Oronte ? De tout cet artifice il peut nous rendre compte. Qu'est-ce ? Écoutons, Seigneur, ne m'abandonnez pas. Dieux cruels ! Dieux ! Si de l'innocent vous prenez l'intérêt, Souffrirez vous ? Seigneur ! Une Reine affligée, Qui par Achille seul se peut voir protégée, D'un héros tel que lui dans son pressant malheur Ne saurait jamais trop honorer la valeur : Pour être plus sensible aux douleurs d'une mère, Songez, Seigneur, songez qu'une fille si chère Qu'on destine à la mort, et qu'on veut m'arracher. N'était venue ici que pour vous y chercher. Votre nom va servir de prétexte à sa perte, On vous imputerait si vous l'aviez soufferte, Et l'on dirait un jour, apprenant son trépas, Achille pour la perdre a plus fait que Calcas. Seul vous êtes l'espoir de toute ma famille, Et ce n'est qu'a vous seul que je devrai ma fille N'osant pas espérer de vous voir son époux Je publierai partout que je la tiens de vous. Avant qu'on fasse un dangereux éclat Par douceur, s'il se peut, prévenons l'attentat, Et voyons si mes pleurs, ma plainte et ma prière En faveur de la fille attendriront le père. Ô ! Dans ton infortune heureuse Iphigénie D'avoir ce défenseur contre la tyrannie, Qui du vouloir des Dieux cherche à s'autoriser Et qu'un père barbare ose favoriser. Allez, Achille, allez ; mais ne l'alarmez pas, Elle ignore l'arrêt qu'a prononcé Calcas. Espère, Clytemnestre, et cesse de te plaindre, Achille aime ta fille, elle ne doit rien craindre, Il saura triompher des rigueurs de son sort. Amour de tous les Dieux est le Dieu le plus fort. Laisse-moi te cacher le plus grand des malheurs, Diane est implacable. Ce beau zèle sied bien à celles de ton rang : Mais il est trop cruel pour mon âme trop tendre, Et dit tout le secret que je n'ose t'apprendre. On te veut pour victime en ces funestes lieux, Pour conduire les Grecs aux murailles de Troie, Ton sang à leurs vaisseaux en doit tracer la voie, Diane le demande. Calcas jusques ici n'en a point dit la cause ; Mais pour remède seul c'est ta mort qu'il propose, Et par un lâche aveu qui me comble d'horreur, Ton père est le premier à te percer le coeur. Je le vois, ce cruel, éclatez mes douleurs. Le sort qui nous sépare, et qui vous mène à Troie. Jusques à cet hyménée le Ciel par sa bonté À ma fille doit-il conserver la clarté ? Calcas vous aura dit qu'elle est sa destinée ? Parlons avec franchise, et ne déguisons plus Son véritable sort sous des ternies confus. Dites-moi, quel Démon de divorce et de haine Veut rompre de nos coeurs la plus aimable chaîne, Et ravir lâchement la lumière du jour Au gage le plus cher que j'eus de votre amour ? Hé quoi ! Vous prétendiez de m'en faire un mystère, Et vous ne me pressiez d'aller revoir Argos Que pour l'exécuter avec plus de repos ? Si ce funeste coup vous touche autant que nous, Si vous nous aimez tant, que ne l'empêchez-vous ? Quel prix vous peut payer un sang si précieux ? Ah ! Cruel, pour subir un sort si rigoureux Quel intérêt a-t-elle à la perte d'Hélène ? Est-ce à nous d'épouser son amour ou sa haine, Et devons nous la rendre au lit de son époux Par la perte d'un bien et si cher et si doux ? De quel front, de quel air le verrez vous répandre Ce beau sang dont la voix se fait sans cesse entendre, Et vous dit, malgré vous, ô père trop cruel Traites-tu l'innocent comme le criminel. Sa mort vous fait horreur et vous y consentez. Barbare, tu crois donc que sa mère y consente ? Qu'elle livre au supplice une fille innocente ? Celle de qui les jours me sont si précieux Se verrait par son père immolée à mes yeux ? Je serais de sa mort la première complice ? Moi-même je l'aurais conduite au sacrifice ; Non, non, de ses beaux jours mes jours sont le soutien, Il faut percer mon coeur pour aller jusqu'au sien,. Je défendrai sans toi les droits de la Nature Contre la tyrannie et contre l'imposture, Car la divinité que fait parler Calcas N'a jamais approuvé de tels assassinats, On ne lui vit jamais autoriser les crimes, Qu'Ulysse et Ménélas cherchent d'autres victimes, C'est l'intérêt d'Hélène, elle irrita les Dieux, Sa fille par son sang les apaisera mieux. Digne héritier d'Atrée, achève une aventure Dont la simple pensée étonne la Nature, Donne un spectacle aux Grecs plus triste et plus affreux Que celui du festin qu'il fit de ses neveux, Une seconde fois de sa route ordinaire, Fais reculer d'horreur l'astre qui nous éclaire, Mais crains que ce ne soit une leçon pour moi, Qu'un exemple si grand ne me serve de loi, Et que sur toi d'un coup également funeste Je ne venge ma fille et les fils de Thyeste. Quoi ! Calcas l'inhumain Tremperait dans ton sang sa parricide main ? Il pourrait dans ton coeur observer avec joie Les présages heureux de la chute de Troie. Et d'un si doux espoir le camp s'applaudirait, Lorsque dans les douleurs ta mère expirerait. Je serais réservée à ce triste spectacle, Et ma juste fureur n'y mettrait point d'obstacle ? Non, toi-même, Calcas n'en est pas à couvert, Je préviendrai ce coup, je perdrai qui me perd. Ma fille, le héros qui captive tes charmes M'a promis de nouveau le secours de ses armes, Sachant qu'à te livrer ton père te résout, Pour prévenir ta perte il entreprendra tout. Je vais l'en avertir. Un faux zèle t'aveugle, et je vois que ton âme Du barbare Calcas ose suivre la loi, Cruelle, sans songer que je meurs avec toi; Au coup mortel tu te veux exposer Et pour t'en garantir moi je dois tout oser, Adieu. Ô Père, injuste et lâche ! Tu m'ôtes donc ma fille, Ulysse me l'arrache, On me garde, on m'observe, et je ne saurais plus Pousser dans son malheur que des cris superflus. Ah ! Puisque l'on immole une tête si chère, Commande qu'à la fille on joigne encore la mère, II faut voir tout mon sang sur l'autel répandu, Ou de ta piété le mérite est perdu : II faut que je périsse, ou qu'on me la rende. Hélas ! Qui vous a pu donner la connaissance De ce voeu que j'en fis au point de sa naissance ? Je le fis dans mon coeur et n'en ai point parlé. Ce crime est il si grand, que pour le réparer, L'une doive mourir, l'autre toujours pleurer ? Entre-t-il tant d'aigreur dans les esprits célestes ? Venge-t-on un oubli par des coups si funestes ? Et si Diane enfin le traite de forfait En doit-elle punir que celle qui l'a fait ? Ma fille est innocente, et je suis criminelle, Le malheur qui m'est dû doit-il tomber sur elle ? De ma fille il nous vient annoncer le trépas. Achève, tu ne peux accroître ma douleur. Hélas ! Je perds ma fille, et je respire encore ? Vous le souffrez, grands Dieux ! Avec quelle rigueur me cachez-vous son sort ! Dieux ! Ne vit-elle plus, dois-je pleurer sa mort ? Qui me délivrera de cette incertitude ? Ma fille par tes soins, par ton obéissance, De mon voeu violé vas réparer l'offense, Et toi, juste Déesse, excuse mes douleurs, Et si sa perte encor m'arrache quelque pleurs. **** *creator_leclerc *book_leclerc_iphigenie *style_verse *genre_tragedy *dist1_leclerc_verse_tragedy_iphigenie *dist2_leclerc_verse_tragedy *id_IPHIGENIE *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_iphigenie D'un malheur inconnu le présage secret M'a fait quitter Argos avec quelque regret. Seigneur, que votre fille. Et quel sujet, Seigneur, auriez-vous de pleurer ? Souffrez qu'auprès de vous je sois toute ma vie. Qui peut, si vous voulez, m'éloigner de vos yeux, Ne suis-je pas à vous ? Les Dieux s'opposent-ils aux volontés d'un père ? Aurions-nous pu, Seigneur, mériter leur colère ? Vous ne répondez rien, je vous vois soupirer ? Quelque part que je prenne à tous vos intérêts, Je ne veux pas, Seigneur, pénétrer vos secrets, Peut-être trouvez-vous qu'ils surpassent mon âge ; Mais pour votre repos et pour votre avantage Veuillent les justes Dieux que tout succède bien. Oui, je l'ai vu, Clytie, et j'ai sujet de croire Qu'Achille me chérit à l'égal de la gloire : Ses regards languissants, ses timides soupirs M'ont dans leur retenue expliqué ses désirs, Et voulant me parler de l'amour qui le touche, Son silence en a dit beaucoup plus que sa bouche ; Mais ce n'est pas, Clytie, aujourd'hui seulement Que j'ai vu de son coeur le secret sentiment, Quand ce Prince aussi craint que le Dieu du Tonnerre, Et qui porte avec lui le destin de la guerre, Par l'adresse d'Ulysse arraché de Scyros Pour le secours des Grecs vint s'offrir dans Argos, Il me vit, je lui plus, oui, si je l'ose dire De mes faibles attraits il ressentit l'Empire, Et ce Héros si fier au milieu des hasards Parût tout interdit à mes premiers regards : La Reine avec plaisir le connut elle-même, Et de ses hauts projets l'ambition extrême Par des soins obligeants rattachant à la Cour De ce timide amant encouragea l'amour. Seule par mes froideurs, par mon indifférence Je ne fis dans son coeur naître aucune espérance, Et je le vis partir cet Amant enflammé Sans qu'il connut son sort et s'il serait aimé. Madame, me dit-il, j'aurais l'âme trop vaine De vous croire sensible à l'excès de ma peine, Qui n'a rien fait pour vous ne doit pas l'espérer, Et doit souffrir son mal sans jamais murmurer : Le Ciel à mon amour ouvre une belle voie, Il s'expliquera mieux sur les cendres de Troie : Le succès d'une guerre où je suis engagé, Agamemnon content et Ménélas vengé, Vous parlerons pour moi, si la Parque cruelle Ne m'ôte une espérance et si douce et si belle, Et si je ne meurs pas en partant de ce lieu. Ses pleurs et ses soupirs achevèrent l'adieu. Épargne à ma pudeur L'aveu d'un dur combat qui déchire mon coeur. Avant qu'un triste sort m'eût fait connaître Achille, Diane avait mes voeux ; et mon âme tranquille Voyant avec mépris le reste des mortels N'avait pour tout objet que l'amour des autels ; Mais pour t'ouvrir ici le secret de mon âme, Dès qu'Achille parût, que je connus sa flamme, Ma raison malgré moi s'en sentit éblouir Et je vis tous mes voeux presque s'évanouir. Te le dirais-je, hélas ! Un sentiment profane Fait qu'Achille en mon coeur combat contre Diane, Et j'ose encor douter si je dois aujourd'hui Donner mes jours pour elle, ou les garder pour lui. Plût au Ciel, que mon âme à l'amour indocile Eût toujours ignoré le mérite d'Achille, Ou qu'étant exposées paraître à ses yeux Diane m'eût appris à m'en défendre mieux. Mon coeur rempli des voeux offerts à la Déesse Eut gardé sa constance exempte de faiblesse, Sans qu'il se vit réduit au choix injurieux Ou d'affliger Achille, ou d'offenser les Dieux. Je ne sais, mais, Clytie, un désordre secret Qui fait qu'à cet Hymen je consens à regret Me contraint à douter que le Ciel l'accomplisse. Le plaisir, qu'au moment qu'on flatte son espoir Achille en me voyant aurait dû recevoir M'a paru trop mêlé de douleur et de crainte ; J'ai cru voir dans son âme une mortelle atteinte. En vain il a voulu me cacher ses douleurs, De ses yeux composés il est sorti des pleurs. Je vois même la Reine interdite, étonnée, Elle qui n'aspirait qu'après cet hyménée, Depuis tantôt, Clytie, il faut qu'elle ait appris Quelque triste accident qui trouble ses esprits. Madame, quel chagrin vous arrache des pleurs ? Un nouveau sacrifice, Madame, ne peut-il nous la rendre propice ? Que ne la puis-je, hélas, apaiser de mon sang ! Quel est il ce secret, Madame, au nom des Dieux ? Ô Ciel ! Que dites-vous ? Diane n'a donc fait mériter son courroux ? Ne vous étonnez pas si ce grand coup m'étonne, Je ne l'attendais pas du bras qui me le donne. J'ai reçu jusqu'ici trop de faveurs du sort Pour ne pas frissonner à l'arrêt de ma mort, Les soins que l'on a pris d'élever mon enfance Pour mieux faire briller l'éclat de ma naissance, Le glorieux époux qu'on m'avait destiné, En qui la vertu luit sur un front couronné, Tant d'autres dons du Ciel, qui bornaient mon envie Faisaient qu'avec raison je chérissais la vie ; Mais s'il en faut sortir par une triste loi Croyez que je la crains plus pour vous que pour moi. Mon âme en est surprise, et non pas abattu : Diane veut ma mort, m'y voilà résolue. Grand Roi, (car j'aurais peine à vous nommer mon père, De peur de réveiller des sentiments trop doux Dans le coeur d'un héros de sa gloire jaloux, ) Portez le coup mortel sans craindre qu'il m'étonne, Je suis prête à baiser la main qui me le donne, Et je vais triomphe des cruautés d'un sort, Où l'auteur de ma vie est celui de ma mort : Je mourrai glorieuse, et ma vertu constante, Des hommes et des Dieux surpassera l'attente. C'est à moi que le Ciel réserve cet ouvrage, Voudrais-je qu'Hermione eût ce noble avantage, Et qu'usurpant sur moi cet effort éclatant Elle vint m'enlever la gloire qui m'attend ? Votre fille, Seigneur, n'a pas l'âme assez basse, Pour recourir aux pleurs et tenter votre grâce, Livrez votre victime au céleste courroux, Tout mon sang est aux Dieux, tout mon sang est à vous, S'ils sont justes, il faut que vous soyez sévère, Je dois vous dégager et veux les satisfaire. N'irritez point les Dieux. Où courez-vous, Madame ? Ah ! Cessez d'affaiblir au lieu de les accroître Ces nobles sentiments que vous avez fait naître, Mon triste coeur peut-il n'être pas abattu Quand la mère et l'amant attaquent sa vertu ? Mais ne me dois-je pas au salut de la Grèce, Et quand le Ciel l'exige en suis-je la maîtresse, Madame ? Quand j'obéis aux Dieux suis-je digne de blâme ? Seigneur. Hélas, Seigneur, hélas ! Où vous exposez-vous ? Et que pouvez-vous seul ? Ne les irritez point par ce cruel blasphème, Seigneur, et modérez cette fureur extrême, Ici tous vos efforts passent pour criminels, Que peut contre les Dieux la force des mortels ? Ils ne laisseraient pas l'entreprise impunie, Ils pourraient perdre Achille avec Iphigénie, Et ce hardi dessein d'empêcher mon trépas Peut vous faire périr, et ne me sauver pas. La Grèce la demande, et le Ciel l'a conclue. Vous songez à me suivre, et vous croyez sans crime Porter à cet excès l'ardeur qui vous anime ? Un coeur si généreux demande un autre emploi, Je trahis mon pays si vous mourrez pour moi, Je désole les Grecs si je leur ôte Achille Qui peut par sa valeur leur rendre tout facile, Et doit en signalant son courage et son bras Établir le bonheur des chefs et des soldats. Souffrez plutôt, qu'ouvrant le chemin de la gloire Je partage avec vous le prix de la victoire, Du laurier qui m'attend ne soyez point jaloux, Laissez-moi du combat porter les premiers coups : Qu'elle joie à mon coeur d'avancer les miracles Que de votre valeur ont prédit tant d'Oracles ? Et que je vais Seigneur m'applaudir sur l'autel D'une mort qui promet un triomphe immortel ! Si vous m'aimiez, cruel ? Hélas ! Peut-on aimer, et n'être pas sensible Aux traits d'un désespoir qui me paraît horrible. La douleur m'arrache cet aveu, Mais n'en triomphez pas, vous en jouirez peu. Diane ne veut point que mon coeur se partage ; Ne lui refusez pas un si triste avantage. Adieu, ma constance me quitte. Le péril est trop grand, il faut que je l'évite. **** *creator_leclerc *book_leclerc_iphigenie *style_verse *genre_tragedy *dist1_leclerc_verse_tragedy_iphigenie *dist2_leclerc_verse_tragedy *id_CLYTIE *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_clytie Madame, à tant d'amour fûtes-vous insensible Si le Ciel ne vous fit un coeur inaccessible Vous avez dû l'aimer? Quoi ! Ne touchons nous pas à l'heureuse journée , Qui doit conclure ici cet illustre hyménée. Calcas pour cet Hymen prépare un sacrifice. Guérissez votre coeur de ces vaines alarmes. La Reine vient. Le désespoir s'empare de son âme. **** *creator_leclerc *book_leclerc_iphigenie *style_verse *genre_tragedy *dist1_leclerc_verse_tragedy_iphigenie *dist2_leclerc_verse_tragedy *id_PHENICE *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_phenice Madame, espérez mieux. Madame, Achille vient.