**** *creator_mareschal *book_mareschal_dictateurromain *style_verse *genre_tragedy *dist1_mareschal_verse_tragedy_dictateurromain *dist2_mareschal_verse_tragedy *id_papyre *date_1646 *sexe_masculin *age_veteran *statut_maitre *fonction_autres *role_papyre Qu'on ne m'en parle plus ; il mourra, l'insolent⁎. Comme estant Dictateur, je veux passer pour homme Qui ne voit que les loix & l'interest de Rome. Rome par ce chemin seroit bien tôt à bas, Elle à qui le destin promet toute la Terre Par la religion & les loix de la guerre : Et Fabie ose enfraindre en cette occasion Et les loix de la guerre, & la Religion : Je deffends le combat pour une juste cause, J'ay soin de mon armée ; & l'Insolent l'expose ; Je reviens, par la peur d'un succez mal-heureux, Revoir les Dieux de Rome ; & luy se moque d'eux : Je r'appelle⁎ le sort, par de nouveaux auspices ; Et luy, tente⁎ les Dieux, quand je les rends propices : Si le sort est changé, c'est par moy, c'est par eux ; Son courage au combat a moins fait que mes vœux ; De Rome à nostre Camp j'envoyay la victoire ; Et les Dieux dans son crime ont pris soin de ma gloire : Le jeune temeraire ! il y devoit perir : Mais ceux que j'invoquois l'allerent secourir ; Ils regarderent moins sa gloire que ma honte ; Il exposoit mon Camp ; ils m'en ont rendu conte : On dira de son bras, comme de ma vertu, Que Papyre & les Dieux ont par luy combattu. Mais il choque les loix, & hazarde⁎ l'Empire. Non pas ; si l'on ne perd celuy qui l'a sauvé : Si les loix dépendoient d'un si jeune courage, Et l'Empire & les loix feroient bien-tôt naufrage ; Le courage parfois ne sert qu'à nous trahir ; Qui veut bien commander doit sçavoir obeïr ; Sans cet ordre les Chefs n'auroient plus de puissance, Et la guerre seroit un monstre de licence⁎ : Quoy ? Donner un combat, que j'avois deffendu ? Répond-il d'une ardeur qui peut perdre les autres ? Auront-ils des succez toûjours pareils aux nostres ? Faisons leur un exemple épouvantable⁎ & grand D'un Chef, bien que vainqueur, qui sur l'ordre entreprend, Et dedans la carriere⁎ à ces grands Cœurs ouverte Que Fabie aujourd'huy les sauve par sa perte. Suffit qu'il m'en souvienne : Mais chacun suit sa voye ; & ce n'est pas la mienne : Fabie est glorieux au dessus du pardon ; Il ne peut demander, ni moy, faire ce don. L'importance du faict les rend icy legeres⁎ ; Non, vous ne sçavez pas ce que vous demandez. Qu'en vain vous deffendez. Ah ? c'est trop entreprendre⁎ ; Ce Vainqueur doit perir. Que ce nom me surprend ! Lucille, qu'est-ce cy ? Et toy, ma Fille, aussi ! Quoy ? toute ma Maison me combat, & conspire Contre l'autorité que je garde à l'Empire ? Conspirez pour Fabie, & combattez tous trois ; J'auray pour moy l'Empire, & la force, & les loix. Que parles-tu d'un Gendre : & quelle est cette audace Qui te fait demander & sa vie, & ma grace ? Quoy ? pour mon Ennemy, qu'un crime rend Vainqueur, Ta bouche ose s'ouvrir aussi bien que ton cœur ? Quelle indiscretion ? où va cette imprudence⁎ ? Madame, & l'on trahit ainsi ma confidence ? Vous estes femme enfin, & vous avez parlé. Le secret n'estoit pas si prest à publier⁎ : Ma parole est sacrée, elle me doit lier⁎ ; Ouy ouy, nous la tiendrons. Vous n'avez sceu vous taire ; Ma Fille a trop appris, & n'ose que trop faire : Mais un moyen me reste, en le faisant punir, D'acquitter ma parole, & ne la pas tenir ; Je la dégageray, sans que je la viole, Et rompray ce lyen, sans rompre ma parole : Fabie est donc mon Gendre : & pour ne l'estre pas, Je me puis dégager bien tôt par son trépas ; Je puniray son crime. Et le vostre. Mais il est criminel, & vous, bien plus que luy. Mais… Ce poinct va conserver le pouvoir souverain, Qui m'anime à ce coup & me hausse la main ; Ma main luy va donner ce que Rome demande ; Si Fabie est trop peu, ma Famille en offrande; Si ma Famille encore est peu pour son besoin ; Tout mon sang coulera dans un si noble soin ; Ma Dictature attend un exemple si rare ; Elle, ou luy, doit perir. Quelle fureur⁎ ? ô Dieux ! retenez les, mon Frere : J'en demeure interdit⁎. Ah ! c'est trop balancer⁎ mon couroux ; Il tombera… Que voy-je ? il tombera sur vous : Quoy ? tous deux à mes yeux, dedans ce trouble extréme, Vous venez me braver jusqu'en ce Palais mesme ? Quoy ? ces cœurs sont rendus, ces ardents à combattre ? Ces courages pli'ront, quand je croy les abbattre ? Relevez les ; j'ay honte à vous voir relâcher ; Soyez, en résistant, dignes de me fâcher⁎ : Donc Fabie est rebele aux loix, dans mon Armée ? Et dans Rome, ses feux ne sont plus que fumée ? Le Senat le soûtient, il peut faire un party⁎; Et devant le combat son cœur s'est démenty⁎ ? Je veux tirer ce sang, non pas qu'on me le donne ; L'Ennemy me déplaît, alors qu'il s'abandonne : Vostre victoire n'est que d'un crime éclattant Le fruict qu'un Criminel doit au sort qui l'attend. Le Senat le doit faire, & dans cette journée. Loin d'estre vostre Juge, il s'est fait vostre appuy. Il le touche, il le perce, & ne l'ébranle point ; Ce rocher s'affermit, & demeure en un poinct. Mon Gendre ? un Criminel ? Non, vous ne l'estes plus : Ne cherchez point ce titre & des noms superflus ; C'est en m'obeissant qu'il falloit le paraître. Dieux ! que sents-je ? est-ce moy ? Arrestez sa fureur. La prevenir⁎ ainsi, c'est la craindre, & se rendre ; Il faut la disputer ; la force est à l'attendre. Mourir par desespoir est une erreur extréme. Quoy voir ? j'ay trop veu sa desobeissance, Et je voy mesme icy trop braver ma puissance : Quel insolent orgueil ? craignez… Ah ! c'est trop offencer & ma charge⁎ & ma gloire : Nous verrons au Senat quel pouvoir nous avons, Je vous attendray là. SErez-vous comme une ombre attachée à mes pas ? Dans la chambre, en ce lieu, quoy ? ne me quitter pas ? Qu'est devenu ce cœur, qui devoit m'obeïr ? Luy, que j'obligeay tant, & dont je dûs attendre La foy d'un Lieutenant, comme la foy d'un Gendre ; Luy, de qui le respect & l'amour me flattoit, Pouvoit-il m'offenser alors qu'il combattoit ? Pour rendre ma puissance & ma gloire étoufées N'avez-vous pas brulé les armes, les trophées ? Croyant dans la fumée obscurcir mon renom, Et dessous cette cendre ensevelir mon Nom ? Ce Nom poura, sans vous, passer à la memoire ; Ce Nom peut honorer la plus belle victoire, Des infracteurs⁎ des loix ennemy capital Ce Nom doit triompher, & vous estre fatal. O le masque pieux d'un courage zelé, Qui forge aux Dieux un droict, lors qu'il l'a violé ! Que la Religion, qui couvre son offense, Détournoit de combattre autant que ma deffense. Quoy ? ce triomphe ? il n'est pas legitime ; Ce seroit couronner non pas punir le crime ; Voila, pour vous flatter, un grand & vain effort ; C'est choisir son naufrage, & chercher un beau port, Un Criminel jamais s'est-il fait son supplice ? La vertu seule attend ce qu'il donne à son vice : C'est gloire que d'avoir des remparts à forcer ; La loy vous doit punir, non pas recompenser : Ces portes de la Mer, ces Villes des Samnites, Matieres de triomphe à ma charge prescrites, Attendent que mon bras qui portera leur sort Fasse en ces lieux voler & nôtre Aigle, & la mort ; Et m'offrent un triomphe, & des honneurs suprémes, Que vous avez soüillez par vos victoires mémes : Contre elles j'arme aussi, non ma severité, Mais les loix, pour punir vostre temerité : Attendez mesme sort qu'eut le Fils de Manlie ; Vostre crime est plus grand, un moindre nœud⁎ nous lie ; Son sang n'eut par sa mort qu'un combat à laver ; Mais le vostre en a deux, & se peut moins sauver. Ce n'est pas qu'en effect mon amitié blessee Ne combatte pour vous encore en ma pensée ; Je sçay ce que je perds, & Rome, en vous perdant : Mais Rome & moy perdrions bien plus en vous gardant. J'oy la force des loix, qui languit & soûpire ; Le pouvoir souverain , l'interest de l'Empire Gemit par cet avis dans mon cœur entendu ; Perds un homme, Papyre ; ou bien tout est perdu. O loix ! appaisez vous ; sa perte est asseuree ; L'Empire la demande, & mon cœur l'a juree ; Vostre victime attend, & le supplice est prest. Mais Dieux ! mon amitié s'oppose à mon arrest : Perdre un Gendre, un Heros, un Demon de vaillance ? Quel sang ! quel crime aussi ma Justice balance⁎  ! Rome à Rome s'oppose en un coup si fatal ; Le sauver ? que de bien ! le sauver ? que de mal ! Mais c'est trop balancer⁎ ; la chose est resoluë⁎ ; Ton interest l'emporte, ô Puissance absoluë ! Il mourra. Mais pourtant lors que je le promets Deffendez vous, Fabie, & je vous le permets : L'appel en est au Peuple, où déja l'on s'assemble ; Vostre Pere…. Il paroît, & les Tribuns ensemble : Prevenez mon couroux, allez seul les treuver ; Tâchons, moy de vous perdre ; & vous de vous sauver ; Mon cœur, qui vous perdra, montre bien qu'il vous ayme, De vous encourager encor contre moy-mesme. Nous allons tous au Peuple ; & moy, je vous devance. Et pour ne rien gagner : Epargnez des discours, que je ne puis entendre. Et les Dieux, & le Ciel, le Senat, & moy-méme N'écoutons point la voix d'un desespoir extréme : Ce sentiment Romain, que vous nommez couroux, Rien ne peut l'adoucir, ni le Senat, ni vous ; Le Peuple nous attend, & fera moins encore : Je vay perdre Fabie, & dans moy je l'adore ; Et mes sens genereux sont si fort combattus⁎ Que je puny son crime, admirant ses vertus. Elles parlent dans moy, leur puissance est bien forte, Elle attire mon cœur ; mais Rome enfin l'emporte ; C'est son interest seul qui combat sous le mien ; Je vay bien attaquer, mais deffendez vous bien. Si pour Rome la loy craint un mal incertain, Ce bien qu'on luy promet est encore plus vain : Laissons au Peuple à voir & juger de ces choses : Quoy que j'ay pû moy-méme estre Juge en mes causes, J'en ay permis l'Appel, pour vous favoriser. Tenez un Dictateur souverain comme luy. Et cette liberté qu'elle met en nos mains Nous rend, plus que les Roys, puissants & Souverains : Il est vray qu'elle est libre à se donner un Maître ; Elle le fait ; après elle doit le connaître⁎ : Dittes, que peut le Peuple, & qu'a pû le Senat ? Ma dignité soufroit pour vous cet attentat⁎ ; Et contre mon pouvoir n'estant point de refuge, Vers le Peuple, au Senat je suis & Maître & Juge ; Quoy que pour ma décharge, & vôtre allegement⁎, Je les fay compagnons dans ce haut Jugement. Vous n'avez sceu connaître⁎ une si grande grace : Mais je sçauray tantôt rabbattre cette audace. Rien, Martian, que mes droits absolus : Je ne vous entends point, & ne les connoy plus. Allons au Peuple, allons ; c'est trop le faire attendre. Non ; toutes ces raisons ne vont qu'à m'offenser ; Il est perdu, Camille, il n'y faut plus penser : Le Peuple & le Senat, impuissans l'un & l'autre, N'ont pas osé l'absoudre ; aussi ce droict est nôtre, La Dictature en moy treuve sa seureté ; C'est une souveraine & courte Royauté ; Je l'ay mise en sa force, & mon cœur l'a portée En un poinct où jamais elle n'estoit montée : De ce lieu si superbe, où vainqueur je la voy, Elle me rit⁎, me plaît, elle est digne de moy : J'ay par un mème coup sauvé ma renommée, Et l'Ordre souverain, cette ame d'une Armée ; J'ay maintenu l'Empire, & le commandement. Je perds un Criminel ; il vaut mieux qu'il perisse Que cette autorité, les loix, & la Justice ; Quoy ? j'aurois veu décheoir par ma facilité⁎ La Justice, les loix, & cette autorité ? A ma honte, par moy, durant mon ministere⁎ Perir la Dictature, un si haut caractere ? Pour l'honneur de Fabie, & de ses deux combats, J'aurois veu perdre Rome, & tout l'Empire à bas ? Non ; j'ayme mieux couper ce mal en sa racine : Observateur des loix & de la discipline, Je fay pour l'avenir, je voy par le passé Le chemin que Manlie & Brute m'ont tracé. Par mon propre tourment⁎ pour te rendre obligee⁎, Que n'est-il mon Parent, ô Rome protegee ! Ah ! Que n'est-il mon Fils, ce Gendre pretendu ! Je t'aurois plus donné, quand j'aurois plus perdu : Je soufre autant qu'un Pere, & ce grand coup m'étonne⁎, Je l'ayme autant qu'un Fils, Rome ; & je te le donne. Il ne l'a point absous, c'est trop pour le confondre⁎. Et c'est pour m'en répondre⁎: Pour ne l'irriter pas, je le laisse en ses mains. S'ils l'ayment, ces mutins ; ils craindront ma puissance ; Je laisse à leur orgueil cette ombre de licence⁎, Et le temps d'aviser s'ils se rendront garants D'un crime à soûtenir par des crimes plus grands : Ils ne le feront pas ; ce soin est inutile ; Je suis Maître du Camp, je puis tout dans la Ville ; Le Peuple, qui me voit animé⁎ pour la loy, N'osera pas l'enfraindre, & méme contre moy ; Il connoît mon pouvoir, il connoit mon courage : Employons l'un & l'autre à ce fameux⁎ ouvrage ; Dans un juste dessein autant que rigoureux, Pour leur propre interest, opposons nous contre eux ; Refusant les Romains montrons que je les ayme, Et rendons Rome heureuse en dépit d'elle-méme ; Faisons son propre bien contre ses propres vœux ; Ne la regardons point, regardons ses Neveux ; Indulgente⁎ à son mal encor qu'elle soûpire, N'écoutons point sa voix, & gardons luy l'Empire ; Faisons un bien qui dure, & qu'on treuve aprés nous ; Perdons un Criminel, pour l'interest de tous. Et bien donc, quelle l'ait, finissons la tempéte : Ils demandent Fabie, envoyons leur sa téte : Elle les instruira : qu'ils lisent, ces mutins, Dans sa punition leur crime, & leurs destins : Ils connoîtront quel est mon bras & leur attente; L'ordre n'ayant rien pû, qu'elle les épouvante. Mais sans vous oublier, sans punir à demy ; Vous, que son crime seul a rendu son Amy, Pour le vôtre & le leur montrant ma foudre préte Vous leur yrez porter & mon ordre, & sa téte : C'est vous punir assez par ce commandement ; Je m'en vay punir l'autre ; & partez promtement ; Sa téte, & vous, ferez ensemble ce voyage. Fay le donc, insolent ; va, je feray le mien. Quel orgueil ! Qu'est-ce encor ? quel mal-heur ? Nous en viendrons à bout ; Est-ce là ce malheur, ce grand sujet de crainte ? Ah ! le Rebele⁎ ! Soûtenir un coûpable ? & contre un Dictateur ? Quel desordre⁎ ! Le faire ? on ne le peut ; nous regnons pour six mois. C'estoit pour leur orgueil, le crime, & l'insolence : Moy, j'affermy l'Empire, & maintiens sa puissance ; Moy, je puny l'orgueil, le crime, & l'attentat ; Moy, je soûtiens les loix, qui soûtiennent l'état : Je craindrois la revolte, & cette violence, Moy, qui rétably l'ordre & puny l'insolence ? Qu'il s'assemble, qu'il aille, & couvre l'Aventin ; J'yray seul m'opposer à ce Peuple mutin : Je sçay trop ce qu'il faut, dans ce peril extréme, Faire pour le Pays contre le Pays méme : J'yray voir violer les loix, & leur serment, Et de tout l'Aventin faire mon Monument⁎ ; Plustôt que relâcher⁎ il faudra que j'expire, Qu'on détruise tout l'ordre, & les loix, & Papyre. Si le crime de Rome a vostre ame enflamée, Mourez, mourez encor pour celuy de l'Armée : Le Camp est en revolte, & l'infidelité A suivi de bien prés vostre temerité : Voila le second pas contre la Discipline ; Un exemple a fait l'autre, & Rome se mutine. Mais vous en répondrez ; & pour les punir tous, Il ne faut qu'un supplice ; ils soufriront en vous ; Vostre honteuse mort sera leur infamie, Punira mon Armée, & Rome vostre Amie ; Ils verront, ces Soldats, punir leur faction⁎ Sur l'auteur criminel d'une noble action ; La honte du supplice en tous lieux publiée Me rend Maître en mon Camp, & Rome châtiée. Dictateur mal-heureux, Qu'empèche la Vertu d'oüir ces genereux ! Helas ! avant le coup ce mesme coup me blesse. Mais quel helas ? arriere amour, pitié, foiblesse : Rome, que doy-je faire ? ô Rome, qu'as-tu faict ? C'est trop punir. C'est trop retarder cet effect ; N'écoutons plus amour, ni pitié, ni tendresses : Je vous entends, ô loix ; vous serez les Maîtresses. A ces termes si hauts, aprês tant de furie, On voit bien, Martian, que c'est Rome qui prie. Levez vous, ses Tribuns, & ne confondez point Son Maître, & son Enfant, de la voir à ce poinct ; Dans ces devoirs honteux humble à mes pieds reduite Ma vertu la regarde, & n'en est point seduite ; Cet êtat trop indigne & d'elle & de ces lieux Ne domte point mon cœur ; mais il blesse mes yeux. Voyez voyez, Tribuns, où vous l'avez jettée, Où vous la descendez, où vous l'aviez montée ; Regardez son orgueil, & son abbaissement ; Comme elle m'a traité ; comme elle se dement⁎ : Mais regardez plustôt ce qu'elle me demande, Et quel fruict mal-heureux il faut qu'elle en attende. C'en est faict ; sa priere a ma force abbatuë. Et bien tu m'as fléchi, Rome, & je t'ay vaincuë ; Voy ton Victorieux : Mais non, ce n'est pas moy ; C'est l'Ordre souverain, c'est l'Empire, & la Loy. Fabie est convaincu ; tu veux qu'on luy pardonne : Tout Criminel qu'il est, prens le ; je te le donne ; Je le donne aux Tribuns, dont l'importunité L'emporte par priere, & non d'autorité : Un important exemple eust fait voir ma puissance ; Un exemple plus doux montrera ma clemence. Vy doncque, vy Fabie, en ce point plus heureux Que le Peuple Romain, de ton crime amoureux, Contre ses propres loix a deffendu ta gloire : Cette insigne faveur vaut plus que ta victoire. Quoi qu'ait fait mon devoir, quoi qu'ait fait vôtre audace L'amitié vous gardoit en mon cœur mesme place ; Avec elle sans feinte il vous a combattu ; J'aymois, & poursuivois un Gendre, & sa vertu ; Et vostre crime est tel, qu'en mon rang vôtre Pere Armé contre son Fils n'auroit osé moins faire. Mais c'est pour le reprendre : Soufrez qu'avecque vous je puisse partager Un Fils si glorieux après un tel danger ; Et pour joindre d'amour l'une & l'autre Famille ; Voicy mon Fils, Fabie ; & voila vostre Fille. Non ; le Camp revolté veut que je le revoye. Comine, allez devant, annoncer mon retour. Demeurez ; je veux avoir mon tour ; Vous ne combattrez point ; tout ce qui reste à faire Est peu pour mon triomphe, & m'est trop necessaire : Dans Rome joüissez du fruict de vos combats ; Soufrez qu'un Dictateur marche dessus vos pas ; Attendez mon retour, comme vostre hymenée. Aprés, chargez d'honneurs, la guerre terminée, Un méme jour verra triompher deux Guerriers, L'un couronné de myrthe, & l'autre de lauriers. FIN. **** *creator_mareschal *book_mareschal_dictateurromain *style_verse *genre_tragedy *dist1_mareschal_verse_tragedy_dictateurromain *dist2_mareschal_verse_tragedy *id_camille *date_1646 *sexe_masculin *age_veteran *statut_maitre *fonction_pere *role_camille Quoy ? ma Sœur, plaindre⁎ ainsi quelque peu de foiblesse ? Ce reste de langueur⁎ qu'un mal passé me laisse ? Je sens naître déja d'une douce chaleur Ce plaisir imparfait qui finit la douleur. J'en reçoy, Papyrie, un agreable office, Honteux d'estre reduit à ce foible exercice, Tandis que vostre Pere au milieu des combats Rend à Rome un devoir qui demandoit mon bras : Ma vertu parle seule, & vous deffend de croire Qu'un si juste interest soit jaloux de sa gloire, Puis qu'en luy resignant, & Rome & mes employs, Le creant Dictateur j'ay tout mis sous ses loix, Que mon mal l'a rendu seul Maître de l'Empire ; J'ay pour luy de la joye, & pour moy je soûpire De voir qu'estant Consul je manque à mon pays, Et que ma maladie ait mes desseins trahis : En un si foible estat peux-tu, superbe⁎ Ville, Connoistre⁎ ton Consul, connoistre enfin Camille ? C'en est trop ; parlez mieux d'un succez⁎ si prospere : L'une & l'autre victoire est deuë à vostre Pere : Quoy que fasse une Armée ou de bien ou de mal, Tout le blâme ou l'honneur retourne au General ; Luy seul y fait regner & l'ordre & la police, Il instruit les soldats, les forme à la milice⁎ ; Les combats faits par eux sont à luy seulement, Chacun y prend sa part, luy, tout l'événement ; Le Corps doit tout au Chef, c'est l'ame qui l'inspire ; Si Fabie a vaincu ce n'est que pour Papyre : Ce Dictateur, absent d'un Corps qui suit ses loix, A Rome, & sans combattre a vaincu par deux fois ; Le bruit de son grand Nom, sa seule renommée A plus fait que Fabie, & que toute l'Armée ; Par les auspices saincts qu'il a renouvellez, Les Dieux fuyoient de nous, il les a rappellez ; La puissance du Ciel menassoit la Romaine, Quand la Religion jusqu'icy le rameine ; Il consulte le Ciel, & par un promt effet Il change le destin, ou luy-mesme le fait ; Forcé, contre son ordre, ah ! qui le pourroit croire ! Le destin à ses vœux accorde la victoire Si promte qu'il n'a pas loisir de l'emporter, Si grande que les morts ne se peuvent conter ; Qui va jusques au nom détruire les Samnites, Au-delà des deux Mers estendre nos limites, Et montrer à nostre Aigle agile, impatient Le chemin de la Grece & de tout l'Orient. La victoire a forcé Papyre de partir ; C'est elle qui m'afflige, elle que j'apprehende ; La bataille gagnée en laisse une plus grande ; Les Ennemis deffaits me font peur à leur tour, Et changent en malheur la gloire de ce Jour, Ce Jour sera suivi des maux que je presage : Rome, tu te plaindras de ce triste avantage ; Les Samnites sont morts, tant de Peuples soûmis ; Mais crains tes propres Chefs plus que tes Ennemis : Papyre a la victoire ; elle-mesme l'offense : Fabie a combattu ; mais contre sa deffense. Je sçay combien la gloire & l'amour de l'honneur Gouvernent puissamment & l'un & l'autre cœur. D'une illustre Maison Fabie a pour partage Les triomphes, l'honneur, le nom, & le courage ; Unique rejetton⁎ des trois cents Fabiens, Qui seul porte en son cœur les cœurs de tous les siens, Et qui digne heritier fait revivre en un homme Ces trois cents dans un jour sacrifiez pour Rome. Mais sans rien feindre⁎ aussi, sans flatter vostre Epoux, Papyre est tout Romain, le plus grand d'entre nous ; Son adresse à la guerre & son experience Le firent Dictateur, non pas nostre Alliance, Pour occuper un lieu⁎ qu'il remplit mieux que moy, M'acquitter envers Rome & dégager ma foy ; Quel homme à⁎ commander ! observateur severe Et de la discipline & de l'art militaire : De là jugez, ma Sœur, ce qu'il faut aujourd'huy Esperer de Fabie, & craindre aussi de luy, Luy, qui dedans un rang à flatter son envie Voit sa charge offensee, & sa gloire ravie ; Que ne fera-t'il point ? que n'est-il pas permis ? Que pourront ces grand Chefs, & tous deux ennemis ? Le Ciel ne nous promet qu'un triste évenement. La victoire est le mal, que peut-estre les Dieux Veulent faire tomber sur les Victorieux : Ces deux grands Ennemis….. Et plus que tous les deux tous deux ayment la gloire. Croyons le : mais un autre y pretend bonne part ; Et pour vous en parler sans envie & sans fard, Valere m'en écrit fort à son avantage, Et s'il ne se la donne, au moins il la partage : Sans ordre de Papyre ayant craint d'avancer Dans le premier combat, de peur de l'offenser ; La premiere victoire aussi fut imparfaite ; Mais, où des ennemis fut l'entiere deffaite, Voyant battre au second l'aîle qu'il commandoit, Avec elle il percea tout ce qui deffendoit, Et par un stratagéme à jamais memorable…. Comine ? est-il croyable ? Un Tribun de l'Armée. Et tu dis qu'il attend. Nous l'entendrons : Qu'il entre : Et ce sera luy-mème Qui vous déduira⁎ mieux ce nouveau stratageme, Qu'il croit faire passer icy pour un secret. Je ne m'oppose point par un zele indiscret A ce choix glorieux que Papyre a pû faire : J'estime fort Fabie, & j'ayme aussi Valere ; Je sçay qu'ils sont tous deux vertueux en effet, Tous deux grands ; mais l'un jeune, & l'autre déja fait, Dans les charges formé, puissant, & Consulaire : Je ne vous parle donc qu'en faveur de Valere : Devant à son merite autant qu'à l'amitié, De peur d'estre suspect, j'en tairay la moitié ; Sa derniere action que nous allons entendre Le rend digne de tout, quoy qu'il vueille pretendre. Si haut, s'il est besoin, que l'action connuë Fera voler sa gloire au dessus de la nuë, Elevera son nom jusques dedans les Cieux. Mais voicy qui pourra vous la dépeindre mieux ; Et je sçay que vostre ame en doit estre charmée. Pour instruire Lucille, autant que pour me plaire, Ne nous déguisez rien ; Amy, sans passion Parlez nous de Valere, & de son action. Des merveilles, ma Sœur, que vous allez entendre. Un Amy de Valere ainsi doncque s'excuse ? Je prie en sa faveur, & Comine refuse ? Une action notable, & qu'il semble envier. Quel mal ? de quel respect le pensez-vous couvrir ? Pouvez-vous luy donner ce lâche mouvement⁎ ? Sçavez-vous ? Qu'entends-je ? Et le combat ? achevez. Qu'une fureur jalouse aveugla bien Valere ! Et que son amitié commence à me déplaire⁎ ! Le Senat ? où, Flavie ? Comine, allez devant ; je les vay recevoir. Vous les voyez, Fabie, & toute la famille : Il faut le conserver⁎; Il fait triompher Rome ; elle doit le sauver ; Elle est trop obligee⁎ à de si grands services : Et si pour la victoire il faut des sacrifices, Elle seroit impie en rendant grace aux Dieux D'immoler en victime un Vainqueur glorieux ; Rome n'est que severe ; elle seroit barbare ; Elle traitera mieux une vertu si rare ; Et pour moy, suppliant envers le Dictateur J'aimeray le Coûpable, & le Persecuteur, Et nous joignant ensemble & la Fille & la Mere Nous serons importuns autant qu'il est severe ; Il aura pour partie⁎ en un si grand courroux, Et la Mere, & la Fille, & le Senat, & nous. On a déja trop fait d'attaquer vostre vie. Ce lieu vous servira de prison, & d'azile. Quoy ? voulez-vous passer pour esprit violent ? Mais il rend glorieux & les Dieux, & Papyre. Plustôt par la Clemence enseignez leur à tous Cet art plus glorieux de vaincre son couroux ; Vous-mesme devenez un memorable exemple, Qu'en la guerre, en la paix toute Rome contemple ; Et montrez par un trait qui vous va couronner Que Fabie a fait mal s'il luy faut pardonner : Le meilleur Empereur n'est pas le plus severe ; Voyez ce qu'avant vous fit Camille mon Pere : Un temeraire Chef, qui l'avoit offencé, Fut compagnon d'honneur par luy-mesme avancé : Quel pardon, qui passa jusqu'à⁎ la recompense ! En une faute heureuse⁎ imitez sa Clemence ; L'exemple en est celebre, & c'est d'un Dictateur Que Rome nomme encor son second fondateur. Cincinnate autre fois…. Voyez ce qu'en ces cœurs produit vostre colere. Elles sont déja loin : va, cours aprés, Flavie. Je le suis de sa gloire, & de son innocence, Qui fait une vertu d'un crime de licence ; Son cœur, par un remords⁎ & noble & genereux⁎ Desavouë à ses bras ce qu'il a fait par eux, Il renonce à sa gloire, & leur en fait reproche : Et ce cœur ne sçauroit toucher un cœur de roche. Nostre vie est aux Dieux ; le destin en dispose : Le supplice est honteux seulement par la cause ; D'un supplice on peut faire un trépas glorieux ; Il faut vivre pour nous, & mourir pour les Dieux. J'en desespere, & plains l'un & l'autre Fabie. Et vous perdez Fabie en ce chaud⁎ mouvement. C'est un don en effect, qu'elle tiendra de vous ; Elle l'attend, Papyre & nous l'attendons tous : Chacun fait à Fabie un sort plus favorable, On l'attend en Vainqueur, & non pas en Coupable : On le demande tel, tel il nous soit donné, Puis que le Peuple enfin ne l'a point condamné. Il le garde pourtant. Vous avez le pouvoir : luy, l'amour des Romains. C'est perdre la Valeur, sous les loix opprimée ; Avec elle il faut donc perdre toute l'Armée, Qui dans ses interests entre & s'ose méler : Il n'est plus temps de feindre⁎, & de vous rien celer⁎ : Tout le Camp se mutine, & prend part en ce crime, Que vous allez punir, qui contre vous l'anime ; Valere me l'a peint un Camp seditieux⁎, Qui… Mais Comine vient ; peut-estre il le sçait mieux. Il est noble : il part, & ne craint rien. Ne pouvoir vous demettre ? on a chassé les Roys. Quoy ? pour un Criminel faire mille Coûpables ? Que voy-je ? Arrétez, inhumain ; quel coup voulez vous faire ? **** *creator_mareschal *book_mareschal_dictateurromain *style_verse *genre_tragedy *dist1_mareschal_verse_tragedy_dictateurromain *dist2_mareschal_verse_tragedy *id_fabie-pere *date_1646 *sexe_masculin *age_veteran *statut_maitre *fonction_pere *role_fabiepere Dieux ! que voy-je ? est-ce luy ? Quel spectacle ? ô mes yeux ! ô mon cœur ! quel ennuy⁎ ? Mais bien trop pour ton Pere : Qu'ay-je dit ? je me trompe ; & tu n'es pas mon Fils ; Lâche, ce que tu fais détruit ce que tu fis : Quoy ? pour une victoire & si grande & si pleine Implorer ce Cruel ? t'exposer à sa haine ? Luy demander la vie ? ô honte ! ô lacheté ! Tay toy : puis-je l'avoir esté ? Ce cœur remporta-t'il une double victoire ? Ce cœur pouroit-il bien ternir ainsi sa gloire ? A-t'il tant de foiblesse ? eut-il tant de vigueur⁎ ? Infame, répons moy ; répons moy, noble cœur : Mais lâche & genereux, que me peux-tu répondre ? On voit une action dans l'autre se confondre ; L'une me fait horreur, & l'autre a des appas ; Par elles c'est mon Fils, & si ce ne l'est pas : Parle, fils genereux ; mais plustôt parle, infame ; As-tu doublé ton cœur ? as-tu doublé ton ame ? Mais quel aveuglement à ma colere est joint ! Je t'impute deux cœurs, lâche, tu n'en as point ; Après une victoire & si belle & si rare, Tu viens de le laisser aux pieds de ce Barbare : Peux-tu bien racheter une vie à ce prix, Digne de ses rigueurs, digne de ses mépris ? Ta victoire peut elle estre encore enviée ? Il te la doit ceder ; ah ! tu l'as bien payée : Quoy ? demander la vie ? un Fabie, un Romain ? As-tu perdu ton cœur ? qu'as-tu fait de ta main ? Pour effacer ta honte, & pour finir ma peine, Viens emprunter la mienne ; elle est toute Romaine ; Je t'ay donné le jour, je puis te l'arracher ; L'avoir en don d'un autre, ah ! c'est un don trop cher ; Quoy ? demander la vie ? ô l'indigne foiblesse ! Ou plustôt son courage ; Par luy je voy mon Fils, & combien je l'outrage ; C'est comme mon sang parle, & repare un affront ; Je parlois en Fabie, en Fabie il répond. Ouy, Cruel ; mais icy rien n'est deseperé : A t'oüir, on croiroit son trépas preparé ; Tu crois que le Senat selon tes vœux l'appréte ; Tu refuses sa main, pour mieux avoir sa téte ; Ce n'est pas de son bras que tu veux obtenir Une mort qui te vange & le puisse punir : Ta douceur n'est que feinte, & je voy ta malice⁎ ; Tu retardes sa mort, pour hâter son supplice ; C'est dessus son honneur que tu veux te vanger : Mais le Senat est juste, & doit le proteger : Tu n'en veux qu'à son nom, tu n'en veux qu'à sa gloire ; Ta jalousie est claire, & ta malice est noire ; Ton lâche procedé, violent, factieux Met son crime si haut qu'il t'en montre envieux; Son crime, qui t'offense, est si beau, qu'il nous flatte ; Nous eussions tû sa gloire, & tu fais qu'elle éclatte ; Rome, qu'elle enrichit, porte au dessus des loix Ce crime, qui n'est plus crime que dans ta voix ; Que ta voix annoblit, que ta rigueur illustre⁎, Qu'elle fera passer de l'un à l'autre lustre ; Ce crime, honneur de Rome, & dont l'accusateur, Ou plustôt l'Envieux, est un grand Dictateur ; Ce crime, qui la sauve, & que le Camp renomme⁎ ; Pour qui l'on dûst ouvrir tous les Temples de Rome, Pour faire sacrifice, & rendre grace aux Dieux Des victoires qui vont perdre un Victorieux : Je ne le nomme point ton Amy ni ton Gendre ; Je retire mon sang quand tu le veux répendre : Veux-tu, pour confirmer l'alliance & l'accord, Le signer par son sang, l'arréter⁎ par sa mort ? Tygre, va le répendre, & Tygre, va le boire : Mais revere son nom, punissant sa victoire ; Songe au sang precieux, qu'elle-mesme épargna, Que tu la pouvois perdre, & qu'il te la gagna : Voy… Je ne crains rien : La crainte est aux méchants ; nous en differons bien : Connoy mieux ton pouvoir, & les Ames Romaines ; Nous avons eu l'éclat des marques souveraines : Je craindrois ? moy ? Consul, trois fois, & Dictateur ? Les Romains m'ont veu Maître, & non persecuteur ; Sans perdre les Vainqueurs j'emportois la victoire. Fort peu ; nous vous suivons. Allons, mon Fils, allons disputer de ta vie. Arrétez, arrétez ; & quoy ? me fuyez-vous ? Moy, pour vous dire encor…. Epargnez donc mon Fils, épargnez vostre Gendre : Et pour luy rendre un Juge, un Dictateur plus doux, Permettez qu'en ce lieu j'appaise son couroux ; Ayant émeu les flots, j'adoucy la tempéte : La foudre est dans vos mains, qui gronde sur sa téte ; Vers le Peuple, au Senat, par tout elle le suit ; Enfin tous mes efforts, qui font un si grand bruit, Et tant d'éclairs ne sont à mon cœur qui succombe Que les avant-coureurs d'un tonnerre qui tombe : Ah ! que n'en estes-vous armé pour mon trépas ! Ce grand cœur, qui se rend, ne succomberoit pas ; Je verrois, sans frémir, éclatter ce tonnerre, Et plustôt que mon cœur trembler toute la terre. Mais voir un Fils unique, & noble & glorieux, Reste des Fabiens, qui vaut tous ses Ayeux , Qui fit tout mon espoir, qui fait toute ma crainte, Peri par un supplice, & sa Maison éteinte ? Ah ! c'est un coup du Ciel, comme vous, inhumain, Et contre qui mon cœur cesse d'estre Romain : Dedans ce desespoir il se plaint, il soûpire, Ne connoît plus le Ciel, le Senat, ni Papyre Et tient pour Ennemis cruels, injurieux, Papyre, le Senat, & le Ciel, & les Dieux. Ouy, puis qu'il faut combattre, allons jusques au bout ; Remuons tout l'état pour le salut d'un homme, Et que Rome aujourd'huy combatte contre Rome ; Les services presens pouront bien soûtenir Un Vainqueur que l'on perd, de peur de l'avenir : Punir une victoire & certaine, & si grande, Pour un mal incertain, & que l'on apprehende ? Rome peut abolir de si timides loix, Ou du moins adoucir leur rigueur une fois ; Le fruict qu'elle en attend ne vaut pas l'avantage⁎ Qu'elle a déjà receu d'un si noble courage ; C'est avancer sa perte, augmenter son ennuy⁎ Que de faire perir un homme tel que luy, Et qui peut rendre à Rome un Monde tributaire ; Pour ce grand interest les loix doivent se taire. Mais que vous ne pouviez pourtant me refuser ; Puis que l'un de nos Roys ; c'est Tuelle, je le nomme ; Devant tout le Senat, à la face de Rome, Ceda bien à l'Appel, & montra le pouvoir Que le Peuple a parfois de juger & de voir ; Ce Monarque avoit lors une entiere puissance, Le Peuple moins de droict, luy plus d'independence. Mais Rome n'estoit pas ce qu'est Rome aujourd'huy ; Elle estoit sous les Roys ; maintenant elle est Reyne, Elle a sa liberté qui la rend Souveraine. En voicy deux ; le nombre en est moins grand ; Rome en deffendoit un, & ma main vous le rend : Plustôt que de la voir tomber dedans ce crime, Je l'allois égorger ; je vous l'offre en Victime ; Et prest de l'immoler au nom de Dictateur J'en viens estre à vos yeux le Sacrificateur. C'est trop vous disputer une juste puissance ; Et Rome en sa faveur a trop pris de licence : En horreur de ce crime, & pour l'en preserver, J'ayme mieux perdre un Fils, que je pouvois sauver, Que le voir glorieux, en la voyant Rebelle ; Non, je n'ay pû soufrir Rome si criminelle Joindre à son crime noir un crime triomphant ; Qu'elle soit sans remords ; je seray sans Enfant ; Mais son sang m'adoptant plustôt toute une Ville, Je n'en vay perdre qu'un, & j'en sauve cent mille ; Rome perd ma Famille, & l'augmente aujourd'huy ; J'offre mon Fils pour elle, elle s'offre pour luy. Non, quand il n'auroit point ni de cœur, ni de bras ; Quand mon bras, quand mon cœur se treuveroit si lâche De soufrir en mon sang cette honteuse tache ; J'espererois au Ciel, & croirois que les Dieux, Pour l'enlever là haut, descendroient en ces lieux ; Ou, si j'espere trop, lanceroient une foudre⁎, Pour laisser de ses os une honorable poudre : Le sang des Fabiens est trop noble & trop beau, Pour craindre le supplice, & la main d'un Boureau : On n'en voit point la trace ailleurs qu'à la campagne ; La victoire le suit, ou l'honneur l'accompagne ; Il ne sçauroit couler si ce n'est noblement, Pour servir son Pays, dont il est l'ornement ; Il fut toûjours de Rome un glorieux partage, Ou pour la secourir, ou pour son avantage⁎. Pour la servir encore en cet évenement, Pour empécher son crime & son soûlevement, Au milieu de Tribuns, dans la place publique Ce bras n'alloit-il pas tuer mon Fils unique ? Mon courage l'eust fait, & le doit faire icy : Pour vous j'ay calmé Rome ; & c'estoit mon soucy⁎. Maintenant c'est mon cœur, c'est Rome repentie Qui donne en sacrifice une si grande hostie : Mais Rome à se punir veut quelque coup nouveau, Un Sacrificateur, & non pas un Boureau : Autre que moy ne peut luy rendre cet office⁎ ; J'ay droict sur la Victime, & sur le Sacrifice ; Mon bras seul peut verser un sang que j'ay donné ; Que par luy soit son sort & mon Nom terminé ; Ma maison par soy-méme est digne de s'éteindre : Ce coup ne me verra ni pleurer, ni me plaindre ; Et j'auray pour le moins ce triste reconfort Que le Nom Fabien par un Fabie est mort : Pour expier ton crime, & le sien que je louë, Un Pere tuë un Fils, ô Rome, & te le vouë. C'en est fait ; il le faut : prononcez⁎ donc l'arrest ; Et vous verrez bien tôt comme mon bras est prest. Digne d'un Fils si noble, & digne d'un tel Pere : Rome, connoy nos cœurs, voy si l'acte est Romain ; Il te donne son sang, je te préte ma main. Arrétez ces transports, ô Fille genereuse. Ouy, je l'aurois perdu ; vous luy fûtes trop doux : Et je ne le tiens⁎ plus que de Rome, & de vous : Quand la mort me l'ôtoit, vous daignez me le rendre ; Vous me l'avez donné. Allons par leur hymen achever cette joye. **** *creator_mareschal *book_mareschal_dictateurromain *style_verse *genre_tragedy *dist1_mareschal_verse_tragedy_dictateurromain *dist2_mareschal_verse_tragedy *id_fabie-fils *date_1646 *sexe_masculin *age_jeune *statut_maitre *fonction_fils *role_fabiefils Cette Maison fera mon naufrage ou mon port : J'ay quitté le Senat qui m'a pris en sa garde ; Pour Juge, ou pour appuy, c'est vous que je regarde ; Je ne veux point avoir en mon affliction Contre le Dictateur d'autre protection Que ce lieu, son beau-Frere, & sa femme, & sa fille. Quel malheur glorieux qui me fait voir encore Tout ce que je respecte, & tout ce que j'adore ! Tout mon mal-heur, Madame, est dans mon action, Comme toute ma gloire en vostre affection : Le Pere me poursuit ; j'évite sa colere, Et prends pour me punir & la Fille, & la Mere, Le beau-Frere pour Juge en ce grand interest, Sa Maison pour refuge, & sa voix pour arrest. Le Senat me protege, & le Peuple m'honore : Mais vous estes le seul digne que je l'implore, Camille, je remets ma vie entre vos mains, Comme au plus genereux & plus grand des Romains ; Toute cette faveur, que brigue en vain mon Pere, Je la treuve en vous seul, c'est en vous que j'espere ; Et je n'espererois rien de vous, ni des Cieux, Si mon crime n'estoit & noble, & glorieux ; Il peut sans honte errer dedans vostre memoire, Il vous est familier ; c'est mesme la victoire: Craindrois-je vostre Arrest, ni d'estre condamné, Pour les mesmes succez qui vous ont couronné ? Et si cet attentat⁎ que veut punir Papyre Fait moins ma gloire encor que celle de l'Empire ? J'ay l'honneur du combat ; Rome en a tout le fruict ; Ce combat la maintient ; ce combat me détruit ; Et pour un haut⁎ exploit, dont la gloire est complice, Au lieu d'une Couronne, on m'appreste un supplice, Une honteuse mort pour un fait vertueux : A peine ay-je évité ce foudre⁎ impetueux, Qui mesme dans le Camp fumant de ma victoire Alloit faire tomber, & ma teste, & ma gloire : Maintenant je la donne, & ne me deffens pas ; Je fuy l'ignominie, & non point le trespas : Si vous, si le Senat ordonne que je meure ; Prononcez ; je suis prest d'expirer à cette heure ; Ce bras victorieux par un coup noble & beau Versera mieux mon sang que la main d'un Boureau, Et ce sang genereux offert comme en victime Lavera ma victoire, & ma honte, & mon crime ; Il est pur, il est noble. Ce ne sera jamais qu'en vous perdant, Madame : Mais vostre peur m'asseure, & sa glace m'enflame, Puis que ce cœur surpris monstre par vos regrets Des vœux que le silence avoit tenus secrets ; Si la Fille en son cœur fait des vœux pour ma vie, Craindrois-je de la voir par le Pere ravie ? Entre, Pere cruel, viens perdre ce Vainqueur ; Je craints peu de mourir, si je vy dans son cœur ; Ma mort, qui me fera revivre en sa memoire, Quand tu crois me punir m'est une autre victoire ; Viens rendre ton courroux & mes desirs contens, Noble & cher Ennemy, viens doncque ; je t'attens. A ce soûpir, ma mort sur l'heure offerte Deviendroit agreable à mon cœur amoureux ; Quoy qu'on fasse à present je ne puis qu'estre heureux. Le mien, qui fera voir dans un trouble si grand Qu'on peut par la Vertu triompher en mourant. Mais d'un Temple, où mes Dieux sont Lucille & Camille. Mais les puis-je appeller mes favorables Dieux ? Et pourrois-je en chercher d'autres que vos beaux yeux ? Lors que je les adore, & que je vous contemple, Je voy mes Dieux humains, mon Autel & mon Temple, Où mon cœur se consomme, & doit estre en ce jour Victime du destin, & victime d'amour ; Et l'une & l'autre mort ne peut qu'estre agreable ; L'une est delicieuse, & l'autre est honorable ; Je mourray pour ma gloire & mon contentement, En Vainqueur par le fer, par vos yeux en Amant ; Pour ma gloire & pour vous si le trespas m'emporte, N'est-ce pas triompher que mourir de la sorte ? Donc ma gloire me perd ? ah ! victoire funeste⁎, Qui détruit nostre amour & l'espoir qui me reste ! Las ! pour vous meriter je vainquis seulement, Je fus victorieux pour me montrer Amant ; Et par un sort malin⁎ autant que plein de gloire Je vous perds, je me perds par ma propre victoire. La sauver ? non, par tout ma ruine est ouverte, Je cours, en me sauvant, à ma plus grande perte : Quoy ? vivray-je sans vous, & sans vous obtenir ? Le courroux paternel viendra nous desunir : D'un ou d'autre côté vous me serez ravie, Je vous perds par ma mort, je vous perds par ma vie : Ah ! j'ayme mieux, sans suivre un espoir decevant⁎, Vous perdre par ma mort que vous perdre en vivant. Ah ! sans vous je ne puis ; Et ce penser me plonge en un goufre d'ennuis⁎ : Ce Pere veut ma vie ; & je la puis deffendre : Mais durant son courroux je ne vous puis pretendre⁎. Helas ! je n'en sçay rien ; De me perdre plustôt que de quitter⁎ mon bien. Au lieu de me vanger contre un Pere & les loix, Ce seroit me punir & me perdre deux fois : Oyez déja mon Ombre & crier, & vous dire ; Ne me vangez pas tant, offensez moins Papyre. Ah ! soyez moins cruelle. Avançons. Nous venons au devant d'un foudre en sa fureur. Tous deux en vrays Romains, luy de mon sort complice, Moy, n'ayant pu soufrir⁎ la honte d'un supplice, Nous venons genereux⁎ à vos pieds apporter Deux tétes, qu'on pouvoit contre vous disputer⁎. Mon cœur ne le sçauroit, il est le mesme encore ; Mais plus il est puissant, & plus il vous honore : Sans liguer le Senat, sans armer nos Maisons, Mon respect sera seul ma force, & mes raisons. Mon courage osa trop, il se laissa surprendre, Il déroba la gloire ; & je vous la viens rendre ; Je vous rends mes honneurs, ma dignité, mon rang ; Acceptez ma victoire, & prenez tout mon sang. Avancez donc ce sort, tranchez ma destinée. Daignez avec Camille icy la terminer ; Il m'est tout un Senat, & me peut condamner ; Vous connoîtrez tous deux combien je vous respecte : Sa vertu moins qu'à moy vous doit estre suspecte ; Il en peut decider devant vous, & chez luy. Je voy qu'en luy l'amour a fait place à la haine ; Ce poinct me l'a fermé, ce poinct seul fait ma peine ; Ce poinct détruit la grace où j'allois recourir, Et plus fort que mon crime il me fera mourir ; Il endurcit ce cœur qui fut pour moy si tendre, Et vous fait oublier que je suis vostre Gendre. Les combats m'ont fait voir bien plus digne de l'estre ; Et je n'ay recherché d'estre victorieux Que pour rendre encor plus vostre choix glorieux, Que pour justifier une si haute place Acquise en vostre Armee, ainsi qu'en vostre grace ; Et par une victoire entrer plus dignement Dedans vostre Maison en Vainqueur, en Amant : Mais par cette Victoire, à ma premiere entree, Mon amour pour triomphe a la mort rencontrée. Je l'attens ; mais plus noble, & digne de mon cœur : Que le bras de l'Amant punisse le Vainqueur ; Soufrez que mes lauriers s'immolent à ma flame, Que ce fer à vos pieds luy consacre mon ame ; Pour sauver mon honneur, permettez que mon bras, Ce fameux Criminel qui donna ces combats, Sans attendre un Boureau qui soüilleroit ma gloire, Verse icy tout mon sang, pour laver ma victoire. Trop peu pour mon amour. Moy ? mon Pere. Que ce reproche injuste & m'anime & me blesse ! Moy, demander la vie ? un bien plus noble effort Me tenoit à ses pieds pour implorer la mort : Mais puis qu'il est encore appreuvé de mon Pere ; Je puis le contenter, je doy vous satisfaire, Et vay dans les transports de mon cœur amoureux, Si je doy Criminel, payer en genereux ; Je préviendray du moins le supplice & ma honte : Mon sang, de mes desirs, à tous va rendre conte : Vous, lisez dans mon cœur, vous verrez jusqu'au fonds ; Vous mon Pere, voicy comme je vous répons. Faut-il qu'on me confonde⁎ ? Soufre que de mon cœur mon propre bras réponde. On le connoîtra mieux encore par ma mort. Ouy, quand avec éclat on la peut disputer ; Mais attendre un supplice ? ah ! c'est le meriter. J'ay vécu pour l'honneur ; je veux mourir de mesme. Non ; que je n'aye enfin obtenu cette grace Qu'il faut qu'en sa colere un Ennemy me fasse : Un Ennemy ? que dy-je ? un Pere, un Souverain ; Dont mon destin implore ou le cœur, ou la main ; Le coup, ou la pitié ; la mort, ou la tendresse ; Je ne doy qu'à vous seul, à vous seul je m'adresse : En vain j'ay veu pour moy le Senat agité : Flatté par mille Amis, par mon Pere excité, Encor que mon respect vous déplaise, & l'offense, Je n'ay pas daigné dire un mot en ma deffense ; Deffendrois-je mon sang, si vous le demandez ? Attendrois-je un Arrest, si vous ne le rendez ? Le Senat respectant ma téte, & vôtre foudre⁎ ; Ne m'a pû condamner, & n'ose pas m'absoudre, Comme il n'accorde rien, il n'a rien refusé ; Quoy qu'il m'ait par priere envers vous excusé, Quand mes Juges soûmis prioient pour le Coûpable J'accusois dedans moy leur zele favorable ; Ils cherchoient mon salut ; & mon cœur genereux Dans ces communs souhaits estoit mesme contre eux ; Eux regardoient ma vie, & moy vostre colere, Sçachant que je ne puis & vivre, & vous déplaire ; Que sans rentrer en grace, & dans vostre amitié, Le jour m'est odieux, ainsi que leur pitié ; Un seul moyen rendra leur assistance vaine ; Demeurez en colere, & ma mort est certaine : Quoy ? perdre Papyrie, & perdre mon amour ? C'est pis que perdre ensemble & la gloire & le jour : Est ce de vostre foy ce que je dûs attendre ? Qu'est devenu ce cœur, qui fut pour moy si tendre ? Luy, qui m'a tant aymé, pouroit-il me hair ? Ce Nom m'est venerable autant que vous severe ; Je l'honorois au Camp, icy je le revere : Je devois à ce Nom ce qu'un zele pieux Par un voeu solennel me fit donner aux Dieux, Les dépoüilles d'un Camp sur l'Ennemy tirees Pour cet heureux succez⁎ leur furent consacrees. L'avantage⁎ de Rome offert presque à mes yeux Ne me sembloit venir que de la main des Dieux ; Et contre un ordre étroit ayant l'ame trop haute, J'ay creu qu'une victoire effaceroit ma faute. Mais puis que je ne puis eviter le trépas ; Que la loy, comme vous, est sourde & n'entend pas ; Que sans rien expliquer elle ordonne, & décide ; Qu'elle & vous me deffend d'estre mon homicide : Quittez ce grand couroux, armez vous de la loy ; Et je vay contenter vous, les Dieux, elle, & moy. Pour montrer qu'on m'en veut, & non pas à ma gloire, Punissez donc mon crime, & non pas ma memoire ; Il est, vous le sçavez, noble & victorieux ; Que je soufre un trépas, comme luy, glorieux ; Eloignons en ces noms de honte, & de supplice ; En vainqueur j'ay failly, qu'en vainqueur je perisse ; Que je meure en Fabie, & qu'il me soit permis D'aller chercher la mort parmy nos Ennemis ; Ainsi que j'ay failly, que je meure en grand homme ; Que mon dernier soûpir donne un triomphe à Rome ; Que j'ajoûte, en mourant, quelque lustre à son sort ; Qu'elle admire ma vie, & profite en ma mort : Les Samnites encor de reste ont quelque Ville; Que j'aille les forcer jusques dans leur azile, Expirer au dessus de leurs derniers remparts, Percé comme couvert de picques & de dars ; Que sur un tas de morts le dernier des Fabies Tombe avec ce grand Nom qui les veut pour hosties ; Sous vostre ordre une fois combattant à vos yeux Que j'aille demander un trépas glorieux A ceux que j'ay vaincus contre vôtre deffense, Que ma valeur expie un crime de vaillance⁎ : Puis qu'il faut par la loy perir, je periray ; Vous serez satisfait ; & je triompheray ; Souffrez… Puis que vous l'ordonnez ; & bien donc, sauvons nous. A quoy ce grand combat ? que sert cette deffense ? Je connoy⁎ que mon sort est en vostre puissance Que le Peuple ne peut…. Allons donc à la mort ; rien ne m'en peut deffendre⁎. Comme elle a fait ce crime afin de me deffendre, Mon sang suffit pour tous, & je le vay répendre ; Et quand vostre pitié donneroit grace au mien, Je ne m'en ferois pas moy-méme pour le sien. Je sçauray prevenir⁎ cet infame trépas. Et vous la ferez croître encore de moitié, Si je r'entre en ce cœur & dans vôtre amitié. Quel charme⁎ à mes esprits ! ô doux ravissement ! Pour un si noble prix doit-on conter la peine ? Et vous serez par tout maîtresse de mon sort : O le naufrage⁎ heureux⁎, qui treuve un si beau port ! Moy plustôt…. **** *creator_mareschal *book_mareschal_dictateurromain *style_verse *genre_tragedy *dist1_mareschal_verse_tragedy_dictateurromain *dist2_mareschal_verse_tragedy *id_comine *date_1646 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_comine Envoyé par Fabie arrivé de l'Armée…. Ouy, depuis un moment ; Et je viens de sa part vous faire compliment⁎, Ce pendant qu'un devoir plus fort & necessaire Prest de venir icy l'arréte chez son Pere. Que diray-je, aprés tout ? que pouvez-vous apprendre ? Puis que déja dans Rome on la sçait, on la dit ; C'est trop, dispensez moy d'en faire un vain recit. Amy jusqu'à ce poinct, qu'il n'ose publier⁎….. Pour ne divulguer pas le mal qui l'a suivie, Je la tay par respect, & non point par envie⁎. Il me fermoit la bouche ; on me la fait ouvrir : Mais forcé d'obeir, lors que je le raconte, Excusez mon devoir, aussi bien que sa honte. Par un respect des Dieux qu'il croyoit mal propices Le Dictateur allant reprendre les auspices, Fabie eut dans le Camp tout pouvoir, hors ce poinct Jusques à son retour de ne combattre point : L'absence de Papyre en l'une & l'autre Armée Ainsi qu'un haut mystere estoit déjà semée, Et tenoit sans combattre inutiles & vains⁎ Le Camp des Ennemis & celuy des Romains : Sçachans du Dictateur & l'ordre & la deffense Les Samnites montoient jusques à l'insolence ; Abandonnez au jeu, noyez dans le festin, Dans nul ordre, ils sembloient moins un Camp qu'un butin ; Et les moins dissolus, sans craindre les approches, Nous lançoient jusqu'au camp des trais⁎ & des reproches. Quand Fabie à la fin de colere enflamé, Honteux comme un lyon de se voir enfermé, Pressé⁎ des Ennemis, animé par Valere Alluma son courage au feu de sa colere, Et par un grand combat heureux & non permis Forcea leur Camp, deffit, chassa les Ennemis : A cet exploit fameux⁎, sa valeur animée Méme n'employa pas la moitié de l'Armée ; Je tins hors du combat dans ces occasions Et la Cavallerie, & quelques Legions, Que Fabie épargnoit comme un Corps de reserve Toûjours prest à donner, qui sans rien faire serve; Mais qui n'estoit plustôt dans un combat douteux Qu'une embûche à sa gloire, un obstacle honteux Que Valere tenoit dressé contre Fabie, Envieux de son rang, & mesme de sa vie. Je sçay tout ; mais escoutez comment. Peu devant ce combat, qui passa pour furie⁎, Valere seul en teste à la Cavallerie Avecque tout ce Corps faisant ferme à ma voix Par ordre de Fabie & que je luy portois ; M'expose nostre faute, & montre en confidence D'un jeune General l'insolente imprudence, Qui se portant sans crainte au combat deffendu Meritoit sa disgrace, & d'estre seul perdu ; Qu'à ne combattre point nous sauvions nostre estime, Pour nous purger tous deux & de honte & de crime ; De honte, si l'on perd, jettant tout sur l'auteur ; Comme en gagnant, de crime envers le Dictateur. Pour ce coup ses raisons grandes & specieuses Me parurent d'esprit, & non pas envieuses ; De son dessein caché ce voile me deceut⁎ ; Un Amy les donnoit, un Amy les receut : Mais au dernier combat, où poursuivant sa pointe⁎ Fabie à leur Armée avait la nostre jointe, Et poussant les fuyards des champs Pyceniens Avait treuvé plus loin les derniers Samniens, Vingt mille, & retranchez assez proche d'Ortone, Où pour dernier effort la bataille se donne : A tous ses interests me croyant attaché Valere à cette fois m'en montre un plus caché, Me descouvre son cœur, me fait lire en son ame Ses vœux pour Papyrie, & sa jalouse flame ; Qu'une egale fureur contre son General L'embrazoit justement & contre son Rival ; Qu'auteur de la premiere & seconde bataille Pour le faire perir à toute heure il travaille, A dessein de le perdre en cette jeune ardeur Ou dedans les combats, ou prés du Dictateur. Le voicy. Il me pria de vray de faire encor de mesme : Mais dedans le combat il me vit bien changer. Rome estoit en peril, & Fabie en danger ; Quand j'eus ordre, au secours de son Infanterie, D'aller faire avancer nostre Cavallerie : L'aîle gauche deux fois, comme tout se perdoit, Où comme Lieutenant Valere commandoit, Contre un gros d'Ennemis, qui commenceoit de⁎ craindre Fit quelques vains efforts, & tesmoigna⁎ de feindre, Alors n'espargnant plus mes soins, ni mes travaux Je fis oster par tout les brides aux Chevaux, Et les faisant pousser d'une horrible furie, Tout plia, tout fit jour à la Cavallerie. Valere, qui croyoit tout tendre à son dessein, N'empescha pas le mien qu'il eust pû rendre vain : Ce stratageme estrange & difficile à croire Par les siens, malgré luy, nous ouvrit la victoire, Si grande que la Mer en vit rougir ses ports, Qu'Ortone eut dans ses champs tous les Samnites morts, Que Fabie est ravi, que Valere luy-mesme Et m'envie & s'impute un si beau stratagéme, Par qui j'ay reparé dans ce combat dernier, Avecque mon erreur, la honte du premier. Je ne vous feindray⁎ rien, je l'ay mesme en horreur : La vertu de Fabie, & ma premiere erreur M'ont attaché depuis si fort à sa fortune Que je ne veux l'avoir qu'avecque luy commune : Aussi dans son peril j'yray jusques au bout, Je le suy jusqu'à Rome, & le suivray par tout. C'est toute une autre cause, & qui va vous surprendre… Contenter le couroux d'un puissant Empereur. Quel furieux transport ! & que vouliez-vous faire ? Je ne vous quitte point. On connoît vostre Cœur digne d'un autre sort. Une triste nouvelle à vos yeux me r'ameine : L'Armée est en revolte, & tous les Chefs en peine : On y voit le desordre & la sedition, Legion opposée à l'autre Legion, Aigle contre Aigle, enfin dans l'émûte publique Homme presque contre homme, & pique contre pique, Le Camp prest de se battre, ou de se débander⁎ ; Personne n'obeit, nul n'ose commander ; Et cette Armée encor chaude & victorieuse, D'une insolente voix, superbe⁎, injurieuse, Menasse, en demandant à Rome, à tous ses Dieux Pour prix de ses combats son Chef victorieux. Ouy, ouy, nous le ferons ; mais non pas ce message : Car pour accompagner la téte du Vainqueur On doit porter ensemble & ma téte, & mon cœur ; C'est ainsi qu'un Amy doit accompagner l'autre : Je feray mon devoir ; j'y vay : faites le vôtre. **** *creator_mareschal *book_mareschal_dictateurromain *style_verse *genre_tragedy *dist1_mareschal_verse_tragedy_dictateurromain *dist2_mareschal_verse_tragedy *id_martian *date_1646 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_martian L'assemblee est fort grande, on est à l'Audience ; Le Peuple prest de rendre un Arrest solennel Demande à haute voix le Vainqueur Criminel, Et que le Dictateur pour la chose commune, Daigne en les visitant⁎ honorer la Tribune : Je viens, pour vous y suivre, & vous accompagner. Le Peuple en fin peut tout. Voyez….. Elle s'offre en effect, & reconnoit sa faute ; Elle vous rend Fabie au poinct qu'elle vous l'ôte, Et remettant en vous sa grace & son appuy Elle implore pardon & pour elle, & pour luy. Rome seule doit l'estre ; elle implore pour tous ; Et c'est pour triompher qu'on la voit à genoux: Vous tenez à vos pieds cette noble Arrogante ; C'est la premiere fois qu'on la voit suppliante, Elle, qui peut marcher sur la téte des Roys, Elle enfin qui les fait est au dessus des loix. Rome prefere un homme à ce grand interest, Et demande un Heros, tout criminel qu'il est ; Elle vous en veut estre à jamais obligée ; Et retombe à vos pieds, cette grande Affligée⁎ : Pouvez-vous refuser à Rome un seul Romain ? Elle prie, & jamais ne doit prier en vain. **** *creator_mareschal *book_mareschal_dictateurromain *style_verse *genre_tragedy *dist1_mareschal_verse_tragedy_dictateurromain *dist2_mareschal_verse_tragedy *id_lucille *date_1646 *sexe_feminin *age_veteran *statut_maitre *fonction_mere *role_lucille La douleur qu'on croit morte est souvent endormie, Et ce plaisir malin réveille une Ennemie : Craignez la dans sa fin, c'est trop vous hazarder⁎, Vous avez en vous seul toute Rome à garder ; Conservez⁎ vous pour nous, tout l'Empire en un homme, A Lucille son Frere, & son Consul à Rome. Ces regrets, vrays enfans d'un noble sentiment, Partent d'un cœur Romain, qu'on connoist⁎ aisément, D'une égale vertu, parfaite, & confirmee ; Genereux, dans son mal comme dans une Armée, Sans force, languissant, & jamais abbatu ; Sa foiblesse est courage, & son mal est vertu : En un si ferme estat, Rome superbe⁎ Ville, Tu connois⁎ ton Consul, tu connois ton Camille ! Cette double victoire & si grande & si pleine A fait toute ma joye, & fait toute ma peine ; Puis que d'entre mes bras elle enléve un Epoux, Et qu'aprês la bataille il s'en retourne aux coups. Ennemis ? nullement ; quittez ces vains presages ; Le Ciel les doit tourner à de meilleurs usages. Ils ne le peuvent estre ; Un secret revelé vous le fera connaître : Pour finir vos soupçons, vous tirer de soucy⁎, Papyre ayme Fabie, & luy ma Fille aussi. Ils l'ayment, l'un pour l'autre : apprenez en l'histoire. Papyre Dictateur éleu par vostre choix, Comme l'on croyoit voir au plus haut des emplois Lieutenant general Valere vostre intime, Il éleve Fabie à ce degré sublime⁎ : Cette grande faveur augmente son amour : Son Pere voit Papyre, & courtois à son tour Luy consacrant son Fils & pour Fils & pour Gendre Est ravi de l'offrir, & l'autre de le prendre. Jusques à leur retour cet hymen differé Ne me fut qu'au depart en secret declaré : Mais, comme à ce penser mon plaisir renouvelle⁎, Mon cœur veut que ma bouche à tous deux le revelle ; A vous, pour effacer des soupçons mal conceus, Et regler nos desirs & vos soins là dessus ; A vous, ma Fille aussi, pour vous faire paraistre Ce qu'on est à Fabie, & ce qu'il nous doit estre ; Vous porter à cherir un si noble Romain, A luy donner le cœur, et dedans peu la main ; Et de cette main propre apprester la Couronne A ce jeune Heros à qui le Ciel vous donne, Ce Vainqueur triomphant, à qui le Dictateur Veut bien devoir son Char, & sa Fille, & son cœur ; Dont la victoire, au lieu de luy donner ombrage, Est l'effect de nos vœux, comme de son courage ; A qui son Empereur, loin de la disputer, Pour l'interest d'un Gendre y voudroit ajoûter. Figurez le plus digne encor, & sans deffaut ; S'il pretend sur Fabie, il faut aller bien haut. Fabie ! est-il à Rome ? Cette gloire deust estre à ses travaux⁎ prescrite : Mais cet honneur si grand & si bien merité, A son retour sans bruit ainsi precipité, Luy peut estre sans doute envié par Valere. Voilà pour un effect⁎ glorieux & charmant Certes un assez triste & froid commencement. Ô lâche trahison, subtilement ourdie ! Appelez stratagéme encor sa perfidie. Déserteur d'un Amy, dont la gloire est flétrie, Mais pour ne l'estre point plustôt de ta patrie, Que ce discours, Comine, & ta fidelité A Fabie ont rendu ce qu'il a merité ! Quelque trait de Valere, ou peut-estre l'amour. Avanceons nous ; je meurs du desir de les voir. Moderez, Papyrie, & vos cris & vos larmes ; Je souffre autant que vous en ces rudes allarmes⁎, Et ce coup estonnant⁎ du sort & du malheur Ne m'apporte pas moins de trouble & de douleur. Estouffez ce depit, dont l'ardeur vous devore ; Si vous l'avez aymé, vous l'aymerez encore : Fabie est Criminel ; mais on peut l'excuser : Papyre est en couroux ; mais on peut l'appaiser ; Si l'un est mon Mary, l'autre est aussi mon Gendre ; Je scay ce que je puis sur tous deux entreprendre⁎ ; Je veux que mon esprit se treuve plus puissant Qu'un couroux vertueux, & qu'un crime innocent : Vostre ame, pour faillir, est trop belle & trop haute ; Si c'est faute d'aymer, j'ay part en vostre faute ; Une fausse vertu vous le feroit haïr ; C'est vertu que l'aymer, puis que c'est m'obeïr. Croyez qu'on n'en viendra jamais jusqu'à ce poinct. Je scay ce que Papyre a fait dans sa colere ; Mais je tiens⁎ qu'il estoit enflamé⁎ par Valere : Fabie a par sa fuite évité le trespas ; Papyre est seul au Camp, qu'il ne quittera pas ; Contre les Ennemis employant son courage, Le temps & le Senat calmeront cet orage ; Comme Gendre Fabie en grace retourné….. Mais il vient, ce Vainqueur en triomphe mené. Qui sur les grands effects d'une insigne valeur Admire vostre gloire, & plaint vostre malheur. Avec un tel appuy craindrez-vous de combattre ? Papyre sera seul ; & nous nous treuvons quatre : Contre nous, contre Rome offerte à ce besoin Ses coups seront sans force, il combattra de loin. Mais il faut prevenir⁎ cette mortelle envie ; Secondez nous, Camille ; & déja dans ce soin Je vais treuver Papyre. Sans toy, belle Affranchie, il nous eust pû surprendre : Prevenons le, mon Frere, allons le voir descendre, Opposons quelque obstacle à cet ardent couroux, Arrestons dedans l'air la foudre avant les coups ; Elle gronde souvent, sans pour autant qu'elle tombe. Quel desespoir injuste à la mort vous convie ? Ah ! laissez nous, sans vous, disputer⁎ vostre vie ; Puis que vostre salut est reduit à ce poinct, Demeurez en ce lieu ; mais ne vous montrez point. Rome éleve son front par deux si beaux combats. Son courage est sa loy ; l'Empire est conservé. Le succez de sa faute en a bien répondu⁎. Je l'implore pour luy ; donnez le à mes prieres. Un Heros, qu'on poursuit. Je deffens un Vainqueur. Je suis Mere de plus, & j'ay tout revelé : Mais quand bien j'aurois tû ce qu'il falloit apprendre, La parole vous lie, est-il moins vostre Gendre ? Ferez-vous perir vostre race⁎ aujourd'huy ? Croyez que je suivray le destin de ma Fille : Quoy ? pour un poinct d'honneur perdre vostre Famille ? Cruel, va l'immoler ; dans peu nous le suivrons. Puis qu'ils sont au Senat, j'ose encore esperer : Et ce moment fatal nous donne à respirer. Vous l'estes, Papyrie, & dans ce sentiment Vous témoignez⁎ assez de l'estre noblement ; Fidelle Amante autant que Fille genereuse⁎ Vous blâmez justement sa loy trop rigoureuse ; Comme vous je la blâme, & suis pour vostre Amant : Mais…. Ce sentiment est juste, encore que trop tendre⁎ : Dans un sort si cruel vous la devez attendre : Mais l'attendre, ma Fille ; & non pas prevenir⁎ Par elle le trépas d'un qu'on ne peut punir ; Le Senat, toute Rome obligee⁎ à sa gloire Maintiendra le Vainqueur, admirant la victoire ; Ou son propre destin s'estendant dessus nous Me fera suivre un Gendre, & vous, suivre un Epoux : Mais faut-il prevenir nous-mesmes son supplice ? Vous sçavez qu'on prepare au Temple un sacrifice ; Allons faire rougir en ce dernier ressort Les Autels pour sa vie, ou les Dieux pour sa mort ; On les verra fléchis par nos vœux legitimes, Ou nous-mesmes servir de dernieres victimes ; Nôtre sang va braver, à la face des Dieux, Le couroux de Papyre, & la haine des Cieux ; Nous sçaurons…. Mais enfin que sçaurons-nous, Flavie ? Le Peuple aura le soin de conserver sa vie. Il reste encor les Dieux ; Implorons donc le Ciel, & recourons aux Temples ; On a de leur faveur d'aussi rares exemples. Allons pour un tel bien implorer leur puissance. Mais les voicy tous deux : évitons leur presence. Toy, viens nous par sa vie ôter un grand dessein, Ou plonger par sa mort un poignard dans le sein ; Voy tout ce qui se passe, & nous le viens redire. Qui doit ceder ; des Dieux, de nous, ou de Papyre ? IL faut plustôt tout craindre : à peine je respire. Figurez vous le pire : Pour tout dire en deux mots ; Craignez tout. Déja le Peuple émû s'emporte…. Contre vous, pour Fabie ; il soûtient sa querelle. Nous-mémes avons veu, presque au sortir du Temple, Leur extrême fureur, & qui n'a point d'exemple : Demettons⁎, disent-ils, ce rude Dictateur Jaloux de la victoire autant que de l'auteur ; N'ayant plus d'Ennemis, qu'est-il plus necessaire ? Deposons⁎ le : On diroit qu'ils sont prests de le faire. O coeur trop obstiné, trop genereux aussi ! Vous nous allez tous perdre en vous perdant ainsi : Jugez de quels excez les Romains sont capables. Quoy ? pourois-je avoir moins de vertu que ma Fille ? Verrez-vous, sans pitié, perir vôtre Famille ? Pere & Mary cruel ! Vous deviez l'acquerir un peu plus seureument. **** *creator_mareschal *book_mareschal_dictateurromain *style_verse *genre_tragedy *dist1_mareschal_verse_tragedy_dictateurromain *dist2_mareschal_verse_tragedy *id_papyrie *date_1646 *sexe_feminin *age_jeune *statut_maitre *fonction_fille *role_papyrie Le mal revient souvent alors qu'il prend congé, L'intervale en est doux estant bien ménagé : Ce bel ordre & si long de pilliers & d'arcades Qui divertit les sains peut lasser les malades ; Ce parterre de fleurs, ce jardin spacieux Doit borner vos plaisirs à l'usage des yeux. Inutile, malade, en un lict detenu⁎, Les Dieux en vous sauvant ces Dieux vous ont connu⁎ ; Puis qu'en un si grand trouble, & contre les auspices, Eux, qui nous menassoient, nous ont esté propices ; Deux victoires ne sont qu'un prix qu'ils vous devoient, Et Fabie a receu ce qu'ils vous réservoient. Il part ; Dieux ! quelle hâte ! est-elle necessaire S'il ne luy reste plus d'Ennemis à deffaire ? La victoire du moins devoit l'en divertir, Vous voyez que sa grace en dispose autrement : Une victoire enfin digne de sacrifices Montre les Dieux changez, ainsi que leurs auspices. Papyre est trop couvert de lauriers & de gloire, Pour vouloir luy ravir sa premiere victoire. Rome ne devoit voir ce Vainqueur glorieux, Qu'en un char qui porta si souvent ses Ayeux : C'est ce qu'il deust attendre, & c'est ce qu'il merite. Ô cœur vrayement Romain ! ô noble amour aussi ! Il ne combattra point ; voila le stratagéme. Dittes tout : Quel peril menasseroit sa teste ? Ses lauriers craindroient-ils la foudre & la tempeste ? Qu'est-ce qui peut causer un si soudain retour ? Ma crainte eust tout appris : Dieux que tu me déplais⁎ ! Ah ! ne crains plus, espere. Ou vas-tu ? quoy ? mon cœur, tu cours apres ta vie ? Pour remettre⁎ mes sens, arreste un peu : Flavie. Et mon cœur & mes sens y voudroient tous voler. Aprés ces cris de joye un les acheve tous, Un qui te surprendra ; Fabie est mon Epoux. Ce Dieu, non pas cet homme, Qui va faire mon sort, & le destin de Rome. Et tu sçauras icy Ce que j'ay tant caché. Que je l'ayme aussi. Que nos Peres d'accord attendent la journée Qu'un promt retour assigne à ce grand hymenee ; Que le Senat peut-estre en ce pompeux accueil Qui le doit justement enfler d'un noble orgueil⁎ Vient offrir, par honneur accompagnant son Pere, Ce vainqueur au Consul, & ce Gendre à ma Mere : C'est elle qui tantost m'obligeant à l'aymer Nous a tout descouvert, afin de m'enflamer ; Qui s'est en sa faveur ouverte & declaree ; Qui m'a par sa loüange à l'hymen préparée ; Qui de ma crainte a fait un legitime espoir, De ma flame un respect, de mes vœux un devoir ; Et couronnant mes maux d'une fin glorieuse A fait de mon amour une vertu pompeuse⁎ : Vertu, devoir, respect, espoir, flame, & langueur⁎, Et dignes de Fabie, & dignes de mon cœur, C'est à vous maintenant que sans crainte & sans blâme Je resigne⁎ mon cœur, j'abandonne mon ame : Enfans doux & secrets d'un violent transport⁎, Que ma foy, que l'honneur vient de mettre d'accord, A ce bonheur si grand que le destin m'envoye Ouvrez, desirs, ouvrez tous mes sens à la joye ; Ah ! si par un excez⁎ on en a veu perir, Agreable trespas ! qu'il est doux d'en mourir ! Qu'à l'aspect de Fabie elle soit redoublee ; Allons mourir de joye & de plaisirs comblee, Achever son triomphe & ma vie à ses yeux. Non ; vivons pour sa gloire, & pour luy plaire mieux ; Moderons mes transports, suspendons cette joye : Respect, couvre ma flame, & fay que je le voye : Allons donc recevoir triomphant, couronné Cet Espoux que mon Pere & les Dieux m'ont donné. Ah ! Madame, excusez ce transport legitime D'un amour qui sans vous ne passoit pas l'estime, Et qui dessous vos loix augmenté de moitié Sur un sujet de gloire en est un de pitié : C'est peu qu'en ce revers que le destin m'envoye Une extréme douleur suive une extréme joye ; Il est vray, ce passage⁎ & difficile & grand Met un cœur en desordre⁎ alors qu'il le surprend : Mais au lieu d'un Mary qui flatte⁎ nostre attente, Que l'on va recevoir d'une joye éclattante, Où l'on cherche un Amant noble & Victorieux ; Treuver un Ennemy superbe⁎, injurieux⁎, Un criminel d'Estat, un mortel Adversaire De qui l'orgueil offense & les loix, & mon Pere, Qui jusqu'entre mes bras fuit devant son couroux, Un Lyon, que j'aymois dessous le nom d'Espoux ? Ah ! c'est-là le surcroist d'une misere extréme, Contre qui ma Vertu s'épuise dans moy-mesme, Dont la force n'est plus qu'un despit enflamé Ou de l'aymer encore, ou de l'avoir aymé. Quelle vertu contrainte, & quelle obeissance ! Puis que ne l'aymer pas n'est plus en ma puissance : Pourrois-je l'avoir veu, ce Mars humilié, D'un cœur doux, sans orgueil, de soy-mesme oublié, Applaudi du Senat, au milieu de sa gloire, Demander au Consul pardon de sa victoire, Mettre tout son triomphe à fuïr le trespas, Se montrer si loüable à ne se loüer pas, Envers Rome excuser un mal si profitable ? Et ne luy garder pas une amour veritable ? Pourrois-je d'autre part voir un Pere offensé, Un Chef desobeï, dans son Camp delaissé S'armer contre son crime ? & de haine incapable Moy, voir son Ennemy ? moy, cherir le Coûpable ? Tous mes sens en desordre osent donc me trahir ; Je le tiens⁎ odieux, & ne le puis haïr ; Je ne le puis aymer, & je le treuve aymable ; Il me paroist horrible, & me semble agreable ; Mon Pere & mon Amant combattent dans mon cœur, L'un mon trop de tendresse, & l'autre ma rigueur ; Ils m'accusent tous deux, & tous deux me font craindre ; Ils me blessent tous deux, & tous deux me font plaindre : Fabie, ah ! c'est mon Pere ; & tu peux l'offenser ? Papyre, ah ! c'est ton Gendre ; & tu peux le chasser ? Arrestez ; tous vos coups retombent sur moy-mesme ; Vous ne pouvez blesser un de vous que je n'ayme : Ô Papyre ! ô Fabie ! ô cœurs trop animez⁎ ! Vous monstrez bien tous deux combien peu vous m'aimez ; Un vain⁎ desir d'honneur vous force, & me surmonte⁎ ; Et tous ces grands combats ne seront qu'à ma honte : Je voy déja l'orage eslever mille flots, Et Rome divisee entre ces deux Heros ; Je voy mon Pere armé de sa toute-puissance Combattre un digne effect d'une indigne licence⁎, Fabie environné de gloire & de faveur⁎ Opposer le Senat contre le Dictateur : Que de divisions pour une chere vie Et trop fort déffenduë, & trop fort poursuivie ! Qu'ont-ils fait dans le Camp ? vous ne le sçavez point ? Comme Ennemy d'un Pere, ou comme vostre Gendre Je ne le puis fuir, & je ne l'ose attendre : Que feray-je ? ô fureur⁎ ! que voy-je ? ô doux transport ! Dans la Ville ? mon Pere ? ô Dieux ! qu'ay-je entendu ? Je l'avois bien predit ; ah ! Fabie est perdu. Vous le verrez trop tost, peut-estre à vostre perte ; Helas ! Mais la voyant tomber, Dieux ! quel cœur ne succombe ? C'est me perdre moy-mesme, & par un coup du sort Me blessant en autruy me tuer par sa mort : Défendez vous du fer qui causeroit mes larmes, Et ne redoutez rien du côté de mes charmes⁎ ; Mon Pere vous sera plus fatal que mes yeux ; Je puis sauver l'Amant, non le Victorieux. Ah ! sauvez vostre vie, & moy-mesme en ce poinct : Car c'est me conserver que ne vous perdre point. Quoy ? dans ce desespoir plus grand que sa colere Vous m'estes plus cruel que ne vous l'est mon Pere ; Ennemis l'un de l'autre, & contre moy tous deux Vous conspirez ensemble à détruire mes vœux : Considerez qu'enfin vostre vie est la mienne ; Si l'un peut l'attaquer, que l'autre la soûtienne : Pour gagner de la gloire, & pour me meriter, Vous vainquîtes ; vainquez encor pour m'emporter ; Comme je fus au Camp l'objet de vostre crime, Que je le sois icy d'un combat legitime ; Animez⁎ le Senat à vous bien maintenir⁎ Sur un crime si beau qu'on ne le peut punir ; Opposez…. Mais que dy-je ? helas ! que faut-il faire ? Opposer ? Qui ? Fabie ; un Amant contre un Pere : O genereux⁎, ô doux, ô cruel mouvement ! Mais puis-je voir un Pere armé contre un Amant ? Contre son Gendre propre, & contre Rome encore, Qui coûpable qu'il est, ainsi que moy l'adore : Mais devrois-je adorer un qu'un Pere poursuit ? Ce penser combat l'autre, & l'autre le détruit : Non, mon Pere cruel ne le doit pas poursuivre⁎ ; Un si noble Vainqueur merite au moins de vivre ; Vivez, vivez, Fabie. Que pretendez-vous donc ? Si mon Pere en vient-là, quoy que je le revere, S'il faut qu'il vous immole à son couroux severe ; Autant pour vous vanger qu'afin de le punir, Ma genereuse mort nous poura reünir ; Il faut, pour reparer cette rigueur étrange⁎, Si le Pere vous perd, que la Fille vous vange. Je sçay que je l'offense en ce haut sentiment Qui ne peut separer l'Ennemy de l'Amant ; Que cruelle à mon Pere, & pour vous pitoyable Je fay contre un devoir une faute loüable : Pour elle aussi ma mort, comme pour son couroux, Me punit envers luy, le punit envers vous ; Elle suivra la vostre, & l'exemple d'un Pere ; On doutera des deux qui fut le plus severe, Luy pour garder les loix, moy pour sauver ma foy ; Ce qu'il fera sur vous, je le feray sur moy ; La mort nous rejoindra, si la mort nous separe. Ah ! qu'il soit moins barbare⁎ ! Mais non pas vostre Gendre. Ah ! donnez moy sa vie. Ah ! mon Pere ! Sçachez que son trépas sera suivi d'un autre : Regardez vostre foy⁎, ma douleur, & son rang ; Epargnez vostre Gendre ; épargnez vostre sang ; Nous avons merité tous deux vostre colere ; Mais il est vostre Gendre, & vous estes mon Pere. Quel exemple barbare ! Répondons luy de cœur ; s'il faut mourir, mourons. Mais à pleurer plustôt : que dy-je ? en ces allarmes Pour le sang de Fabie est-ce assez que des larmes ? Son trépas est certain, mon Pere l'y conduit : Voyez voyez l'état où mon cœur est reduit : Quoy ? ce Victorieux, que toute Rome admire, Au milieu de sa gloire en triomphant expire ? Et ce qui dans mes sens fait naître plus d'horreur, Mon Pere impetueux l'immole à sa fureur⁎. Est-ce un Gendre ? est-ce un Pere ? & suis-je encor sa Fille ? Ne considerer point son rang ni sa famille ? Sa foy, leur amitié, ma sainte affection, Vous-mesme, Rome entiere, & sa protection ? Malgré tout le Senat, qui respecte sa gloire, Acabler⁎ ce Vainqueur sous sa propre victoire ? Suivre contre nos vœux son violent transport ? Oter à sa Maison un si noble support⁎ ? Un Gendre, dont la gloire honoroit sa famille ? Est-ce un Pere en effect ? & suis-je encor sa Fille ? Veut-on que j'étoufe un juste mouvement⁎ ? Donc aprés sa parole & donnée & receuë Son Gendre par sa mort verra sa foy⁎ deceuë⁎ ? Est-ce comme il la donne ? est-ce comme il la tient ? Je me treuve engagée ; à peine il s'en souvient : C'est mon Epoux enfin ; & quoy qu'il en avienne ; Mon Pere romt sa foy ; je veux tenir la mienne ; Et pour la bien tenir, compagne de son sort, Puis qu'il s'en va mourir, je n'attens que la mort. Qui flatte un peu nos maux, & qui n'est que legere. Papyre pour le perdre⁎ encore a plus d'envie : Le Senat tout puissant n'ayant pû le sauver, Rome pour son salut ne peut plus rien treuver ; Non, le Peuple est trop foible, il a trop d'inconstance ; Mon Pere est trop entier, il a trop de puissance : L'un donc estant trop fort, l'autre mal deffendu, Fabie est mort, helas ! mon Epoux est perdu : Qu'attendrois je du Peuple ? ô destin ! ô mon Pere ! Ah ! je voy l'un & l'autre également severe ; Digne Amant, noble Epoux, Vainqueur plus glorieux, Rien ne te peut sauver. Un mal si proche attend un plus prochain secours ; Je n'en espere rien : Mais ayons y recours. Que demander au Ciel, pour m'estre plus prospere, Ou la honte, ou l'honneur, d'un Epoux, ou d'un Pere ? L'un & l'autre en ce jour doit vaincre, ou doit ceder ; Aucun bien, sans un mal, ne me peut succeder⁎ ; Si Fabie est plus fort, Papyre enfin succombe ; L'un vainqueur, l'autre meurt ; l'un sauvé, l'autre tombe : Soûtenez les tous deux, & pour m'estre plus doux, Dieux, appaisez mon Pere, & sauvez mon Epoux. Craignez tout : Le Peuple est soûlevé. Pour vostre interest seul nous en soufrons l'attainte⁎ ; Ce mal-heur vous regarde, & ne nous fait trembler, Qu'à cause qu'il vous presse⁎ & vous peut acabler⁎. Il en est l'objet, non pas l'auteur : Le Peuple en le sauvant, de peur qu'il se hazarde⁎, Contre luy, contre vous le deffend & le garde, Et craignant de sa main l'attentat genereux Luy semble par ses soins, plus que vous, rigoureux : Dedans sa noble ardeur & le regret de vivre Il se voit prisonnier, alors qu'on le delivre : La foule l'environne, & l'emporte à la fois : On le louë, on vous blâme & vos severes loix ; Et pour mieux resister contre vous & contre elles De tous côtez s'assemble un nombre de Rebeles⁎ Prests de se retirer sur le Mont Aventin, Pour conserver⁎ Fabie, ou suivre son destin. Pour achever ce coup genereux & barbare, Si vous versez son sang, que le mien le repare ; Qu'une Fille⁎ en cet acte entre, & prenne un beau rang ; Quelle pleure en Romaine, & ses pleurs soient du sang. Ce prix vous estoit dû ; ma mort estoit certaine ; Je devois estre à vous ou vivant ou mourant, Faire mon sort du vostre en un peril si grand : Un plus heureux succez a mon amour suivie ; J'estois vostre en la mort, je suis vostre en la vie. **** *creator_mareschal *book_mareschal_dictateurromain *style_verse *genre_tragedy *dist1_mareschal_verse_tragedy_dictateurromain *dist2_mareschal_verse_tragedy *id_flavie *date_1646 *sexe_feminin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_servante *role_flavie Presque tout le Senat, Seigneur, vient de se rendre… En ce mesme Palais. Fabie au milieu d'eux, ensemble avec son Pere Est entré dans la sale. Quels sens, quel triste⁎ cœur vous empesche d'aller ? Si vous aviez creu voir toute Rome assemblée Fondre⁎ dans ce Palais, dont la Cour est comblee, Et de cris applaudir à ce jeune Vainqueur ; Vos yeux auroient volé déja, comme le cœur : On n'entend à ces cris Echo qui ne responde Fabie est la merveille & de Rome, & du Monde. Vostre Epoux ? ce Heros ? Je sçay qu'il vous aymoit. Quoy ? Au contraire, il est proche : ô Fabie ! ô Camille ! Helas ! le Dictateur vient d'entrer dans la ville. Il n'en est pas besoin : Madame, il vient icy : je viens d'oüir moy-mesme Un serment qu'il a fait dans sa colere extréme, Qu'il ne reverra point les Dieux de sa Maison Que d'un Vainqueur coûpable il n'ait tiré raison⁎ ; Mesme il en a juré par ses Dieux domestiques : Le bruit de sa fureur vole aux places publiques ; Il resonne par tout ; on n'entend que clameurs ; Rome n'est plus que cris, que langues, que rumeurs ; A sa voix, à ses yeux le plus asseuré tremble ; Par son ordre déja tout le Senat s'assemble : Mais sçachant qu'il passoit en ce lieu pour vous voir, Je viens d'un pas hâté vous le faire sçavoir. Ce desespoir l'emporte : O cœurs trop genereux⁎ ! Que feront-ils ? j'en tremble & crains déja pour eux : Suy les ; empéche au moins qu'on voye icy Fabie ; Toy-mesme, à son deffaut, prends le soin de sa vie. Seigneur, n'avancez pas: C'est courir à la mort ; elle est dessus vos pas ; Ayez plus de respect, ou de soin pour la vie. Qu'il reste quelque espoir encore pour sa vie : N'estant par le Senat absous ni condamné Fabie en est au Peuple, & l'Appel est donné ; C'est toute la faveur qu'on a faite à son Pere. Comine allant au Peuple annoncer ce decret Me l'a dit vers le Temple, où déja tout est prest. Elle ne seroit plus, sans mon adresse heureuse⁎, Qui d'un Epoux sauvé luy faisant le rapport De toutes deux au Temple a détourné la mort. **** *creator_mareschal *book_mareschal_dictateurromain *style_verse *genre_tragedy *dist1_mareschal_verse_tragedy_dictateurromain *dist2_mareschal_verse_tragedy *id_garde *date_1646 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_valet *role_garde Comine attend, Seigneur. Pour vous voir & vous dire un secret important.