**** *creator_moline *book_moline_legislatrices *style_verse *genre_comedy *dist1_moline_verse_comedy_legislatrices *dist2_moline_verse_comedy *id_THEMIRE *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_themire Oh Madame, pour cette fois Dans cette île déserte il faut faire des Lois. Je sens que mon âme est atteinte De l'espoir le plus glorieux : Le sort favorise nos vœux. Nous échappons de l'esclavage De l'ennemi victorieux Dans notre ville saccagée Nos Gouverneurs sont arrêtés : Enfin dans cette île ignorée La tempête nous a jetés ; Nous y ferons des lois... Les hommes vont bientôt apprendre Que nous pouvons comme eux tout entreprendre. Quel agréable souvenir ! Je vois déjà la Renommée De nos hauts faits charmée Voler dans les airs : J'entends retentir sa trompette Qui sans cesse répète Nos lois dans l'univers. Après cette victoire Que la postérité Nous place au Temple de Mémoire, C'est la seule gloire Qui mène à l'immortalité. Je le fuirai, quoique je l'aime. Et, Madame Clopin, tenez ferme vous-même, Et ne songez qu'à m'imiter. De l'amour du Marquis je ne saurais douter ; Mais je puis m'en défaire Plus aisément que vous De Monsieur votre époux. Non, vos prétentions sont nulles ; Le peuple nous choisit pour être son appui : Ainsi de vos lois ridicules Nous vous dispensons aujourd'hui. Mais la chose est certaine. Nous jouissons ici d'un égal avantage : Quoi qu'il en soit, je le veux, c'est assez ; Si vous m'aimez, obéissez. Je vous entends. Vous croyez que les femmes N'ont pas autant d'esprit que vous ? C'En est trop, le Marquis m'outrage ; Je dois mépriser son amour. Non, non, n'y comptez plus : il faut briser vos nœuds. C'est à présent le parti le plus sage. Ne vous laissez pas attendrir. Non, ce n'est point assez pour notre gloire, Nous secouons le joug de nos Législateurs : Nous voulons remporter une double victoire. Nos sages lois adoucissant nos fers Doivent embellir l'univers ; Et détruisant l'ambition fatale De notre liberté rivale, Dont les mortels ressentent mille maux, Dans l'une et dans l'autre hémisphère Devenus nos égaux, Nous ferons régner sur la terre Un éternel repos. Notre fierté méprise un encens ordinaire : Pour soutenir nos légitimes droits, Il nous est nécessaire D'établir de nouvelles lois. Nos âmes toujours asservies A la faiblesse de l'amour, Se trouvent souvent avilies Par un honteux retour. Celle qu'un noble orgueil rend à ceDieu contraire, Préfère sa grandeur au vain désir de plaire, Et de son cœur prévient l'échec. L'indifférence enchaîne un amant téméraire, Et force son âme au respect. Nous nous affranchissons de ce dur esclavage. Julie, au printemps de votre âge Il faut penser plus noblement. Jouissez mieux de l'avantage Que vous avez reçu de soumettre un Amant. Il nous eut suffi de paraître Avec le simple éclat que donne la vertu. Oui, je vais m'acquitter De mes promesses : je vous jure Que du sexe opprimé nous soutiendrons les droits. A tous les Citoyens, malgré qu'on en murmure, Nous allons publier nos lois. Si nous livrons nos cœurs à la tendresse, Ne blâmons que notre faiblesse. Les hommes savent nous tromper Par d'agréables soins : avoir l'art de leur plaire, Savoir leur inspirer une flamme légère Qu'un seul instant voit dissiper, Selon leurs goÛts les satisfaire, Voilà le seul objet qui peut nous occuper. Bien loin de mépriser leurs flammes indiscrètes, Nous nous laissons séduire au discours d'un amant, Et du frivole honneur d'être toujours coquettes Nous nous entêtons follement : Mais revenons de notre égarement, Faisons des lois comme les hommes, Et ne retombons plus dans l'avilissement. Les Citoyens sans doute ont daigné nous élire Pour leur donner des lois ? À la fin je respire. Comment, que veut dire cela ? Aurait-on fait pour nous cette Ordonnance-là ? Madame, quel affront ! Si j'en croyais ma rage, Je t'apprendrais.... Non, ce n'est point assez pour remplir ma vengeance, Tu n'échapperas pas. Oui, tu vas recevoir la juste récompense Que mérite ton insolence. Oui, tu mérites la mort Pour avoir eu cette audace. A nous donner des lois persistez-vous toujours ? Lisez, Monsieur : ceci vous l'apprendra. Tels sont nos sentiments, c'est à vous à choisir : Avec nous à ce prix vous pouvez vous unir. On l'exécutera. Peut-on nous faire un crime De faire briller notre esprit ? L'Univers ne doit plus en être la victime ; Nos sages lois vont l'éclairer. Vous devenez donc plus traitables. Ai-je jamais pu me défendre De vous témoigner mon amour ?... Ô ciel ! Quel bruit se fait entendre ! Qui peut vous effrayer ? Dieux ! Des Sauvages... Quel effroi me saisit ! Nous vous cédons nos droits. Soyez sensible à ma tendresse, J'ose implorer votre secours. **** *creator_moline *book_moline_legislatrices *style_verse *genre_comedy *dist1_moline_verse_comedy_legislatrices *dist2_moline_verse_comedy *id_MONSIEURCLOPIN *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurclopin L'intérêt du peuple m'anime, Et je vais par mes lois adoucit son destin. J'ai lu jadis le Code et le Digeste. Sans qu'on me le conteste, Je m'exprime aussi-bien Que Cujas, que Tribonien : J'ai l'esprit, la mémoire, Le port et le maintien De l'Empereur Justinien. Je ne m'en fais point gloire : Mais comptez-vous cela pour rien ? Le peuple, par-tout où je passe, Vient en foule se présenter ; Et l'on ne se lasse De me consulter. Vous vous flattez, je crois, d'une espérance vaine. Elles parlent de lois comme de bagatelles. Vous croyez donc avoir assez de jugement Pour conduire un Gouvernement ? Oui, notre gloire est parfaite. Monsieur le Marquis, suivez-moi : Je viens d'inventer une Loi. Eh vote, suivez-moi donc Où le devoir nous appelle. Oui, Démosthène et Platon, Thalès, Licurgue et Solon, N'en ont pas fait d'aussi belle. Oui, c'est une affaire d'État. Je crois qu'avec justice Il conviendrait de mettre fin Aux progrès furieux d'un étrange caprice. Cela ne laisse point que de m'embarrasser : J'ai tant d'affaires à penser. Non, il ne faut jamais permettre Que les femmes fassent les lois : Ce serait renverser l'ordre de la nature. Messieurs, n'y consentons jamais. A mon âge on n'est point timide. Quand le flambeau de la raison nous guide, Dans le danger On ne craint point de se plonger. J'ai plus que vous d'expérience ; Et par ma science Si vous voulez me seconder, Vous les verrez bientôt céder. Je ris de leur vaine colère ; Je ne suis pas un sot ; Je veux les faire taire, En leur disant un mot. Si nous allions apPeler du secours. Ces femmes-là sont obstinées. Je n'en suis plus le maître. Allons, j'y veux bien consentir. Faites des lois, Madame, et soyez la maîtresse, Je dois vous obéir : usez de tous vos droits. Oui, nous sommes tous vos sujets. Il faut les terrasser. Madame, partez, je vous suis. Si vous vouliez porter cet arrêt aux Sauvages, Je suis assuré qu'ils fuiraient Au même instant qu'ils le verraient. Vous allez remporter les plus grands avantages. Non, non, Madame, il faut vous battre, Puisque vous avez fait des lois. **** *creator_moline *book_moline_legislatrices *style_verse *genre_comedy *dist1_moline_verse_comedy_legislatrices *dist2_moline_verse_comedy *id_MADAMECLOPIN *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_madameclopin Oui, nous en avons la puissance, Nous sommes dans l'indépendance. Nous avons trop longtemps vécu dans la contrainte. Nous pouvons y prétendre. Et puisque notre sexe a voulu nous choisir Pour ses chefs, il faut le défendre : C'est à nous à le soutenir. Si le courage nous seconde, On parlera de nous jusqu'à la fin du monde. Mais gardez votre cœur, et craignez du Marquis Les airs complaisants et soumis. Madame, il faut s'armer d'une rigueur extrême, Et que jamais l'amour ne puisse vous tenter. Qui, moi, voyez la belle affaire ! Je peux bien m'en passer. Un mari n'intéresse guère : Hélas j'en connais tant dont on ne sait que faire ; Il en coûte si peu pour s'en débarrasser. Pour lui donner des lois ! Ah, ah, Monsieur Clopin, Je ne vous croyais pas un esprit si sublime. Ainsi que vous, Messieurs, nous en avons les droits, Et nous voulons faire des lois. Oui, nous en formons de nouvelles, Et nous nous expliquons intelligiblement. Non, ce triomphe est pour nous peu de chose : A nos desirs c'est en vain qu'on s'oppose. Madame, allons nous assembler : Il faut faire des lois qui les fassent trembler. Je vous défends de penser à Lindor : Obéissez, Julie, ou craignez ma colère. Je ne puis remplir vos désirs : De ce que j'ai promis, Lindor, je me dégage ; En un mot, de Julie il faut vous séparer. Ne craignez rien. Lindor votre attente est frivole : Il n'est plus temps de compter sur sa foi. Lorsqu'à nos Citoyens qui vont ici se rendre, Nous aurons prescrit notre Loi, Alors vous pourrez y prétendre. Il m'attendrit ; mais reprenons courage. Lindor, ç'en est assez : je romps ce mariage. De l'amour qui soumet nos cœurs, Nous faisons une Loi de mépriser l'empire. À tous les Citoyens nous allons la prescrire : Nous pourrons dans la suite adoucir ses rigueurs, Quand les hommes moins fiers méritant nos tendresses, De guider leur raison nous laisseront maîtresses. Point du tout. Quoi ! se soumettre ? Ce faste n'est point superflu, C'est une nouvelle parure. Les hommes prennent soin d'élever notre enfance Dans la plus stupide ignorance ; Malgré cela, nos esprits pénétrants Sont redoutés de nos tyrans. Eh bien poursuivez donc. Mon cœur s'était toujours flatté Que nous devions avoir sur eux la préférence. L'obéissance ? Quel outrage ! Tiens à présent tu peux leur rapporter Cette impertinente Ordonnance. EH bien, Messieurs, vos lois sont-elles terminées ? Nous allons nous faire connaître. Monsieur Clopin ne veut donc pas permettre Que nous fassions les lois ? Allons, battez tambour. Pour vous rendre plus raisonnables. A présent par nos lois l'amour est approuvé. Lindor peut s'unir à Julie : Mais avant que l'hymen avec elle le lie, Qu'on s'empresse de toutes parts De rassembler ici nos Citoyens épars. Ciel ! Mon sang se glace. Thémire, commandez. Non, j'ai trop de frayeur. Ne plaisantez plus, cher époux : Pour l'amitié que j'eus toujours pour vous, À ma place allez les combattre. Je n'en ferai jamais. Nous revenons de nos erreurs. Je vous obéirai sans cesse, C'est à vous seul que j'ai recours. **** *creator_moline *book_moline_legislatrices *style_verse *genre_comedy *dist1_moline_verse_comedy_legislatrices *dist2_moline_verse_comedy *id_JULIE *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_julie Je viens me joindre au légitime hommage Que tous les Citoyens vous rendent tour à tour. Ma mère enfin voici le jour, Où par un heureux mariage Lindor va couronner ma tendresse et mes feux. Pourquoi ? Hélas ! Par quel malheureux sort Lindor aurait pu vous déplaire ? Je voudrais obéir à votre ordre sévere ; Mais mon cœur en secret n'y sera point d'accord. Un feu me trouble et m'agite Aussi-tôt que je le vois : Je sens mon cœur qui palpite, Et je l'aime malgré moi. Quand près de lui je soupire, Je ne connais point l'ennui. Est-ce un crime d'oser dire Ce que je ressens pour lui. Vous nous avez donné, maman, votre parole : Pourriez-vous ne pas nous unir ! Quelle Loi ferez-vous pour remplacer l'amour ? Quand Lindor vous ouvre son âme, Et lorsqu'à vos yeux sans détour Il fait l'aveu de la plus rendre flamme, Vous le payez d'un tel retour ; Oui votre Loi me désespère. Avec peine mon cœur digère L'affront d'un pareil traitement. En quoi le trouvez-vous coupable ? Son ardeur autrefois vous était agréable. Pourquoi m'empêchez vous d'épouser mon Amant ? L'art de feindre me semble un vice Que l'on ne saurait trop blâmer : Je parle ici sans artifice, Je ne puis vivre sans l'aimer ; Et mon cœur innocent, qui ne peut point connaître Les lois que vous voulez former, À celles de l'amour aime mieux se soumettre. Avec Lindor ; Nous serons sans cesse d'accord. Quoique nous n'ayons pas autant d'expérience, Nous passons du moins auprès d'eux Les moments les plus doux, les jours les plus heureux. Que sert d'envier leur puissance ? Pour régner sur leurs cœurs, les équitables Dieux Nous ont fait les objets de leurs plus tendres vœux. Quand l'Amour nous prête des armes, L'esprit, les grâces, la beauté Versent sans cesse sur nos charmes Les attraits de la volupté. Au tendre Amant qui nous adore, Nous inspirons mille désirs : Dans son cœur nous faisons éclore Le germe de tous ses plaisirs. Celui que la tendresse enchaîne, Ne connaît point l'art de trahir : Il cède au penchant qui l'entraîne, Et sans les lois sait obéir. Hélas, quelle est ma disgrâce, Si je perds mon cher Lindor ! Que mon ame est attendrie ! Quel désordre affreux ! Ah Julie, Que ce funeste jour va te coûter de pleurs ! Au milieu de ces bois, d'une agréable vie Tu ne goÛteras plus le charme et les douceurs. Au tendre Amant dont mon âme est ravie, Ce jour allait m'unir .... Une cruelle Loi Nous sépare, et l'oblige à s'éloigner de moi. D'un légitime amour victime infortunée, Je m'abandonne à mon malheur. Je laisse aux Immortels régler ma destinée, Puisqu'à fuir ce que j'aime on veut forcer mon cœur. A quel destin dois-je m'attendre ?.. Ma mère peut-elle prétendre Que je n'aime plus ? Elle a tort : Plus elle veut me le défendre, Plus je sens que j'aime Lindor. Une mère a beau nous contraindre, Quand on est dans l'âge d'aimer ; Si quelque amant sait nous charmer, C'est en vain qu'elle croit éteindre L'amour qui vient nous enflammer. Lorsque je vois Lindor paraître, Que ce moment est séducteur ! Je sens aussi-tôt dans mon cœur Un plaisir que lui seul fait naître, C'est le présage du bonheur. Que vais-je devenir dans cette île sauvage ?... J'entends des cris... Quel bruit ! Fuyons de ce rivage. Je meurs. Je vous avais bien dit, ma mère, Qu'il nous convenait mieux de soumettre nos cœurs, Que de vouloir faire la guerre. Cher Lindor, sauvez-moi la vie. **** *creator_moline *book_moline_legislatrices *style_verse *genre_comedy *dist1_moline_verse_comedy_legislatrices *dist2_moline_verse_comedy *id_LINDOR *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lindor En fuyant de notre patrie Pour éviter l'affreuse tyrannie, Nous avons débarqué dans cette île à bon port. Nos jours sont conservés ; je ne plains plus mon sort, Puisque j'épouse enfin mon aimable Julie. Le plaisir d'être aimé sans doute a des appas : Qui le cherche le plus souvent, n'en jouit pas. Mais le bonheur nous suit sans cesse, Lorsque dans les transports d'un légitime amour Pour prix de sa vive tendresse, On l'obtient à son tour. Nos Citoyens sur ce rivage Vont mêler aujourd'hui leur danse à nos plaisirs. Dieux ! que m'apprenez-vous ? daignez me rassurer. Quel obstacle nous sépare ! A l'hymen qu'on nous prépare, Vous vous opposez en vain : J'aime mieux perdre la vie Que d'abandonner Julie. Si mon malheur est certain Dans ce jour que l'Amour même A fixé pour mon bonheur, Éloigné de ce que j'aime J'expirerai de douleur. Donnez-leur votre Loi, tout vous sera permis : Nos Citoyens vous sont soumis. N'avez-vous pas assez de l'éclat de vos charmes, De vos attraits vainqueurs ? Vous faut-il d'autres armes Pour soumettre nos cœurs ? Votre Loi n'est pas juste, et l'amour véritable Inspire ce respect durable. Un Amant conduit par l'honneur Qu'un tendre sentiment anime, Selon vous commet donc un crime De faire hommage de son cœur ? Hélas ! Peut-on être insensible Quand on a vu Julie ? Une chaîne invisible Me force de céder : la douceur de ces fers Me les fait respecter, et me les rend plus chers. Il faut donc te perdre sans retour. Ah Julie ! ton absence Offre à mon cœur d'affreux instants. Si de ta chère présence Ta mère me prive longtemps, A l'ombre d'un épais feuillage Ton amant, loin de tes attraits, Pour compagne aura ton image Qui ne le quittera jamais. Elles l'ont mis dans un piteux état. Vous deviez avoir peur. Pourquoi les obstiner ? il vaut mieux se soumettre. N'avons-nous pas toujours nos mêmes droits ? Madame, imposez-nous les lois qu'il vous plaira. Cet arrêt est bizarre, Et j'en crains les effets, Que risquons-nous de nous soumettre ? C'est le moyen de les fléchir. Oui, mon cœur à Julie obéira sans cesse, Je serai trop heureux de recevoir ses lois. Je vais parcourir ce rivage. Au Député. Vous, suivez-moi. J'imagine un projet Qui va bientôt rabaisser leur courage. Ah, mes amis, fuyons sans plus attendre ? Nous sommes perdus sans retour. Faisons-leur peur. Hâtez-vous de prendre les armes, Et suivez-moi sans balancer. Des troupes de Sauvages Ont inondé cette île, et font mille ravages. Allons, montrez-nous votre cœur ? Rassurez-vous, chère Julie : Lindor conservera vos jours.