--- identifier: armand_crinature creator: Armand Huguet Armand dit. date: 1669 title: Le Cri de la nature. , comédie en un acte et en vers. --- LE CRI DE LA NATURE COMÉDIE EN UN ACTE ET EN VERS M. DCC. LXXI. Par M. Armand, Privilégié du Roi, pour les Spectacles de Fontainebleau, suivant la Cour. # APPROBATION. J'ai lu, par ordre de Monseigneur le Chancelier, une Comédie en un Acte, intitulée le Cri de la Nature ; et je crois qu'on peut en permettre l'impression. À Paris, le 4 Avril 1771. RÉMOND DE SAINTE-ALBINE.À PARIS, Chez la Veuve Duchesne, Libraire, rue Saint-Jacques, au-dessous de la Fontaine Saint-Benoît, au Temple du Goût. Représentée pour la première fois à Fontainebleau, le 20 Octobre 1769. # Avis Nécessaire. Comme il est important, pour la réussite de cette Pièce, de ne pas y faire paraître un enfant véritable, qui, s'il venait à crier, ne pourrait que produire un très mauvais effet ; l'Auteur a fait faire exprès un buste d'enfant, dont la figure est aussi naturelle qu'intéressante. Les troupes de Province qui voudront jouer la pièce, pourront s'adresser, pour en avoir un, au Sieur Renaud, Peintre et Statuaire, demeurant à Paris, rue des Cordeliers, chez M. Bernard, Perruquier, au quatrième étage. Ledit buste, bien peint, et empaqueté dans une boîte, pour qu'il ne se gâte pas pendant les voyages, coûtera neuf francs. On aura la bonté d'affranchir les lettres, et de prévenir le Sieur Renaud, huit jours avant l'envoi. # PERSONNAGES. – MONGEI. – MADAME MONGEI, son épouse. – MONSIEUR BONCOUR, Père de Madame Mongei. – MADAME GERVAIS, Maîtresse d'Hôtellerie. – SUZON, Fille de Madame Gervais. – VINCENT, Paysan, Amant de Suzon. – MARLOT, Valet de Monsieur Boncourt.La Scène est dans un Village à quelques lieues de Paris. # . ## SCÈNE PREMIÈRE. Madame Gervais, Suzon. Le théâtre représente le devant d'une Auberge de Village, avec l'enseigne de l'Écu de France. Madame Gervais et sa Fille sont assises sur un banc, qui est à côté de la porte. On doit supposer que c'est un Dimanche, et les acteurs et actrices être habillés en conséquence du costume de véritables Bourgeois de Village endimanchés. Suzon tient une brochure à la main. MADAME GERVAIS. Vous en parlez bien à votre aise, Ma fille; mais je dois en savoir plus que vous: Je ne suis point méchante, à Dieu ne plaise: Cependant, je ne puis garder toujours chez nous, Toute aimable à vos yeux qu'elle puisse paraître, Cette Dame pour qui vous vous intéressez. Les temps sont durs. C'est vous en dire assez. SUZON. Tenez, maman, je me trompe peut-être, Mais j'espère qu'au premier jour Nous reverrons ici son mari de retour Avec quelqu'heureuse nouvelle. MADAME GERVAIS. C'est elle qui te met tout ça dans la cervelle ; Mais avec tous ces beaux discours, Ce mari devait être absent pendant huit jours ; J'avais, sous cet espoir, reçu sa femme en garde. Tu vois, à revenir, cependant, comme il tarde. Depuis plus de trois mois qu'il est parti d'ici, On n'en a tien appris ; j'ai pourtant, Dieu merci, Du sort de cette Dame été si fort touchée, Que chez nous elle est accouchée. À la mère, à l'enfant je n'ai refusé rien ; Comme elle t'a pris pour matrone, Par amitié tu partages sa peine ; Mais moi, quand j'avance mon bien, Je veux savoir où le reprendre. SUZON. Vous n'aurez rien perdu, ma mère, pour attendre ; J'en jurerais ; elle est femme d'honneur. MADAME GERVAIS. [1] D'accord ; mais son mari peut être un affronteur. SUZON. En vérité, je ne saurais le croire. MADAME GERVAIS. Je le crois bien, toi qui lis des romans Tu te laisses gagner par une belle histoire. Mais moi qui ne lis point, aujourd'hui je prétends Qu'elle sorte d'ici. SUZON.         Ma mère, je vous prie, Vous avez fait une bonne action, Les recevant tous deux dans votre hôtellerie, Trop de précipitation Pourrait vous ravir l'avantage D'achever un si bel ouvrage. Vous en aurez, (j'en serais caution,) Entière satisfaction. Dans ces romans, qui ne vous plaisent guère, Je trouve des leçons d'honneur, d'humanité ; Que l'on doit soulager les gens dans la misère, Et qu'enfin le malheur doit être respecté. MADAME GERVAIS. Les gens de notre état méritent qu'on les plaigne Quand ils pensent ainsi ; l'on part sans dire adieu; Et si jamais tu tiens ma place dans ce lieu, On te verra réduite à mettre bas l'enseigne : Chacun emportera ton bien. SUZON. Ceux qui me tromperont n'auront pas le moyen, Sans doute, de payer, et j'aurai l'avantage De goûter le plaisir qu'on a, quand on soulage Les humains dans l'adversité. Est-il rien de plus beau que l'hospitalité ? MADAME GERVAIS. Oui ; mais on se réduit, quand on n'est pas plus sage, Au même état que ceux que l'on soulage. SUZON. J'ai toujours eu pitié du sort des malheureux; S'il m'était réservé, j'aurais lieu de m'attendre Que quelqu'âme sensible et tendre Pourrait penser pour moi comme je fais pour eux. MADAME GERVAIS. Bon ! Compte là-dessus, tu feras bonne chère. Mais je veux bien encor patienter, Puisque cette Dame t'est chère, Et ne la point inquiéter Pendant deux ou trois jours. En cas qu'elle descende, Préviens-la que j'attends du monde incessamment, Et que j'aurai besoin de son appartement. Qu'il ne faut pas qu'elle s'attende Que je refuse gens qui me payeront bien, Pour loger ceux qui ne me donnent rien. Comme t'as de l'esprit, sur toi je me repose Pour lui tourner ça gentiment ; En douceur conte-lui la chose, Par manière de compliment. Elle sort. SUZON, SEULE. Je m'acquitterai mal d'un ordre si sévère ; Mon coeur en est à tel point affligé, Que je sacrifierais, je crois, tout ce que j'ai, Pour adoucir le sort de ma pauvre commère. ## SCÈNE II. Vincent, Suzon. VINCENT, SANS VOIR SUZON. La fortune arrive souvent, Dit-on, quand le moins on l'appelle ; Alle ressemble justement [2] Au chien de feu Jean de Nivelle. Comme alle a bian des gens à contenter, C'est ce qui fait qu'alle passe si vite : Quand on est sage on en profite, Pour peu qu'on puisse l'arrêter. Que ma Suzon sera contente, Alors qu'alle apprendra..... la velà justement, Bonjour, Suzon. SUZON.         Ah ! C'est donc toi, Vincent. VINCENT. J'arrivons de Paris. SUZON.         J'étais impatiente, Te voyant tarder si longtemps. VINCENT. C'est natural quand on aime les gens. Mais la nouvelle que j'apporte, Va nous dédommager assez Des quatre jours que j'ons passé : Sans nous voir. SUZON.     Qu'est-ce donc ? VINCENT.         Chose qui nous importe ; Et doit nous conduire biantôt À la noce tout d'un plein saut. SUZON. Bon, bon ! Nous avons eu vingt fois cette espérance, Et jamais rien n'a réussi. VINCENT. Tatigué, pour cette fois-ci, J'aurons une meilleure chance ; J'avons en poche le moyen De hâter notre mariage. Mon parrain, à présent, je gage, Va consentir à tout. SUZON.         Je n'en crois rien. VINCENT. J'arnonce ! T'es ben incrédule! Mais, quand t'aurais la tête d'une mule, Ton coeur sera content, et tes yeux réjouis. Il tire une bourse. Tians, reluque bian cette bourse, De notre bonheur c'est la source ; Alle contiant, cent vingt-cinq Louis. SUZON. Hé ! Quand elle en contiendrait mille, D'abord qu'elle n'est pas à moi, Que m'importe ? VINCENT.         Eh bian donc ! Sur ce point sois tranquille ; Car personne n'a droit d'en disposer que toi. SUZON. Que moi ? Tu te moques sans doute. VINCENT. [3] Ce n'est point un godan ; acoute : Te souviant-il que j'ons tous deux, le mois passé, Pris un billet de Loterie, À quoi, depuis, tu n'as pus repensé ? SUZON. Hé bien ? Achève, je te prie ; Ce billet a gagné ? VINCENT.         Seulement mille écus. Pour un commencement, c'est toujours bon à prendre, Je sommes dans la veine, et devons nous attendre, Qu'une seconde fois j'en aurons encor plus. SUZON. Pourquoi de cet argent veux-tu que je dispose ? N'es-tu pas mon associé ? VINCENT. Je savons bian qu'à prendre à la rigueur la chose, Il m'en reviant, de, franc jeu, la moitié. Mais il s'agit de notre mariage ; Mon parrain, qu'est.... révérence parler, Le Procureux Fiscal de ce village, De jour en jour ne fait que reculer. [4] Quand je parais fâché de ce qu'il lantiponne, La belle raison qu'il me donne ! J'ons quatre arpents de tarre, et toi tu n'en as pas ! Faut donc user de rubrique en ce cas, Et pisqu'on nous dit que la terre Du genre humain est la commune mère, T'es son enfant tout comme moi : Il n'est pas juste donc que j'en aie pus que toi. Or, cet argent rendra la chose égale ; Faut que ta mère, et sans en sonner mot, Prenne ces mille écus pour augmenter ta dot, Qu'aux yeux de mon Parrain ensuite on les étale. Un Voyageur m'a dit qu'il savait un pays, Où le mari payait la dot de sa future : Cette coutume-là me plaît, et je te jure Que c'est de bian bon coeur que pour toi je la suis. SUZON. Par de tels sentiments, qui prouve sa tendresse, À lieu d'espérer du retour ; Mais avant d'écouter la voix de notre amour, Celle de l'équité me presse De te faire une objection Touchant ta proposition. N'avons-nous pas sujet de nous faire un scrupule, Mon cher ami, de nous approprier, Ainsi que nous faisons, cet argent en entier ? VINCENT. Si j'en avions un brin, ça serait ridicule: J'achetons un billet ; il porte du profit, Je le prenons : je crois que tout est dit ; Et tout chacun en fait de même. Fallait-il le laisser au marchand de billets, À ton avis ? Je ne fis pas si niais. SUZON. Non : tu vas toujours à l'extrême ; Mais, te souvient-il du sujet Qui nous fit prendre ce billet ? VINCENT. Si je m'en souvians ? Tatiguenne ! Je l'avons pris à propos de l'enfant Dont je sis le parrain, et dont t'es la marraine. Pour voir si ce pauvre innocent Nous rapporterait bonne aubaine, J'avons pris pour devise, à l'Enfant nouveau né. SUZON. Par conséquent, c'est chose très certaine Qu'il a part au billet. VINCENT.         C'est fort mal raisonné, Si tu veux bian me le permettre, Pisque pour ce billet j'avons mis notre argent ; Mais il n'a rian mis, cet enfant. SUZON. Le Ciel a mis pour lui ce qu'il pouvait y mettre, Ce que nous demandions. VINCENT.     Et quoi donc ? SUZON.         Du bonheur. VINCENT. Tu crois donc que sans li j'aurions eu malencontre ? SUZON. Je t'ai toujours connu pour un garçon d'honneur, Tu dois également l'être en cette rencontre : Et la devise prouve enfin Que l'enfant doit avoir le tiers de notre gain. VINCENT. Le tiers ? C'est mille francs ! Hé ! Qu'en a-t-il affaire ? Sarvons-nous en toujours en attendant ; Je l'y rendrons après, s'il deviant grand. SUZON. Tu ne songes pas que sa mère Est dans le plus pressant besoin. D'elle jusqu'à ce jour la mienne a pris grand soin ; Mais du mari la longue absence La fait à la fin murmurer. J'ai fait, en vain, instance sur instance ; Elle vient de me déclarer Qu'elle ne peut la garder davantage Sans argent. VINCENT.         Ah ! Pargué, ce serait grand dommage; Cette Dame est honnête, alle a de la biauté, Alle ne se dit pas femme de qualité, De plus, et ça pour elle m'intéresse: Car, vois-tu ! Suzon, la noblesse Ne soutiant ses grands airs fendants, Qu'aux dépens du travail des pauvres paysans ; Et si l'on proposait à ces biaux de la ville, De défricher un champ, de le rendre fertile. Ils prendraient ça pour un affront. Le métier de cocher, que tous les jours ils font, Leux paraît bian plus honorable ; Dans un cabriolet, allant un train de diable, D'éclabousser le peuple ils semblent s'applaudir. Il vaudrait mieux, morguenne, apprendre à le nourrir. N'avont-ils-pas des bras comme les nôtres ? Un paresseux, s'il a le coeur humain, Doit rougir de manger du pain Gagné par la sueur des autres. Mais en les nourrissant, ce que j'y vois de pis, [5] C'est pour eux le pain blanc, et pour nous le pain bis, (Et par fois je n'en avons guère.) Aussi je me souvians que défunt mon grand-père Appelait la maison d'un riche fainéant, Le tombeau d'un homme vivant. SUZON. Revenons à notre commère. VINCENT. Drès que c'est juste, il faut li porter sur le champ Ce qui reviant à son enfant ; Ou bian aimes-tu mieux que je payions ta mère ? SUZON. Mon cher ami, l'on doit, en obligeant quelqu'un, Ménager sa délicatesse : [6] Cette Dame a le coeur au dessus du commun; Ainsi, pour la servir, il faut user d'adresse. Ces jours passés, quand tu fus à Paris, Elle te donna des lumières, Et te fit, devant moi, les plus vives prières Pour trouver son mari. VINCENT.         Je n'en ons rian appris. SUZON. C'est ce qu'il ne faut pas lui dire ; Suis le conseil qu'ici l'honneur m'inspire. C'est Dimanche aujourd'hui, tu ne vas pas aux champs ; Il faut entrer chez elle, et, sans perdre de temps, Lui dire qu'à Paris un hasard favorable T'a fait rencontrer son époux, Qu'il doit bientôt se rendre auprès de nous ; Et brûle de rejoindre une femme adorable ; Mais qu'étant obligé d'y demeurer encor, Pour elle il t'a remis ces mille francs en or. VINCENT. Moi tenir un discours semblable ! Songe que ça m'engage à mentir comme un diable. SUZON. À mes yeux, comme aux tiens, le mensonge est affreux : Mais pour sauver la vie à quelque malheureux, Il peut être employé, du moins je l'imagine, Ainsi que le poison l'est dans la médecine, Avec adresse et grand ménagement. VINCENT. Tu te chargeras donc de tout le compliment, Car de mentir je n'ons pas habitude ; C'est pour moi peut-$etre un malheur, Sans ça j'aurions été premier Clerc de l'Etude De mon parrain le Procureur. SUZON. Elle doit être assurément chez elle : Ne perdons point de temps, entrons-y promptement. Le plaisir de porter une heureuse nouvelle Reproche aux coeurs bien faits la perte d'un moment. Ils sortent. ## SCÈNE III. Le théâtre change et représente une chambre d'Auberge, assez proprement meublée, mais sans magnificence, et un cabinet dans le fond. Madame Mongei y paraît seule, assise devant une table, sur laquelle elle est appuyée, un berceau avec un enfant à côté d'elle. MADAME MONGEI, SEULE. Hé quoi! Ce penchant invincible, Qui porte les coeurs à s'unir, Ne nous l'as-tu donné que pour nous en punir, Sage nature ? Non, la chose est impossible. La chimère des préjugés, Le sordide intérêt, le ridicule usage, Ne furent jamais ton ouvrage ; Ce sont des fers qu'entr'eux les hommes ont forgés, Montrant son enfant. Et dont voilà l'innocente victime. Cher enfant, qu'as-tu fait pour être infortuné ? Ta naissance n'est point un crime, Et tu n'auras jamais à rougir d'être né. Si ton aïeul inexorable, De ton père et de moi n'approuva pas les noeuds, En face des autels, un pouvoir respectable Nous a-t-il moins unis tous deux ? Tu vis à peine, et la mort te menace ; Je dois, pour soutenir tes déplorables jours, D'une main étrangère emprunter des secours Qu'on m'accorde à titre de grâce, Et que de tes parents tu ne peux espérer. A croître nos malheurs tout semble conspirer ; Tu n'as plus que moi sur la terre, Et je n'y suis qu'un être abandonné de tous ; Car je n'ose espérer que ton vertueux père Respire encor, sans doute il serait près de nous : Il ne nous trahit point, son âme m'est connue; Je sais que son plus grand bonheur Eût été de jouir d'une si chère vue ; Mais il voulait fléchir un oncle en sa faveur ; Nous nous sommes flattés d'une espérance vaine : De douter de son sort il ne m'est plus permis ; Il s'est livré lui-même, et j'en suis trop certaine, Dans les mains de ses ennemis. ## SCÈNE IV. Madame Mongei, Suzon, Vincent. VINCENT, BAS À SUZON, EN ENTRANT. Je voudrais t'obéir, Suzon, mais j'en enrage, Je dis la vérité depuis plus de vingt ans; Et tu veux tout d'un coup que je change d'usage ; J'ai peine, pour mentir, à desserrer les dents. SUZON, BAS À VINCENT. Dis toujours oui, nigaud, pour te tirer d'affaire, Et laisse-moi parler. VINCENT.         C'est bien facile à faire. SUZON, À MADAME MONGEI. Je viens vous rapporter l'espoir et la gaieté, Madame. MADAME MONGEI.         Qu'est-ce donc ? Parlez, ma chère amie. SUZON. Ah ! Madame, ce nom, si je l'ai mérité, Est le plus beau qu'on m'ait accordé de ma vie. Mais un événement bien plus intéressant Près de vous tous deux nous amène ; Voici mon compère Vincent, Qui revient de Paris. VINCENT.         Oui, la chose est certaine ? Par exemple, alle ne ment pas. SUZON. Bas à Vincent. Te tairas-tu ? Je suis un peu dans l'embarras, Je crains que tout-à-coup une nouvelle heureuse Ne vous cause une joie un peu trop dangereuse... MADAME MONGEI, VIVEMENT. Ne craignez-rien, de grâce expliquez-vous Vincent aurait-il vu, par bonheur, mon époux ? SUZON. Supposons qu'il l'ait vu. VINCENT.     Oui. MADAME MONGEI.         Ciel ! Puis-je le croire ? Ah ! Mes enfants, vous flattez ma douleur, Je le vois trop, par une douce erreur. SUZON. Si nous forgions à plaisir une histoire, D'où lui viendraient, pour vous, ces mille francs en or ? VINCENT, MONTRANT DES LOUIS D’OR. Oui, c'est çà qu'est du vrai. SUZON.         Douteriez-vous encor. MADAME MONGEI. Je ne le puis ; mais mon trouble est extrême, De ne le pas voir en ces lieux lui-même. Avec inquiétude. Peut-être sa santé.... SUZON, À VINCENT.     L'en empêche ?... Dis... VINCENT, EMBARRASSÉ.         Oui... On peut s'imaginer... que... ça pourrait bian être... MADAME MONGEI. Dieux ! Un rayon d'espoir m'a trop tôt ébloui ; Votre embarras me fait assez connaître Ce qui, depuis trois mois, le retient éloigné, Sans quoi, par une lettre, il m'aurait témoigné Qu'il souffre autant que moi d'une cruelle absence ; Un seul mot de sa main eût banni mon souci. Suzon fait signe à Vincent de parler. VINCENT. Dans peu vous varrez sa présence. Montrant l'argent. Vrai comme il m'a baillé ce que j'apporte ici. À Suzon. Tu vois combian je t'aime, et comme à ton école. [7] J'apprends à parler par bricole. MADAME MONGEI. Que vous dit-il ? SUZON.         Qu'il est impatient Que vous preniez au plutôt votre argent. VINCENT. Alle a raison ; et, quand on est comptable, Il faut s'acquitter vite, et d'un air agriable. MADAME MONGEI, PRENANT L’ARGENT. Je dois être sensible à ce bon procédé ; Suzon, je sais qu'auprès de votre mère, C'est à votre seule prière Qu'un généreux asile ici m'est accordé ; Permettez-moi d'être reconnaissante, Autant qu'il est en mon pouvoir : De grâce, daignez recevoir Ces dix Louis que ma main vous présente. SUZON. Pour moi c'est le plus grand bonheur, Si j'ai pu réussir à vous prouver mon zèle, Et votre offre me fait une peine mortelle; J'aime l'argent, mais encor plus l'honneur. MADAME MONGEI. Je Je n'insisterai pas ; mais au moins tout m'engage À payer au plutôt à Vincent son message; Il est exact autant que diligent. VINCENT, VOULANT PRENDRE. J'aime l'honneur, mais encor plus l'argent. SUZON, L’ARRÉTANT. Que vas-tu faire ? VINCENT.         Moi ? Prendre ce qu'on me donne. SUZON. Ce Monsieur te l'a défendu, Tu me l'as dit tantôt. VINCENT, RETIRANT SA MAIN AVEC PEINE.         Crois-tu ? SUZON. Assurément, j'ai la mémoire bonne; De plus, il t'a promis de te récompenser Lui-même, à son retour. VINCENT, COMME PAR RÉFLEXION.         Ah ! Tu m'y fais penser. MADAME MONGEI. Je vois qu'une ame honnête, et qui connaît la peine ; Mais dont les pouvoirs sont bornés, Est bien souvent, pour les infortunés, La ressource la plus certaine. En faisant des heureux, tel qui suit son penchant ; Et de bonne heure en sait contracter l'habitude, Peut-il trouver de coeur assez méchant Pour le payer d'ingratitude ? VINCENT. Je pensons assez comme vous : Mais la plupart des hommes sont si fous ; Qu'ils se faisont passer pour plus bizarres Qu'ils ne sont en effet, et je ne comprends pas Qu'on trouve, comme on dit, si grand nombre d'ingrats, Quand je songe combien les généreux sont rares. MADAME MONGEI. Allez, mon cher Vincent, à Madame Gervais Porter cette somme au plus vite ; Non que je croie avec elle être quitte, J'ai le coeur trop rempli de ses bontés. VINCENT.         J'y vais. Il sort. ## SCÈNE V. Madame Mongei, Suzon. SUZON. Permettez- moi, mon aimable commère, D'oser vous demander, mais par bonne amitié, Pourquoi vous envoyez une somme à ma mère, Dont vous ne lui devez, au plus, que la moitié. MADAME MONGEI. Rien n'est plus juste ; en arrivant chez elle, Votre mère a pu voir assez facilement Que notre état n'était pas opulent. Sa confiance en nous a pourtant été telle, Que peu de jours après elle a permis À mon époux de partir pour Paris ; Elle m'a, pendant son absence, Accordé des secours en m'avançant son bien ; Puisque j'en ai maintenant la puissance, Il est juste, à mon tour, que j'avance le mien. ## SCÈNE VI. Suzon, Madame Mongei, Vincent, Mongei, qui arrive après Vincent. VINCENT. Hé bian ! Une autre fois, morguenne ! Prendrez-vous de mes armanacs ? MADAME MONGEI. Comment ? VINCENT.         Votre mari viant d'arriver là-bas ; Le voici que je vous amène. MONGEI, DANS L’ÉQUIPAGE D’UN HOMME QUI S’EST SAUVÉ DE PRISON, SANS ÉPÉE, SE JETTE DANS LES BRAS DE SA FEMME. C'est elle que je vois ! MADAME MONGEI.     Cher époux ! MONGEI.         Quel bonheur ! MADAME MONGEI. Le Ciel m'accorde, enfin, sa plus douce faveur ! MONGEI. Aux maux les plus cruels, depuis trois mois en proie, Mon coeur, pressé par la douleur, Se croyait désormais insensible à la joie ; Mais dans tes bras je connais mon erreur. Ciel ! Suzon, pendant ce temps, a été prendre l'enfant dans son berceau pour le montrer à son père, qui, jetant les yeux sur le berceau, et ne l'y voyant pas, paraît effrayé. MADAME MONGEI.         Que dois-je penser de ton inquiétude ? MONGEI. Ah! Daigne me tirer de mon incertitude. Oui..... je dois t'avouer.... que je suis inquiet Suzon qui était derrière lui, lui présente son fils. Du fruit !... Ah ! Je le vois, et je suis satisfait ; Je goûte le plaisir d'être époux, d'être père : Je n'ai plus rien à désirer. MADAME MONGEI. Pardonne, tendre époux, si j'ai pu différer À te montrer une image si chère : Le plaisir de te voir occupait tous mes sens ; Songe que dans si peu d'instants On ne peut voir changer sa destinée, Sans que de si grands coups l'âme soit étonnée. Tous les malheurs semblaient se réunir sur moi. Mon bonheur est au comble en vivant près de toi. C'est une existence nouvelle, Qui maintenant anime tout mon coeur. MONGEI. Tu ne sais pas, sans doute, où va notre malheur: La fortune à nos voeux est encor plus rebelle Que lorsque je quittai ces lieux. Cet enfant, le plus cher des trésors à nos yeux, N'aura de nous reçu la vie Que pour la voir de maux et de honte remplie. Ce parent, sur lequel j'avais toujours compté, Dont je croyais l'amitié si sincère, Avait été déjà prévenu par ton père, Lorsque chez lui je me suis présenté : J'ai trop connu sa fatale prudence, Et qu'il craignait d'irriter contre lui, En nous accordant son appui, Un homme dont partout on vante l'opulence. En m'accablant de reproches honteux, Il me déclara que ton père N'approuverait jamais que, bravant sa colère, L'hymen, sans son aveu, nous eût unis tous deux. Vainement, pour notre défense, Je rappelai qu'en des temps plus heureux Ton père avait juré de couronner nos feux : Du ton le plus sévère il m'imposa silence. Je m'apprêtais à le quitter, Lorsqu'inhumainement il me fit arrêter ; Dans un affreux cachot, destiné pour le crime, (Ayant voulu défendre en vain ma liberté,) Presque mourant je fus jeté, Des rigueurs de la loi prêt d'être la victime. Au bout de quelques jours, il me vient assurer Que de ma liberté je puis jouir encore : Mais à quel prix ! Il faut lui déclarer Où j'ai laissé l'épouse que j'adore. Je m'écrie, à ces mots, transporté de fureur : Homme cruel, né pour la perfidie, Sans doute, par le tien, tu juges de mon coeur ; Apprends que mon secret m'est plus cher que ma vie ; Tu peux me la ravir, mais un indigne effroi Ne perdra pas, du moins, mon épouse avec moi. MADAME MONGEI. Pour assouvir leur fureur inhumaine, S'il m'eût été permis de partager ta peine, Et de savoir le lieu de ta captivité, Mon tendre coeur, bien loin d'en être épouvanté, Eût réuni l'époux, et l'enfant et la mère. VINCENT. Je vous aurions, parguenne, empêché de le faire. Il en est de la liberté, Tout ainsi que de la santé ; On la pard quand on veut, et rian n'est plus facile ; Mais en est on privé, l'on ne peut assurer Quand on pourra la retrouver. Queu bonheur a donc pu vous retirer des pattes De ce vilain parent ? Je ne le comprends pas. MONGEI. On trouve, dans tous les États, Des coeurs compatissants, des âmes délicates. Celui que l'on avait chargé De m'apporter les besoins de la vie, Parut un jour avoir l'âme attendrie De l'état où j'étais plongé, Et fut jusques à me promettre Que si, me reposant sur sa fidélité, Je lui voulais, pour toi, confier une lettre ; Il te la ferait rendre en toute sûreté. SUZON. Vous fûtes bien charmé, je gage ; De rencontrer cet homme généreux. MONGEI. Qui protège les malheureux, D'un Dieu pour eux devient l'image. J'écrivis en effet ; mais prêt à t'adresser La lettre que pour toi je venais de tracer, Un mouvement secret, que je ne pus comprendre, Sembla tout bas me le défendre. Puisqu'une noire trahison, Me livrait aux rigueurs d'une affreuse prison, J'appréhendai pour toi quelque injure nouvelle. Cet homme, à me servir, parut trop empressé ; Je crus, par son moyen, voir une main cruelle T'arracher de l'asile où je t'avais laissé, Pour te livrer à la fureur d'un père. Peut-être lui faisais-je tort ; Mais de ce que j'avais de plus cher sur la terre, Je craignis en ses mains de confier le sort ; Mon écrit en était le seul dépositaire, Et la flamme, à ses yeux, dévora ce mystère. VINCENT. Vous avez pus d'esprit, tatigué ! que Vincent, D'avoir appréhendé queuque mauvais négoce ; Car j'avouerai tout bonnement, [8] Que j'aurions baillé dans la bosse. MONGEI. Bien loin d'être surpris d'une telle action : Ce trait, dit-il, marque votre prudence, Monsieur, et je conviens que ma profession, Ne doit pas attirer beaucoup de confiance : Mais je vous prouverai que dans de vils emplois L'humanité se trouve quelquefois, Et saurai vous forcer à me rendre justice, Par un plus important service. Il est en mon pouvoir, dans cette extrémité, De vous rendre la liberté, Ne craignez rien pour moi, je prendrai des mesures Pour qu'on croie aisément que vous m'avez trompé, Et que, malgré mes soins, vous êtes échappé : Prenez, pour vous sauver, les routes les plus sûres. Après ces mots, il conduisit mes pas, Loin de l'affreux séjour, fait pour les scélérats. J'ai couru vers ces lieux, malgré la nuit obscure, Et n'ai pris, depuis hier, repos, ni nourriture, Pour moins tarder à remplir en ce jour Mes devoirs les plus saints, la nature et l'amour. MADAME MONGEI. Va, cher époux, si le sort nous opprime, On ne nous peut, au moins, reprocher aucun crime : Sans doute, il est encor des mortels généreux ; Hé bien !... Soumettons-nous à travailler pour eux. Nous possédions jadis des talents agréables, Qui peuvent aujourd'hui nous être secourables. On ne doit point rougir d'exercer les talents, Lorsqu'on y réunit de nobles sentiments. Le reste de l'argent, que tu m'as fait remettre. Par Vincent, peut nous le permettre. VINCENT, BAS, À SUZON. Bon ! Nous voilà dans un bel embarras ! SUZON, À VINCENT. Ah ! Je suis plus morte que vive. VINCENT. Tire-t'en comme tu pourras : Je t'avertis que pour moi, je dérive. Il se sauve. ## SCÈNE VII. Mongei, Madame Mongei, Suzon. MONGEI, À MADAME MONGEI. De ce que tu me dis j'ai lieu d'être étonné, Je n'ai pas vu Vincent, et je n'ai rien donné. MADAME MONGEI. C'est à Vincent d'éclaircir ce mystère : Suzon.... où donc est-il allé ? SUZON. Je vois qu'il n'est plus temps, Madame, de me taire ; Malgré moi, tout est décelé. Elle se jette sur les mains de Madame Mongei, les baise, et lui dit. Me pardonnerez-vous, ô femme respectable, Si d'un stratagème innocent, J'ai cru devoir, avec Vincent, Me servir, pour vous être aujourd'hui secourable ; Je vous informerai d'où cet argent nous vient. Croyez qu'à votre fils de droit il appartient, Et cela ne dérange en rien notre fortune, Qui, d'ailleurs, avec nous doit vous être commune. Souvenez-vous que vous avez tantôt Daigné m'appeler votre amie : Je réclame ce titre, et ce n'est qu'un dépôt Que par mes mains votre fils vous confie. Lorsque le Ciel répand sur nous Quelque faveur qui nous étonne, C'est un ordre secret, sans doute, qu'il nous donne, D'en faire part à ceux qui pensent comme vous. MADAME MONGEI, L’EMBRASSANT. Oui, ma chère Suzon, je me croirais coupable, En refusant ce prêt noblement présenté ; L'intérêt, ni la vanité N'entrent pour rien dans une offre semblable. Nous pouvons l'accepter de vous, Comme un nouveau lien qui nous attache ensemble ; Mais je t'avouerai, cher époux, Que ton récit m'inquiète ; et je tremble Que cette liberté, ce bien qu'on t'a rendu, Ne soit un nouveau piège adroitement tendu, Pour découvrir le lieu de ma retraite. Ton geôlier m'est suspect, je ne le cèle pas;. On peut, pendant la nuit, avoir suivi tes pas. Mon âme ne sera pleinement satisfaite Que lorsque nous serons éloignés de ces lieux. Ta tête est en danger, et s'il fallait... Ah ! Dieux ! D'un noir pressentiment je ne puis me défendre... Mais voici notre ami Vincent. ## SCÈNE VIII. Mongei, Madame Mongei, Suzon, Vincent. VINCENT, ACCOURANT AVEC PRÉCIPITATION. J'accours vite pour vous apprendre Que vous êtes, je crois, dans un danger pressant. MONGEI. Comment ? VINCENT.         J'ai peur que l'on ne vous poursuive. MADAME MONGEI. Ô Ciel ! VINCENT.         Dans la cuisine, en ce moment arrive, Un vieux Monsieur, à cheveux blancs, Qui s'informe de ceux qui sont logés céans. MADAME MONGEI. Je n'en doute point, c'est mon père ! SUZON. Quel malheur ! VINCENT.         J'ai fait signe à Madame Gervais, De ne vous pas nommer, que c'était un mystère : Alle m'a fort bian compris ; mais Ce Monsieur veut, dit-il, entrer dans cette chambre, Attendant que son compagnon, [9] Qui m'a l'air d'un porte-guignon, Car il s'est dit de la Justice un membre, Ait été chez tous nos voisins, Pour s'informer de vous. Madame Mongei court pour prendre son enfant. SUZON, L’ARRÊTANT.         Laissez entre mes mains Ce cher dépôt, j'en réponds sur ma vie. Ses cris pourraient vous découvrir. Ce petit cabinet, que je vais vous ouvrir, Peut vous cacher tous deux. MADAME MONGEI, ABANDONNANT L’ENFANT AVEC PEINE.         Ah ! Songez, chère amie..., SUZON. J'entends monter, sauvez-vous promptement. Ils vont se cacher dans le cabinet. ## SCÈNE IX. Monsieur et Madame Mongei, Suzon, Vincent, Marlot. VINCENT. C'est le Valet, gardez qu'il ne vous voie... Marlot entre. Il vous a vu. MARLOT.         Sans doute. Ah ! Que je sens de joie D'être entré le premier dans cet appartement ! MONGEI. C'est mon geôlier, c'est Marlot. MADAME MONGEI.         Quoi ! Ce traître ? MONGEI. Ah ! Si j'étais armé, je lui ferais connaître. Qu'on ne me trahit pas impunément. MARLOT.         Tout doux ; Souvent le repentir suit de près le courroux ; Et, quoique, contre moi, l'apparence soit forte, Je ne suis pas un traître, où le diable m'emporte. Rendez grâce à votre bonheur, Qui me conduit ici pour vous tirer d'erreur. VINCENT. Par ainsi, d'un coquin vous n'avez que la meine ? MARLOT. Votre père, dans peu d'instants, Va monter en ce lieu ; ne perdons point de temps. Sachez qu'innocemment j'ai causé votre peine ; Que le malin vieillard m'a trompé le premier ; Que je suis son valet, qu'il m'a contraint à faire, Quand vous étiez prisonnier dans sa terre. LE PERSONNAGE DE GEOLIER. C'était lui qui me faisait dire, Sans le citer en rien, que vous pouviez écrire : Je n'ai fait qu'obéir à ses commandements ; Enfin, quand je vous ai donné la clef des champs... MONGEI. Quoi ! C'était lui ?... MARLOT.         Oui ; mais j'ignorais qu'à la porte, Ayant exécuté ce qu'il m'avait permis, Un espion qu'il avait mis, Devait, pendant la nuit, vous suivre, et faire en sorte De découvrir le lieu que Madame habitait, Où, sans doute, l'amour d'abord vous conduirait. Quand je l'ai su j'ai tout mis en usage, En le voyant partir, pour être du voyage. Je n'épargnerai rien ici pour vous sauver... Vous ne répondez rien, et vous semblez rêver.... Mais je saurai bannir un soupçon qui m'offense. À l'instant, contre moi, de colère animé, Vous aviez du regret de n'être point armé ; Accordez-moi l'honneur de votre confiance, Ou, si vous persistez à douter de ma foi, Il tire son couteau de chasse, et le lui présente. Contentez-vous, Monsieur, défaites-vous de moi. MONGEI, L’EMBRASSANT. Non : je me rends, et veux me fier à ton zèle. BONCOUR, DERRIÈRE LE THÉÂTRE. Marlot... MARLOT. Haut.         Monsieur... J'entends mon Maître qui m'appelle, Vite, entrez dans le cabinet. Monsieur et Madame Mongei entrent dans le cabinet, dont Suzon prend la clef. VINCENT, À SUZON, PENDANT QUE MARLOT VA AU DEVANT DE SON MAÎTRE. Je le crois honnête-homme, et je le dis tout net. [10] Mais, taisons-nous, velà le Daron qui s'avance. ## SCÈNE X. Boncour, Marlot, Vincent, Suzon, tenant l'enfant, sur le derrière du Théâtre. BONCOUR. Dans cet appartement, je serai mieux, je pense. À Marlot. Pourquoi m'as-tu quitté là-bas ? MARLOT. Vous me croyez un sot, mais je ne le suis pas Autant que vous pensez. Il faut de la cervelle Dans ces occasions. Vous causiez dans un coin [11] Avec l'Exempt; mais moi, toujours rempli de zèle, Il l'envoie, ai-je dit, peut-être, chercher loin Ce qu'il tient sous sa main. VINCENT, BAS, À SUZON.         Ah ! Quelle tricherie! Après ça, fiez-vous aux gens ! MARLOT. J'ai voulu visiter toute l'hôtellerie, Pour vous montrer, par mes soins diligents, L'intérêt que je prends au chagrin qu'on vous cause ; Et s'ils étaient céans, j'en saurais quelque chose. BONCOUR. Je me fie à tes soins, sans réserve. MARLOT.         Il le faut, Et ma sincérité doit égaler la vôtre. Quand on n'a rien de caché l'un pour l'autre, Les médisants se trouvent en défaut. Je veux vous mettre au point que, si, voulant me nuire, Quelque ennemi venait vous dire, "Pour vos deux fugitifs, Marlot vous a trompé; Il prend leurs intérêts, et connaît leur retraite : Les servir contre vous est tout ce qu'il projette, Et par lui vous serez dupé ;" Oui, quand je vous dirais moi-même, Je vous trompe, Monsieur.... souvenez-vous-en bien ; Il faut absolument que vous n'en croyiez rien. BONCOUR. Il s'assied dans un fauteuil. J'y suis bien résolu.... Dans ma colère extrême, La vengeance est mon seul espoir, N'importe à qui je puisse la devoir. MARLOT. J'y prends un intérêt que je ne puis vous dire, Monsieur ; et vous surprendre est le but où j'aspire. Mais au moment de vous venger D'une fille jadis si chère, Songeant au triste état où vous l'allez plonger, Sentez-vous remuer les entrailles de père ? BONCOUR. Ces tendres sentiments deviendraient superflus ; C'en est fait, pour mon sang je ne la connais plus: Oui, l'amour paternel est éteint dans mon âme. Depuis un an, pour suivre un séducteur infâme, Dans les horreurs elle m'a pu laisser : Aux droits du sang on l'a vu renoncer. Tout ingrat doit braver quiconque lui pardonne. Et qui suit-elle, encor, lorsqu'elle m'abandonne ! Un homme sans appui, dont le sort malheureux Ne lui laisse espérer qu'un avenir affreux. Puis-je, d'ailleurs, approuver l'alliance D'un roturier, sans bien ? Prendrais-tu sa défense ? MARLOT. Non, je n'entreprends point de le justifier. Il a tort ; mais je crois, à parler sans finesse, Que de tout arbre de noblesse La racine est un roturier. BONCOUR. Qu'elle demeure, au moins, sous terre ensevelie. En voyant ses rameaux, aisément on l'oublie. Qu'attendre d'un mortel, aux travaux destiné ? Nourri dans la bassesse, il meurt comme il est né. VINCENT, S’APPROCHANT. Excusez-moi, Monsieur, si j'ons la hardiesse, Comme étant roturier, d'entrer dans l'entretien. Je devons, il est vrai, respect à la noblesse ; Mais ça ne conclut pas que je ne valons rien. Les honnêtes gens et les traîtres Sont de tous les États, et de tous les pays. Je voyons, chaque jour, dans nos travaux champêtres, Qu'un var ne ronge pas le coeur de tous les fruits. BONCOUR. Je dois en convenir, et je suis incapable, Mes chers enfants, de vous humilier. L'homme que la douleur accable Peut bien, dans ses discours, quelquefois s'oublier. Mon âge et mes chagrins me serviront d'excuse. VINCENT. Quand les grands ont queuque chagrin, Les petits, d'ordinaire, en patissont un brin. Je savons ça. C'est, si je ne m'abuse, Comme quand le grand vent boute un clocher à bas ; Les maisons d'alentour en sentont les éclats. Partant, j'allons laisser Monsieur tranquille. MARLOT, À BONCOUR. Si par hasard ici je vous suis inutile, Monsieur, j'irai là-bas, et je m'informerai Finement de nos gens. Peut-être... BONCOUR.         À la bonne heure ; Mais pourvu que quelqu'un auprès de moi demeure. SUZON. Avec bien du plaisir, Monsieur, j'y resterai. BONCOUR. Ce sera m'obliger ; je crains la solitude, Elle ajoute toujours à mon inquiétude. Suzon s'assied, avec l'enfant dans ses bras. MARLOT, BAS, À VINCENT. Nous ne gagnerions rien à le contrarier ; Mais, malgré ce qu'il dit, il adore sa fille : [12] Il faut qu'avec l'hôtesse un moment je babille ; Pour jouer au bonhomme un tour de mon métier. Il sort avec Vincent. ## SCÈNE XI. Boncour, Suzon. BONCOUR, SE LÈVE DE SON FAUTEUIL. Dans ce logis êtes-vous étrangère, Ma belle enfant ? SUZON.         Non, Monsieur ; la maison, Depuis trois ans, appartient à ma mère. BONCOUR. Et quel est votre nom ? SUZON.         Je m'appelle Suzon, Pour vous servir, si j'en étais capable. BONCOUR. Vous tenez dans vos bras un enfant bien aimable. SUZON. Trouvez-vous cela tout de bon ? BONCOUR. Oui : de quel sexe est-il ? SUZON. Monsieur, c'est un garçon. BONCOUR. Vous êtes sa mère, sans doute ? SUZON, TROUBLÉE. Monsieur... il... m'appartient. BONCOUR.         Hé quoi ! Vous rougissez ! Je ne puis exprimer le plaisir que je goûte À voir ce bel enfant. SUZON.         Ah ! Vous me ravissez! Si vous saviez... combien je l'aime ! BONCOUR. L'homme qui, dans l'instant, était auprès de vous, Est donc son père et votre époux ? SUZON. Vous le dites. BONCOUR.         J'aurais une douleur extrême, S'il arrivait quelque accident, Je vous l'avoue, à cet enfant. Ayez-en soin, sa vue a pour moi tant de charmes, Que je ne sais d'où vient qu'en le voyant, Je me sens ému jusqu'aux larmes. SUZON. Vous en avez aussi, Monsieur, apparemment ! BONCOUR. Hélas ! Je n'avais qu'une fille, Qui faisait mon espoir et toute ma famille : Je l'ai perdue, elle n'est plus pour moi ! SUZON, EN RIANT. À sa place, prenez le mien. BONCOUR, SÉRIEUSEMENT.         De bonne foi, Me le donneriez-vous ? SUZON, PRENANT AUSSL L’AIR SÉRIEUX.         De grand coeur ; car j'espère, Si vous lui faisiez cet honneur, Qu'il pourrait faire le bonheur Un jour de son père et sa mère. BONCOUR. Peut-être votre époux, en supposant le cas, S'opposerait... SUZON, RIANT.         Lui, Monsieur ? Au contraire, À cet égard, vous pouvez faire Comme si je n'en avais pas. ## SCÈNE XII. Boncour, Suzon, Vincent. VINCENT, SE PARLANT À LUI-MEME. Ils complotont là-bas queuque nouvelle histoire, Qui ne me plaît pas trop; ils voulont faire accroire... BONCOUR, VOYANT VINCENT. Ah ! Mon ami, vous venez à propos. Il s'agit d'un heureux que nous souhaitons faire ; Votre femme y consent, mais il est nécessaire... VINCENT, ÉTONNÉ. Mais, ce n'est pas ma femme... SUZON, BAS.         Écoute, quatre mots. BONCOUR, CONTINUANT. Je sais que son aveu ne peut rien sans le vôtre. Si vous me l'accordez, mon dessein à l'instant Est d'assurer un sort brillant à votre enfant. VINCENT, ENCORE PLUS SURPRIS. À mon enfant ! Parguenne, en voici bian d'une autre ! BONCOUR. Il paraît bien surpris. VINCENT.         Qui ne le serait pas ? Bas à Suzon. Quoi ! Je me sauve de là-bas, Pour ne pas mentir, et... SUZON, À BONCOUR.         Souffrez, je vous conjure, Monsieur, que je lui parle un moment à l'écart ; Il y consentira. BONCOUR, PENDANT QUE SUZON PARLE À VINCENT.         Je l'avouerai sans fard, J'admire dans nos coeurs l'effet de la nature. Un pauvre paysan ne saurait consentir Qu'on le prive d'un fils destiné pour la peine, Et dont il voit la fortune certaine ; Mais nos cruels enfants se pressent de sortir De nos bras paternels, et leur première envie, Dès leur adolescence, est de prendre l'essor. Ce n'est qu'à des ingrats que nous donnons la vie, Et qui, presque toujours, avancent notre mort. SUZON, S’APPROCHANT DE BONCOUR. Il y consent, Monsieur, l'affaire est décidée. VINCENT. Oui, ça vaut fait, j'en sis d'accord : Je nous serions rendu plutôt à votre idée; [13] Mais je n'entendions pas tout ce mic-mac d'abord : L'enfant vous appartiant... Mais qu'en voulais-vous faire ? Il faut que ses parents appreniont ça de vous, Et qu'il soit plus heureux qu'il ne serait cheux nous. BONCOUR. Me cédez-vous sur lui vos droits de père ? VINCENT. Oh ! Pargué, tant qu'il vous plaira. J'en aurions trente comme ça, Qu'ils seriont à votre sarvice, Et je ne croirions pas les pouvoir mieux placer ; Je connoissons nos gens. BONCOUR.         D'un pareil sacrifice Je saurai vous récompenser. VINCENT. Ah ! Vous vous bouteriez en frais pour peu de chose ; Car, dans le vrai, vous ne nous devais rien. BONCOUR. Apprenez que je me propose De l'adopter pour fils, de lui donner mon bien, Pour punir une fille ingrate, Qu'un lâche suborneur entraîna loin de moi. Elle a, sans mon aveu, disposé de sa foi, Et d'attendrir mon coeur, peut-être encor se flatte. Mais j'atteste le Ciel, et l'Univers entier, Que cet enfant sera mon unique héritier. SUZON. Nous comptons sur votre parole. BONCOUR. J'engage mon honneur de n'y jamais manquer. ## SCÈNE XIII. Madame Gervais, Boncour, Suzon, Vincent, Marlot. MARLOT. Ma peine heureusement n'a pas été frivole. BONCOUR. Sais-tu quelque nouvelle ? MARLOT.         Avant de m'expliquer, Daignez m'instruire, au vrai, de l'état de votre âme. Votre fille, Monsieur, cet objet tant aimé, Votre coeur sans retour pour elle est-il fermé ? BONCOUR. Sans doute, et pour toujours : qu'on m'approuve ou me blâme, Je ne veux écouter que mon ressentiment. MARLOT. Quoi ! Vous ne sentez pas le moindre mouvement ?... BONCOUR. Non, que celui de voir ma colère assouvie. MARLOT. Vous voulez la punir ? BONCOUR.         Je le veux, je le dois. MADAME GERVAIS. Elle est plus heureuse cent fois, En ce cas-là, d'avoir perdu la vie. BONCOUR, AVEC SAISISSEMENT. Ah ! Que m'apprenez-vous ? MARLOT, À PART.         Le grand coup est frappé. BONCOUR, TOMBANT DANS UN FAUTEUIL. Je n'y survivrai pas, si la chose est certaine. MADAME GERVAIS. Je n'ai pas cru, Monsieur, vous faire de la peine, Et tout innocemment ça nous est échappé. Excusez, s'il vous plaît. BONCOUR, TIRANT SON MOUCHOIR.         Ô Ciel ! Quel coup de foudre! Je ne la verrai plus ! MADAME MONGEI, SORTANT UN PEU DU CABINET.         Je ne puis me résoudre À le laisser plus longtemps dans l'erreur. MARLOT, LA FAISANT RENTRER. Il n'est pas temps. BONCOUR, L’AYANT ENTENDU.     Comment ? MARLOT, FEIGNANT DE PLEURER.         Oui, de votre douleur Il n'est pas temps d'augmenter l'amertume, En vous contant le triste événement Qui l'a mise au tombeau. BONCOUR.         Point de ménagement : Que dans le désespoir mon âme se consume. Oui, redoublez le coup dont vous m'avez blessé. L'on ne doit voir en moi qu'un vieillard insensé, Qui, par ambition, a trahi sa promesse. De Mongei mon épouse approuvait la tendresse ; Avec sa fille elle voulait l'unir : Elle me fit jurer, à son dernier soupir, Quoi qu'il pût arriver, de le choisir pour gendre. Par des malheurs, depuis, ayant perdu ses biens, Qu'il eût pu recouvrer par le secours des miens, J'oubliai mes serments, et j'osai lui défendre De se flatter jamais de l'hymen projeté. D'un autre amant, qui me fut présenté, (Dont la haute fortune égalait la naissance,) L'ambition me fit désirer l'alliance. De ma fille à mes pieds je méprisai les pleurs, J'abusai d'un pouvoir qu'à présent je déteste ; Et, le jour pris pour cet hymen funeste, Sa fuite, qu'on m'apprit, redoubla mes fureurs. MADAME GERVAIS. Ah ! Pour elle, Monsieur, le coup le plus sensible Fut dans l'instant qu'on lui dit qu'en prison Son pauvre époux était, par trahison. À cette nouvelle terrible, Elle se lamenta d'une telle façon, Qu'elle accoucha céans d'un beau garçon, Qui nous est demeuré pour gage ; Car, peu d'instants après, elle plia bagage. BONCOUR, SE LEVANT AVEC VIVACITÉ. Que dites-vous ? Un fils d'elle vous est resté ? Ah ! De grâce, que je le voie. SUZON, LUI PRÉSENTANT L’ENFANT. C'est un consolateur que le Ciel vous envoie ; L'enfant que dans l'instant vous avez adopté, N'en doutez pas, Monsieur, est votre fils lui-même; J'ai cru pouvoir user de stratagème, En vous laissant quelque temps dans l'erreur. Quoi ! Ce titre si doux serait-il inutile? On voit en lui vos traits, vos bras sont son asile, Et votre sang fait palpiter son coeur. S'il était quelque âme assez dure Pour avoir contre lui quelque mauvais dessein, Il devrait n'avoir pas de retraite plus sûre, Qu'en se jetant dans votre sein. Ici Monsieur Boncour regarde l'enfant un moment, puis s'en détourne. VINCENT. Vous n'osez devant nous li marquer de tendresse ? Méconnaître son sang, est-ce un trait de noblesse ? Hé bian ! morgué, je sommes son parrain ; Rian ne li manquera, tant que j'aurons du pain. Est-ce sa faute, à li, s'il n'est pas genti-zomme ? Tenez, s'il en vaut moins, je veux bian qu'on m'assomme : J'en ferons un gentil garçon. Il saura travailler ; la Providence est bonne. Quand il faut accomplir ce qu'alle nous ordonne, Tout noble peut cheux nous venir prendre leçon. Boncour, avec le plus grand attendrissement. Mon courroux est vaincu, la nature l'emporte ; Mon âme n'est point assez sorte, Pour résister à des coups si puissants. Allez chercher Mongei ; courez, mes chers enfants. Du passé, dans mon coeur, le souvenir s'efface ; Le fruit de son erreur vient d'obtenir sa grâce. ## SCÈNE XIV ET DERNIÈRE. Les Acteurs précédents, et Mongei. MONGEI, SORTANT DU CABINET, ET SE JETANT À SES PIEDS. Vous le voyez à vos genoux : Il ne vous a jamais rendu haine pour haine ; Et même, en éprouvant votre injuste courroux, Sa tendresse pour vous n'était pas incertaine. BONCOUR. Me pardonneras-tu, dis-moi, Les maux que t'a causé mon injuste colère ; Et la perte, sur-tout, d'une épouse si chère, Que je regrette autant et plus que toi ? Ici Marlot amène Madame Mongei à côté de son père ; elle prend la place de son mari, sans que Boncour s'en aperçoive, et il continue à parler. Par ma sévérité j'ai causé sa disgrâce : Reproche-moi sans cesse une injuste rigueur, Qui me prive de la douceur De l'embrasser ainsi que je t'embrasse. Il croit embrasser Mongei, et embrasse sa fille. MADAME MONGEI. Ne vous reprochez rien, elle est entre vos bras. BONCOUR, AVEC LA PLUS GRANDE JOIE. Que vois-je ? Hé quoi ! Mes yeux ne me trompent-ils pas ? Le Ciel daigne me rendre une fille chérie ; Tous mes désirs sont satisfaits. VINCENT, À SUZON. Sans avoir dit, pourtant, un mot de menterie, J'ons eu part, comme un autre, à cet heureux succès. MADAME MONGEI. Vous oubliez mes torts ? Tant de bonté m'accable, Mais pour les réparer.... BONCOUR.         Va, je suis seul coupable. Je vois en vous l'appui de mes vieux ans ; Le Ciel à tout conduit sans doute. Il n'appartient qu'à lui de remplir tous mes sens Du plaisir parfait que je goûte. MADAME GERVAIS. Oui, Monsieur a raison, le Ciel a tout conduit ; Et de bon coeur je lui rends grâce, De ce que c'est chez moi que tout cela se passe. MADAME MONGEI. Ah ! Mon père, il est bon que vous soyez instruit Que ces coeurs généreux ont eu la confiance De soutenir notre existence. Je vous dirai, de plus, que Suzon et Vincent... VINCENT, L’INTERROMPANT. Parlons d'un point bian plus intéressant. Songez que votre époux, morguenne, A jeûné pendant sa prison ; Qu'il reviant de Paris ici tout d'une haleine, Et qu'il doit, comme de raison, Avoir grand besoin de repaître. J'ons trop bon appétit pour ne pas m'y connaître. Entrez donc, s'il vous plaît, dans la salle à manger. C'est-là qu'en déjeunant, tout pourra s'arranger. On ne s'accorde, ce me semble, Jamais si bian, que quand on trinque ensemble. BONCOUR, À VINCENT. Des obligations que nous vous avons tous, En vain, par ce conseil, vous voulez nous distraire. Je sens trop ce que je dois faire Pour d'aussi dignes gens que vous. Que mon exemple serve à vous faire connaître Qu'on ne punit jamais ses enfants, sans effort. Quelque ressentiment que l'on fasse paraître, Le cri de la Nature est toujours le plus fort. ------- [1] Affronteur : qui trompe qui affronte. F [2] Nivelle, Jean de : né en 1423, embrassa le parti du Duc de Bourgogne et refusa de marcher contre ce prince, malgré les ordres de Louis XI. (...) et devenu en France un objet de haine et de mépris et le peuple lui donne le surnom injurieux de "chien". B syn. de traître méprisable. [3] Godan : Terme populaire. Conte, tromperie. L [4] Lantiponner : Terme populaire. Tenir des discours frivoles, inutiles et importuns. L [5] Pain-bis : Pain bis, pain de couleur bise (d'un gris brun.), attendu qu'il y reste du son. L [6] Commun : La roture, les basses classes. L [7] Bricole : Signifie aussi tromperie qu'on fait à quelqu'un, quand on agit avec lui par des voies obliques et indirectes. F [8] Bosse : Terme du jeu de paume, endroit de la muraille, du côté de la grille, lequel renvoie la balle dans le dedans. Attaquer la bosse. Donner dans la bosse. Fig. Donner dans la bosse, être dupe. L [9] Porte-quignon : employé subalterne. [10] Daron : Le maître de la maison. Mot vieilli qui est resté dans l'argot. L [11] Exempt : Est aussi un officier établi dans les compagnies des Gardes du Corps, dans celles des prévôts et autres officiers. Ils commandent en l'absence des capitaines et lieutenants. F [12] Babiller : Parler sans cesse, et ne dire que des choses de peu de considération. (...) F [13] Mic-mac : Terme populaire. Intrigue, négociation secrète, et embrouillée que font les petites gens, qui sert d'ordinaire à tromper quelqu'un, et que l'on a de la peine à découvrir. F