**** *creator_moliere *book_moliere_festindepierre *style_prose *genre_comedy *dist1_moliere_prose_comedy_festindepierre *dist2_moliere_prose_comedy *id_donjuan *date_1665 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_donjuan Quel homme te parlait là ? il a bien de l'air, ce me semble, du bon Gusman de Done Elvire. Quoi, c'est lui ! Et depuis quand est-il en cette Ville ? Et quel sujet l'amène ? Notre départ sans doute. Et quelle Réponse as-tu faite ? Mais encore, quelle est ta pensée là-dessus, que t'imagines-tu de cette affaire ? Tu le crois ? Ma foi tu ne te trompes pas, et je dois t'avouer qu'un autre objet a chassé Done Elvire, de ma pensée. Et ne trouves-tu pas que j'ai raison d'en user de la sorte ? Quoi ? parle. Et bien, je te donne la liberté de parler, et de me dire tes sentiments. Quoi ? tu veux qu'on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu'on renonce au monde pour lui, et qu'on n'ait plus d'yeux pour personne ; la belle chose de vouloir se piquer d'un faux honneur, d'être fidèle, de s'ensevelir pour toujours dans une passion, et d'être mort dès sa jeunesse pour toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux ; non non, la constance n'est bonne que pour des ridicules : toutes les belles ont droit de nous charmer, et l'avantage d'être rencontrée la première, ne doit point dérober aux autres les justes prétentions qu'elles ont toutes sur nos cœurs ; pour moi, la beauté me ravit partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence où elle nous entraine ; J'ai beau être engagé, l'amour que j'ai pour une belle n'engage point mon âme à faire une injustice aux autres ; Je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et je rends à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige ; quoi qu'il en soit je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois d'aimable, et dès qu'un beau visage me le demande, si j'en avais dix mille, je les donnerais tous : les inclinations naissantes après tout ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l'amour est dans le changement : on goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d'une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu'on fait, à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur, et à la mener doucement où nous avons envie de la faire venir ; mais lorsqu'on est maître une fois, il n'y a plus rien à dire ni rien à souhaiter, tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d'un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les charmes attrayants d'une conquête à faire ; enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la résistance d'une belle personne, et j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants qui volent perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent point se résoudre à borner leurs souhaits ; il n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs, je me sens porté à aimer toute la terre, et comme Alexandre je souhaiterais qu'il y eût d'autres mondes pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses. Qu'as tu à dire là-dessus. Tu feras bien. Comment ? quelle vie est-ce que je mène ? Y a-t-il Rien de plus agréable ? Va, c'est une affaire entre le Ciel et moi, et nous la démêlerons bien ensemble, sans que tu t'en mettes en peine. Holà maître sot, vous savez que je vous ai dit que je n'aime pas les faiseurs de remontrances. Paix. Il est question de te dire qu'une jeune beauté me tient au cœur, et qu'entraîné par ses appas, je l'ai suivie jusque dans cette Ville. Et pourquoi craindre ? ne l'ai-je pas bien tué. J'ai eu ma grâce de cette affaire. Ah, n'allons point songer au mal qui nous peut arriver, et songeons seulement à ce qui peut nous donner du plaisir : la personne dont je te parle est une jeune fiancée, la plus agréable du monde, qui a été conduite ici par celui même qu'elle y vient épouser, et le hasard m'a fait voir le couple d'amants trois ou quatre jours avant leur voyage. Jamais je n'ai vu deux personnes être si contents l'un de l'autre, et faire éclater plus d'amour : la tendresse visible de leurs mutuelles ardeurs me donna de l'émotion, j'en fus frappé au cœur, et mon amour commença par la jalousie ; oui je ne pus souffrir d'abord de les voir si bien ensemble ; le dépit alluma mes désirs, et je me figurai un plaisir extrême à pouvoir troubler leur intelligence, et rompre cet attachement, dont la délicatesse de mon cœur se tenait offensé ; mais jusqu'ici tous mes efforts ont été inutiles, et j'ai recours au dernier remède ; cet Époux prétendu doit aujourd'hui régaler sa Maîtresse d'une promenade sur mer, sans avoir rien dit, toutes choses sont préparées pour satisfaire mon amour, et j'ai une petite barque et des gens, avec quoi fort facilement je prétends enlever la belle. Hein. Prépare-toi donc à venir avec moi, et prends soin toi-même d'apporter toutes mes armes afin que… Ah rencontre fâcheuse ! traître tu ne m'avais pas dit qu'elle était ici elle-même. Est-elle folle de n'avoir pas changé d'habit, et de venir dans ce lieu-ci avec son équipage de Campagne ? Madame je vous avoue que je suis surpris, et que je ne vous attendais pas ici. Madame, voilà Sganarelle qui sait pourquoi je suis parti. Allons, parle donc à Madame. Tu ne répondras pas ? Veux tu répondre, te dis-je. Si… Madame, à vous dire la vérité. Je vous avoue, Madame, que je n'ai point le talent de dissimuler, et que je porte un cœur sincère, je ne vous dirai point que je suis toujours dans les mêmes sentiments pour vous, et que je brûle de vous rejoindre, puisqu'enfin il est assuré que je ne suis parti que pour vous fuir, non point pour les raisons que vous pouvez vous figurer, mais par un pur motif de conscience, et pour ne croire pas qu'avec vous davantage je puisse vivre sans péché ; il m'est venu des scrupules Madame, et j'ai ouvert les yeux de l'âme sur ce que je faisais, j'ai fait réflexion que pour vous épouser je vous ai dérobée à la clôture d'un convent, que vous avez rompu des vœux qui vous engageaient autre part, et que le Ciel est fort jaloux de ces sortes de choses. Le repentir m'a pris, et j'ai craint le courroux céleste ; j'ai cru que notre mariage n'était qu'un adultère déguisé, qu'il nous attirerait quelque disgrâce d'en haut, et qu'enfin je devais tâcher de vous oublier, et vous donner moyen de retourner à vos premières chaînes ; voudriez vous Madame vous opposer à une si sainte pensée ; et que j'allasse, en vous retenant, me mettre le Ciel sur les bras ? que pour… Sganarelle, le Ciel. Madame. Allons songer à l'exécution de notre entreprise amoureuse. Nous avons manqué notre coup Sganarelle, et cette bourrasque imprévue a renversé, avec notre barque, le projet que nous avions fait ; mais à te dire vrai la paysanne que je viens de quitter répare ce malheur, et je lui ai trouvé des charmes qui effacent de mon esprit tout le chagrin que me donnait le mauvais succès de notre entreprise ; il ne faut pas que ce cœur m'échappe, et j'y ai déjà jeté des dispositions à ne me pas souffrir de pousser longtemps des soupirs. Ah ah, d'où sort cette autre Paysanne ? Sganarelle as-tu rien vu de plus joli, et ne trouves tu pas, dis-moi, que celle-ci vaut bien l'autre ? D'où me vient, la belle, une rencontre si agréable ? quoi, dans ces lieux champêtres, parmi ces arbres, et ces Rochers, on trouve des personnes faites comme vous êtes ? Êtes-vous de ce Village ? Et vous y demeurez ? Vous vous appellez. Ah la belle personne, et que ses yeux sont pénétrants ! Ah n'ayez point de honte d'entendre dire vos vérités. Sganarelle qu'en dis tu ? peut on rien voir de plus agréable ? tournez-vous un peu s'il vous plaît ; ah que cette taille est jolie ! haussez un peu la tête de grâce. ah que ce visage est mignon ! ouvrez vos yeux entièrement, ah qu'ils sont beaux ! que je voie un peu vos dents, je vous prie. Ah qu'elles sont amoureuses, et ces lèvres appétissantes ! pour moi je suis ravi, et je n'ai jamais veu une si charmante personne. Moi, me railler de vous, Dieu m'en garde, je vous aime trop pour cela, c'est du fond du cœur que je vous parle. Point du tout, vous ne m'êtes point obligée de tout ce que je dis, et ce n'est que à votre beauté que vous en êtes redevable. Sganarelle, regarde un peu ses mains. Ah que dites vous là ? elles sont les plus belles du monde, souffrez que je les baise, je vous prie. Et dites-moi un peu, belle Charlotte, vous n'êtes pas mariée sans doute ? Quoi ! une personne comme vous seriez la femme d'un simple Paysan ? non, non, c'est profaner tant de beauté, et vous n'êtes pas née pour demeurer dans un Village ; vous méritez sans doute une meilleure fortune, et le Ciel qui le connaît bien m'a conduit ici tout exprès pour empêcher ce mariage, et rendre justice à vos charmes ; car enfin, belle Charlotte, je vous aime de tout mon cœur, et il ne tiendra qu'à vous que je ne vous arrache de ce lieu misérable, et ne vous mette dans l'état où vous méritez d'être ; cet amour est bien prompt sans doute ; mais quoi ! c'est un éclat, Charlotte, de votre grande beauté, et l'on vous aime autant en un quart d'heure qu'on ferait une autre en six mois. Je ne suis pas de ces gens-là. Moi j'aurais l'âme assez méchante pour abuser une personne comme vous ? je serais assez lâche pour vouloir vous déshonorer ? non, non, j'ai trop de conscience pour cela ; je vous aime Charlotte en tout bien et en tout honneur, et pour vous montrer que je vous dis vrai, sachez que je n'ai point d'autre dessein que de vous épouser. En voulez vous un plus grand témoignage ? m'y voilà prêt quand vous voudrez, et je prends à témoin l'homme que voilà de la parole que je vous donne. Eh Charlotte, je vois bien que vous ne me connaissez pas encore, vous me faites grand tort de juger de moi par les autres ; et s'il y a des fourbes dans le monde, des gens qui ne cherchent qu'à abuser des filles, vous devez me tirer du nombre, et ne pas mettre en doute la sincérité de ma foi ; et puis votre beauté vous assure de tout ; quand on est faite comme vous, on doit être à couvert de toutes ces sortes de créances ; vous n'avez point l'air, croyez-moi, d'une personne qu'on abuse, et pour moi, je vous l'avoue, je me percerais le cœur de mille coups si j'avais eu la moindre pensée de vous trahir. Lorsque vous me croyez, vous me rendez justice assurément, et je vous réitère encore la promesse que je vous ai faite, ne la croyez-vous pas ? et ne voulez-vous pas consentir à être ma femme ? Touchez donc là, Charlotte, que vous le voulez donc bien de votre part. Comment, il semble que vous doutiez encore de ma sincérité ! voulez-vous que je vous fasse des serments épouvantables ? que le Ciel. Donnez-moi donc un petit baiser pour gage de votre parole. Et bien, belle Charlotte, je veux tout ce que vous voulez, abandonnez-moi seulement votre main, et souffrez, que par cent baisers je lui exprime le ravissement où je suis. Qui m'amène cet Impertinent ? Ah que de bruit. Ah ! Heu. Qu'est-ce que vous dites ? Attends-moi un peu. Voyons cela. Houais. Ah je vous apprendrai. Te voilà payé de ta charité. Enfin je m'en vais être le plus heureux de tous les hommes, et je ne changerais pas mon bonheur à toutes les choses du monde : que de plaisirs, que de plaisirs, quand vous serez ma femme, et que ! Non, au contraire c'est elle qui me témoignait vouloir être ma femme, et je lui répondais que j'étais engagé à vous. Elle est jalouse de me voir vous parler, et voudrait bien que je l'épousasse, mais je lui ai dit que c'est vous que je veux. Tout ce que vous lui direz sera inutile, elle s'est mis cela en la tête. C'est en vain que vous lui parlerez, vous ne lui ôterez pas cette fantaisie. Il n'y a pas moyen de lui faire entendre raison. Elle est obstinée comme tous les Diables. Ne lui dites rien, c'est une folle. Laissez-la là, c'est une extravagante. Je gage qu'elle vous dira que je lui ai promis de l'épouser. Gageons qu'elle vous soutiendra que je lui ai donné parole de la prendre pour femme. Eh bien, que vous ai-je dit ? N'ai-je pas deviné. Vous vous raillez de moi. Pouvez vous avoir cette pensée. Laissez la faire. Laissez la dire. Que voulez-vous que je vous dise, vous soutenez également toutes deux que je vous ai promis de vous prendre pour femmes, est-ce que chacune de vous ne sait pas ce qui en est, sans qu'il soit nécessaire que je m'explique davantage. Pourquoi m'obliger là-dessus à des redites ? celle à qui j'ai promis effectivement n'a-t-elle pas en elle-même de quoi se moquer des discours de l'autre, et doit-elle se mettre en peine, pourvu que j'accomplisse ma promesse ? tous les discours n'avancent point les choses, il faut faire et non pas dire, et les effets décideront mieux que les paroles ; aussi n'est-ce rien que par là que je veux vous mettre d'accord, et l'on verra quand je me marierai laquelle des deux a mon cœur ; laissez-lui croire ce qu'elle voudra. je suis tout à vous. tous les visages sont laids auprès du vôtre. on ne peut plus souffrir les autres quand on vous a vue. J'ai un petit ordre à donner, je viens vous retrouver dans un quart d'heure. Je voudrais bien savoir pourquoi Sganarelle ne me suit pas. Oui. Sganarelle. Hon. Comment ? Une affaire pressante m'oblige de partir d'ici, mais je vous prie de vous ressouvenir de la parole que je vous ai donnée, et de croire que vous aurez de mes nouvelles, avant qu'il soit demain au soir ; Comme la partie n'est pas égale, il faut user de stratagème et éluder adroitement le malheur qui me cherche, je veux que Sganarelle se vête de mes habits et moi… Allons vite, c'est trop d'honneur que je vous fais, et bien heureux est le valet qui peut avoir la gloire de mourir pour son Maître. Il est vrai que te voilà bien, et je ne sais où tu as été déterrer cet attirail ridicule. Comment donc ? Tu leur as répondu, que tu n'y entendais rien. Et quels remèdes encore leur as-tu ordonnés ? Et pourquoi non, par quelle raison n'aurais-tu pas les mêmes privilèges qu'ont tous les autres Médecins ? Ils n'ont pas plus de part que toi aux guérisons des malades, et tout leur art est pure grimace, ils ne font rien que recevoir la gloire des heureux succès, et tu peux profiter comme eux du bonheur du malade, et voir attribuer à tes remèdes tout ce qui peut venir des faveurs du hasard, et des forces de la nature. C'est une des grandes erreurs qui soit parmi les hommes. Et pourquoi veux-tu que j'y croie ? Et quel ? Il réchappa ? L'effet est admirable. Et bien. Laissons cela. Eh. Oui, oui. Ah, ah, ah. La peste soit du fat. Ce que je crois. Je crois que deux et deux font quatre, Sganarelle et que quatre et quatre font huit. J'attends que ton raisonnement soit fini. Bon voilà ton raisonnement qui a le nez cassé. Mais tout en raisonnant, je crois que nous sommes égarés ; appelle un peu cet homme que voilà là-bas, pour lui demander le chemin. Je te suis obligé mon ami, et je te rends grâces de tout mon cœur. Ah, ah, ton avis est intéressé à ce que je vois. Eh prie le Ciel qu'il te donne un habit, sans te mettre en peine des affaires des autres. Quelle est ton occupation parmi ces arbres ? Il ne se peut donc pas que tu ne sois bien à ton aise ? Tu te moques, un homme qui prie le Ciel tout le jour ne peut pas manquer d'être bien dans ses affaires. Voilà qui est étrange, et tu es bien mal reconnu de tes soins ; ah, ah, je m'en vais te donner un louis d'or tout à l'heure pourvu que tu veuilles jurer. Tu n'as qu'à voir si tu veux gagner un louis d'or ou non, en voici un que je te donne si tu jures, tiens il faut jurer. À moins de cela tu ne l'auras pas. Prends, le voilà, prends te dis-je, mais jure donc. Va, va, je te le donne pour l'amour de humanité, mais que vois-je là ? un homme attaqué par trois autres ! la partie est trop inégale, et je ne dois pas souffrir cette lâcheté. Je n'ai rien fait, Monsieur, que vous n'eussiez fait à ma place, notre propre honneur est intéressé dans de pareilles aventures, et l'action de ces Coquins était si lâche que c'eût été y prendre part que de ne s'y pas opposer ; mais par quelle rencontre vous êtes-vous trouvé entre leurs mains ? Votre dessein est-il d'aller du côté de la ville ? On a cet avantage qu'on fait courir le même risque et passer mal aussi le temps, à ceux qui prennent fantaisie de nous venir faire une offense de gaieté de cœur ; mais ne serait-ce point une indiscrétion, que de vous demander quelle peut être votre affaire ? Le connaissez-vous, Monsieur, ce Don Juan, dont vous parlez ? Arrêtez, Monsieur, s'il vous plaît ; il est un peu un de mes amis, et ce serait à moi une espèce de lâcheté que d'en ouïr dire du mal. Au contraire, je vous y veux servir, et vous épargner des soins inutiles ; je suis ami de Don Juan, je ne puis pas m'en empêcher, mais il n'est pas raisonnable qu'il offense des Gentilshommes impunément, je m'engage à vous faire faire raison par lui. Toute celle que votre honneur peut souhaiter, et sans vous donner la peine de chercher Don Juan davantage, je m'oblige à le faire trouver au lieu que vous voudrez et quand il vous plaira. Je suis si attaché à Don Juan qu'il ne saurait se battre que je ne me batte aussi, mais enfin j'en réponds comme de moi-même, et vous n'avez qu'à dire quand vous voulez qu'il paraisse et vous donne satisfaction. Oui je suis Don Juan moi-même, et l'avantage du nombre ne m'obligera pas à vouloir déguiser mon nom. Je n'ai rien exigé de vous, et je vous tiendrai ce que j'ai promis. Holà, ho, Sganarelle. Comment coquin, tu fuis quand on m'attaque ? Peste soit l'insolent, couvre au moins ta poltronnerie d'un voile plus honnête ; sais-tu bien que celui à qui j'ai sauvé la vie est assez honnête homme, il en a bien usé, et j'ai regret d'avoir du démêlé avec lui. Oui, mais ma passion est usée pour Done Elvire et l'engagement ne compatit point avec mon humeur ; j'aime la liberté en amour, tu le sais, et je ne saurais me résoudre à renfermer mon cœur entre quatre murailles, je te l'ai dit vingt fois, j'ai une pente naturelle à me laisser aller à tout ce qui m'attire, mon cœur est à toutes les belles, et c'est à elles à le prendre tour à tour, et à le garder tant qu'elles pourront ; mais quel est le superbe édifice que je vois entre ces arbres. Non vraiment. Ah, tu as raison, je ne songeais pas que c'était de ce côté qu'il était, tout le monde m'a dit des merveilles de cet ouvrage, aussi bien que de la statue du Commandeur, et j'ai envie de l'aller voir. Pourquoi ? Au contraire, c'est une visite dont je lui veux faire civilité, et qu'il doit recevoir de bonne grâce, s'il est galant homme ; allons, entrons dedans. Qu'on ne peut voir aller plus loin l'ambition d'un homme mort, et ce que je trouve d'admirable c'est qu'un homme qui s'est passé durant sa vie d'une assez simple demeure, en veuille avoir une si magnifique quand il n'en a plus que faire. Parbleu le voilà beau, avec son habit d'Empereur Romain. Il aurait tort, et ce serait mal recevoir l'honneur que je lui fais ; demande-lui s'il veut venir souper avec nous. Demande-lui te dis-je. Fais ce que je te dis. Qu'est-ce ? qu'as-tu ? dis donc ? veux tu parler ? Et bien, que veux-tu dire, traître ? Et bien la statue, je t'assomme si tu ne parles. La peste le Coquin. Viens, maraud, viens, je te veux bien faire toucher au doigt ta Poltronnerie, prends garde ; Le Seigneur Commandeur voudrait-il venir souper avec moi ? Allons, sortons d'ici. Quoiqu'il en soit laissons cela, c'est une bagatelle, et nous pouvons avoir été trompés par un faux jour, ou surpris de quelque vapeur qui nous ait troublé la vue. Écoute, si tu m'importunes davantage de tes sottes moralités, si tu me dis encore le moindre mot là-dessus, je vais appeler quelqu'un, demander un nerf de bœuf ; te faire tenir par trois ou quatre, et te rouer de mille coups ; m'entends-tu bien ? Allons, qu'on me fasse souper le plus tôt qu'on pourra, une chaise, petit garçon. Non, au contraire, faites-le entrer, c'est une fort mauvaise politique que de se faire celer aux créanciers ; il est bon de les payer de quelque chose, et j'ai le secret de les renvoyer satisfaits sans leur donner un double. Ah, Monsieur Dimanche, approchez ; que je suis ravi de vous voir, et que je veux de mal à mes gens de ne vous pas faire entrer d'abord ; j'avais donné ordre qu'on ne me fît parler à personne, mais cet ordre n'est pas pour vous, et vous êtes en droit de ne trouver jamais de porte fermée chez moi. Parbleu, Coquins, je vous apprendrai à laisser Monsieur Dimanche dans une antichambre, et je vous ferai connaître les gens. Comment ? vous direz que je n'y suis pas à Monsieur Dimanche, au meilleur de mes amis ? Allons, vite, un siège pour Monsieur Dimanche. Point, point, je veux que vous soyez assis comme moi. Ôtez ce pliant, et apportez un fauteuil. Non, non, je sais ce que je vous dois, et je ne veux point qu'on mette de différence entre nous deux. Mettez-vous là vous dis-je. Non, je ne vous écoute point si vous n'êtes assis. Parbleu, Monsieur Dimanche, vous vous portez bien. Vous avez un fond de santé admirable, des lèvres fraîches, un teint vermeil, et des yeux vifs. Comment se porte Madame Dimanche votre épouse ? C'est une brave femme. Et votre petite fille Claudine, comment se porte-t-elle ? La Jolie petite fille que c'est, je l'aime de tout mon cœur. Et le petit Colin fait toujours bien du bruit avec son tambour ? Et votre petit chien brusquet, gronde-t-il toujours aussi fort, et mord-il toujours bien aux jambes les gens qui vont chez vous ? Ne vous étonnez pas, si je m'informe des nouvelles de votre famille, car j'y prends beaucoup d'intérêt. Touchez donc là Monsieur Dimanche, êtes-vous bien de mes amis ? Parbleu je suis à vous de tout mon cœur. Il n'y a rien que je ne fasse pour vous. Et cela sans intérêt, je vous prie de le croire. Oh çà, sans façon, Monsieur Dimanche, voulez vous souper avec moi ? Allons, vite, un flambeau pour conduire Monsieur Dimanche, et que quatre ou cinq de mes gens prennent des mousquetons pour l'escorter. Comment ? je veux que l'on vous escorte, et je m'intéresse trop à votre personne, je suis votre serviteur, et de plus votre débiteur. C'est une chose que je ne cache pas, et je le dis à tout le monde. Voulez vous que je vous reconduise. Embrassez-moi donc, s'il vous plaît ; je vous prie encore une fois d'être persuadé que je suis tout à vous, et qu'il n'y a rien au monde que je ne fasse pour votre service. Ah me voici bien ! il me fallait cette visite pour me faire enrager. Monsieur, si vous étiez assis, vous en seriez bien mieux pour parler. Eh mourez, le plus tôt que vous pourrez, c'est le mieux que vous puissiez faire ; il faut que chacun vive son tour, et j'enrage de voir que des Pères vivent autant que leurs fils. J'ai tort. J'ai tort. Me fera-t-on souper bientôt ? Que pourrait-ce être ? Tu pleures, je pense. Madame il est tard, demeurez ici, on vous y logera le mieux que l'on pourra. Madame, vous me ferez plaisir de demeurer ici, je vous assure. Sais-tu bien que j'ai encore senti quelque peu d'émotion pour elle, que j'ai trouvé de l'agrément dans cette nouveauté bizarre, et que son habit négligé, son air languissant et ses larmes ont réveillé en moi quelques petits restes de feu éteint ? Vite à souper. Sganarelle, il faut songer à s'amender pourtant. Oui ma foi, il faut s'amender encor vingt ou trente ans de cette vie-ci, et puis nous songerons à nous. Qu'en dis-tu ? Il semble que tu as la joue enflée ; qu'est-ce que c'est, parle donc, qu'as-tu là ? Montre un peu, parbleu c'est une fluxion qui lui est tombée sur la joue, vite une lancette pour percer cela, le pauvre garçon n'en peut plus, cet abcès le pourrait étouffer, attends voici comme il était mûr, ah coquin que vous êtes. Allons mets-toi là, mange, j'ai affaire de toi quand j'aurai soupé, tu as faim à ce que je vois. Qui peut frapper de cette sorte ? Je veux souper en repos au moins, et qu'on ne laisse entrer personne. Qu'est-ce donc, qu'y a-t-il là. Allons voir, et montrons que rien ne me saurait ébranler. Une chaise et un couvert, vite donc, allons, mets-toi à table. Mets-toi là te dis-je, à boire à la Santé du Commandeur, je te la porte Sganarelle, qu'on lui donne du vin. Bois, et chante la chanson pour régaler le Commandeur. Il n'importe, allons, vous autres venez, accompagnez sa voix. Oui j'irai accompagné du seul Sganarelle. Prends ce flambeau. Oui, vous me voyez revenu de toutes mes erreurs, je ne suis plus le même d'hier au soir, et le Ciel tout d'un coup a fait un changement qui va surprendre tout le monde, il a touché mon âme et dessillé mes yeux, et je regarde avec horreur le long dérèglement où j'ai été, et les désordres criminels de la vie que j'ai menée ; j'en repasse dans mon esprit toutes les abominations, et m'étonne comme le Ciel les a pu souffrir si longtemps, et n'a pas vingt fois sur ma tête laissé tomber les coups de sa justice redoutable ; je vois les grâces que sa bonté m'a faites en ne punissant point mes crimes, et je prétends en profiter comme je dois, faire éclater aux yeux de tout le monde un soudain changement de vie, réparer le scandale de mes actions passées, et m'efforcer d'en obtenir du Ciel une pleine rémission ; c'est à quoi je vais travailler, et je vous prie, Monsieur, de vouloir bien contribuer à ce dessein, et de m'aider vous-même à faire un choix d'une personne qui me serve de guide, et sous la conduite de qui je puisse marcher sûrement dans le chemin où je vais entrer. La peste le benêt. Quoi, tu prends pour de bon argent ce que je viens de dire, et tu crois que ma bouche est d'accord avec mon cœur ? Non, non, je ne suis point changé, et mes sentiments sont toujours les mêmes. Il y a bien quelque chose là-dedans que je ne comprends pas ; mais quoi que ce puisse être, cela n'est pas capable ni de convaincre mon esprit ni d'ébranler mon âme, et si j'ai dit que je voulais corriger ma conduite, et me jeter dans un train de vie exemplaire, c'est un dessein que j'ai formé par politique, un stratagème utile, une grimace nécessaire où je veux me contraindre pour en ménager un père dont j'ai besoin, et me mettre à couvert du côté des hommes de cent fâcheuses aventures qui pourraient m'arriver ; je veux bien Sganarelle t'en faire confidence, et je suis bien aise d'avoir un témoin du fond de mon âme, et des véritables motifs qui m'obligent à faire les choses. Eh pourquoi non ? il y en a tant d'autres comme moi, qui se mêlent de ce métier, et qui se servent du même masque pour abuser le monde. Il n'y a plus de honte maintenant à cela, l'hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour des vertus, le personnage d'homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu'on puisse jouer, aujourd'hui la profession d'hypocrite a de merveilleux avantages, c'est un art de qui l'imposture est toujours respectée, et quoiqu'on la découvre on n'ose rien dire contre elle, tous les autres vices des hommes sont exposés à la censure, et chacun a la liberté de les attaquer hautement, mais l'hypocrisie est un vice privilégié qui de sa main ferme la bouche à tout le monde, et jouit en repos d'une impunité souveraine ; on lie à force de grimaces une société étroite avec tous les gens du parti, qui en choque un se les jette tous sur les bras, et ceux que l'on sait même agir de bonne foi là-dessus et que chacun connaît pour être véritablement touchés, ceux-là dis-je sont toujours les dupes des autres, ils donnent hautement dans le panneau des grimaciers, et appuient aveuglement les singes de leurs actions : combien crois-tu que j'en connaisse qui par ce stratagème ont rhabillé adroitement les désordres de leur jeunesse, qui se sont fait un bouclier du manteau de la religion, et sous cet habit respecté ont permission d'être les plus méchants hommes du monde ; on a beau savoir leurs intrigues et les connaître pour ce qu'ils sont, ils ne laissent pas pour cela d'être en crédit parmi les gens, et quelque baissement de tête, un soupir mortifié et deux roulements d'yeux rajustent dans le monde tout ce qu'ils peuvent faire ; c'est sous cet abri favorable que je veux me sauver et mettre en sûreté mes affaires, je ne quitterai point mes douces habitudes, mais j'aurai soin de me cacher et me divertirai à petit bruit, que si je viens à être découvert, je verrai sans me remuer prendre mes intérêts à toute la cabale, et je serai défendu par elle envers et contre tous ; enfin c'est le vrai moyen de faire impunément tout ce que je voudrai, je m'érigerai en censeur des actions d'autrui, je jugerai mal de tout le monde et n'aurai bonne opinion que de moi ; dès qu'une fois on m'aura choqué tant soit peu je ne pardonnerai jamais, et garderai tout doucement une haine irréconciliable ; je ferai le vengeur des intérêts du Ciel, et sous ce prétexte commode je pousserai mes ennemis, je les accuserai d'impiété, et saurai déchaîner contre eux des Zélés indiscrets qui sans connaissance de cause crieront en public après eux, qui les accableront d'injures, et les damneront hautement de leur autorité privée, c'est ainsi qu'il faut profiter des faiblesses des hommes, et qu'un sage esprit s'accommode aux vices de son siècle. Ô beau raisonnement ! Hélas ! je voudrais bien de tout mon cœur vous donner la satisfaction que vous souhaitez, mais le Ciel s'y oppose directement, et il a inspiré à mon âme de changer de vie, et je n'ai point d'autre pensée maintenant que de quitter entièrement tous les attachements du monde, de me dépouiller au plus tôt de toutes sortes de vanités, et de corriger désormais, par une austère conduite tous les dérèglements criminels où m'a porté le feu d'une aveugle jeunesse. Hélas, point du tout, c'est un dessein que votre sœur elle-même a pris ; elle a résolu sa retraite, et nous avons été touchés tous deux en même temps. Je vous assure que cela ne se peut, j'en avais pour moi toutes les envies du monde, et je me suis même encore aujourd'hui conseillé au Ciel pour cela ; mais lorsque je l'ai consulté j'ai entendu une voix qui m'a dit que je ne devais point songer à votre sœur, et qu'avec elle assurément je ne ferais point mon salut. J'obéis à la voix du Ciel. C'est le Ciel qui le veut ainsi. Le Ciel l'ordonne de la sorte. Prenez-vous-en au Ciel. Le Ciel le souhaite comme cela. Vous ferez ce que vous voudrez, vous savez que je ne manque point de cœur, et que je sais me servir de mon épée quand il le faut, je m'en vais passer tout à l'heure dans cette petite rue écartée qui mène au grand convent, mais je vous déclare pour moi que ce n'est pas moi qui me veux battre ; le Ciel m'en défend la pensée, et si vous m'y attaquez nous verrons ce qui en arrivera. Va va, le Ciel n'est pas si exact que tu penses, et si toutes les fois que les hommes… Si le Ciel me donne un avis, il faut qu'il parle plus clairement s'il veut que je l'entende. Qui ose tenir ces paroles, je crois connaître cette voix. Spectre, fantôme, ou Diable je veux voir ce que c'est. Non, non, rien n'est capable de m'imprimer de la terreur, et je veux éprouver avec mon épée si c'est un corps ou un esprit. Non, non, il ne sera pas dit que quoi qu'il arrive je sois capable de me repentir allons suis-moi. Oui, où faut il aller ? La voilà Ô Ciel que sens-je ? un feu invisible me brûle, je n'en puis plus et tout mon corps devient… **** *creator_moliere *book_moliere_festindepierre *style_prose *genre_comedy *dist1_moliere_prose_comedy_festindepierre *dist2_moliere_prose_comedy *id_don-louis *date_1665 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_donlouis Je vois bien que je vous embarrasse, et que vous vous passeriez fort aisément de ma venue : à dire vrai nous nous incommodons étrangement l'un l'autre, et si vous êtes las de me voir, je suis bien las aussi de vos déportements ; hélas ! que nous savons peu ce que nous faisons, quand nous ne laissons pas au Ciel le soin des choses qu'il nous donne, quand nous voulons être plus avisés que lui, et que nous venons à l'importuner par nos souhaits aveugles et nos demandes inconsidérées ! j'ai souhaité un fils avec des ardeurs nonpareilles, je l'ai demandé sans relâche avec des transports incroyables ; et ce fils, que j'obtiens en fatiguant le Ciel de vœux, est le chagrin et le supplice de cette même vie dont je croyais qu'il devait être la joie et la consolation : De quel œil, à votre avis, pensez-vous que je puisse voir cet amas d'actions indignes, dont on a peine aux yeux du monde d'adoucir le mauvais visage ? cette suite continue de méchantes affaires, qui nous réduisent à toute heure à lasser la bonté du Souverain, et qui ont épuisé auprès de lui le mérite de mes services et le crédit de mes amis ? ah quelle bassesse est la vôtre ! ne rougissez-vous point de mériter si peu votre naissance ; êtes-vous en droit, dites-moi, d'en tirer quelque vanité ? et qu'avez vous fait dans le monde pour être Gentilhomme ? croyez-vous qu'il suffise d'en porter le nom et les armes, et que ce nous soit une gloire d'être sorti d'un sang noble, lors que nous vivons en infâmes ? non, non, la naissance n'est rien où la vertu n'est pas ; ainsi nous n'avons part à la gloire de nos ancêtres qu'autant que nous nous efforçons de leur ressembler, et cet éclat de leurs actions qu'ils répandent sur nous, nous impose un engagement de leur faire le même honneur, de suivre les pas qu'ils nous tracent, et de ne point dégénérer de leurs vertus, si nous voulons être estimés leurs véritables descendants. Ainsi vous descendez en vain des aïeux dont vous êtes né, ils vous désavouent pour leur sang, et tout ce qu'ils ont fait d'illustre ne vous donne aucun avantage ; au contraire l'éclat n'en rejaillit sur nous qu'à notre déshonneur, et leur gloire est un flambeau qui éclaire aux yeux d'un chacun la honte de vos actions. Apprenez encore qu'un Gentilhomme qui vit mal, est un monstre dans la nature, que la vertu est le premier titre de noblesse, que je regarde bien moins au nom qu'on signe, qu'aux actions qu'on fait, et que je ferais plus d'état d'un fils d'un crocheteur qui serait honnête homme, que du fils d'un Monarque qui vivrait comme vous. Non, insolent, je ne veux point m'asseoir ni parler davantage, et je vois bien que toutes mes paroles ne font rien sur ton âme ; mais sache, fils indigne, que la tendresse paternelle est poussée à bout par tes actions, que je saurais plutôt que tu ne penses mettre cette borne à tes dérèglements, prévenir sur toi le courroux du Ciel, et laver par ta punition la honte de t'avoir fait naître. Quoi, mon fils, serait-il possible que la bonté du Ciel eût exaucé mes vœux ? ce que vous me dites est il bien vrai ? ne m'abusez-vous point d'un faux espoir, et puis-je prendre quelque assurance sur la nouveauté surprenante d'une telle conversion ? Ah mon fils, que la tendresse d'un père est facilement rappelée, et que les offenses d'un fils s'évanouissent vite au moindre mot de repentir ! je ne me souviens plus déjà de tous les déplaisirs que vous m'avez donnés, et tout est effacé par les paroles que vous venez de me faire entendre ; je ne me sens pas, je l'avoue, je jette des larmes de joie, tous mes vœux sont satisfaits, et je n'ai plus rien désormais à demander au Ciel ; embrassez-moi et persistez je vous conjure dans cette louable pensée ; pour moi je m'en vais tout de ce pas porter l'heureuse nouvelle à votre mère, partager avec elle les doux transports de ravissement où je suis, et rendre grâce au Ciel des saintes résolutions qu'il a daigné vous inspirer. **** *creator_moliere *book_moliere_festindepierre *style_prose *genre_comedy *dist1_moliere_prose_comedy_festindepierre *dist2_moliere_prose_comedy *id_done-elvire *date_1665 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_doneelvire Me feriez-vous la grâce, Don Juan, de vouloir bien me reconnaître, et puis-je au moins espérer que vous daigniez tourner le visage de ce côté ? Oui, je vois bien que vous ne m'attendiez pas, et vous êtes surpris à la vérité, mais tout autrement que je ne l'espérais, et la manière dont vous le paraissez me persuade pleinement ce que je refusais de croire ; j'admire ma simplicité, et la faiblesse de mon cœur, à douter d'une trahison que tant d'apparences me confirmaient : j'ai été assez bonne, je le confesse, ou plutôt assez sotte pour vouloir me tromper moi-même, et travailler à démentir mes yeux et mon jugement. J'ai cherché des raisons pour excuser à ma tendresse le relâchement d'amitié qu'elle voyait en vous, et je me suis forgé exprès cent sujets légitimes d'un départ si précipité, pour vous justifier du crime dont ma raison vous accusait. Mes justes soupçons, chaque jour, avaient beau me parler, j'en rejetais la voix qui vous rendait criminel à mes yeux, et j'écoutais avec plaisir mille chimères ridicules qui vous peignaient innocent à mon cœur ; mais enfin cet abord ne me permet plus de douter, et le coup d'œil qui m'a reçue m'apprend bien plus de choses que je ne voudrais en savoir : Je serai bien aise pourtant d'ouïr de votre bouche les Raisons de votre départ. Parlez Don Juan je vous prie, et voyons de quel air vous savez vous justifier. Et bien Sganarelle, parlez, il n'importe de quelle bouche j'entende ces raisons. Approchez, puis qu'on le veut ainsi, et me dites un peu les causes de ce départ si prompt. Quoi. Vous plaît-il, Don Juan, nous éclaircir ces beaux mystères. Ah, que vous savez mal vous défendre, pour un homme de Cour et qui doit être accoutumé à ces sortes de choses, j'ay pitié de vous voir la confusion que vous avez ; que ne vous armez-vous le front d'une noble effronterie ? que ne me jurez vous que vous êtes toujours dans les mêmes sentiments pour moi, que vous m'aimez toujours avec une ardeur sans égale, et que rien n'est capable de vous détacher de moi que la mort ? que ne me dites vous que des affaires de la dernière conséquence vous ont obligé à partir sans m'en donner avis, qu'il faut que malgré vous vous demeuriez ici quelque temps, et que je n'ai qu'à m'en retourner d'où je viens, assurée que vous suivez mes pas le plus tôt qu'il vous sera possible, puisque il est très certain que vous brulez de me rejoindre, et qu'éloigné de moi vous souffrez ce que souffre un corps qui est séparé de son âme ; voilà comme il faut vous défendre, et non pas être interdit comme vous êtes. Ah scélérat, c'est maintenant que je te connais tout entier, et pour mon malheur je te connais lors qu'il n'en est plus temps, et qu'une telle connaissance ne peut plus me servir qu'à me désespérer ; mais sache que ton crime ne demeurera pas impuni, et que le même Ciel dont tu te joues, me saura venger de ta perfidie. Il suffit, je n'en veux pas ouïr davantage, et je m'accuse moi-même d'en avoir trop entendu, c'est une lâcheté que de se faire expliquer trop sa honte, et sur de tels sujets, un noble cœur, au premier mot, doit prendre son parti ; n'attends pas que j'éclate ici en reproche et en injures, non, non, je n'ai point un courroux à exhaler une parole vaine, et toute sa chaleur se réserve pour ma vengeance ; je te le dis encore, le Ciel te punira, perfide, de l'outrage que tu me fais, et si le Ciel n'a rien que tu puisses appréhender, appréhende au moins la colère d'une femme offensée. Ne soyez point surpris Don Juan de me voir à cette heure, et dans cet équipage ; C'est un motif pressant qui m'oblige à cette visite, et ce que j'ai à vous dire ne veut point du tout de retardement ; je ne viens point ici pleine de courroux, que j'ai tantôt fait éclater, et vous me voyez bien changée de ce que j'étais ce matin ; ce n'est plus cette Done Elvire qui faisait des vœux contre vous, et dont l'âme irritée ne jetait que menaces, et ne respirait que vengeance : le Ciel a banni de mon âme toutes ces indignes ardeurs que je sentais pour vous, tous ces transports tumultueux d'un attachement criminel, tous ces honteux emportements d'un amour terrestre, et grossier, et il n'a laissé dans mon cœur pour vous, qu'une flamme épurée de tout le commerce des sens, une tendresse toute sainte, un amour détaché de tout, qui n'agit point pour soi, et ne se met en peine que de votre intérêt. C'est ce parfait et pur amour qui me conduit ici pour votre bien, pour vous faire part d'un avis du Ciel, et tâcher de vous retirer du précipice où vous courez ; oui Don Juan je sais tous les dérèglements de votre vie, et ce même Ciel qui m'a touché le cœur, et fait jeter les yeux sur les égarements de ma conduite, m'a inspiré de vous venir trouver, et de vous dire de sa part, que vos offenses ont épuisé sa miséricorde, que sa colère redoutable est prête de tomber sur vous, qu'il est en vous de l'éviter par un prompt repentir ; et que peut-être vous n'avez pas encore un jour à vous, pour vous soustraire au plus grand de tous les malheurs ; pour moi je ne tiens plus à vous par un attachement du monde, je suis revenue, grâce au Ciel, de toutes mes folles pensées ; ma retraite est résolue et je ne demande qu'assez de vie pour pouvoir expier la faute que j'ai faite, et mériter, par une austère pénitence, le pardon de l'aveuglement où m'ont plongée les transports d'une passion condamnable : mais dans cette retraite j'aurai une douleur extrême qu'une personne, que j'ai chérie tendrement, devînt un exemple funeste de la justice du Ciel, et ce me sera une joie incroyable, si je puis vous y porter et détourner de dessus votre tête l'épouvantable coup qui vous menace. De grâce Don Juan accordez-moi pour dernière faveur cette douce consolation, ne me refusez point votre salut, que je vous demande avec larmes ; et si vous n'êtes point touché de votre intérêt, soyez-le au moins de mes prières, et m'épargnez le cruel déplaisir de vous voir condamné à des supplices éternels. Je vous ai aimé avec une tendresse extrême, rien au monde ne m'a été si cher que vous, j'ai oublié mon devoir pour vous, j'ai fait toutes choses pour vous ; et toute la récompense que je vous demande c'est de corriger votre vie, et de prévenir votre perte. Sauvez-vous je vous prie, ou pour l'amour de moi, ou pour l'amour de vous. Encore une fois Don Juan, je vous le demande avec larmes, et si ce n'est assez des larmes d'une personne que vous avez aimée, je vous en conjure par tout ce qu'il y a de plus capable pour vous toucher. Je m'en vais après ces discours, et voilà tout ce que j'avais à vous dire. Non Don Juan, ne me retenez pas davantage. Non vous dis-je, ne perdons point de temps en discours superflus, laissez-moi vite aller, ne faites aucune instance pour me conduire, et songez seulement à profiter de mon avis. **** *creator_moliere *book_moliere_festindepierre *style_prose *genre_comedy *dist1_moliere_prose_comedy_festindepierre *dist2_moliere_prose_comedy *id_don-alonse *date_1665 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_donalonse Faites boire là nos chevaux, et qu'on les amène après nous, je veux un peu marcher à pied. Ô Ciel que vois-je ici ! quoi, mon frère, vous voilà avec notre ennemi mortel ! Ah traître, il faut que tu périsses et… Tous les discours sont superflus, il faut qu'il meure. Quoi, vous prenez le parti de notre ennemi contre moi ? et loin d'être saisi, à son aspect, des mêmes transports que je sens, vous faites voir pour lui des sentiments pleins de douceur ? Ah l'étrange faiblesse, et l'aveuglement effroyable de hasarder ainsi les intérêts de son honneur pour la ridicule pensée d'une obligation chimérique ! **** *creator_moliere *book_moliere_festindepierre *style_prose *genre_comedy *dist1_moliere_prose_comedy_festindepierre *dist2_moliere_prose_comedy *id_don-carlos *date_1665 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_doncarlos On voit par la fuite de ces voleurs de quel secours est votre bras, Monsieur ; que je vous rends grâce d'une action si généreuse et que… Je m'étais par hasard écarté d'un frère et de tous ceux de notre suite, et comme je cherchais à les rejoindre j'ai fait rencontre de ces voleurs qui d'abord ont tué mon cheval, et qui sans votre valeur en auraient fait autant de moi. Oui, mais sans y vouloir entrer, et nous nous voyons obligés, mon frère et moi, à tenir la campagne pour une de ces fâcheuses affaires qui réduisent les Gentilshommes à se sacrifier eux et leur famille à la sévérité de leur honneur, puisque enfin le plus doux succès en est toujours funeste, et que si l'on ne quitte pas la vie on est contraint de quitter le Royaume, et c'est en quoi je trouve la condition d'un Gentilhomme malheureuse de ne pouvoir point s'assurer sur toute la prudence et toute l'honnêteté de sa condition, d'être asservi par les lois de l'honneur au dérèglement de la conduite d'autrui, et de voir sa vie, son repos et ses biens dépendre de la fantaisie du premier téméraire qui s'avisera de lui faire une de ces injures pour qui un honnête homme doit périr. La chose en est aux termes de n'en plus faire de secret, et lors que l'injure a une fois éclaté notre honneur ne va point à vouloir cacher notre honte, mais à faire éclater notre vengeance et à publier même le dessein que nous en avons ; ainsi, Monsieur, je ne feindrai point de vous dire que l'offense que nous cherchons à venger, est une sœur séduite et enlevée d'un convent, et que l'auteur de cette offense est un Don Juan Tenorio, fils de Don Louis Tenorio ; nous le cherchons depuis quelques jours et nous l'avons suivi ce matin sur le rapport d'un valet qui nous a dit qu'il sortait à cheval accompagné de quatre ou cinq, et qu'il avait pris le long de ce côté, mais tous nos soins ont été inutiles et nous n'avons pu découvrir ce qu'il est devenu. Non, quant à moi je ne l'ai jamais vu, et je l'ai seulement ouï dépeindre à mon frère ; mais la Renommée n'en dit pas force bien, et c'est un homme dont la vie… Pour l'amour de vous, Monsieur, je n'en dirai rien du tout, et c'est bien la moindre chose que je vous doive, après m'avoir sauvé la vie, que de me taire devant vous d'une personne que vous connaissez, lorsque je ne puis en parler sans en dire du mal ; mais quelque ami que vous lui soyez, j'ose espérer que vous n'approuverez pas son action, et ne trouverez pas étrange que nous cherchions d'en prendre la vengeance. Et quelle raison peut-on faire à ces sortes d'injures. Cet espoir est bien doux, Monsieur, à des cœurs offensés ; mais après ce que je vous dois ce me serait une trop sensible douleur que vous fussiez de la partie. Que ma destinée est cruelle ! faut il que je vous doive la vie, et que Don Juan soit de vos amis ! De grâce, mon frère. Arrêtez vous dis-je, mon frère, je ne souffrirai point du tout qu'on attaque ses jours et je jure le Ciel que je le défendrai ici contre qui que ce soit, je saurai lui faire un rempart de cette même vie qu'il a sauvée, et pour adresser vos coups il faudra que vous me perciez. Mon frère, montrons de la modération dans une action légitime, et ne vengeons point notre honneur avec cet emportement que vous témoignez ; ayons du cœur dont nous soyons les maîtres, une valeur qui n'ait rien de farouche, et qui se porte aux choses par une pure délibération de notre raison, et non point par le mouvement d'une aveugle colère ; je ne veux point mon frère demeurer redevable à mon ennemi, et je lui ai une obligation dont il faut que je m'acquitte avant toute chose : notre vengeance, pour être différée n'en sera pas moins éclatante, au contraire elle en tirera de l'avantage, et cette occasion de l'avoir pu prendre, la fera paraître plus juste aux yeux de tout le monde. Non mon frère, ne vous mettez pas en peine, si je fais une faute, je saurai la réparer ; je me charge de tout le soin de notre honneur, je sais à quoi il nous oblige, et cette suspension d'un jour que ma reconnaissance lui demande, ne fera qu'augmenter l'ardeur que j'ai de le satisfaire. Don Juan, vous voyez que j'ai soin de vous rendre le bien que j'ai reçu de vous, et vous pouvez par là juger du reste, et croire que je m'acquitte avec même chaleur de tout ce que je dois, et que je ne serai pas moins exact à vous payer l'injure que le bienfait ; je ne veux point vous obliger à m'expliquer ici vos sentiments, et je vous donne la liberté de penser à loisir aux résolutions que vous avez à prendre ; vous connaissez assez la grandeur de l'offense que vous nous avez faite, et je vous fais juge vous-même des réparations qu'elle demande : il est des moyens doux pour nous satisfaire, il en est de violents et sanglants ; mais enfin, quelque choix que vous fassiez, vous m'avez donné parole de me faire faire raison par Don Juan, songez à me la tenir je vous prie, et vous ressouvenez que hors d'ici je ne dois plus qu'à mon honneur. Allons, mon frère, un moment de douceur ne fait aucune injure à la sévérité de notre devoir. Don Juan je vous trouve à propos, et suis bien aise de vous parler ici plutôt que chez vous, pour vous demander vos résolutions ; vous savez que ce soin me regarde, et que je me suis en votre présence chargé de cette affaire, pour moi je ne le cèle point, je souhaite fort que les choses aillent dans la douceur, et il n'y a rien que je ne fasse pour porter votre esprit à vouloir prendre cette voie, et pour vous voir publiquement à ma sœur confirmer le nom de votre femme. Ce dessein, Don Juan, ne choque point ce que je dis et la compagnie d'une femme légitime peut bien s'accommoder avec les louables pensées que le Ciel vous inspire. Sa retraite ne peut nous satisfaire, pouvant être imputée au mépris que vous faites d'elle et de notre famille, et notre honneur demande qu'elle vive avec vous. Croyez-vous, Don Juan, nous éblouir par ces belles excuses ? Quoi, vous voulez que je me paie d'un semblable discours ? Vous aurez fait sortir ma sœur d'un couvent pour la laisser ensuite ? Nous souffrirons cette tache en notre famille ? Eh quoi, toujours le Ciel ? Il suffit Don Juan, je vous entends, ce n'est pas ici que je veux venir vous prendre, et le lieu ne le souffre pas, mais avant qu'il soit peu je saurai vous trouver. Nous verrons de vrai, nous verrons. **** *creator_moliere *book_moliere_festindepierre *style_prose *genre_comedy *dist1_moliere_prose_comedy_festindepierre *dist2_moliere_prose_comedy *id_gusman *date_1665 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_valet *role_gusman Et la raison encore, dis-moi je te prie Sganarelle, qui peut t'inspirer de si mauvais augure ? ton Maître t'a-t-il découvert son cœur là-dessus, et t'a t-il dit qu'il eût pour nous quelque froideur qui l'ait obligé à partir ? Quoi ! ce départ si peu prévu serait une infidélité de Don Juan ! il pourrait faire cette injure aux chastes feux de Done Elvire ! Un homme de sa qualité ferait une action si lâche. Mais les saints nœuds du mariage le tiennent engagé. Je ne sais pas de vrai quel homme il peut être, s'il faut qu'il nous ait fait cette perfidie, et je ne comprends point comme après tant d'amour et tant d'impatience témoignée, tant d'hommages pressants, de vœux, de soupirs, et de larmes, tant de lettres passionnées, de protestations ardentes et de serments réitérés, tant de transports enfin, et tant d'emportements qu'il a fait paraître, jusques à forcer dans sa passion l'obstacle sacré d'un Convent pour mettre Done Elvire en sa puissance, je ne comprends pas, dis-je, comme après tout cela il aurait le cœur de pouvoir manquer à sa parole. **** *creator_moliere *book_moliere_festindepierre *style_prose *genre_comedy *dist1_moliere_prose_comedy_festindepierre *dist2_moliere_prose_comedy *id_sganarelle *date_1665 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_valet *role_sganarelle Quoique puisse dire Aristote et toute la Philosophie, il n'est rien d'égal au Tabac, c'est la passion des honnêtes gens, et qui vit sans tabac n'est pas digne de vivre ; non seulement il réjouit et purge les cerveaux humains, mais encore il instruit les âmes à la vertu, et leur apprend avec lui à demeurer honnête homme ; Ne voyez vous pas bien, dès qu'on en prend, de quelle manière obligeante on en use avec tout le monde, et comme on est ravi d'en donner à droite et à gauche, partout où l'on se trouve ? On n'attend pas même qu'on en demande, et l'on court au-devant du souhait des gens, tant il est vrai que le tabac inspire des sentiments d'honneur et de vertu à tous ceux qui en prennent : Mais c'est assez de cette matière ; reprenons notre discours. Si bien donc, cher Gusman que Done Elvire, ta Maîtresse, surprise de notre départ, s'est mise en campagne après ; et son cœur, que mon Maître a su toucher trop fortement, n'a pu depuis vivre sans le venir chercher ici ; Veux-tu qu'entre nous, je te dise ma pensée, j'ai peur qu'elle soit mal payée de son amour, que son voyage en cette ville produise peu de fruit, et que vous eussiez autant gagné à ne bouger de là. Non pas, mais à vue de pays je connais à peu près le train des choses, et sans qu'il m'ait encore rien dit, je gagerais presque que l'affaire va là. Je pourrais peut-être me tromper, mais enfin sur de tels sujets l'expérience m'a donné quelque lumière. Non, c'est qu'il est trop sûr encore qu'il n'a pas le courage. Eh ! oui, sa qualité, la raison en est belle, et c'est par là qu'il s'empêcherait des choses. Eh ! mon pauvre Gusman, mon ami, tu ne sais pas encore, crois-moi, quel homme c'est Don Juan. Je n'ai pas grande peine à le comprendre moi, et si tu connaissais le pèlerin, tu trouverais la chose assez facile pour lui ; je ne dis pas qu'il ait changé de sentiments pour Done Elvire, je n'en ai point de certitude encore ; tu sais que par son ordre je partis avant lui, et depuis son arrivée, il ne m'a point entretenu ; mais par précaution je t'apprends inter nos, que tu vois en Don Juan mon Maître le plus grand scélérat que la terre ait jamais porté, un enragé, un chien, un Diable, un Turc, un hérétique, qui ne croit ni Ciel ni Saint, ni Dieu, ni loup-garou, qui passe cette vie en véritable bête brute, en pourceau d'Épicure, en vrai Sardanapale, ferme l'oreille à toutes les remontrances Chrétiennes qu'on lui peut faire, et traite de billevesées tout ce que nous croyons ; tu me dis qu'il a épousé ta Maitresse, crois qu'il aurait plus fait pour contenter sa passion, et qu'avec elle il aurait encore épousé toi, son chien et son chat ; un mariage ne lui coûte rien à contracter, il ne se sert point d'autre piège pour attraper les belles, et c'est un épouseur à toutes mains, Dame, Damoiselle, Bourgeoise, Paysanne ; Il ne trouve rien de trop chaud ni de trop froid pour lui, et si je te disais le nom de toutes celles qu'il a épousées en divers lieux, ce serait un chapitre à durer jusques au soir ; tu demeures surpris et changes de couleur à ce discours ; ce n'est là qu'une ébauche du personnage ; et pour en achever le portrait, il faudrait bien d'autres coups de pinceau : Suffit qu'il faut que le courroux du Ciel l'accable quelque jour, qu'il me vaudrait bien mieux d'être au Diable qu'à lui, et qu'il me fait voir tant d'horreurs que je souhaiterais qu'il fût déjà je ne sais où. C'est une chose terrible, il faut que je lui sois fidèle en dépit que j'en aie ; la crainte en moi fait l'office du zèle, bride mes sentiments et me réduit à la complaisance d'applaudir bien souvent à ce que mon âme déteste ; le voila qui vient se promener dans ce Palais, séparons nous ; écoute, au moins je te fais confidence avec grande franchise, et cela m'est sorti un peu bien vite de la bouche ; mais s'il fallait qu'il en vînt quelque chose à ses oreilles, je dirais hautement que tu aurais menti. C'est quelque chose aussi à peu près comme cela. Lui-même. D'hier au soir. Je crois que vous jugez assez ce qui peut l'inquiéter. Le bon homme en est tout mortifié, et m'en demandait le sujet Que vous ne m'en aviez rien dit. Moi ? je crois, sans vous faire tort, que vous avez quelque nouvel amour en tête. Oui. Eh mon Dieu ! je sais mon Don Juan sur le bout du doigt, et connais votre cœur pour le plus grand coureur du monde ; il se plaît à se promener de lieux en lieux, et n'aime point à demeurer en place. Eh Monsieur. Assurément que vous avez raison, si vous le voulez. On ne peut pas aller là contre ; mais si vous ne le vouliez pas, ce serait peut-être une autre affaire. En ce cas, Monsieur, je vous dirai franchement que je n'approuve point votre méthode, et que je trouve fort vilain d'aimer de tous côtés comme vous faites. Vertu de ma vie, comme vous débitez ; il semble que vous ayez appris par cœur cela, et vous parlez tout comme un Livre. Ma foi, j'ai à dire, et je ne sais que dire, car vous tournez les choses d'une manière qu'il semble que vous ayez raison, et cependant il est vrai que vous ne l'avez pas ; j'avais les plus belles pensées du monde, et vos discours m'ont brouillé tout cela : laissez faire, une autre fois je mettrai mes raisonnements par écrit, pour disputer avec vous. Mais Monsieur, cela serait-il de la permission que vous m'avez donnée, si je vous disais que je suis tant soit peu scandalisé de la vie que vous menez ? Fort bonne, mais par exemple je vous vois tous les mois vous marier comme vous faites. Il est vrai, je conçois que cela est fort agréable et fort divertissant, et je m'en accommoderais assez moi, s'il n'y avait point de mal ; mais Monsieur se jouer ainsi d'un mystère sacré et, Ma foi Monsieur, j'ai toujours ouï dire que c'est une méchante raillerie que se railler du Ciel, et que les libertins ne font jamais une bonne fin. Je ne parle pas aussi à vous, Dieu m'en garde, vous savez ce que vous faites, et si vous ne croyez rien vous avez vos raisons : il y a de certains petits impertinents dans le monde, qui sont libertins sans savoir pourquoi, qui font les esprits forts parce qu'ils croient que cela leur sied bien, et si j'avais un maître comme cela, je lui dirais fort nettement, le regardant en face, osez-vous bien ainsi vous jouer du Ciel, et ne tremblez-vous point de vous moquer comme vous faites des choses les plus saintes c'est bien à vous petit ver de terre, petit myrmidon que vous êtes (je parle au maître que j'ai dit) c'est bien à vous à vouloir vous mêler de tourner en raillerie ce que tous les hommes révèrent ; pensez-vous que pour être de qualité, pour avoir une perruque blonde et bien frisée, des plumes à votre chapeau, un habit bien doré, et des rubans couleur de feu (ce n'est pas à vous que je parle, c'est à l'autre) pensez-vous dis-je que vous en soyez plus habile homme, que tout vous soit permis et qu'on n'ose vous dire vos vérités ? apprenez de moi qui suis votre valet, que le Ciel punit tôt ou tard les impies, qu'une méchante vie amène une méchante mort et que… De quoi est-il question ? Et n'y craignez-vous rien, Monsieur, de la mort de ce Commandeur que vous tuâtes il y a six mois ? Fort bien, le mieux du monde, il aurait tort de s'en plaindre. Oui, mais cette grâce n'éteint pas peut-être le ressentiment des parents et des amis et… Ah Monsieur ! C'est fort bien fait à vous, et vous le prenez comme il faut, il n'est rien tel en ce monde que de se contenter. Monsieur vous ne me l'aviez pas demandé. Oui Monsieur, je ne sais rien s'il vous plait. Que voulez vous que je dise ; Je n'ai rien à répondre, vous vous moquez de votre serviteur. Madame. Monsieur. Madame, les conquérants, Alexandre, et les autres mondes, sont causes de notre départ : voilà Monsieur tout ce que je puis dire. Vraiment oui, nous nous moquons bien de cela nous autres. Si le remords le pouvait prendre. Ah ! quel abominable Maître me vois-je obligé de servir. Monsieur j'avoue que vous m'étonnez, à présent que nous sommes échappés d'un péril de mort, qu'au lieu de rendre grâce au ciel de la peine qu'il a daigné prendre de nous, vous travaillez tout de nouveau à vous attirer sa colère par vos fantaisies accoutumées et vos amours cr… paix, coquin que vous êtes, vous ne savez ce que vous dites, et Monsieur sait ce qu'il fait, allons Assurément. Autre pièce nouvelle. Il n'a garde. Non, non, ne craignez point, il se mariera avec vous tant que vous voudrez. Eh Monsieur, laissez là ce pauvre misérable, c'est conscience de le battre ; écoute mon pauvre garçon, retire-toi et ne lui dis rien. Peste soit du maroufle. Ah, ah. Ah ! Pauvres filles que vous êtes, j'ai pitié de votre innocence, et je ne puis souffrir de vous voir courir à votre malheur ; croyez-moy l'une et l'autre, ne vous amusez point à tous les contes qu'on vous fait, et demeurez dans votre village. Mon Maître est un fourbe, il n'a dessein que de vous abuser, et en a bien abusé d'autres, c'est l'épouseur du genre humain, et cela est faux, et quiconque vous dira cela, vous lui devez dire qu'il en a menti, mon Maître n'est point l'épouseur du genre humain ; Il n'est point fourbe, n'a pas dessein de vous tromper, et n'en a point abusé d'autres ; ah tenez le voilà, demandez-le plutôt à lui-même. Monsieur comme le monde est plein de médisances, je vais au-devant des choses, et je leur disais que si quelqu'un leur venait dire du mal de vous, elles se gardassent bien de le croire, et ne manquassent pas de lui dire qu'il en avait menti. Oui, Monsieur est homme d'honneur, je le garantis tel. Ce sont des Impertinents. Monsieur vous vous moquez, m'exposer à être tué sous vos habits et… Je vous remercie d'un tel honneur. Ô Ciel puisqu'il s'agit de mort, fais-moi la grâce de n'être point pris pour un autre. Ma foi Monsieur, avouez que j'ai eu raison, et que nous voilà l'un et l'autre déguisés à merveille, votre premier dessein n'était point du tout à propos, et ceci nous cache bien mieux que tout ce que vous vouliez faire. Oui, c'est l'habit d'un vieux Médecin qui a été laissé en gage au lieu où je l'ai pris et il m'en a coûté de l'argent pour l'avoir. Mais savez-vous, Monsieur, que cet habit me met déjà en considération, que je suis salué des gens que je rencontre, et que l'on vient me consulter ainsi qu'un habile homme. Cinq ou six Paysans ou Paysannes, en me voyant passer, me sont venus demander mon avis sur différentes maladies. Moi, point du tout, j'ai voulu soutenir l'honneur de mon habit, j'ai raisonné sur le mal, et leur ai fait ordonnance à chacun. Ma foi, Monsieur, j'en ai pris par où j'en ai pu attraper, j'ai fait mes ordonnances à l'aventure, et ce serait une chose plaisante si ces malades guérissaient, et qu'on me vînt remercier. Comment Monsieur, vous êtes aussi impie en Médecine. Quoi ! vous ne croyez pas au Séné, ni à la Casse, au Vin émétique ? Vous avez l'âme bien méchante, cependant vous voyez depuis un temps que le Vin émétique fait bruire ses fuseaux, ses miracles ont converti les plus incrédules esprits, et il n'y a pas trois semaines que j'en ai vu, moi qui vous parle, un effet merveilleux. Il y avait un homme qui depuis six jours était à l'agonie. On ne savait plus que lui ordonner, et tous les remèdes ne faisaient rien ; on s'avisa à la fin de lui donner de l'émétique. Non, il mourut. Mais laissons-là la Médecine, où vous ne croyez point, et parlons des autres choses ; car cet habit me donne de l'esprit, et je me sens en humeur de disputer contre vous ; vous savez bien que vous me permettez les disputes, et que vous ne me défendez que les Remontrances. Je veux savoir un peu vos pensées à fonds ; est-il possible que vous ne croyez point du tout au Ciel ? C'est à dire que non ; et à l'enfer ? Tout de même ; et au Diable s'il vous plaît ? Aussi peu ; ne croyez-vous point l'autre vie ? Voilà un homme que j'aurais bien de la peine à convertir ; et dites-moi un peu, le Moine bourru, qu'en croyez vous ? eh ! Et voilà ce que je ne puis souffrir, car il n'y a rien de plus vrai que le Moine bourru ; et je me ferais pendre pour celui-là ; mais encore faut-il croire quelque chose dans le monde, qu'est-ce donc que vous croyez ? Oui. Belle croyance, et les beaux articles de foi que voici ; votre religion à ce que je vois, est donc l'arithmétique ; il faut avouer qu'il se met d'étranges folies dans la tête des hommes, et que pour avoir étudié on est bien moins sage le plus souvent ; pour moi Monsieur, je n'ai point étudié comme vous, Dieu merci, et personne ne se saurait vanter de m'avoir jamais rien appris ; mais avec mon petit sens et mon petit jugement je vois les choses mieux que tous vos livres, et je comprends fort bien que ce monde, que nous voyons, n'est pas un champignon qui soit venu tout seul en une nuit. Je voudrais bien vous demander qui a fait ces orbes-là, ces rochers, cette terre, et ce Ciel que voilà là-haut, et si tout cela s'est bâti de lui-même ; vous voilà vous par exemple, vous êtes là ; est-ce que vous vous êtes fait tout seul, et n'a-t-il pas fallu que votre père ait engrossé votre mère pour vous faire ? pouvez vous voir toutes ces inventions, dont la machine de l'homme est composée, sans admirer de quelle façon cela est agencé l'un dans l'autre ? ces nerfs, ces os, ces veines, ces artères, ces… ce poumon, ce cœur, ce foie, et tous ces autres ingrédients qui sont là et qui… ah Dame interrompez-moi donc si vous voulez, je ne saurais disputer si l'on ne m'interrompt, vous vous taisez exprès, et me laissez parler par belle malice. Mon Raisonnement est qu'il y a quelque chose d'admirable dans l'homme quoi que vous puissiez dire que tous les savants ne sauraient expliquer ; cela n'est-il pas merveilleux que me voilà ici ; et que j'aie quelque chose dans la tête qui pense cent choses différentes en un moment ; et fait de mon corps tout ce qu'il veut ! je veux frapper des mains, hausser le bras, lever les yeux aux Ciel, baisser la tête, remuer les pieds, aller à droit, à gauche, en avant, en arrière, tourner, Morbleu je suis bien sot de raisonner avec vous, croyez ce que vous voudrez, il m'importe bien que vous soyez damné. Holà ho l'homme, ho mon compère, ho l'ami, un petit mot s'il vous plaît. Enseigne nous un peu le chemin qui mène à la ville. Vous ne connaissez pas Monsieur, bonhomme, il ne croit qu'en deux et deux font quatre, et en quatre et quatre font huit. Va, va, jure un peu, il n'y a pas de mal. Mon Maître est un vrai enragé d'aller se présenter à un péril qui ne le cherche pas ; mais ma foi le secours a servi, et les deux ont fait fuir les trois. Plaît-il. Pardonnez-moi, Monsieur, je viens seulement d'ici près, je crois que cet habit est purgatif, et que c'est prendre Médecine que de le porter. Il vous serait aisé de pacifier toute chose. Vous ne le savez pas ? Bon, c'est le tombeau que le Commandeur faisait faire lorsque vous le tuâtes. Monsieur, n'allez point là. Cela n'est pas civil d'aller voir un homme que vous avez tué. Ah, que cela est beau, les belles statues ! le beau marbre, les beaux Piliers ! ah, que cela est beau, qu'en dites vous Monsieur ? Voilà la statue du Commandeur. Ma foi Monsieur voilà qui est bien fait, il semble qu'il est en vie, et qu'il s'en va parler ; il jette des regards sur nous qui me feraient peur si j'étais tout seul, et je pense qu'il ne prend pas plaisir à nous voir. C'est une chose dont il n'a pas besoin je crois. Vous moquez-vous ? ce serait être fou que d'aller parler à une statue. Quelle bizarrerie ! Seigneur je ris de ma sottise ; mais c'est mon Maître qui me la fait faire ; Seigneur Commandeur, mon Maître Don Juan vous demande si vous voulez lui faire l'honneur de venir souper avec lui… ah. La statue. Je vous dis que la statue. La statue m'a fait Signe. Elle m'a fait signe vous dis-je, il n'est rien de plus vrai, allez vous-en lui parler vous-même pour voir, peut-être. Je ne voudrais pas en tenir dix pistoles, eh bien, Monsieur ? Voilà de mes esprits forts qui ne veulent rien croire. Ah, Monsieur, ne cherchons point à démentir ce que nous avons vu des yeux que voilà ; il n'est rien plus véritable que ce signe de tête, et je ne doute point que le Ciel scandalisé de votre vie n'ait produit ce miracle pour vous convaincre, et pour vous retirer de… Fort bien, Monsieur, le mieux du monde ; vous vous expliquez clairement ; c'est ce qu'il y a de bon en vous, que vous ne m'allez point chercher des tours, vous dites les choses avec une netteté admirable. Bon, voilà ce qu'il nous faut, qu'un compliment de créancier ; de quoi s'avise-t-il de nous venir demander de l'argent, et que ne lui disais-tu que Monsieur n'y est pas ? Qu'il attende tant qu'il voudra. Allons assoyez-vous. Il faut avouer que vous avez en Monsieur un homme qui vous aime bien. Je vous assure que toute la maison périrait pour vous, et je voudrais qu'il vous arrivât quelque chose, que quelqu'un s'avisât de vous donner des coups de bâton, vous verriez de quelle manière. Oh ne vous mettez pas en peine, il vous paiera le mieux du monde. Fi, ne parlez pas de cela. Ne sais-je pas bien que je vous dois. Allons Monsieur Dimanche, je vais vous éclairer. Vous moquez-vous ? Eh. Bagatelles. Fi. Fi vous dis-je. Ah Monsieur, vous avez tort. Monsieur. Oui Monsieur vous avez tort, d'avoir souffert ce qu'il vous a dit, et vous le deviez mettre dehors par les épaules ; a-t-on jamais rien vu de plus impertinent ? un père venir faire des remontrances à son fils, et lui dire de corriger ses actions, de se ressouvenir de sa naissance, de mener une vie d'honnête homme, et cent autres sottises de pareille nature ; cela se peut-il souffrir à un homme comme vous qui savez comme il faut vivre ? j'admire votre patience, et si j'avais été en votre place, je l'aurais envoyé promener ; Ô complaisant maudit, à quoi me réduis-tu ? Il faut voir. Pardonnez-moi. Pauvre femme. Cœur de tigre. C'est à dire que ces paroles n'ont fait aucun effet sur… Fort bien. Oui-da. Eh. Rien, voilà le souper. Rien. Ma foi Monsieur je voulais voir si votre cuisinière n'avait point mis trop de sel ou trop de poivre. Je le crois Monsieur, je n'ai point mangé depuis le matin, tâtez de cela, voilà qui est le meilleur du monde, mon assiette, mon assiette, tout doux s'il vous plaît, vertubleu petit compère que vous êtes habile à donner des assiettes, et vous petit La Violette que vous savez présenter à boire à propos. Qui Diable nous vient troubler dans notre repas ? Laissez-moi faire, je m'y en vais moi-même. Le… qui est là. Ah pauvre Sganarelle ! où te cacheras tu ? Monsieur, je n'ai plus de faim. Monsieur je n'ai pas soif. Je suis enrhumé Monsieur. Je vous rends grâce, il est demain jeûne pour moi. Ah Monsieur ! que j'ai de joie de vous voir converti ; il y a longtemps que j'attendais cela, et voilà, grâce au Ciel, tous mes souhaits accomplis. Comme, le benêt. Quoi ? ce n'est pas… vous re… votre… eh quel homme, quel homme, quel homme ! Vous ne vous rendez pas sur la surprenante merveille de cette Statue mouvante et parlante ? Quoi, vous ne croyez rien du tout, et vous voulez cependant vous ériger en homme de bien ? Ah quel homme ! quel homme ! Ô Ciel, qu'entends-je ici ! il ne vous manque plus que d'être hypocrite pour vous achever de tous points, et voilà le comble des abominations. Monsieur cette dernière-ci m'importe, et je ne puis m'empêcher de parler, faites-moi tout ce qu'il vous plaira, battez-moi, assommez-moi de coups, tuez-moi si vous voulez, il faut que je décharge mon cœur, et qu'en valet fidèle je vous dise ce que je dois. Sachez Monsieur que tant va la cruche à l'eau qu'enfin elle s'y brise, et comme dit fort bien cet auteur que je ne connais pas, que l'homme est en ce monde ainsi que l'oiseau sur la branche, la branche est attachée à l'arbre, qui s'attache à l'arbre suit de bons préceptes : les bons préceptes valent mieux que les belles paroles, les belles paroles se trouvent à la Cour, à la Cour sont les Courtisans, les Courtisans suivent la mode, la mode vient de la fantaisie, la faculté de l'âme est ce qui nous donne la vie, la vie finit par la mort, la mort nous fait penser au Ciel, le Ciel est au-dessus de la terre, la terre n'est point la mer, la mer est sujette aux orages, les orages tourmentent les vaisseaux, les vaisseaux ont besoin d'un bon pilote, un bon pilote a de la prudence, la prudence n'est point dans les jeunes gens, les jeunes gens doivent obéissance aux vieux, les vieux aiment les richesses, les richesses font les riches, les riches ne sont pas pauvres, les pauvres ont de la nécessité, la nécessité n'a point de loi, qui n'a point de loi vit en bête brute, et par conséquent vous serez damné à tous les Diables. Après cela, si ne vous rendez, tant pis pour vous. Monsieur, quel Diable de style prenez-vous là ? ceci est bien pis que le reste, et je vous aimerais bien mieux encore comme vous étiez auparavant, j'espérais toujours de votre salut, mais c'est maintenant que j'en désespère, et je croyais que le Ciel qui vous a souffert jusques ici ne pourra du tout souffrir cette dernière horreur. Ah Monsieur, c'est le Ciel qui vous parle, et c'est un avis qu'il vous donne. Entendez-vous Monsieur. Ah Monsieur, c'est un spectre je le reconnais au marcher. Ô Ciel ! voyez, Monsieur, ce changement de figure. Ah Monsieur, rendez-vous à tant de preuves et jetez-vous vite dans le repentir. Ah mes gages ! mes gages ! voilà par sa mort un chacun satisfait, Ciel offensé, lois violées, filles séduites, familles déshonorées, parents outragés, femmes mises à mal, maris poussés à bout, tout le monde est content, il n'y a que moi seul de malheureux, mes gages, mes gages, mes gages ! **** *creator_moliere *book_moliere_festindepierre *style_prose *genre_comedy *dist1_moliere_prose_comedy_festindepierre *dist2_moliere_prose_comedy *id_laviolette *date_1665 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_valet *role_laviolette Monsieur, voilà votre marchand, Monsieur Dimanche, qui demande à vous parler. Il y a trois quarts d'heure que je lui dis. Il ne veut pas me croire, et s'est assis là-dedans pour attendre. Monsieur. Voilà Monsieur votre Père. **** *creator_moliere *book_moliere_festindepierre *style_prose *genre_comedy *dist1_moliere_prose_comedy_festindepierre *dist2_moliere_prose_comedy *id_ragotin *date_1665 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_valet *role_ragotin Monsieur, voici une Dame voilée qui vient vous parler. **** *creator_moliere *book_moliere_festindepierre *style_prose *genre_comedy *dist1_moliere_prose_comedy_festindepierre *dist2_moliere_prose_comedy *id_mdimanche *date_1665 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_valet *role_mdimanche Monsieur je vous suis bien obligé. Monsieur, cela n'est rien. Monsieur, je suis votre serviteur ; j'étais venu. Monsieur, je suis bien comme cela. Cela n'est pas nécessaire. Monsieur, vous vous moquez et… Ce n'est pas besoin Monsieur et je n'ai qu'un mot à vous dire. J'étais… Non, Monsieur, je suis bien, je viens pour. Monsieur, je fais ce que vous voulez, je… Oui Monsieur, pour vous rendre service ; je suis venu… Je voudrais bien… Fort bien Monsieur Dieu merci. Elle est votre servante Monsieur je venais… Le mieux du monde. C'est trop d'honneur que vous lui faites Monsieur je vous… Toujours de même Monsieur, je… Plus que jamais Monsieur, et vous ne sauriez en chevir. Nous vous sommes, Monsieur infiniment obligés ; Monsieur, je suis votre serviteur. Vous m'honorez trop Monsieur. Je… Monsieur, vous avez trop de bonté pour moi. Je n'ai point mérité cette grâce, Monsieur, mais Monsieur… Non Monsieur, il faut que je m'en retourne à l'heure. Il n'est pas nécessaire, et je m'en irai bien tout seul. Mais… Ah Monsieur ! Si… Ah Monsieur, vous vous moquez. Mais… Il est vrai, il me fait tant de civilités, et tant de compliments que je ne lui saurais jamais demander de l'argent. Je le crois ; mais Sganarelle, je vous prie de lui dire un petit mot de mon argent. Mais vous, Sganarelle, vous me devez quelque chose en votre particulier. Comment. Je… Oui, mais… Mais mon argent ? Je veux. J'entends. Mais. De. **** *creator_moliere *book_moliere_festindepierre *style_prose *genre_comedy *dist1_moliere_prose_comedy_festindepierre *dist2_moliere_prose_comedy *id_laramee *date_1665 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_valet *role_laramee Monsieur je viens vous avertir qu'il ne fait pas bon ici pour vous. Douze hommes à cheval vous cherchent, qui doivent arriver ici dans un moment ; je ne sais pas par quel moyen ils peuvent vous avoir suivi, mais j'ai appris cette nouvelle d'un paysan qu'ils ont interrogé, et auquel ils vous ont dépeint ; l'affaire presse, et le plutôt que vous pourrez sortir d'ici sera le meilleur. **** *creator_moliere *book_moliere_festindepierre *style_prose *genre_comedy *dist1_moliere_prose_comedy_festindepierre *dist2_moliere_prose_comedy *id_pierrot *date_1665 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_valet *role_pierrot Porquisenne, il ne s'en est pas fallu l'épaisseur d'une épingle qu'ils ne se s'ayant noyés tou deu. Aga, quien, Charlotte, je m'en vas te conter tout fin drai comme cela est venu ça, comme dit l'autre, je les ai le premier avisés, avisés le premier je les ai ; enfin donc j'équions sur le bord de la mar, mo et le gros Lucas, et je nous amusions à batifoler avé des mottes de tarre, que je nous jesquions à la tête ; car comme tu sais bian, le gros Lucas aime à batifoler, et moi per fois je batifole i tou ; en batifolant donc, pisque batifoler y a, j'ai aperçu de tout loin queuque chose qui grouillait dans glieau, et qui venait comme envars nous per secousse, je voyais ça fisiblement, et pis tout d'un coup je voyais que je ne voyais plus rien ; eh Lucas ! ç'ay je fait, je pense que vlà des hommes qui nageant là-bas ; voire ce m'a-t-il fait, t'as été au trepassement d'un chat, t'as la vue trouble ; pal sanguienne, ç'ai je fait, je n'ai point la vue trouble, ce sont des hommes ; point du tout ce m'a-t-il fait, t'as la barlue ; veux tu gager, ç'ai je fait, que je n'ai point la barlue, ç'ai je fait, et que ce sont des hommes, ç'ai je fait qui nageant drai ici, ç'ai je fait ; morguenne ce m'a-t-il fait, je gage que non ; o ça ç'ai je fait, veux tu gager dix sols que si ? je veux bian, ce m'a-t-il fait, et pour te montrer, vlà argent ser jeu, ce m'a-t-il fait ; moi je n'ai été ni fou ni étourdi, j'ai bravement bouté quatre pièces tapées et cinq sols en double, j'erniguenne, aussi hardiment que si j'avais avalé un vare de vin, car si hasardeux moi, et je vas à la débandade ; je savais bian ce que je faisais pourtant, queuque gniais : enfin donc je n'avais pas plutôt eu gagé, que j'avons vu les deux hommes tous à plein, qui nous faisians signe de les aller quérir, et moi d'hier auparavant les enjeux, allons Lucas, ç'ai-je dit, tu vois bian qu'ils nous appellent, allons viste à leur secours ; non ce m'a-t-il dit, ils m'ont fait pardre ; o dont tanquia, qu'à la parfin, pour le faire court, je l'ai tant sarmonné que je nous sommes boutés dans une barque, et pis j'avons tant fait, cahin caha, que je les avons tiré de gliau, et pis je les avons menés cheu nous, auprès du feu, et pis ils se sont dépouillés tous nus pour se sécher, et pis il y en est encor venu deux de la même bande, qui saguiant sauvés tout seul, et pis Mathurine est arrivée là, à qui l'on a fait les doux yeux ; vlà justement Charlotte comme tout ça s'est fait. Oui, c'est le Maître, il faut que ce soit queuque gros gros Monsieur, car il a du dor à son habit tout depis l'haut jusque en bas, et ceux qui le sarvant sont des Monsieurs eux-mesmes, et Stan pandant, tout gros Monsieur qu'il est, il serait per ma fegue nayé, si je n'avions esté là. O par guenne, sans nous, il en avait pour sa maine de feves. Nannain, ils l'avont rhabillé tout devant nous ; monquieu je n'en avais jamais vu s'habiller ; que d'histoires et d'angingorniaux boutont ces Monsieurs-là les courtisans, je me pardrais là dedans pour moi, et j'étais tout ebobi de voir ça ; quien Charlotte, ils avont des cheveux qui ne tenont point à leu teste, et ils boutont ça après tout comme un gros bonnet de filace, ils ant des chemises qui ant des manches ou j'entrerais tout brandis toi et moi ; en glieu d'haut de chausse ils portont un garde-robe aussi large que d'ici à pasque ; en glieu de pourpoint de petites brasières qui ne leur venont pas jusqu'au brichet, et en glieu de rabat un grand mouchoir de cou à reziau avec quatre grosses houpes de linge qui leu pendont ser l'estoumaque ; ils avont itou d'autres petis rabat au bout des bras, et de grands antonoirs de passement aux jambes, et parmi tout ça tant de ribans, tant de ribans, que c'est une vraie piquié ; ignia pas jusqu'aux souliez qui n'en soyont farcy tout depis un bout jusqu'à l'autre, et ils sont faits d'une façon que je me romperais le cou au cul. O, acoute un peu auparavant Charlotte, j'ai queuque autre à te dire moi. Vois tu, Charlotte, il faut comme dit l'autre que je débonde mon cœur, je t'ayme, tu le sais bian, et je sommes pour être mariés ensemble, mais, morguenne, je ne suis point satisfait de toi. Il y glia, que tu me chagraines l'esprit franchement. Teste quienne, tu ne m'aimes point. Oui ce n'est que ça, et c'est bian assez. Je te dis toujou la même chose, parce que c'est toujou la même chose, et si ce n'était pas toujou la même chose, je ne te dirais pas toujou la même chose. Jerniguienne je veux que tu m'aimes. Non tu ne m'aimes pas, et si je fais tout ce que je pis pour ça, je t'ajette sans reproche des rubans à tous ces marciers qui passont, je me romps le cou à t'aller dénicher des marles, je fais jouer pour toi les vielloux quand ce vient ta feste, et tout ça comme si je me frappais la tête contre un mur ; vois-tu, c'a n'est ni biau ni honeste de n'aimer pas les gens qui nous aimant. Ouy, tu m'aimes d'une belle deguaine. Je veux que l'on fasse comme l'on fait quand l'on aime comme il faut. Non, quand ça est, ça se voit, et l'on fait mille petites singeries aux personnes, quand on les aime du bon du cœur : regarde la grosse Tomasse comme elle assotie du jeune Robain, alle est toujou entour de ly à l'agacer, et ne le laisse jamais en repos, toujou elle y fait queuque niche, ou ly baille queuque taloche en passant ; et l'autre jou, qu'il était assis sur un escabeau, al fut le tirer dessous ly et le fit choir tout de son long par tarre ; jarny vla où l'on voit les gens qui aimant, mais toi tu ne me dis jamais mot, t'es toujou là comme une vraie souche de bois, et je passerois vingt fois devant toi que tu ne te grouillerais pas pour me bailler le moindre coup, ou me dire la moindre chose, ventre guienne ça n'est pas bian apres tout, et t'es trop froide pour les gens. Ignia humeur qui guienne, quand on a de l'amiquié pour les personnes, l'on en baille toujou queuque petite signifiance. Eh bien vla pas mon conte, testiquié si tu m'aimais me dirais-tu ça ? Morgué que mal te fais-je ? je ne te demande qu'un peu pus damiquié. Touche donc là Charlotte. Promets-moi que tu tâcheras de m'aimer davantage. Oui, le vla. Je revians à l'heure, je m'en vas boire chopaine pour me rebouter tent soit peu de la fatigue que j'ai eu. Tout doucement Monsieur, tenez-vous s'il vous plaît, vous vous échauffez trop, et vous pourriez gagner la puresie. Je vous dis que vous tgnais, et que vous ne caressiez point nos accordées. Jerniguenne, ce n'est pas comme ça qu'il faut pousser les gens. Quement, que je laisse faire ? je ne veux pas moi. Testequenne, parce que vous êtes… vous viendrez caresser nos femmes à notre barbe, allez v's-en caresser les vôtres. Heu testiqué ne me frappez pas, ah jernigué, ventregué, pal sangué, morguenne, ça n'est pas bien de battre les gens, et ce n'est pas la récompense de vous avoir sauvé d'être nayé. Je me veux fâcher, et t'es une vilaine, toi, d'endurer qu'on te caresse. Quement, jerny, tu renies promesse ! Jernigué non, j'aime mieux te voir crever, que de te voir à un autre. Ventreguenne je gny en porterai jamais, quand tu m'y en payerais deux fois autant ; est-ce donc comme ça que t'écoute ce qu'il te dit ? morguenne si j'avois su ça tantôt, je me serais bien gardé de le tirer de gliau, et je ly aurois bailli un bon coup d'aviron sur la tête. Jerniguenne, je ne crains personne. Je me moque de tout, moi. J'en avons bien vu d'autres. Je veux lui dire, moi. Jarny, je vas dire à ta tante tout ce ménage-ci. **** *creator_moliere *book_moliere_festindepierre *style_prose *genre_comedy *dist1_moliere_prose_comedy_festindepierre *dist2_moliere_prose_comedy *id_charlotte *date_1665 *sexe_feminin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_servante *role_charlotte Notre dinje, Piarrot, tu t'is trouvé là bien à point. C'est donc le coup de vent d'amatin qui les avait renversés. Ne m'as tu pas dit, Piarrot, qu'il y en a un qui est bian pu mieux fait que les autres. Ardez un peu. Est il encore cheu toi tout nu, Piarrot ? Perma fi, Piarrot, il faut que j'aille veor en peu ça. Et bian, dis, qu'est que c'est ? Quemant ? qu'est ce que c'est donc qu'il y glia ? Et quemant donc ? Ah Ah, n'est-ce que ça ? Monguieu, Piarrot, tu me viens toujou dire la même chose. Mais qu'est-ce qu'il te faut ? que veux tu ? Est ce que je ne t'aime pas ? Mais mon guieu, je t'aime aussi. Quemant veux tu donc qu'on fasse ; Ne t'aimé-je pas aussi comme il faut. Enfin que veux-tu que je fasse ? c'est mon humeur, et je ne pis pas me refondre. Enfin je t'aime tout autant que je pis, si tu n'es pas content de ça, tu n'as qu'à en aimer queuque autre. Pourquoi me viens-tu tarabuster l'esprit. Et bien laisse faire aussi, et ne me presse point tant, peut-être que ça viendra tout d'un coup sans y songer. Et bien, quien. J'y ferai tout ce que je pourrai ; mais il faut que ça vienne de lui-même ; Piarrot, est-ce là Monsieur. Ah mon quieu, qu'il est gentis, et que c'aurait été dommage qu'il eût été nayé ! Vous voyez Monsieur. Oui Monsieur. Oui Monsieur. Charlotte pour vous servir. Monsieur vous me rendez toute honteuse. Monsieur, cela vous plaît à dire, et je ne sais pas si c'est pour vous railler de moi. Je vous suis bien obligée si cela est. Monsieur, tout ça est trop bien dit pour moi, et je n'ai pas d'esprit pour vous répondre. Fi, Monsieur, elles sont noires comme je ne sais quoi. Monsieur, c'est trop d'honneur que vous me faites, et si j'avais su ça tantôt je n'aurais pas manqué de les laver avec du son. Non Monsieur, mais je dois bien l'être avec Piarrot, le fils de la voisine Simonette. Aussi vrai, Monsieur, je ne sais comment vous faites quand vous parlez, ce que vous dites me fait aise, et j'aurais toutes les envies du monde de vous croire, mais on m'a toujours dit qu'il ne faut jamais croire les Monsieurs, et que vous autres Courtisans vous êtes des enjôleurs qui ne songez qu'à abuser les filles. Voyez-vous, Monsieur, il n'y a pas plaisir à se laisser abuser : je suis une pauvre paysanne, mais j'ai l'honneur en recommandation, et j'aimerais mieux me voir morte que de me voir déshonorée. Mon Dieu, je ne sais si vous dites vrai ou non, mais vous faites que l'on vous croie. Oui, pourvu que ma tante le veuille. Mais au moins Monsieur, ne m'y allez pas tromper je vous prie, il y aurait de la conscience à vous, et vous voyez comme j'y vais à la bonne foi. Mon Dieu ! ne jurez point, je vous crois. Oh, Monsieur ! attendez que je soyons mariées, je vous prie, après ça je vous baiserai tant que vous voudrez. Et laisse le faire aussi Piarrot. Piarrot ne te fâche point… Oh Piarrot, ce n'est pas ce que tu penses, ce Monsieur veut m'épouser, et tu ne dois pas te bouter en colère. Ça n'y fait rien, Piarrot, si tu m'aimes ne dois-tu pas être bien aise que je devienne Madame ? Va va Pierrot, ne te mets point en peine, si je sis Madame je te ferai gagner queuque chose, et tu apporteras du beurre et du fromage cheu nous. Qu'est-ce que c'est donc que vous veut Mathurine ? Quement donc Mathurine ? Je voudrais. Je pense. Je veux voir un peu ses raisons. Je. Ça n'est pas honnête, Mathurine, d'être jalouse que Monsieur me parle. S'il vous a vu la première, il m'a vu la seconde, et m'a promis de m'épouser. À d'autres je vous prie, c'est moi vous dis-je, vous vous moquez des gens, c'est moi encor un coup. Est-ce Monsieur que vous lui aviez promis de l'épouser ? Vous voyez qu'al le soutient. Non non, il faut savoir la vérité. Oui, Mathurine, je veux que Monsieur vous montre votre bec jaune. Monsieur, videz la querelle s'il vous plaît. Vous allez voir. Perlez. Je suis celle qu'il aime au moins. **** *creator_moliere *book_moliere_festindepierre *style_prose *genre_comedy *dist1_moliere_prose_comedy_festindepierre *dist2_moliere_prose_comedy *id_mathurine *date_1665 *sexe_feminin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_servante *role_mathurine Monsieur, que faites vous donc là avec Charlotte, est-ce que vous lui parlez d'amour aussi ? Quoi Charlotte ? Est-ce que. Vremant. Non non, il faut que je lui parle. Quoi ? Holà, Charlotte, ça n'est pas bien de courir sur le marché des autres. C'est moi que Monsieur a vu la première. Je vous baise les mains, c'est moi, et non pas vous qu'il a promis d'épouser. Le vlà qui est pour me démentir si je ne dis pas vrai. Est-il vrai Monsieur que vous ly ayez donné parole d'être son mari ? Vous êtes témoin comme al l'asseure. Il est question de juger ça. Oui Charlotte, je veux que Monsieur vous rende un peu camuse. Mettez-nous d'accord Monsieur. Vous allez voir vous-même. Perlez. C'est moi qu'il épousera. **** *creator_moliere *book_moliere_festindepierre *style_prose *genre_comedy *dist1_moliere_prose_comedy_festindepierre *dist2_moliere_prose_comedy *id_commandeur *date_1665 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_commandeur Don Juan, c'est assez, je vous invite à venir demain souper avec moi, en aurez vous le courage ? On n'a pas besoin de lumières quand on est conduit par le Ciel. Arrêtez Don Juan, vous m'avez hier donné parole de venir manger avec moi. Donnez-moi la main. Don Juan, l'endurcissement au péché traîne une mort funeste, et les grâces du Ciel que l'on renvoie ouvrent un chemin à la foudre. **** *creator_moliere *book_moliere_festindepierre *style_prose *genre_comedy *dist1_moliere_prose_comedy_festindepierre *dist2_moliere_prose_comedy *id_le-spectre *date_1665 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_lespectre Don Juan n'a plus qu'un moment à pouvoir profiter de la miséricorde du Ciel, et s'il ne se repent ici sa perte est résolue. **** *creator_moliere *book_moliere_festindepierre *style_prose *genre_comedy *dist1_moliere_prose_comedy_festindepierre *dist2_moliere_prose_comedy *id_pelerin *date_1665 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_valet *role_pelerin Vous n'avez qu'à suivre cette route, Messieurs, et tournez à main droite quand vous serez au bout de la forêt ; mais je vous donne avis que vous devez vous tenir sur vos gardes, et que depuis quelque temps il y a des voleurs ici autour. Si vous voulez me secourir, Monsieur de quelque aumône. Je suis un Pauvre homme, Monsieur, retiré tout seul dans ce bois depuis plus de dix ans, et je ne manquerai pas de prier le Ciel qu'il vous donne toute sorte de biens. De prier le Ciel tout le jour pour la prospérité des gens de bien qui me donnent quelque chose. Hélas, Monsieur, je suis dans la plus grande nécessité du monde. Je vous assure Monsieur que le plus souvent je n'ai pas un morceau de pain à mettre sous les dents. Ah, Monsieur, voudriez vous que je commisse un tel péché ? Monsieur. Non Monsieur, j'aime mieux mourir de faim.