**** *creator_marivaux *book_marivaux_triomphedelamour *style_prose *genre_comedy *dist1_marivaux_prose_comedy_triomphedelamour *dist2_marivaux_prose_comedy *id_HERMOCRATE *date_1732 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_hermocrate Est-ce là le jeune étranger dont vous me parlez ? Que vois-je ? Je vous rends grâces, Seigneur, de l'honneur que vous me faites : un disciple tel que vous ne me paraît pas avoir besoin d'un maître qui me ressemble ; cependant, pour en mieux juger, j'aurais confidemment quelques questions à vous faire. Retire-toi. Ou je me trompe, Seigneur, ou vous ne m'êtes pas inconnu. Ce n'est pas sans raison que j'ai voulu vous parler en secret ; j'ai des soupçons dont l'éclaircissement ne demande point d'éclat ; et c'est à vous à qui je l'épargne. Vous ne vous appelez point Phocion. Celui dont vous prenez le nom est actuellement à Athènes, je l'apprends par une lettre de Mermécides. Ce n'est pas là tout ; c'est que ce nom supposé est la moindre erreur où vous voulez nous jeter. Cet habit-là n'est pas le vôtre, avouez-le, Madame, je vous ai vue ailleurs. Les témoins, comme vous voyez, n'étaient pas nécessaires, du moins ne rougissez-vous que devant moi. Moi, qui entrevois ce projet, je n'y vois cependant rien de si convenable à l'innocence des moeurs de votre sexe, rien dont vous puissiez vous applaudir ; l'idée de venir m'enlever Agis, mon élève, d'essayer sur lui de dangereux appas, de jeter dans son coeur un trouble presque toujours funeste, cette idée-là, ce me semble, n'a rien qui doive vous dispenser de rougir, Madame. Mais ce séjour que vous voulez faire chez moi, Madame, qu'a-t-il de commun avec vos desseins, si vous ne songez pas à Agis ? Je ne sais donc plus à qui elles s'adressent. Moi ! Madame ? Je le suis en effet, et ne reviens point du trouble où ce discours me jette : moi, l'objet des mouvements d'un coeur tel que le vôtre ! Non, Madame, je n'écoute plus rien, toute justification est inutile, vous n'avez rien à craindre de mes idées ; calmez vos inquiétudes là-dessus ; mais, de grâce, laissez-moi. Suis-je fait pour être aimé ? Vous attaquez une âme solitaire et sauvage, à qui l'amour est étranger ; ma rudesse doit rebuter votre jeunesse et vos charmes, et mon coeur en un mot ne pourrait rien pour le vôtre. Mais la raison me défend d'en entendre davantage. J'aimerais encore mieux l'ignorer. Eh bien ! Madame, voici le secours que je vous donne ; je ne veux point vous aimer : que cette indifférence-là vous guérisse, et finissez un discours où tout est poison pour qui l'écoute. Je ne le suis point, Madame. Que m'allez-vous dire encore ? Passons, de grâce, Madame. Que ma complaisance est ridicule ! Non, je ne saurais plus supporter ce récit. Au nom de cette vertu que vous chérissez, Aspasie, laissons là ce discours ; abrégeons, quels sont vos desseins ? Mais le soin de garantir la mienne doit m'être encore plus cher ; tout sauvage que je suis, j'ai des yeux, vous avez des charmes, et vous m'aimez. Je ne veux pas même m'exposer à les craindre. Vous me troublez, je vous réponds mal, et je me tais. Allez donc, Aspasie ; je vous suis.  J'ai pensé m'égarer dans cet entretien. Quel parti faut-il que je prenne ? Approche, Dimas : tu vois ce jeune étranger qui me quitte ; je te charge d'observer ses actions, de le suivre le plus que tu pourras, et d'examiner s'il cherche à entretenir Agis ; entends-tu ? J'ai toujours estimé ton zèle, et tu ne saurais me le prouver mieux qu'en t'acquittant exactement de ce que je te dis là. N'as-tu pas vu Phocion ? Eh bien, as-tu découvert quelque chose ? Est-il souvent avec Agis ? Cherche-t-il à le voir ? Ce début me fait craindre le reste. De quoi s'agit-il ? Eh d'où vient ton enthousiasme là-dessus ? Je ne sais de qui tu me parles. Je n'en connais point ici. Que me dis-tu là ! Qui ? Moi ! Que me va-t-il dire encore ? Arrête, Dimas. Il me suffit, te dis-je, c'en est assez. Il ne me manquait plus que d'essuyer ce compliment-là ! Sois discret, Dimas, je te l'ordonne : il serait fâcheux, pour la personne en question, que cette aventure-ci fût connue ; et de mon côté, je vais y mettre ordre en la renvoyant... Ah !  Différentes affaires m'ont retenu, Aspasie ; mais il ne s'agit plus de penchant ; votre séjour ici est désormais impraticable ; il vous ferait tort ; Dimas sait qui vous êtes. Vous, dirai-je plus ? Il sait le secret de votre coeur ; il vous a entendu ; ne nous fions ni l'un ni l'autre à la discrétion de ses pareils. Il y va de votre gloire, il faut vous retirer. Que votre trouble finisse à ce que je vais vous dire. Vous m'avez cru sage ; vous m'avez aimé sur ce pied-là : je ne le suis point. Un vrai sage croirait en effet sa vertu comptable de votre repos ; mais savez-vous pourquoi je vous renvoie ? C'est que j'ai peur que votre secret n'éclate, et ne nuise à l'estime qu'on a pour moi ; c'est que je vous sacrifie à l'orgueilleuse crainte de ne pas paraître vertueux, sans me soucier de l'être ; c'est que je ne suis qu'un homme vain, qu'un superbe, à qui la sagesse est moins chère que la méprisable et frauduleuse imitation qu'il en fait. Voilà ce que c'est que l'objet de votre amour. Comment donc ? Attendez, Madame. M'avez-vous cru susceptible de tous les ravages que l'amour fait dans le coeur des autres hommes ? Eh bien ! L'âme la plus vile, les amants les plus vulgaires, la jeunesse la plus folle, n'éprouvent point d'agitations que je n'aie senties ; inquiétudes, jalousies, transports, m'ont agité tour à tour. Reconnaissez-vous Hermocrate à ce portrait ? L'univers est plein de gens qui me ressemblent. Perdez donc un amour que tout homme pris au hasard mérite autant que moi, Madame. Il me reste un mot à vous dire, et je finis par là. Je révélerai votre secret ; je déshonorerai cet homme que vous admirez ; et son affront rejaillira sur vous-même, si vous ne partez. Modérez vos cris, Madame ; on vient à nous. Vous m'attendrissez plus que vous ne pensez ; mais n'éclatez point.  Que veut dire le bruit que vous faites ? De quoi s'agit-il là ? Qu'est-ce que c'est qu'Hermidas te demande ? Explique-toi. Moi ! Tu as bien fait, Arlequin, je ne te blâme point. Va-t'en, je vais examiner ce que cela signifie. Quelle était votre idée ? Pourquoi m'avez-vous donc peint ? Vous me faites trop d'honneur. Eh ! Cette personne, quelle est-elle ? Qu'entends-je ! Que dites-vous, Aspasie ? Eh, comment à présent voulez-vous que je l'ignore ? Ce que je vois est à peine croyable. Je ne sais plus ce que je deviens moi-même. Et moi, cette épreuve-ci m'entraîne. Vous triomphez, Aspasie ; vous l'emportez, je me rends. Reprenez ce portrait, il vous appartient, Madame. Rien ne doit vous empêcher de le reprendre. Me trouvez-vous assez humilié ? Je ne vous dispute plus rien. Aspasie, ne m'exposez point à ce risque-là ; quelqu'un pourrait nous surprendre. Ah ciel ! À quoi me réduisez-vous ? Vous le voulez, Aspasie ? Cessez, Agis approche. Sortez, Hermidas.  Vous souhaitez donc qu'il reste, Agis ? J'ignorais que vous fussiez déjà si charmés l'un de l'autre. Que signifie cet empressement d'Agis ? Je ne sais ce que j'en dois croire ; depuis qu'il est avec moi, je n'ai rien vu qui l'intéressât tant que vous : vous connaît-il ? Lui avez-vous découvert qui vous êtes, et m'abuseriez-vous ? Non, Aspasie, je reconnais mon erreur ; votre franchise me rassure ; ne l'appelez pas, je me rends ; il ne faut pas encore que l'on sache que je vous aime : laissez-moi le temps de disposer tout. Que me voulez-vous, Léontine ? Non, Léontine ; vous savez mes égards pour vous, et je ne vous en dédirai point : dès que vous avez promis, il n'y a plus de réplique ; il restera tant qu'il voudra, ma soeur. Je sens tout ce qu'il vaut. Quelquefois à tout âge. Qu'appelez-vous courage ? Et qui est-ce qui ne s'y ennuierait pas ? N'est-on pas né pour la société ? Allez, ma soeur, je n'en suis pas à faire cette réflexion-là. Oh ! Fort bien. Et vous, qui êtes aimable et plus jeune que moi, je ne suis pas en peine de vous non plus. Et moi, je vous assure qu'on n'attendra pas d'avoir le vôtre pour vous donner le sien. J'ai toujours été surpris que vous n'en eussiez pas. Eh ! Que sait-on ? Peut-être en aurais-je. J'ai quelques ordres à donner, et je vous suis. À ce que je vois, nous sommes tous deux en bel état, Léontine et moi. Je ne sais à qui elle en veut ; peut-être est-ce à quelqu'un aussi jeune pour elle que l'est Aspasie pour moi. Que nous sommes faibles ! Mais il faut remplir sa destinée.  Ah ! Charmante Aspasie, si vous saviez combien je suis combattu ! Pardonnez ces agitations à un homme dont le coeur promettait plus de force. Ah ! Il me reste encore une chose à vous dire, et qui m'embarrasse beaucoup. Vous confierai-je tout ? Je vous ai abandonné mon coeur, et je vais être à vous, ainsi il n'y a plus rien à vous cacher. J'élève Agis depuis l'âge de huit ans ; je ne saurais le quitter si tôt, souffrez qu'il vive avec nous quelque temps, et qu'il vienne nous retrouver. Nos intérêts vont devenir communs : apprenez un grand secret. Vous avez entendu parler de Cléomène ; Agis est son fils, échappé de la prison dès son enfance. Jugez avec combien de soin il faut que je le cache, et de ce qu'il deviendrait entre les mains d'une Princesse qui le fait chercher à son tour, et qui apparemment ne respire que sa mort. Je ne m'y fierais pas ; elle est née d'un sang qui n'est ni l'un ni l'autre. Quand il serait possible qu'elle le voulût, la juste haine qu'il a pour elle l'en empêcherait. S'il n'y avait pas un trône à gagner en pardonnant, vous auriez raison, mais le prix du pardon gâte tout ; quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas de cela. Il ne sera pas longtemps avec nous ; nos amis fomentent une guerre chez l'ennemi, auquel il se joindra ; les choses s'avancent, et peut-être bientôt les verra-t-on changer de face. Elle n'est que l'héritière des coupables ; ce serait là se venger d'un crime par un autre, et Agis n'en est point capable : il suffira de la vaincre. Adieu, chère Aspasie ; je n'ai plus qu'une heure ou deux à demeurer ici.  Arrêtez, Prince, il faut que je vous parle... Je ne sais par où commencer ce que j'ai à vous dire. Ce que vous n'auriez peut-être jamais imaginé ; ce que j'ai honte de vous avouer ; mais ce que, toute réflexion faite, il faut pourtant vous apprendre. D'être aussi faible qu'un autre. De la plus pardonnable pour tout le monde, de la plus commune ; mais de la plus inattendue chez moi. Vous savez ce que je pensais de la passion qu'on appelle amour. Oui, cela se peut bien ; mais que voulez-vous ? Un solitaire qui médite, qui étudie, qui n'a de commerce qu'avec son esprit, et jamais avec son coeur, un homme enveloppé de l'austérité de ses moeurs n'est guère en état de porter son jugement sur certaines choses ; il va toujours trop loin. Vous avez raison ; je pense comme vous ; car que ne disais-je pas ? Que cette passion était folle, extravagante, indigne d'une âme raisonnable ; je l'appelais un délire ; et je ne savais ce que je disais. Ce n'était pas là consulter ni la raison ni la nature ; c'était critiquer le ciel même. Comment donc ! C'est un sentiment sur qui tout roule. Vous m'en menacez trop tard. Je suis puni. Faut-il vous dire tout ? Préparez-vous à me voir changer bientôt d'état, à me suivre, si vous m'aimez : je pars aujourd'hui, et je me marie. Il n'est pas agréable de se dédire ; et je reviens de loin. J'en ai reçu une leçon qui me suffit, et je ne m'y tromperai plus. Si vous saviez au reste avec quel excès d'amour, avec quelle industrie de passion on est venu me surprendre, vous augureriez mal d'un coeur qui ne se serait pas rendu. La sagesse n'instruit point à être ingrat ; et je l'aurais été. On me voit plusieurs fois dans la forêt, on prend du penchant pour moi, on essaie de le perdre, on ne saurait : on se résout à me parler, mais ma réputation intimide. Pour ne point risquer un mauvais accueil, on se déguise, on change d'habit, on devient le plus beau de tous les hommes ; on arrive ici, on est reconnu. Je veux qu'on se retire ; je crois même que c'est à vous à qui on en veut ; on me jure que non. Pour me convaincre, on me dit : Je vous aime ; en doutez-vous ? Ma main, ma fortune, tout est à vous avec mon coeur : donnez-moi le vôtre ou guérissez le mien ; cédez à mes sentiments, ou apprenez-moi à les vaincre ; rendez-moi mon indifférence, ou partagez mon amour ; et l'on me dit tout cela avec des charmes, avec des yeux, avec des tons qui auraient triomphé du plus féroce de tous les hommes. Elle y est encore. C'est elle-même ; mais n'en dites mot. Voici ma soeur qui vient.  Hé chez qui allez-vous donc, Léontine ? Nous serons donc tous deux absents ; car je pars aussi dans une heure, je le disais même à Agis. Rendre visite à Criton. Voilà une question qui me ferait douter des motifs du vôtre ; vous vous souvenez aussi des discours que vous m'avez tenus ? Dès que vous parlez sur ce ton-là, je n'aurai pas moins de franchise que vous ; je ne vais point chez Criton. C'est le mien qui me met en voyage. Hé bien, je vous en offre autant. Vous avez raison, et je ne partirai point non plus ; nos mariages se feront ensemble, car celle à qui je me donne est ici aussi. Phocion ! Qui donc ? Celui qui est venu nous trouver ici ? Celui pour lequel vous me parliez tantôt ? Mais attendez donc, je l'épouse aussi, moi, et nous ne pouvons pas l'épouser tous deux. Rien n'est plus vrai. Votre portrait ! Ce n'est pas le vôtre, c'est le mien qu'il a fait faire à mon insu. Tenez, ma soeur, en voilà le double ; le vôtre est en homme, et le mien est en femme ; c'en est toute la différence. Quoi ! Vous aussi, Agis ? Quelle étrange aventure ! Il n'est pas question de se plaindre ; nos domestiques étaient gagnés, je crains quelques desseins cachés ; hâtons-nous, Léontine, ne perdons point de temps : il faut que cette fille s'explique, et nous rende compte de son imposture.  Que vois-je ? Agis à ses genoux ! De qui est ce portrait-là ? Il ne s'agit point ici de plaisanterie. Qui êtes-vous ? Quels sont vos desseins ? **** *creator_marivaux *book_marivaux_triomphedelamour *style_prose *genre_comedy *dist1_marivaux_prose_comedy_triomphedelamour *dist2_marivaux_prose_comedy *id_LEONTINE *date_1732 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_leontine On m'a dit, Seigneur, que vous demandiez à parler à Hermocrate mon frère ; il n'est pas actuellement ici. Pouvez-vous, en attendant qu'il revienne, me confier ce que vous avez à lui dire ? Expliquez-vous, Seigneur. Oui, Seigneur. Laissez-nous, Dimas. Il est vrai, Seigneur, qu'à vous voir, vous paraissez bien digne de cette hospitalité vertueuse que vous avez reçue ailleurs ; mais il ne sera pas possible à Hermocrate de s'honorer du plaisir de vous l'offrir ; d'importantes raisons, qu'Agis sait bien, nous en empêchent ; je voudrais pouvoir vous les dire, elles nous justifieraient auprès de vous. Non, mais vous savez mieux qu'un autre que cela ne se peut pas, Agis, et que nous nous sommes fait une loi nécessaire de ne partager notre retraite avec personne. Je ne saurais changer de sentiment. C'est malgré moi. Je suis sûre qu'il pensera comme moi. Seigneur, je suis fâchée des efforts inutiles que vous allez faire ; puisque vous le voulez pourtant, j'y consens. Celui que je vous donnerai, Seigneur, c'est d'attendre Hermocrate, il est meilleur à consulter que moi. Je ne sais ce que présage un pareil discours, mais la qualité d'étranger exige des égards ; ainsi parlez, je vous écoute. Je ne sais de qui vous parlez, Seigneur, cette dame-là m'est inconnue, et c'est sans doute un portrait trop flatteur. De qui parle-t-il ? Où suis-je ? Seigneur, dispensez-moi d'écouter le reste, je ne sais ce que c'est que l'amour, et je vous conseillerais mal sur ce que je n'entends point. Encore une fois, Seigneur, souffrez que je vous quitte ; on m'attend, et il y a longtemps que nous sommes ensemble. Quel piège ! et comment en sortir ? Que faites-vous, Seigneur ? Après ce que je viens d'entendre, c'est aux dieux à qui j'en demande moi-même. Mon coeur ! Ô ciel ! C'est peut-être l'ennemi de mon repos que vous voulez que je consulte. Ah ! Phocion, vous aimez la vertu, dites-vous ; est-ce l'aimer que de venir la surprendre ? Mais enfin, quels sont vos desseins ? Vous souffrir ici, vous qui m'aimez ! Un amour vertueux peut-il exiger ce qui ne l'est pas ? Quoi ! Voulez-vous que mon coeur s'égare ? Que venez-vous faire ici, Phocion ? Ce qui m'arrive est-il concevable ? Quelle aventure ! Ô ciel ! Quelle aventure ! Faudra-t-il que ma raison y périsse ? Faudra-t-il que je vous aime, moi qui n'ai jamais aimé ? Est-il temps que je sois sensible ? Car enfin vous me flattez en vain ; vous êtes jeune, vous êtes aimable, et je ne suis plus ni l'un ni l'autre. Oui, Seigneur, je l'avoue, un peu de beauté, dit-on, m'était échue en partage ; la nature m'avait départi quelques charmes que j'ai toujours méprisés. Peut-être me les faites-vous regretter ! Je le dis à ma honte : mais ils ne sont plus, ou le peu qui m'en reste va se passer bientôt. Je ne suis plus ce que j'étais. Je ne sais encore ce que je dois faire. Voici Hermocrate qui vient, et je vous servirai, en attendant que je me détermine. Vous voyez, Hermocrate, le fils de l'illustre Phocion, que son estime pour vous amène ici ; il aime la sagesse, et voyage pour s'instruire ; quelques-uns de vos pareils se sont fait un plaisir de le recevoir quelque temps chez eux ; il attend de vous le même accueil ; il le demande avec un empressement qui mérite qu'on s'y rende ; j'ai promis de vous y engager, je le fais, et je vous laisse ensemble... Ah ! Oui, Phocion ; Hermocrate, par une opiniâtreté qui me paraît sans fondement, refuse de tenir la parole qu'il m'a donnée : vous m'allez dire que je le presse encore ; mais je viens vous avouer que je n'en ferai rien. Non, ses refus me rappellent moi-même à la raison. Quelle vivacité de mouvements ! Non, Phocion, jamais je ne sentis tant la nécessité de votre départ, et je ne m'en mêle plus. Juste ciel ! Que deviendrait mon coeur avec l'impétuosité du vôtre ? Suis-je obligée, moi, de soutenir cette foule d'expressions passionnées qui vous échappent ? Il faudrait donc toujours combattre, toujours résister, et ne jamais vaincre. Non, Phocion ; c'est de l'amour que vous voulez m'inspirer, n'est-ce pas ? Ce n'est pas la douleur d'en avoir que vous voulez que je sente, et je ne sentirais que cela : ainsi, retirez-vous, je vous en conjure, et laissez-moi dans l'état où je suis. Et parce que vous êtes désolé, il faut que je vous aime ? Qu'est-ce que cette tyrannie-là ? Je le devrais. Je ne veux point les écouter. Arrêtez ; j'entends quelqu'un.  Il vaut mieux me retirer moi-même. Ah ! Va-t'en, Arlequin ; il n'est pas nécessaire que tu restes ici. Que veux-tu dire, Arlequin ? Rien ne m'annonce ce que tu dis là, et c'est une plaisanterie que tu fais. N'est-il pas vrai, seigneur Phocion, qu'Hermidas n'a fait que s'amuser en lui disant cela ? Phocion ne répond rien ! Arrête, Arlequin, où vas-tu ? Je ne veux point qu'il sache qu'on me parle d'amour. Où suis-je ? Tout ceci me paraît un songe : Voyez à quoi vous m'exposez ; mais qui vient encore ?  C'est apparemment d'un portrait dont vous parlez, Seigneur ? Peut-on le voir avant qu'on l'emporte ? Puisque vous avez vos raisons pour ne le pas montrer, je n'insiste plus. Que vois-je ? C'est le mien ! Je ne devrais pas vous le rendre ; mais tant d'amour m'en ôte le courage. Hélas ! Je n'en voulais point ; mais je n'en serai peut-être pas la maîtresse. Est-il donc arrêté que je vous aimerai ? Je ne dirais que trop vrai, Phocion ! Il le faudra bien pour me donner le temps de me résoudre à notre union. Je me sens dans une émotion de coeur où je ne veux pas qu'on me voie. Adieu, Phocion, ne vous inquiétez pas ; je me charge du consentement de mon frère.  Ah ! vous voilà, mon frère ; je vous demande à tout le monde. À quoi en êtes-vous avec Phocion ? Êtes-vous toujours dans le dessein de le renvoyer ? Il m'a tantôt marqué tant d'estime pour vous, il m'en a dit tant de bien, que je lui ai promis qu'il resterait, et que vous y consentiriez ; je lui en ai donné ma parole : son séjour sera court, et ce n'est pas la peine de m'en dédire. Je vous rends grâce de votre complaisance, mon frère ; et en vérité Phocion mérite bien qu'on l'oblige. D'ailleurs, je regarde que c'est, en passant, un amusement pour Agis, qui vit dans une solitude dont on se rebute quelquefois à son âge. Vous avez raison ; on y a des moments de tristesse. Je m'y ennuie souvent moi-même ; j'ai le courage de vous le dire. Écoutez ; on ne sait pas ce qu'on fait, quand on se confine dans la retraite ; et nous avons été bien vite, quand nous avons pris un parti si dur. Après tout, le mal n'est pas sans remède ; heureusement on peut se raviser. Un homme, à votre âge, sera partout le bienvenu quand il voudra changer d'état. Oui, mon frère, peu de jeunes gens vont de pair avec vous ; et le don de votre coeur ne sera pas négligé. Vous ne seriez donc pas étonné que j'eusse quelques vues ? Mais, vous qui parlez, pourquoi n'en auriez-vous pas aussi ? J'en serais charmée, Hermocrate, nous n'avons pas plus de raison que les dieux qui ont établi le mariage ; et je crois qu'un mari vaut bien un solitaire. Pensez-y ; une autre fois nous en dirons davantage. Adieu. J'ai un mot à vous dire, mon cher Phocion ; le sort en est jeté ; nos embarras vont finir. Je ne dépends que de moi, nous allons être pour jamais unis. Je vous ai dit que c'est un spectacle que je ne voulais pas donner ici, mais les mesures que nous avons prises ne me paraissent pas décentes ; vous avez envoyé chercher un équipage, qui doit nous attendre à quelques pas de la maison, n'est-il pas vrai ? Ne vaudrait-il pas mieux, au lieu de nous en aller ensemble, que je partisse la première, et que je me rendisse à la ville en vous attendant ? Je vais dès cet instant me mettre en état de cela, et dans deux heures je ne serai pas ici ; mais, Phocion, hâtez-vous de me suivre. Que d'amour ne me devez-vous pas ! Il n'y avait que vous dans le monde capable de m'engager à la démarche que je fais. J'aime à voir votre empressement ; puisse-t-il durer toujours ! Je vous avoue que je ne sais quoi de triste s'empare quelquefois de moi. Ne vous impatientez plus, je pars : car voici mon frère, que je ne veux point voir dans ce moment-ci. Je viens vous avertir d'une petite absence que je vais faire à la ville, mon frère. Chez Phrosine, dont j'ai reçu des nouvelles, et qui me presse d'aller la voir. Vous partez, mon frère ! Hé chez qui allez-vous à votre tour ? Quoi ! À la ville comme moi ? Il est assez particulier que nous y ayons tous deux affaire ; vous vous souvenez de ce que vous m'avez dit tantôt : votre voyage ne cache-t-il pas quelque mystère ? Hermocrate, parlons à coeur ouvert : tenez, nous nous pénétrons ; je ne vais point chez Phrosine. C'est mon coeur qui me conduit où je vais. Oh ! Sur ce pied-là, je me marie. Tant mieux, Hermocrate, et grâce à notre mutuelle confidence, je crois que celui que j'aime et moi, nous nous épargnerons les frais du départ : il est ici, et puisque vous savez tout, ce n'est pas la peine de nous aller marier plus loin. Je ne sais pas où elle est ; pour moi, c'est Phocion que j'épouse. Oui, Phocion. Je n'en connais point d'autre. Vous l'épousez, dites-vous ? Vous n'y rêvez pas ? Qu'est-ce que cela signifie ? Quoi ! Phocion qui m'aime d'une tendresse infinie, qui a fait faire mon portrait sans que je le susse ! Mais ne vous trompez-vous pas ? Voici le sien, le reconnaissez-vous ? Juste ciel ! Où en suis-je ? Je suis outrée, je l'avoue. Et celui-ci, fourbe que vous êtes ? **** *creator_marivaux *book_marivaux_triomphedelamour *style_prose *genre_comedy *dist1_marivaux_prose_comedy_triomphedelamour *dist2_marivaux_prose_comedy *id_AGIS *date_1732 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_agis Qu'est-ce que c'est donc que ce bruit-là, jardinier ? Contre qui criez-vous ? Allez, Dimas, vous avez tort, retirez-vous, et courez avertir Léontine qu'un étranger de considération souhaiterait parler à Hermocrate. Je vous demande pardon, Seigneur, de l'accueil rustique de cet homme-là ; Hermocrate lui-même vous en fera ses excuses ; et vous êtes d'une physionomie qui annonce les égards qu'on vous doit. Il ne mérite pas que vous l'estimiez tant, mais, tel qu'il est, elle vous l'a rendu, Seigneur ; et quoiqu'il n'y ait qu'un instant que nous nous connaissions, je vous assure qu'on ne saurait être aussi prévenu pour quelqu'un que je le suis pour vous. Mais, Seigneur, puis-je vous demander pour qui mon amitié se déclare ? Cela ne suffit pas ; je crains de faire un ami que je perdrai bientôt. Qu'avez-vous à exiger d'Hermocrate ? Je lui dois mon éducation ; j'ose dire qu'il m'aime. Avez-vous besoin de lui ? Et que devenez-vous après ? Je vous conseillerai de ne me perdre jamais de vue. Je le souhaite de tout mon coeur ; mais voici Léontine qui arrive. Ce ne sont point les appartements qui nous manquent. J'ai pourtant promis au seigneur Phocion de vous y engager ; et ce ne sera pas violer la loi que nous nous sommes faite, que d'en excepter un ami de la vertu. Hermocrate vous fléchira, Madame. Oui, Seigneur, c'est lui-même. Et si mon suffrage vaut quelque chose, je le joins à celui de Léontine, Seigneur. Je vous cherchais, mon cher Phocion, et vous me voyez inquiet ; Hermocrate n'est plus si disposé à consentir à ce que vous souhaitez ; je n'ai encore été mécontent de lui qu'aujourd'hui ; il n'allègue rien de raisonnable ; ce n'est point encore moi qui l'ai pressé sur votre chapitre, j'étais seulement présent quand sa soeur lui a parlé pour vous : elle n'a rien oublié pour le déterminer, et je ne sais ce qu'il en sera ; car une affaire qui demandait Hermocrate, et qui l'occupe actuellement, a interrompu leur entretien ; mais, cher Phocion, que ce que je vous dis là ne vous rebute pas ; pressez-le encore, c'est un ami qui vous en conjure ; je lui parlerai moi-même, et nous pourrons le vaincre. Je n'y attends plus que l'ennui, quand vous n'y serez plus. Votre coeur partage donc les sentiments du mien ? Laissez-moi vous en demander une preuve : voilà la première fois que je goûte le charme de l'amitié ; vous avez les prémices de mon coeur, ne m'apprenez point la douleur dont on est capable quand on perd son ami. Que je suis touché de votre réponse ! Écoutez le reste : souvenez-vous que vous m'avez dit qu'il ne tiendrait qu'à moi de vous voir toujours ; et sur ce pied-là voici ce que j'imagine. Je ne saurais si tôt quitter ces lieux, d'importantes raisons, que vous saurez quelque jour, m'en empêchent ; mais vous, Phocion, qui êtes le maître de votre sort, attendez ici que je puisse décider du mien ; demeurez près de nous pour quelque temps ; vous y serez dans la solitude, il est vrai ; mais nous y serons ensemble, et le monde peut-il rien offrir de plus doux que le commerce de deux coeurs vertueux qui s'aiment ? Je suis content : les dieux m'ont fait naître dans l'infortune ; mais puisque vous restez, ils s'apaisent, et voilà le signal des faveurs qu'ils me réservent. Moi, de l'amour, Phocion ! Fasse le ciel que votre âme lui soit aussi inaccessible que la mienne ! Vous ne me connaissez pas ; mon éducation, mes sentiments, ma raison, tout lui ferme mon coeur ; il a fait les malheurs de mon sang, et je hais, quand j'y songe, jusqu'au sexe qui nous l'inspire. Je le fuirai toute ma vie. Quel étrange langage me tenez-vous là, Phocion ! D'où vient ce changement si subit ? Qu'ai-je dit qui puisse vous déplaire ? Moi, cesser d'être votre ami ! Quoi ! Ce n'est point Phocion ?... Dans l'étonnement où vous me jetez, je ne saurais plus moi-même démêler ce que je pense. Non, Madame, arrêtez... Votre sexe est dangereux, il est vrai, mais les infortunés sont trop respectables. Non, vous dis-je, arrêtez, Aspasie ; vous êtes dans un état que je plains : je me reprocherais de n'y avoir pas été sensible ; et je presserai moi-même Hermocrate, s'il le faut, de consentir à votre séjour ici, vos malheurs m'y obligent. Je ne vous le conseille pas ; Madame ; il faut que le coeur et la main se suivent. J'ai toujours entendu dire que le sort le plus triste est d'être uni avec ce qu'on n'aime pas, que la vie alors est un tissu de langueurs ; que la vertu même, en nous secourant, nous accable ; mais peut-être sentez-vous que vous aimerez volontiers celui qu'on vous propose. Prenez-y donc garde ; surtout si quelque secret penchant vous prévenait pour un autre ; car peut-être aimez-vous ailleurs, et ce serait encore pis. Sur ce pied-là, ne vous exposez pas à revoir la Princesse ; car je suis toujours le même. Toujours, Madame, d'autant plus qu'il n'y a rien à craindre ; puisqu'il ne s'agit entre nous que d'amitié, qui est le seul penchant que je puisse inspirer, et le seul aussi, sans doute, dont vous soyez capable. Je voudrais bien ne le devenir jamais. Voici, je pense, un domestique qui vous cherche : Hermocrate n'est peut-être plus occupé ; souffrez que je vous quitte pour aller le joindre.  Quoi ! Aspasie, vous me fuyez quand je vous aborde ? J'en conviens ; mais j'avais une inquiétude qui m'agitait, et qui me dure encore. Il y a une personne que j'aime ; mais j'ignore si ce que je sens pour elle est amitié ou amour ; car j'en suis là-dessus à mon apprentissage ; et je venais vous prier de m'instruire. Cela ne vous est pas difficile ; quand vous êtes venue ici, vous savez que je n'aimais rien. Concluez donc. Oui, c'est vous, Aspasie, et je vous demande à quoi j'en suis. Et pour qui donc, Aspasie ? Il est vrai que vous n'aviez point encore aimé quand vous êtes arrivée. C'est donc pour moi que votre coeur est en peine, Aspasie ? Si nous nous disions ce que nous sentons, peut-être éclaircirions-nous la chose. Une peine infinie. Me voilà ; vous me pénétrez à merveille. Ils vous regardent avec un grand plaisir ; avec un plaisir qui va jusqu'à l'émotion. Je donnerais ma vie pour vous ; j'en donnerais mille, si je les avais. Amour comme il n'en est point, peut-être. Mais je vous ai dit ce qui se passe dans mon coeur, ne saurais-je point ce qui se passe dans le vôtre ? Vous avez parlé de mes yeux ; il semble que les vôtres m'apprennent que vous n'êtes pas insensible. Juste ciel ! dans quel abîme de passion le charme de ce discours-là ne me jette-t-il point ! Vos sentiments ressemblent aux miens. Je le respecte et je l'aime. Mais je sens déjà que les coeurs n'ont point de maître. Cependant il faut que je le voie avant qu'il vous parle ; car il pourrait bien vous renvoyer dès aujourd'hui, et nous avons besoin d'un peu de temps pour voir ce que nous ferons. Et moi aussi. Je vous laisse, aimable Aspasie, et vais travailler pour votre séjour ici ; Hermocrate ne sera peut-être plus occupé. Je venais vous prier, Seigneur, de nous laisser Phocion pour quelque temps ; mais j'augure que vous y consentez, et qu'il est inutile que je vous en parle. Je vous avoue que j'aurais été très fâché qu'il partît, et que rien ne saurait me faire tant de plaisir que son séjour ici ; on ne saurait le connaître sans l'estimer, et l'amitié suit aisément l'estime. Peut-être que j'interromps la conversation que vous avez ensemble, et c'est à quoi j'attribue la froideur avec laquelle vous m'écoutez ; ainsi je me retire.  Je vous retrouve donc, Aspasie, et je puis un moment vous parler en liberté. Que n'ai-je pas souffert de la contrainte où je me suis vu ! J'ai presque haï Hermocrate et Léontine de toute l'amitié qu'ils vous marquent ; mais qui est-ce qui ne vous aimerait pas ? Que vous êtes aimable, Aspasie, et qu'il m'est doux de vous aimer ! Non ; je ne la perdrai qu'en cessant de vivre. Je connais vos charmes ; je connais la douceur des sentiments de votre âme, rien ne peut m'arracher à tant d'attraits, et c'en est assez pour vous adorer toute ma vie. Hélas ! vous ne savez pas qui je suis moi-même, ni tout l'effroi que m'inspire pour vous la pensée d'unir mon sort au vôtre. Ô cruelle princesse, que j'ai de raisons de te hair ! Celle qui règne, Aspasie ; mon ennemie et la vôtre. Mais quelqu'un vient qui m'empêche de continuer. Moi, Aspasie ? Je n'entends rien à ce qu'elle veut dire. Quoi qu'il en soit, je ne saurais disposer de moi sans en avertir Hermocrate.  Quel est donc le sujet de votre embarras, Seigneur ? À quoi ce discours-là nous prépare-t-il ? Que vous serait-il donc arrivé ? Eh ! De quelle espèce de faiblesse s'agit-il, Seigneur ? Et il me semble que vous exagériez un peu là-dessus. Il n'en faut pas douter, vous tombiez dans l'excès. Oui ; car dans le fond, nous sommes faits pour aimer. Un sentiment qui pourrait bien se venger un jour du mépris que vous en avez fait. Pourquoi donc ? Sérieusement ? Est-ce là le sujet de votre embarras ? Et moi je vous en félicite : il vous manquait de connaître ce que c'était que le coeur. Mais, Seigneur, cette tendre amante qui se déguise, l'ai-je vue ici ? Y est-elle venue ? Je n'y vois que Phocion. La perfide ! Qu'a-t-elle prétendu en me trompant ? Oh ! C'en est fait, je n'y saurais plus tenir ; elle ne m'a point donné de portrait, mais je dois l'épouser aussi. Je suis au désespoir ! Que venez-vous faire ici ? Qui de nous trois doit vous épouser, d'Hermocrate, de Léontine ou de moi ? N'avez-vous pas votre portrait à me donner, comme aux autres ? Et moi, je la cède à Hermocrate. Adieu, perfide ; adieu, cruelle ! Je ne sais de quels noms vous appeler. Adieu pour jamais. Je me meurs !... Laissez-moi, vous dis-je. Moi, que vous avez trompé ! Je n'y comprends rien. Hélas ! Puis-je vous en croire, Aspasie ? Ce que vous me dites là est-il possible, Aspasie ? On n'a donc jamais tant aimé que vous le faites. Hélas ! S'il est vrai que vous m'aimiez, peut-être un jour vous fera-t-elle pleurer ma mort ; elle n'épargnera pas le fils de Cléomène. Je ne lui demande que de nous laisser disposer du nôtre. Son coeur ! Vous Léonide, Madame ? Je ne puis plus vous exprimer le mien.  **** *creator_marivaux *book_marivaux_triomphedelamour *style_prose *genre_comedy *dist1_marivaux_prose_comedy_triomphedelamour *dist2_marivaux_prose_comedy *id_DIMAS *date_1732 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_dimas Avec qui est-ce donc qu'ou parlez là, noute ami ? Eh ! Pargué ! Je le vois bian ; mais qui est ce monde ? À qui en veut-il ? Eh bian ! Ce n'est pas par ici qu'on entre ; noute maître m'a enchargé à ce que parsonne ne se promène dans le jardrin ; par ainsi, vous n'avez qu'à vous en retorner par où vous êtes venus, pour frapper à la porte du logis. Je ne leur baillons pas cette parmission-là, nous ; je n'entendons pas qu'on vianne comme ça sans dire gare : ne tiant-il qu'à enfiler des portes ouvartes ? En a l'honnêteté d'appeler un jardinier ; en li demande le parvilège ; on a queuque bonne manière avec un homme, et pis la parmission s'enfile avec la porte. Voirement ! Je le vois bian qu'alle est riche, pisqu'alle garde tout, et moi je garde mon jardrin, alle n'a qu'à prenre par ailleurs.  Contre cette jeunesse qui viant apparemment mugueter nos espaliers. Tenez, Madame, velà le damoisiau dont je vous parle, et cet autre étourniau est de son équipage. Et pour cueillir le fruit de nos arbres. Voute affaire est faite ; pas pus tard que tantôt, je vous apportons toute sa pensée. Eh ! Morgué ! Venez çà, vous dis-je ; depis que ces nouviaux venus sont ici, il n'y a pas moyan de vous parler ; vous êtes toujours à chuchoter à l'écart avec ce marmouset de valet. Mais la civilité ne veut pas qu'en soit malhonnête envars moi qui sis voute ancien camarade, et palsangué ! Le vin et l'amiquié, c'est tout un ; pus ils sont vieux tous deux, et mieux c'est. Diantre ! Qu'ou'êtes hasardeux ! Vous dites ça comme s'il en pleuvait ; avez-vous bian de quoi ? Vartuchoux ! Vous êtes un fin marle ; mais, morgué ! Je sis marle itou, moi. Bon, bon, ne savons-je pas qu'ou avez de la finance de rencontre, je vous ons vu tantôt compter voute somme. Il baille dans le paniau. Acoutez, noute ami, il y a bian des affaires, bian du tintamarre dans l'esprit de noute maître. Pou ! voirement, c'est bian pis ; faut qu'il se doute de toute la manigance ; car il m'a enchargé de faire ici le renard en tapinois, pour à celle fin de défricher la pensée de ces deux parsonnes dont il a doutance par rapport à l'intention qu'alles avont, dont il est en peine d'avoir connaissance au juste, vous entendez bian ? Chut ! N'appriandez rin de ce renard-là ; il n'y a tant seulement qu'à voir ce que vous voulez que je li dise. Preumièrement d'abord, faut pas li déclarer ce que c'est que ce monde-là, n'est-ce pas ? Laissez-moi faire. Il n'a tenu qu'à moi d'en dégoiser, car je n'ignore de rin. Pargué, si je le savons ! Je les connaissons de plante et de raçaine. Vous ! Par la morgué ! Peut-être que vous n'en savez rin. Gage que non, ça ne se peut pas ; ça est par trop difficile. Quoi ? Alles sont des femmes ! Non morgué, pas le mot ; mais je triomphe. Alles sont des femmes ! tatigué, que je sis aise ! Queu tapage je m'en vas faire ! Comme je vas m'ébaudir à conter ça ! Queu plaisir ! Je m'embarrasse bian de voute gorge, ha ha ! Des femmes qui baillont de l'argent en darrière un jardinier, maugré qu'il les treuve dans son jardrin, il n'y a morgué point de gorge qui tianne, faut punir ça. Je serais bian dégoûté, si je ne l'étais pas ; mais où est-il cet argent ? Cette étourderie-là n'est pas à bon marché, je vous en avartis. Mais, par priambule, j'entends et je prétends qu'ou me disiais toute cette friponnerie-là. Ah çà ! Combien avez-vous reçu de cette dame, tant en monnaie qu'en grosses pièces ? Parlez en conscience. Vingt pièces d'or ! Queu chartée d'argent ça fait ! Velà une histoire qui vaut une métairie. Après : cette dame, que vient-elle patricoter ici ? Eh bian ! Que ne se garait-il ? Fort bian ! Tout ça est d'un bon revenu pour moi ; tout ça se peut, moyennant que j'escamote itou. Et ce petit valet Hermidas, est-ce itou une escamoteuse ? Ca ne vous conviant pas, à vous qui êtes un apprentif docteux ; mais tenez, velà qu'alles viannent ; faites avancer l'espèce. Alles n'osont approcher, dites-leur que je sis savant sur leus parsonnes. Je savons la parte de voute coeur, et l'escamotage de stila d'Agis : je savons son argent, il n'y a que ceti-là qu'il m'a proumis que je ne savons pas encore. Je sis tout à fait de voute avis, Mademoiselle. Il n'y a qu'à m'acheter ce que je vaux. Conclusion, Madame, me velà vendu. Morgué ! L'ami, faut que la prudence vous coupe à présent la langue sur tout ça. Velà le philosophe qui se pourmène envars ici tout rêvant ; faites-nous de la marge, et laissez-nous le tarrain, pour à celle fin que je l'y en baille encore d'une venue. Non, mais j'allions vous rendre compte à son sujet. Oh ! Que non, il a, ma foi, bian d'autres tracas dans la çarvelle. Il s'agit morgué qu'ou avez bian du mérite, et que faut admirer voute science, voute vartu et voute bonne mine. C'est que je compare voute face à ce qui arrive ; c'est qu'il se passe des choses émerveillables, et qui portont la signifiance de la rareté de voute parsonne ; c'est qu'en se meurt, en soupire. Hélas ! Ce dit-on, que je l'aime ce cher homme, cet agriable homme ! Par ma foi, c'est de vous, et pis d'un garçon qui n'est qu'une fille. Vous connaissez bian Phocion ? Eh bian ! il n'y a que son habit qui est un homme, le reste est une fille. Tatigué, qu'alle est remplie de charmes ! Morgué, qu'ou êtes heureux ; car tous ces charmes-là, devinez leur intention ? Je les avons entendu raisonner. Ils disont comme ça, qu'ils se gardont pour l'homme le pus mortel... Non, non, je me trompe, pour le mortel le pus parfait qui se treuve parmi les mortels de tous les hommes, qui s'appelle Hermocrate. Acoutez, acoutez. Comme je charchions tantôt à obéir à voute commandement, je l'avons vu qui coupait dans le taillis avec son valet Hermidas, qui est itou un acabit de garçon de la même étoffe. Moi, tout ballement, je travarse le taillis par un autre côté, et pis je les entends deviser ; et pis Phocion commence : Ah ! Velà qui est fait, Corine ; il n'y a pus de guarison pour moi, ma mie ; je l'aime trop, cet homme-là, je ne saurais pu que faire ni que dire : Eh mais pourtant, Madame, vous êtes si belle ! Eh bian ! Cette biauté, queu profit me fait-elle, pisqu'il veut que je m'en retorne ! Eh mais patience, Madame. Eh mais où est-il ? Mais que fait-il ? Où se tiant la sagesse de sa parsonne ? Je sis à la fin. Mais que vous dit-il, quand vous li parlez, Madame ? Eh mais il me gronde, et moi je me fâche, ma fille. Il me représente qu'il est sage. Et moi itou, ce lui fais-je. Mais je vous plains, ce me fait-il. Mais me velà bian refaite, ce li dis-je. Eh mais ! n'avez-vous pas honte ? ce me fait-il. Eh bian ! qu'est-ce que ça m'avance ? ce li fais-je. Mais voute vartu, Madame ? Mais mon tourment, Monsieur ? Est-ce que les vartus ne se mariont pas ensemble ? Je sis d'avis que vous guarissiez cet enfant-là, noute maître, en tombant itou malade pour elle, et pis la prenre pour minagère ; car en restant garçon ; ça entarre la lignée d'un homme, et ce serait dommage de l'entarrement de la vôtre. Mais en parlant par similitude, n'y aurait-il pas moyen, par votre moyen, de me recommander à l'affection de la femme de chambre, à cause que je savons toutes ces fredaines-là, et que je n'en sonnons mot ? Li, il prétend vous garder. Et pis, il ne prétend pas que vous restiais. Eh pargué, c'est qu'il ne s'entend pas li-même ; il ne voit pus goutte à ce qu'il veut. Ouf ! velà sa darnière parole : toute sa philosophie est à vau l'iau, il n'y en reste pas une once. Vous l'avez deviné, car le velà qui arrive. Mais, Madame, ayez toujours souvenance que ma fortune est au bout de l'histoire. Grand marci à vous.  Ta ra ta la ra ! Il a, morgué ! bian fait de s'en aller ; car velà le jaloux qui arrive. Je vous saluons, Madame. N'appriandez rin, je sommes seuls. Oui, je venons ici tant seulement pour régler nos comptes. Ah çà ! comme dit stautre, vous avons-je fait de bonne besogne ? Et voute ouvrage à vous, est-il avancé ? Parlons d'affaire ; j'avons vendu du noir, que c'est une marveille ! J'avons affronté le tiers et le quart. J'avons fait un étouffement de conscience qui était bian difficile, et qui est bian méritoire. Des amours pour sti-ci, et pis pour stelle-là. J'avons jeté voute coeur à tout le monde, pendant qu'il n'était à parsonne de tout ça. Voute manigance est bientôt finie. Combian voulez-vous bailler de la finale ? Faites marché avec nous, ou bian je rompons tout. Eh bian ! Baillez-nous voute parole en argent comptant. Oh ! ⁎⁎⁎⁎⁎⁎⁎⁎⁎⁎⁎⁎ ça se peut bian. Que ferons-je, camarade ? Alle me baille de la peur ; continuerons-je l'insolence ? Noute maître, je vous avartis qu'il y a tout plain d'hallebardiers au bas de noute jardrin ; et pis des soudards et pis des carrioles dorées. **** *creator_marivaux *book_marivaux_triomphedelamour *style_prose *genre_comedy *dist1_marivaux_prose_comedy_triomphedelamour *dist2_marivaux_prose_comedy *id_ARLEQUIN *date_1732 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_arlequin Qu'est-ce que c'est que ces gens-là ? Ah ! Ah ! Madame ! Et puis votre sexe ! Eh ! Parlez donc, vous autres hommes, vous êtes donc des femmes ? Oh ! Oh ! Mes mignonnes, avant que de vous en aller, il faudra bien, s'il vous plaît, que nous comptions ensemble : je vous ai d'abord pris pour deux fripons ; mais je vous fais réparation : vous êtes deux friponnes. Et par-dessus le marché, un honnête homme, qui n'a jamais laissé passer de contrebande ; ainsi vous êtes une marchandise que j'arrête, je vais faire fermer les portes. Prouvez-moi mon repentir, et je vous lâche. Oui-da, il y a toute apparence ; car je suis bien aise de l'avoir. Je n'ai encore qu'un commencement d'envie de n'en plus faire. Oh ! Voilà l'abrégé de ma mauvaise humeur. Mais de quoi s'agit-il, mes libérales dames ? Cela est extrêmement honnête. Encore plus honnête. Pour avoir toutes ses commodités. Malepeste ! De l'amour dans cette maison-ci ? Ce serait une mauvaise auberge pour lui ; la sagesse d'Agis, d'Hermocrate et de Léontine, sont trois sagesses aussi inciviles pour l'amour qu'il y en ait dans le monde ; il n'y a que la mienne qui ait un peu de savoir-vivre. Eh ! Pardi, il n'y a rien de si raisonnable. Madame a pris de l'amour en passant, pour Agis. Eh bien ! Qu'est-ce ? Chacun prend ce qu'il peut : voilà bien de quoi ! Allez, gracieuses personnes, ayez bon courage ; je vous offre mes services. Vous avez perdu votre coeur ; faites vos diligences pour en attraper un autre ; si on trouve le mien, je le donne. Ne craignez rien, seigneur Phocion, touchez là, camarade Hermidas ; voilà comme je parle, moi. Eh ! Je parle avec du monde. Doucement, notre ami ! Vous parlez à une personne riche et d'importance. Oh pour ça, ils font tous deux une belle paire de visages. Nous allons donc faire, entre nous, quatre jolis penchants. Notre maîtresse s'avance ; elle a une mine grave qui ne me plaît point du tout. D'abord, j'en logerai un, moi, dans ma chambre. Tête de femme ! C'est moi qui ai eu l'honneur de lui parler le premier, et je lui ai toujours fait vos compliments en attendant votre arrivée. Et moi, j'y ajoute ma voix par-dessus le marché. C'est par civilité, mon ami ; mais je ne t'en aime pas moins, quoique je te laisse là. Cette comparaison-là est de bon goût, nous en boirons la moitié quand tu voudras, et tu boiras gratis à mes dépens. Ne t'embarrasse pas. Eh depuis quand suis-je devenu merle ? Il a raison, voilà ce que c'est que de vouloir savoir son compte. Est-ce qu'il m'a vu aussi compter ma finance ? Pas trop ; mais, mon ami, je parle donc à un renard ? Garde-t'en bien, mon garçon. Tu sais donc qui ils sont ? Oh ! Oh ! Je croyais qu'il n'y avait que moi qui les connaissais. Oh que si ! Mais voyez cet opiniâtre ! Je te dis qu'elles me l'ont dit elles-mêmes. Qu'elles étaient des femmes. Comment donc, fripon ! Est-ce que tu ne le savais pas ? Ah ! Maudit renard ! Vilain merle ! Je suis un misérable. Dimas, tu me coupes la gorge. Mon ami, es-tu friand d'argent ? Je ferai financer cette dame pour racheter mon étourderie, je te le promets. Je sais bien qu'elle est considérable. Elle m'a donné vingt pièces d'or. C'est qu'Agis a pris son coeur dans une promenade. Et elle s'est mise comme ça pour escamoter aussi le coeur d'Agis sans qu'il le voie. C'est encore un coeur que je pourrais bien prendre en passant. Ne vous gênez point ; car je suis un babillard, Madame. Hélas ! Il n'y plus de mystère, il m'a fait causer avec une attrape. Il n'y a pas une syllabe de manque. Le fripon ne vaut pas une obole. Et moi, me voilà ruiné ; car sans ma peste de langue, tout cet argent-là arrivait dans ma poche, et c'est de mes deniers qu'on achète ce vaurien-là. Non, par ma foi, ma belle Dame ; il n'y a que ce routier-là qui m'a pris comme avec un filet. Allez, Madame Phocion, votre entretien tout à l'heure était bien gardé, car il avait trois sentinelles. Et le seigneur Agis, promet-il quelque chose ; son coeur se mitonne-t-il un peu ? Ils ne manqueront pas aussi de récompenser le mien, car il est bien honnête. Vous serez charmée de mon savoir-faire.  Le seigneur Hermocrate m'a ordonné d'examiner votre conduite, parce qu'il ne vous connaît point. Plus nécessaire que vous ne pensez, Madame ; vous ne savez pas à qui vous avez affaire : ce Monsieur-là n'est pas si friand de la sagesse que des filles sages ; et je vous avertis qu'il veut déniaiser la vôtre. Oh ! Que nenni ! Tenez, Madame, tantôt son valet, qui est un autre espiègle, est venu me dire : Eh bien ! Qu'est-ce ? Y a-t-il moyen d'être amis ensemble ?... Oh ! De tout mon coeur... Que vous êtes heureux d'être ici !... Pas mal... Les honnêtes gens que vos maîtres !... Admirables... Que votre maîtresse est aimable !... Oh ! Divine... Eh ! dites-moi, a-t-elle eu des amants ?... Tant qu'elle en a voulu... En a-t-elle à cette heure ?... Tant qu'elle en veut... En aura-t-elle encore ?... Tant qu'elle en voudra... A-t-elle envie de se marier ?... Elle ne me dit pas ses envies... Restera-t-elle fille ?... Je ne garantis rien... Qui est-ce qui la voit, qui est-ce qui ne la voit pas ? Vient-il quelqu'un, ne vient-il personne ?... Et par-ci et par-là... Est-ce que votre maître en est amoureux ?... Chut ! Il en perd l'esprit : nous ne restons ici que pour lui avoir le coeur, afin qu'elle nous épouse ; car nous avons des richesses et des flammes plus qu'il n'en faut pour dix ménages. Voyez comme il s'en soucie ; il vous donnera le supplément, si vous voulez. Ahi ! Ahi ! La voix vous manque, ma chère maîtresse ; Votre coeur prend congé de la compagnie, on le pille actuellement, et je vais faire venir le seigneur Hermocrate à votre secours. Oh ! Puisque le fripon est de vos amis, ce n'est pas la peine de crier au voleur. Que la sagesse s'accommode ; mariez-vous ; il y aura encore de la place pour elle : le métier de brave femme a bien son mérite. Adieu, Madame ; n'oubliez pas la discrétion de votre petit serviteur, qui vous fait ses compliments, et qui ne dira mot. Non, morbleu ; ma fidélité n'entend point raillerie ; il faut que j'avertisse mon maître. J'ai découvert un micmac, seigneur Hermocrate ; il s'agit d'une affaire de conséquence ; il n'y a que le diable et ces personnages-là qui le sachent ; mais il faut voir ce que c'est. Je viens de trouver ce petit garçon qui était dans la posture d'un homme qui écrit : il rêvait, secouait la tête, mirait son ouvrage ; et j'ai remarqué qu'il avait une coquille auprès de lui où il y avait du gris, du vert, du jaune, du blanc, et où il trempait sa plume ; et comme j'étais derrière lui, je me suis approché pour voir son original de lettre ; mais voyez le fripon ! Ce n'était point des mots ni des paroles, c'était un visage qu'il écrivait ; et ce visage-là, c'était vous, Seigneur Hermocrate. Votre propre visage, à l'exception qu'il est plus court que celui que vous portez ; le nez que vous avez ordinairement tient lui seul plus de place que vous tout entier dans ce minois : Est-ce qu'il est permis de rapetisser la face des gens, de diminuer la largeur de leur physionomie ? Tenez, regardez la mine que vous faites là-dedans. N'oubliez pas de vous faire rendre les deux tiers de votre visage.  Je suis votre serviteur, Madame. Une petite bagatelle. Pour voir comment nous sommes ensemble. Fort bien ; puisqu'il vous attend, ne nous pressons pas. Il n'y a point de fripons comparables à nous. Tantôt vous étiez garçon, ce qui n'était pas vrai ; tantôt vous étiez une fille, ce que je ne savons pas. Des portraits pour attraper les visages que vous donneriez pour rien, et qui ont pris le barbouillage de leur mine pour argent comptant. Achetez le reste de l'aventure ; nous la vendrons à un prix raisonnable. Oui ; car quand on n'a plus besoin des fripons, on les paie mal. Nous tombons d'accord de l'insolence. Non, c'est peut-être le chemin du cachot ; et j'aime encore mieux rien que quatre murailles. Partons.