**** *creator_legrand *book_legrand_aveugleclairvoyant *style_verse *genre_comedy *dist1_legrand_verse_comedy_aveugleclairvoyant *dist2_legrand_verse_comedy *id_damon *date_1716 *sexe_masculin *age_veteran *statut_maitre *fonction_pere *role_damon Holà ! Quelqu'un, Marin... tout m'abandonne, Et dans cette maison je ne trouve personne. C'est Léonor, je crois ? Eh bien ! tu me revois ; Mais je ne puis avoir un pareil avantage. Où Léonor est-elle ? Du moins auparavant il faut que je t'embrasse… Qu'est-ce ci ? c'est un homme. Eh quoi ! dans ma disgrace Léonor pourroit-elle, en bravant mon courroux, Introduire céans... Ah ! c'est une autre affaire. Eh ! non, j'en ai besoin. Un fauteuil. Je me sens les jambes si serrées... Hé ! l'ami, tire-moi mes bottines fourrées. Eh bien ! faquin, à quoi peux-tu donc t'amuser ? Ah ! je vous ferai bien remuer cette idole. Se dépêchera-t-on, à la fin... Ah ! le maudit laquais. On voit bien que jamais il ne fut à la guerre. Tire à toi, fort ! plus fort ! Il est, je crois, par terre. Allons, à l'autre. Qui te fait rire ainsi ? D'où viens-tu, double traître ? Dans l'état où je suis peut-on laisser un maître, L'abandonner aux mains d'un butor, d'un lourdaud ? Il falloit se hâter. Chargez-la sur le dos de ce maudit valet. Carmagnole, Un benêt qui depuis une heure me désole, Dans mon appartement qu'il aille la porter : Acheve cependant, toi, de me débotter. Lisette, fais venir Léonor, je te prie ; De son retardement à la fin je m'ennuie. Eh bien ! que t'en semble, Marin ? J'ai bien turlupiné monsieur le médecin. Léonor après tout doit être bien coquette, Si d'un pareil galant elle entend la fleurette. Passe encor pour Léandre, il a quelque agrément. II est donc à Paris malgré tout ? Et tu ne doutes point que Léonor ne l'aime ? II est instruit du tour Que la Tante prétend jouer à mon amour ? Le traître ! Avant la fin du jour je lui ferai connoître... Pas tout-à-fait encore, à parler franchement ; Et j'ai besoin de voir tous les tours qu'on m'apprête. Mais comment Léonor me croit-elle si bête, Et peut-elle me tendre un si grossier appât ? Il faudroit que je fusse en un état étrange, Et que j'eusse perdu tous les sens à-la-fois. Mais quelqu'un vient ici : c'est la Tante, je crois ; C'est elle-même, songe à seconder ma feinte. Léonor ne vient point ? Ah ! madame. Que sa voix est changée ! N'importe, elle a toujours pour moi les mêmes charmes. Ah ! je n'en doute pas. Ne vous affligez point, Léonor, je vous prie ; Vous me percez le cœur ; songez que vos attraits Pourroient par tant de pleurs se perdre pour jamais. Pour un aveugle, hélas ! c'est trop que ce qui reste. Après tout, ces attraits que tu dis si changés, J'aurois plaisir peut-être à les voir dérangés : Une beauté bizarre a souvent l'art de plaire Bien plus que ne feroit une plus régulière. Ah ! madame, on sait trop que c'est une merveille. Que j'aurai de plaisir ! Hâtez, donc cette affaire, Et courez promptement chez le premier notaire ; Mettez dans le contrat tout ce qu'il vous plaira, Laissez mon nom en blanc qu'ici l'on remplira ; J'ai mes raisons qui sont de peu de conséquence : Pour vous, signez toujours, et faites diligence. Vous n'êtes point partie ? ah ! ce retardement A mon cœur amoureux est un nouveau tourment ; Répondez, Léonor, à mon ardeur extrême. Allons, ce n'est pas tout, Et je prétends pousser la chose jusqu'au bout. Je veux que Lempesé… Il n'est pas temps encor, Et je veux le surprendre avecque Léonor. Je passe dans ma chambre, et je vous laisse ensemble. Charmante Léonor, votre voix adorable Frappe encor mon oreille. Vous n'êtes point partie encore, et votre amour… Eh bien ! qu'avez-vous fait ? Il faut en prendre un autre, est-il si difficile ? Qu'elle reste un moment ; Je serai bien payé de ce retardement Par les douceurs qui vont sortir de cette bouche. Redites donc cent fois que mon amour vous touche ; Redoublez, Léonor, ces soupirs amoureux Qui viennent de me mettre au comble de mes voeux. Quelle impudence ! mais ne faisons rien connoître. Que je suis satisfait ! Que j'ai sujet de l'être ! De ma reconnoissance attendez les effets. Si je ne vois, j'entends. Donnez-moi cette main qui va me rendre heureux ; Que par mille baisers aussi doux qu'amoureux… Quelle main est-ce là ? que faut-il que je pense ? Tiens, de ton insolence, Maraud, voilà le prix. Je t'apprendrai, faquin... Allez donc, et hâtez ces précieux instans : Qu'il apporte au plutôt le contrat, je l'attends. De marier la vieille avec le médecin. A qui donc parles-tu ? Tu me trompes ; j'entends marcher quelqu'un ici. Je me veux éclaircir de ceci. Vraiment d'un pareil soin je lui suis redevable. Je ne sais pas, monsieur, par où j'ai mérité Que pour moi vous puissiez avoir tant de bonté : Donnez-moi ce remède, il faut que je l'éprouve. Je vous en remercie ; Si j'en suis soulagé je vous devrai beaucoup. Comment ! je donnerois tout ce que je possède, Que je croirois trop peu payer un tel remède. Mais comment veux-tu faire ? La rupture à présent causeroit trop d'éclat : On va dans ce moment m'apporter le contrat Signé de Léonor. Elle pourroit se plaindre : A payer le dédit on me pourroit contraindre. Monsieur, quand il s'agit des nœuds de l'hyménée, On ne voit point d'ami complaisant, généreux Jusqu'à franchir pour nous un pas si hasardeux. Enfin je vois qu'il faut exposer ma santé, Car personne jamais n'aura tant de bonté. Qui seroit-ce ? L'espoir de sortir d'embarras Flatte déjà mon cœur, et ma joie est extrême... N'hésitez pas, monsieur, à le nommer. Quoi ! vous pourriez, monsieur, me faire ce plaisir ? Epouser Léonor ? Ah ! quelle complaisance ! Quels seront les effets de ma reconnoissance ! Puisque vous voulez bien me faire cette grace Vous n'avez qu'à signer le contrat en ma place ; On va me l'apporter dans ce même moment. Pour plus de sûreté faisons croire au notaire Que vous êtes celui pour qui se fait l'affaire : Le contrat est déjà signé de Léonor, Et comme on n'a pas mis mes qualités encor Avecque votre nom on y mettra les vôtres. Cachons-lui tout ceci. Toi, prends garde qu'aucun ne nous surprenne ici Enfin, quoi qu'il en soit, tout est-il en état ? Adieu, monsieur, tantôt on vous satisfera ; On aura même égard à votre diligence. Allez, mon cher, allez, et tenez-vous joyeux. Ma foi, je m'applaudis, et le tour est trop drôle ; Avec notre benêt j'ai bien joué mon rôle : Il est temps de finir ; je suis assez instruit, Et j'en ai vu bien plus qu'on ne m'en avoit dit. Fort bien ; il faut, mon cher Marin, Que quelque tour plaisant à ceci mette fin. Tu viendras dans ma chambre où je saurai t'instruire : Il ne faut que deux mots pour que tu sois au fait. Ah ! quel bonheur extrême ! Quoi ! Je puis donc enfin revoir tout ce que j'aime ! Prenez part, Léonor, au plaisir que je sens. O ciel ! quel teint ! quels yeux ! quels appas ravissans ! Comment donc, malheureux, tu la disois affreuse ! Oui, je vous trouve encor plus belle que jamais. Vous ne me dites rien, que faut-il que je croie ? Je veux bien m'en flatter. Qu'il est doux, mes enfans, De revoir la lumière après un si long temps ! Je croyois n'avoir plus ce bonheur de ma vie. Ah ! quel plaisir charmant ! déjà je meurs d'envie De revoir tous ces lieux, et sur-tout mes tableaux ; Ce vont être pour moi des spectacles nouveaux. Pourquoi ? Non, cela ne peut être. Oui-da, je le veux bien. Parbleu ! je ne vois rien. Non vraiment. Si fait, je vois Léandre Qui sort dans ce moment de mon grand cabinet. D'où vous vient donc à tous ce grand étonnement ? Est-ce de voir la fin de mon aveuglement ? Mais j'aperçois, je crois, mon médecin. De grâce Approchez-vous, monsieur, venez qu'on vous embrasse : Votre divin remède… A réussi, Je vois clair des deux yeux. Ah ! ah ! c'est notre Tante. Eh quoi ? la bonne femme est encore vivante ? Un peu trop clair pour vous, je le vois à votre air. Ah ? madame. Moi, madame ! pourquoi ? C'est monsieur Lempesé qui l'a signé pour moi ; Regardez votre époux. Je ne me moque point, je parle en conscience. Pouvois-je mieux payer un si rare service ? Tout beau, monsieur, tout beau ; Ne vous emportez point. Oh çà, mon cher neveu, de vous qu'allons-nous faire ? Eh bien donc ! ma vengeance est de vous marier. Epousez Léonor, ce sera votre peine. Quant à moi, je renonce à tout engagement ; J'aimois, et c'étoit là mon seul aveuglement. J'ai recouvré la vue, et je veux bien vous dire Que j'ai vu tous vos tours, et n'en ai fait que rire. Avouez qu'il falloit être bien patient. **** *creator_legrand *book_legrand_aveugleclairvoyant *style_verse *genre_comedy *dist1_legrand_verse_comedy_aveugleclairvoyant *dist2_legrand_verse_comedy *id_leonor *date_1716 *sexe_feminin *age_jeune *statut_maitre *fonction_fille *role_leonor Fatal retour ! O ciel ! je frémis quand j'y pense. Lisette, dans l'état où l'a mis son destin, Pourrois-je me résoudre à lui donner la main ? Hélas ! lorsqu'à Damon je donnai mon aveu, Je n'avois jamais vu Léandre, son neveu. Mais avec tous ces biens un très fâcheux époux ; Car enfin l'accident dont on a la nouvelle N'a pas dû l'embellir. Sans doute. Ah ! ne m'en parle pas ; cinq mois de mariage M'ont avec lui paru cinquante ans d'esclavage : Ce souvenir suffit pour me faire trembler ; Et Damon a le don de lui trop ressembler. Quand j'aurois été sourde à de nouvelles flammes, Damon parle si mal, pense si mal des femmes….. Qu'il ignore sur-tout que son neveu Léandre Est encore à Paris quand il le croit en Flandre. Pour m'amuser, n'ayant personne à recevoir ; Dans les commencemens je le trouvois passable ; Mais depuis certain temps il m'est insupportable. Le valet de Damon ? Quel parti puis-je prendre ? Qu'as-tu fait de ton maître ? Que vas-tu faire ? J'ai vingt louis tout prêts, je vais te les chercher. Les voici. Finis, Marin, et sois seulement diligent... Préviens d'abord Damon ; dis-lui que mon visage A perdu les attraits qu'il avoit en partage. Vous le plaignez, ma tante ? Ah ! ne plaignez que moi Je me vois dans l'état le plus cruel... Epouser un aveugle ! Ah ! cette seule idée Me fait frémir d'horreur. Mon Dieu, ne raillons pas, Et songeons bien plutôt à sortir d'embarras. Plaisante invention ! Où la trouver ? Dis-nous ; et de qui faire choix ? Ma tante, je crains bien... Avant tout, cher Marin, Je voudrois que Léandre apprît notre dessein : Il loge chez Damis. De son oncle d'abord apprends-lui le retour ; Qu'il ne paroisse point ici de tout le jour, Ou du moins, s'il y vient, qu'il songe à se contraindre. Qu'il vient mal à propos ! Ils sont de désespoir, désespoir qui me tue, Enfin c'est de Damon l'arrivée imprévue. Comment ! vous vous flattez de ce malheur ? ... Ah ! Lisette, je suis dans un désordre extrême, Je n'ose soutenir... Selon ce qu'aura fait ma Tante. Je ne sais pas comment cela pourra tourner ; Mais quoi que l'on oppose à mon amour extrême, Soyez sûr que toujours vous me verrez la même. Que lui disoit ma tante ? Juste ciel ! quelle gêne ? Parlons, puisqu'il le faut. Oui, je n'aime que vous, Je fais tout mon bonheur de vous voir mon époux. Je n'en mérite point de tout ce que je fais. Croyez que je ne suis que mon amour extrême, Et que je vois ici le seul objet que j'aime. Oui, ma main suit mon cœur, et dans cette journée Mes voeux seront remplis si les nœuds d'hyménée... Je suis au désespoir. Vous êtes en colere ? Je vous quitte, et je vais retourner au notaire. Va-t'en près de son lit, et pour peu qu'il remue Reviens nous avertir ; car je serois perdue S'il entendoit la voix de Léandre. Tout est fait, et ma tante est sa femme, Qui comme elle voudra saura tourner son âme. Je tremble de frayeur. Je suis au désespoir. Ah ! Lisette, De quoi t'informes-tu, quand mon âme inquiète Eprouve en ce moment le sort le plus fatal ; Quand je dois craindre tout d'un jaloux, d'un brutal... Que faites-vous, Léandre ? A présent qu'il voit clair, il va vous rencontrer. Dans son grand cabinet il va d'abord se rendre : Que ferons-nous, Lisette ? il y va de Léandre. Sortez sans plus attendre. **** *creator_legrand *book_legrand_aveugleclairvoyant *style_verse *genre_comedy *dist1_legrand_verse_comedy_aveugleclairvoyant *dist2_legrand_verse_comedy *id_tante *date_1716 *sexe_feminin *age_veteran *statut_maitre *fonction_mere *role_tante Qu'ai-je appris, cher Marin ? Quel accident terrible ! Damon revient aveugle ? O ciel ! est-il possible ? Que je le plains ! hélas ! Quoiqu'il n'ait pas rendu justice à mes appas, Et qu'il ait négligé la tante pour la nièce, J'avouerai que toujours pour lui je m'intéresse. Pourquoi ? J'en suis persuadée : Cependant aujourd'hui la disette d'amans Est si grande, si grande... il faut suivre le temps. On est belles, bien faites, Et l'on passe ses jours sans ouïr de fleurettes. Ne cherchez pas plus loin ; j'ai trouvé votre affaire, Une belle personne, et qui saura lui plaire, D'agrément et d'esprit en tout semblable à toi, Qui déguise sa voix à merveille ; et c'est moi. Pourquoi donc, je vous prie ? Qui vous fait récrier de la sorte, ma mie ? Eh ! n'ayez point de peur : De ma nièce toujours j'ai passé pour la sœur ; Et de mon âge au sien le peu de différence Ne vaut pas après tout... Enfin, quoi qu'il en soit, Je jouerai bien mon rôle et mieux que l'on ne croit. Ne te mets point en peine : Je suis ta belle-mère et même ta marraine, Nous portons même nom de fille et de maris, Je suis veuve du père, et toi veuve du fils ; Pour ton air enfantin je l'attrape à merveille. Et c'est où je l'attends : Quand il reconnoîtra cette aimable imposture, Il sera trop content de m'avoir, j'en suis sûre. L'incommode visite ! Je ne le puis souffrir, défais-t'en au plus vîte Je passe cependant dans ton appartement Où je veux réfléchir sur mon rôle un moment. Ah ! Damon, quel chagrin de vous voir de la sorte ! Ciel ! que votre accident m'a fait verser de larmes ! Si vous saviez mon cher. Je ne saurois parler, et mes soupirs... Hélas ! Je ne sais pas comment je suis encore en vie. Enfin de ma beauté quoi que vous puissiez croire, Sur bien d'autres on peut me donner la victoire ; Pour mon esprit, il est augmenté des trois quarts ; On m'en fait compliment aussi de toutes parts. De mille doux propos remplissant votre oreille, Je vous consolerai d'avoir perdu les yeux ; Je veux être avec vous en tous temps, en tous lieux. J'y vais, et dans l'instant je serai de retour. C'est fort bien avisé, la prévoyance est bonne. Lorsque j'aurai signé, j'enverrai le contrat, Et ne paroîtrai point de peur de quelque éclat ; Il pourroit survenir des amis de ton maître, Qui, me reconnoissant, gâteroient tout peut-être. J'y vais, j'y cours, j'y vole, et je reviens de même. Que veut dire cela, monsieur ? vous voyez clair ? Si vous voyez si clair, regardez votre femme ; J'ai signé le contrat pour ma nièce. Cela vous fâche un peu ? Vous vous moquez, je pense. Un benêt ! Un Jocrisse. Pour me venger de vous, oui, je serai sa femme, Et je vous ferai voir... Tout comme il vous plaira, monsieur, arrangez vous ; Il faut qu'il me revienne à bon compte un époux. **** *creator_legrand *book_legrand_aveugleclairvoyant *style_verse *genre_comedy *dist1_legrand_verse_comedy_aveugleclairvoyant *dist2_legrand_verse_comedy *id_leandre *date_1716 *sexe_masculin *age_jeune *statut_maitre *fonction_fils *role_leandre Eh bien ! mon cher Marin. Je tremble. Comment cela va-t-il ? Il épouse la Tante ? Eh bien ! madame, enfin on peut donc espérer... Ah ! quel espoir charmant ! souffrez qu'à vos genoux... Te moques-tu de moi ? Je ne reviens ici qu'en tremblant, je l'avoue. Quand mon oncle saura la pièce qu'on lui joue, S'il me croit avoir part à cette invention, C'est peu d'être frustré de sa succession, Son courroux... Que seroit-ce, Marin ? Ah ! juste ciel ! qu'entends-je ? Je ne veux pas l'attendre, Je gagne l'escalier. Juste ciel ! quel revers ! Tout ce qu'il vous plaira ; suivez votre colère : Je l'ai bien méritée, ayant pu m'oublier… Je fais tout mon bonheur d'une si belle chaîne. **** *creator_legrand *book_legrand_aveugleclairvoyant *style_verse *genre_comedy *dist1_legrand_verse_comedy_aveugleclairvoyant *dist2_legrand_verse_comedy *id_lempese *date_1716 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lempese Bonjour, beauté brillante, Toujours plus gracieuse, et toujours plus charmante Que tout ce que mes yeux ont vu de plus charmant. Pardon, ma belle reine, Si mon retardement a causé votre peine. Mes gens m'ont désolé, j'ai cru n'être jamais En état de venir adorer vos attraits ; J'ai si fort querellé que j'en serai malade : Ils m'avoient égaré mes eaux et ma pommade. Mais quoi ! vous soupirez ; parlez, expliquez-vous ; Sont-ce soupirs d'amour, de crainte, ou de courroux ? Damon ! quoi ce rival que mon amour vainqueur A depuis son départ banni de votre cœur ? Elle n'a rien à craindre ; Je le paierai, Lisette, et dussé-je... Eh bien ! cela n'est pas, je crois, si difficile. Comment ? Oh ! coup de vent heureux, qui me conduit au port ! Sans doute : Je lui fais un procès sur ce qu'il ne voit goutte. J'ai, comme vous savez, mon frère l'avocat Qui brille au parlement avec assez d'éclat. Sans perdre plus de temps, dès demain il le somme A nous représenter dans la huitaine un homme Muni de ses cinq sens, qui de corps et d'esprit Soit tel qu'il s'est fait voir en signant le dédit. Ne pouvant être vu, je puis rester, Lisette. Que rien ne t'inquiète. Non, je suis curieux De voir comme s'exprime un aveugle amoureux. Qui ? moi, le débotter ? Non parbleu ! je m'en vais. Oui, mais par où m'y prendre ? Je ne pourrai jamais. Je n'y puis résister, Lisette, absolument. Encore une autre ? Je respire. Encore ! Oh ! le diable t'emporte ! Je ne saurois porter un fardeau de la sorte ; Je crois que tu me prends pour un cheval de bâts. Adieu, je reviendrai quand il n'y sera pas. Où Léonor est-elle ? O ciel ! quelle triste nouvelle ! Elle épouse Damon ? Je venois l'informer de tout ce que j'ai fait. Mon frère m'ayant dit que l'affaire étoit bonne... Je tremble. Dis ce que tu voudras ; mais plus de Carmagnole. Que veux-tu que je trouve ? J'ai de l'eau pour le teint, mais peste ! elle est trop forte ; La composition en est faite de sorte... La voilà ; prenez soin qu'il ne s'en serve pas. Hippocrate le dit. Et pourquoi ? Léonor ayant beaucoup d'appas, Quelque ami ne peut-il vous tirer d'embarras, Envers elle acquitter la parole donnée ? Il s'en pourroit trouver qui, sans beaucoup de peine Se chargeroit pour vous d'une si douce chaîne. Pardonnez-moi, monsieur, j'ai trouvé votre affaire Un homme à qui déjà Léonor a su plaire, Et qui d'ailleurs, je crois, ne lui déplairoit pas. Moi-même, Qui de vous obliger eus toujours grand désir. Léonor en sera ravie assurément. C'est moi. Il est vrai ; mais signons sans tarder davantage. Nullement. Léonor l'a signé, je signe aveuglément. De me donner ce nom je m'étois avisé, Mais je signe toujours Damien Lempesé. Hélas ! après mon infortune, Je ne crois pas, monsieur, en devoir prendre aucune ; Bon bourgeois de Paris, et cela suffira. De beaucoup de finesse on n'a pas eu besoin. Mais, monsieur, pardonnez à mon impatience, Je cours à Léonor apprendre en diligence Que le sort a rempli le plus doux de ses vœux. Eh bien ? Que veut dire ceci ? A cette guérison, je ne puis rien connoître. Je suis tout stupéfait et plus heureux que sage. Qui l'auroit cru qu'une eau pour peler le visage Guérît le mal des yeux ? Je vois que désormais On peut tout hasarder après un tel succès. Que veut dire cela ? Une vieille ! Une folle ! Non, s'il vous plaît, madame. Ah ! parbleu, vous pouvez vous assurer d'un autre : A mon âge épouser une femme du vôtre ! Vous avez cinquante ans et des mieux mesurés. Ah ! c'est donc toi, maraud, avec ton beau langage Qui m'as fait tout du long donner dans le panneau ? Je ne sais qui me tient. **** *creator_legrand *book_legrand_aveugleclairvoyant *style_verse *genre_comedy *dist1_legrand_verse_comedy_aveugleclairvoyant *dist2_legrand_verse_comedy *id_lisette *date_1716 *sexe_feminin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_servante *role_lisette Eh bien ! madame, à quoi vous déterminez-vous ? On va voir arriver votre futur époux : Damon revient enfin après deux ans d'absence. Comment vous en défendre ? Un dédit vous engage. Il l'exigea de vous avant ce long voyage, Et que vous logeriez ici dans sa maison : Nous y vînmes alors toutes deux sans façon, Comptant ce mariage une chose certaine ; A présent son retour vous alarme et vous gêne. Que je m'en doutois bien ! Voilà donc l'enclouure ? Léandre, je l'avoue, est d'aimable figure ; Mais il n'a pas le double ; et sans l'oncle, ma foi, Ce neveu si charmant seroit plus gueux que moi : Damon a fait sur mer une fortune immense ; Avec lui vous seriez toujours dans l'opulence, Vous auriez de l'argent, des habits, des bijoux. C'est une bagatelle. Quoi ! parce que le vent d'un boulet de canon Nous le renvoie aveugle ? Eh quoi ! cette raison Vous doit-elle empêcher de conclure ? Refuser un mari parce qu'il ne voit goutte ! Hélas ! votre défunt ne voyoit que trop clair, Sur les moindres soupçons toujours l'esprit en l'air. Ah ! qu'il en pense mal, ou qu'il en pense bien De ce que nous ferons il ne verra plus rien. Oui ; mais que ferons-nous de monsieur Lempesé ? De le congédier il n'est pas fort aisé ; Ce fade médecin est un amant tenace, Et qui ne s'aperçoit jamais qu'il embarrasse. Mais pourquoi, diantre, aussi lui donner de l'espoir ? Depuis que le neveu s'est offert à vos yeux. Quoi qu'il en soit, je veux vous servir de mon mieux ; Cependant je devrois être bien en colère, Puisque jusques ici vous m'avez fait mystère... J'entends Marin, je crois. Oui, vraiment, c'est sa voix ; Je la reconnois bien : il faut, sans plus attendre, Prendre votre parti. Cela va bien pour nous : commençons par avance A faire entrer Marin dans notre confidence. Il m'aime, et fera tout pour moi, J'en suis sûre... Marin, puis-je compter sur toi ? Il s'agit, en payant, de nous rendre un service. II faut tromper ton maître, Et sur les gens qu'ici tu pourras voir paroître, Ne lui rien témoigner. Pour que tu sois au fait, il faut d'abord t'apprendre Qu'on n'aime plus Damon, et qu'on aime Léandre. Nous ne nous sentons point de la disette ici, Et nous ne manquons point d'épouseurs, Dieu merci ; Car, de quelque façon que l'on puisse le prendre, II nous en restera toujours deux à revendre. Fournissez-vous chez nous. Attendez, il me vient une idée admirable : Si nous pouvions trouver quelque personne aimable Qui près de notre aveugle osât passer pour vous. Pourquoi ? que savez-vous ? Un aveugle à tromper n'est pas si difficile ; Et s'il se rencontroit une personne habile Qui pût bien imiter le son de votre voix. Qui, moi ? je ne veux point d'un aveugle. Fi donc, madame, fi ! Par ma foi, c'est votre âge. Songez bien qu'un aveugle a souvent bonne oreille, Et que quand à l'abord il donneroit dedans, Il pourroit dans la suite... Ah ! j'entends Lempesé. Ah ! pour une autre fois gardez ce compliment ; Nous avons du chagrin. Lui-même ; à l'épouser il voudra la contraindre ; Ils ont un bon dédit. Non pas, Nous voulons sans payer la tirer d'embarras ; Et si par un détour de chicane subtile... Pas trop, puisque Damon est aveugle. Un boulet de canon, fort impertinemment Passant près de ses yeux, a frôlé la prunelle, Et le vent... détruisant... la force visuelle... Il est aveugle enfin, voilà quel est son sort. C'est là le prendre bien. Mais je l'entends lui-même. Je vais le recevoir, Rentrez ; et vous, monsieur, adieu, jusqu'au revoir. Vous vous moquez de moi. Ma foi, vous sortirez. J'enrage ! Monsieur, on vient à vous. Non, monsieur, c'est Lisette. Vos yeux sont toujours beaux, hélas ! c'est grand dommage ! En son appartement. Et je vais l'avertir dans ce même moment... Eh ! là, monsieur, tout doux, Ce n'est qu'un domestique. Madame du premier a voulu se défaire ; C'étoit un paresseux qui n'avoit aucun soin. Passez dans l'antichambre. Allons, dépêchez-vous. Ce seroit tout gâter. Que pourroit-il penser ? Vous méritez cela, pourquoi vouloir attendre... II est novice encore, il le faut excuser. Carmagnole, Debottez donc monsieur. Otez votre casaque. Apparemment. II faut bien achever. Mais son valet s'avance ; Ne craignez rien, il est de notre intelligence. Ne fais semblant de rien. J'y vais, monsieur. Ah ! voilà bien le diable. Elle y va retourner. Eh bien ! dort-il encore ? Dans les commencemens, il criera, pestera, Fera le diable à quatre, et puis s'apaisera ; Ses soupçons ne pourront tomber que sur la tante Qui, malgré ses froideurs, lui fut toujours constante, Et qui, pour se venger de son nouvel amour, Sans nous en informer aura joué ce tour. Laissez-les entr'eux deux démêler la fusée. Je vous la garantis femelle aussi rusée… Quel accident étrange ! Mais cette eau, disois-tu, n'étoit que pour le teint, Et Lempesé surpris s'étoit trouvé contraint... Peste du médecin et de son eau divine ! Et de quel œil voit-il ? Ah ! ma foi, le voici. Il faut parer le coup. Mais croyez-vous, monsieur, Ne voir clair que d'un œil ? Si par bonheur Vous voyez de tous deux ? Dans ce moment, monsieur, nous le pourrons connoître : Souffrez qu'avec ma main... Parlez ; que voyez-vous ? Rien du tout ? Vous ne voyez donc rien ? Pour le coup nous voilà tous pris au trébuchet. Qu'as-tu fait, double traître ? **** *creator_legrand *book_legrand_aveugleclairvoyant *style_verse *genre_comedy *dist1_legrand_verse_comedy_aveugleclairvoyant *dist2_legrand_verse_comedy *id_marin *date_1716 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_valet *role_marin Hoé, hoé, hoé ! Hoé, hoé, hoé ! Parbleu, j'ai beau crier : Comment donc, est-ce ainsi qu'on reçoit un courrier ? Personne ne descend. Ne vous alarmez point, vous l'allez voir paroître ; Et je l'ai devancé de cent pas seulement, Pour voir si tout est prêt dans son appartement. Tu n'en saurois douter sans me faire injustice. En payant ? C'est beaucoup me dire en peu de mots. A cent coups de bâton dût s'exposer mon dos, Vous n'avez qu'à parler. Il suffit, je t'entends. Madame en notre absence a fait quelques amans, Et Damon l'inquiete un peu par sa venue. Ne craigniez rien ; depuis qu'il a perdu la vue, Je lui fais aisément croire ce qu'il me plaît ; Et je vous servirai, non pas par intérêt, Mais parce que je sens pour vous un certain zèle Qui brûle d'éclater... Que me donnera-t-elle ? Madame... en vérité... c'est de quoi me toucher Hâtez-vous de répondre à mon ardeur extrême, Et songez que mon maître arrive à l'heure même. Vingt louis ! malepeste ! Allons, mon cher Marin, Il ne faut pas rester dans un si beau chemin. Mais quoi ! trahir Damon ! non, cela ne peut être ; II ne faut pas, ma foi, trahir un si bon maître : II vient de m'assurer certaine pension Qui dans la suite aura quelque augmentation, Et le tout pour venir ici leur faire accroire Qu'il est aveugle. Allons, il y va de ma gloire De soutenir toujours ce que j'ai commencé. Des gens nous ont mandé que monsieur Lempesé, Ce médecin pimpant, ce marchand de denrées Pour rétablir le teint des beautés délabrées, Etoit dans ce logis du matin jusqu'au soir ; Que même Léonor lui donnoit quelque espoir. On nous mande de plus qu'elle adore Léandre, Et qu'il est à Paris quand on le croit en Flandre ; C'est ce que dans ce jour mon maître veut savoir, Et qu'il verra bien mieux, feignant de ne rien voir. Ce qu'il en fait, pourtant n'est pas par jalousie ; Il doit être guéri de cette frénésie : Il veut se réjouir ; c'est là, je crois, son but, Mettre à bout Léonor et ses amans... Mais chut. La voici de retour aussi bien que Lisette. Prenons de toutes mains, et dupons la coquette. Eh bien ! ces vingt louis sont-ils prêts ? Je les prends sans compter, et vous dis grand merci. Il est donc à Paris ? Ma foi ! C'est fort bien fait. J'approuve votre goût, et j'en suis en effet. Dans ma façon d'aimer tous les jours je préfère Et la nièce à la tante, et la fille à la mère. Comptez sur mon esprit, mon zèle et votre argent. Oui, je saurai vous peindre en remède d'amour Mais voici votre tante. Eh ! madame, bonjour. Madame, il est trop vrai. Oui, l'espèce est si rare. Cela se trouvera ; quelque mince grisette Qui pour se marier... Par exemple, Lisette. Comment ! Pourrois-tu là-dessus balancer un moment ? Bon ! belle conséquence ! Quarante-cinq à quinze. Moi d'ailleurs je peindrai Léonor si changée, Et de telle façon sa beauté dérangée, Que quand quelqu'un voudroit l'éclaircir sur ce point, Ce qu'on pourroit lui dire il ne le croiroit point. Le moyen d'en douter ! J'y vais, c'est ici proche. Bon ! autre argent qui va pleuvoir dans notre poche. Je dirai ce qu'il faut, vous n'avez rien à craindre ; Reposez-vous sur moi. La fourbe a réussi : Allons vîte avertir Damon de tout ceci. Ah ! ah ! ah ! C'est, monsieur... Apprends-moi ce qui se passe ici ? II falloit apporter votre malle ici-haut. La charge est trop pesante. Votre malle, monsieur, pèse deux cent cinquante : Par ma foi, quand j'aurois la force d'un mulet... Quel valet, s'il vous plaît ? Tenez donc, Carmagnole. Monsieur, il ne faut pas disputer sur les goûts ; Ne vous y trompez pas : tel passe parmi nous Pour un fat, un benêt, un nigaud, une cruche, Que des femmes souvent il est la coqueluche. Oui, vraiment. Je viens de lui parler, vous dis-je, à l'heure même. Le moyen d'en douter ! Il en est informé par moi-même. Je vous croyois guéri, monsieur, absolument. Elle vous croit aveugle, et vous ne l'êtes pas ; Peut-être que l'étant, vous prendriez le change. Allez, je suis au fait, n'ayez aucune crainte. Eh ! monsieur, la voici. Attendez, ce n'est pas par ici. Où diable allez-vous donc parler à cette porte ? On vous le disoit bien ; Mais auprès de ses traits, monsieur, cela n'est rien. Elle en a déjà bien perdu ; L'état funeste... Vous devez donc, monsieur, ne vous chagriner point ; La beauté de madame est bizarre à tel point… Prenez quelque notaire éloigné du carfour, Et qui ne puisse ici reconnoître personne. Maugrebleu de la folle ! Paix, j'aperçois Léandre ; Votre dessein étoit de venir le surprendre, Le voilà tout surpris. Avancez-vous. Tout va bien, Dieu merci ! Et comme on l'espéroit la chose a réussi. Votre oncle a pris le change. Elle est chez le notaire à remplir notre attente. Mais voici Léonor qui peut vous assurer... Des merveilles : Elle a de notre aveugle enchanté les oreilles ; Il attend le contrat qu'il s'apprête à signer. Chut ! Ne remuez pas, l'aveugle vient à nous. Pardonnez-moi, monsieur, c'est qu'elle est de retour. Le notaire est en ville. Ah ! j'aurois de la peine A m'en ressouvenir. Que ne peut-il vous voir de même en ces instans ! Ah ! qu'il seroit content ! C'est la mienne, monsieur. Revenez-y pour voir. Il n'est pas avec moi besoin que l'on s'explique ; Je vous ai comme il faut donné votre réplique. Mais, s'il vous plaît, monsieur, quel est votre dessein ? Quoi ! monsieur Lempesé le mari de la tante ? Le trait seroit bouffon, et la pièce plaisante : Je vais vous le chercher, je sais bien à-peu-près... Mais, par ma foi, la bête entre dans nos filets, Et le voici lui-même. Chez le notaire. C'est à son grand regret. Moi, monsieur, à personne. Que lui dire ? Ma foi ! j'ai perdu la parole. C'est monsieur Lempesé, très savant médecin, Qui vient vous apporter un remède divin, Que pour guérir les yeux il soutient admirable. Allons, cherchez, monsieur. N'avez-vous point sur vous quelque poudre, quelque eau Pour le faire encor mieux donner dans le panneau ? Bon, bon, donnez toujours pour sortir d'embarras. Qu'importe ? La belle eau ! la vue est éclaircie Seulement à la voir. Vous seriez bien surpris de voir clair tout d'un coup. Mais, monsieur, pour guérir il faudroit commencer Par bannir Léonor, et n'y jamais penser ; Car la femme à la vue est tout-à-fait contraire. Il gobe l'hameçon. On voit assez d'amis Prendre en de certains cas la place des maris ; Mais ils s'en tiennent là, sans risquer davantage, Et laissent aux époux les charges du ménage. Voilà ce qui s'appelle un véritable ami ; Monsieur ne vous veut pas obliger à demi. Il faut bien s'obliger ainsi les uns les autres. Mais le notaire vient. Monsieur, songez à vous ; Léonor et Léandre Vont revenir ici : je leur ai fait entendre Que vous dormiez. Pour vous mieux seconder, si vous vouliez me dire... Il va leur préparer encore un nouveau trait : D'avance je l'approuve, et mon âme ravie... Mais voici tous nos gens, jouons la comédie. A faire tout trembler ; La maison tomberoit, je crois, sans le troubler. Fort bien. Discourez à votre aise et n'appréhendez rien. O disgrâce terrible ! inopiné malheur ! Damon voit clair d'un œil. Il vient de s'éveiller avec un air joyeux : Ah ! Marin, m'a-t-il dit, ah ! que je suis heureux ! Je vois clair de cet œil, voilà mon lit, ma table, Te voilà, je te vois. Ah ! remède admirable ! Eau divine ! va, cours au plutôt, cher Marin, Va chercher Lempesé, ce fameux médecin, Qui m'a fait recouvrer la moitié de la vue : La moitié de mon bien à ce service est due. Ce n'est que par hasard qu'agit la médecine ; Parmi ces quiproquo, souvent si dangereux, Il s'en peut rencontrer, entre mille, un heureux. De l'œil droit. Dans son grand cabinet vous ferez mieux d'entrer. C'est votre guérison qui la rend si joyeuse Qu'elle a dans un moment repris tous ses attraits. Ce silence est encore un effet de sa joie. Parbleu ! c'est à ce coup qu'il faut crier miracle ; Et cet objet pour vous est un nouveau spectacle. Vous êtes plus savant que vous ne croyez l'être. Votre fortune est faite : il faut faire afficher ; De tous les lieux du monde on viendra vous chercher. Ah ! parbleu, voici l'autre. Que pour l'avoir guéri, De ce jeune tendron il vous a fait mari. Fort bien, continuez, c'est à des noms si doux Qu'on reconnoît déjà que vous êtes époux. Eh ! qu'importe, monsieur ? vous la rajeunirez ; Donnez-lui de cette eau qui pèle le visage. Je vous ai trompés tous, et j'ai servi mon maître. En bonne foi, pouvois-je en agir autrement ? Mais avant de crier, attends le dénouement. Voilà le véritable aveugle clairvoyant. **** *creator_legrand *book_legrand_aveugleclairvoyant *style_verse *genre_comedy *dist1_legrand_verse_comedy_aveugleclairvoyant *dist2_legrand_verse_comedy *id_notaire *date_1716 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_notaire A tous présens salut. Jamais dans mon étude Avec tant de justesse et tant de promptitude Depuis trente-trois ans il ne s'est fait contrat. Oui, monsieur : il ne faut seulement que m'apprendre Le nom, les qualités que le futur veut prendre. Mais, messieurs, à vous voir les yeux que je vous voi, Qui des deux, s'il vous plaît, est aveugle ? O ciel ! qui l'auroit cru ? c'est vraiment grand dommage. Il faut lire du moins le contrat. La future est pressante, et vous encor plus qu'elle. Signez donc : c'est, je crois, Damon qu'on vous appelle. Vos qualités ? Je ne demande rien, je suis payé d'avance ; Madame Léonor a su prendre ce soin.