--- identifier: montfleury_gentilhommedebeauce creator: Montfleury, Antoine Jacob ; Georges Forestier. date: 1670 title: Le Gentilhomme de Beauce. Comédie --- Le Gentilhomme de Beauce Comédie Par A. J. MONT-FLEURY. A PARIS, Chez JEAN RIBOU, au Palais, vis-à-vis la porte de l'Eglise de la Sainte Chapelle, à l'image S. Loüis. M. DC. LXX. *Avec Privilège du Roy.* Édition critique établie par Élodie Bénard dans le cadre d'un mémoire de maîtrise sous la direction de Georges Forestier (2003-2004). # Introduction. Un gentilhomme, qui mène une vie plaisante et honorable en Beauce, avec vaches et dindons, se met en tête d'épouser sa cousine, une Parisienne entourée de galants. Le voilà donc à Paris, chez la jeune femme, décidé à conclure cette union tout à fait incongrue : la servante du logis, qui a son franc parler, ne fait-elle pas remarquer que ce vieil hobereau, jaloux et bourru, serait bien mieux assorti avec la mère de sa maîtresse ? Le Beauceron a affaire à forte partie car la belle et ses acolytes, amant et serviteurs, multiplient les fourberies pour tromper sa vigilance et ne sont guère embarrassés de se retrouver en rendez-vous amoureux. Aussi son séjour dans la capitale sera-t-il de courte durée puisque berné de la belle manière, il se résigne finalement à regagner son village, non sans avoir été soulagé, entre-temps, de vingt louis par un valet effronté et non sans exhaler aussi son indignation contre les mœurs parisiennes. Ruses, déguisements et renversements de situation, tels sont les ressorts de cette comédie que son auteur, sérieux concurrent de Molière, eut la satisfaction de voir jouée devant le roi. On retrouve les situations et les personnages conventionnels de la comédie d'intrigue mais dans la maison de la cousine, « ouverte à tous venans », défilent aussi quelques figures pittoresques du théâtre parisien : le noble campagnard, le provincial, l'étranger et le joueur invétéré. Paris et son fol engouement pour les loteries, ses ricanements sur la province, sa coquetterie, voilà ce que dramatise l'auteur. Jeu de rôle et jeu social ; acteurs et hypocrites : les personnages sont tour à tour masqués et démasqués. Il ne s'agit pas pour autant de juger les mœurs contemporaines car le dramaturge, loin de posséder la rigueur moralisatrice de son héros ridicule, préfère rire des travers de la société. # Le Gentilhomme de Beauce et son auteur. ## Montfleury et le genre comique. ### La carrière d'Antoine-Jacob Montfleury. L'*Avertissement* de l'édition de 1739 fournit les principales indications sur la vie de Montfleury. Antoine-Jacob, fils du célèbre comédien de l'Hôtel de Bourgogne, Zacharie-Jacob, naquit à Paris en 1639 [1]. Après avoir fait ses humanités et son droit, il fut reçu avocat au Parlement en 1660. Pourtant, Victor Fournel signale que « les titres de ses premières pièces, où il se qualifie d'*avocat au parlement* » constituent « la seule trace qu'il ait laissée de son passage au barreau [2] ». En effet, à peine âgé de vingt ans, il manifesta un goût précoce pour le théâtre, en faisant jouer le *Mariage de rien*, et consacra dès lors ses travaux à la scène française. Grâce à son père, l'Hôtel de Bourgogne le considéra comme étant de la famille, et ces premiers liens furent resserrés lorsqu'il épousa, en 1665, Marie-Marguerite de Soulas, fille du comédien Floridor. Le père et le fils étaient souvent confondus bien que ce dernier ne fût jamais monté sur les planches : Adrian Braakman qui édita leurs œuvres en 1697 n'en fit qu'un seul personnage, à qui il attribua les productions de tous les deux. Il fallut attendre l'édition de 1739 pour que cette méprise fût rectifiée. La carrière créatrice de Montfleury coïncida presque exactement avec celle de Molière. La rivalité sur la scène théâtrale fut attisée par une hostilité personnelle due à la représentation en novembre 1663 de *L'Impromptu de Versailles*, pièce dans laquelle Molière parodie le jeu pompeux de Montfleury père. Le fils riposta en faisant jouer *L'Impromptu de l'Hôtel de Condé* qui raille notamment le jeu tragique de Molière. Dans ces conditions, aucune pièce de Montfleury ne fut représentée par la troupe de Molière. Après 1673, Montfleury s'adressa toutefois aux comédiens de son défunt rival pour jouer *L'Ambigu comique*. Après avoir produit une pièce par an à peu près de 1660 à 1678, il se tourna vers la finance. En 1678, Colbert lui confia la charge de faire le recouvrement des sommes que le parlement de Provence devait au roi, mission dont il s'acquitta en contentant à la fois la cour et le parlement. Le Ministère, bien disposé pour lui, le rappela à Paris en 1684 car il lui réservait un poste de fermier général, mais il tomba malade entre-temps et mourut à Aix en 1685. ### La réception de son œuvre. La postérité a parfois jugé sévèrement les pièces de théâtre de Montfleury. N.-M. Bernardin constate que « ce qui a nui surtout dans l'esprit de la critique à Montfleury … c'est qu'il a eu le malheur d'être le contemporain de Molière et l'imprudence de prétendre être son rival [3] ». En effet, il choisit quelquefois des sujets analogues à ceux de Molière et l'imita dans ses titres à deux reprises, pour *L'École des jaloux* et pour *L'École des filles*. Pourtant, Edward Forman relativise cette influence, en suggérant que la fidélité de Montfleury au modèle du théâtre espagnol manifeste vraisemblablement son « indépendance … vis-à-vis de ses compatriotes, et son indifférence à la nouvelle direction que Molière fit prendre au théâtre comique français pendant les années 1660 [4] ». De plus, Jacques Truchet, en considérant le recours à la *lingua franca* [5] dans *Le Mary sans femme* comme « annonciateur du *Sicilien* et du *Bourgeois gentilhomme* [6] », montre que, dans certains domaines, Montfleury a devancé chronologiquement son illustre rival. C'est essentiellement sur le terrain de la comédie de caractères que la comparaison avec Molière lui est défavorable. Mais le reproche n'est pas légitime si l'on considère que son propos n'est pas de mettre en scène des caractères mais des types plaisants susceptibles d'amuser le spectateur. Quoi qu'il en soit, si la postérité a oublié son nom et réserve son admiration à Molière, l'engouement du public de l'époque est incontestable : *Le Mercure galant* souligna le succès « au delà de tout ce que l'on peut imaginer » de *La Fille capitaine* et assura que *La Femme juge et partie* « eut le bonheur d'être suivie et fort applaudie, pendant que tout Paris couroit à *Tartuffe* [7] ». Les commentateurs de Montfleury s'accordent généralement à dire que parmi les contemporains de Molière, il est le plus amusant par son esprit, sa gaieté et sa verve. Ils apprécient son dialogue vif, modelé sur la conversation et conviennent de sa bonne connaissance des règles dramatiques. Julien-Louis Geoffroy confirme que Montfleury « avait appris ce qu'on appelle le métier, … entendait le théâtre, conduisait sagement un sujet, arrangeait et liait des scènes avec quelque adresse [8] ». *Le Gentilhomme de Beauce* témoigne en effet de ce souci de cohérence. La hardiesse de ses pièces, que ce soit dans le choix des sujets ou dans la manière de les traiter, est ce qui a fait naître, au cours des siècles suivants, des jugements défavorables sur son théâtre. C'est sans conteste le terme « licence » qui revient le plus fréquemment sous la plume de ses détracteurs. Comme le fait remarquer Victor Fournel, « on n'attend pas de Montfleury la sévère dignité d'un moraliste ; mais on est en droit de lui reprocher des licences et des crudités de langage, un malheureux penchant aux plaisanteries inconvenantes et d'un goût équivoque, … une raillerie systématique des sentiments et des devoirs les plus respectables [9] ». Le thème de l'adultère irrigue ses comédies et l'institution du mariage y est traitée avec désinvolture. Dans *Le Mary sans femme*, le caractère sacré du lien conjugal est ainsi mis à mal, dans la mesure où Dom Brusquin, sous peine de bastonnade et des galères, doit consentir à l'union de Julie, qu'il vient d'épouser, et de Carlos, son amant, ce qui suppose l'annulation de son mariage. Son personnage de prédilection est le mari trompé. Il le place dans des situations souvent cocasses et insensées : ainsi Bernadille, dans *La Femme juge et partie*, est-il accablé de ne pas réussir à prouver qu'il est cocu. Dans *Le Gentilhomme de Beauce*, le dramaturge exploite le thème du cocuage et introduit également quelques allusions grivoises. Son comique cru est, malgré tout, reçu favorablement par le public de l'époque, comme l'atteste le succès de ses pièces. Le portrait de Montfleury, esquissé par Jules Lemaitre, « un pur Gaulois », « une tête naturellement joyeuse … ; qui n'a souci que de rire [10] », est emblématique de l'image caricaturale qu'a de lui la postérité, celle d'un poète léger et dénué de toute préoccupation morale. ### Montfleury et le théâtre comique de son temps. Au début de sa carrière, Montfleury donna deux comédies en un acte, *Le Mariage de rien* et *Les Bêtes raisonnables*. Ces « petites comédies » étaient très en vogue. Sorte de fabliau mis en action, elles présentent souvent un canevas schématique et des types farcesques. Par la suite, il s'illustra essentiellement dans la comédie romanesque et d'intrigue en cinq actes. Celle-ci s'intéresse moins aux personnages, toujours identiques, qu'aux situations piquantes provoquées par leurs intrigues amoureuses. Elle met en scène les stratagèmes d'un galant qui cherche à séduire une jeune femme et repose sur les effets de surprise, les renversements de situation et les méprises. Montfleury a puisé quelques-uns de ses sujets chez les auteurs espagnols. Il parlait d'ailleurs parfaitement l'espagnol, comme l'attesta l'*Avertissement* de l'édition de 1739 qui rapporta que « la *feue* Reine … disoit que ceux même du païs ne le parloient pas si bien que lui [11] ». *La Femme juge et partie* et *La Fille capitaine* ont des sources espagnoles [12]. Dans *L'École des filles*, l'action se déroule en Espagne et dans *Le Mari sans femme*, la scène est à Alger mais Julie, Carlos, Dom Brusquin et leurs serviteurs sont originaires d'Espagne. De surcroît, l'enlèvement de Julie, la captivité des amants fugitifs chez le gouverneur d'Alger et les multiples rebondissements prouvent que cette comédie est dans le goût espagnol. Dans les années 1670, Montfleury recourut de façon moins systématique à l'exotisme espagnol, tout en restant fidèle à la comédie d'intrigue qui persistait après 1660 malgré le succès de Molière et de ses comédies de caractères. Le public aimait encore les imbroglios, les méprises et les déguisements. Roger Guichemerre montre que l'intrigue et les situations comiques avaient encore une importance considérable dans les œuvres contemporaines de Molière. Il cite les exemples des comédies de Montfleury : l'intrigue est dominante dans *Trigaudin* (1674), *La Dame médecin* (1678) et *La Dupe de soi-même* (1678) ; et *Crispin gentilhomme* (1677) « comporte encore une substitution et une reconnaissance [13] ». Néanmoins, Roger Guichemerre voit un renouvellement de la comédie dans la multiplication des pièces qui brocardaient quelques aspects des mœurs parisiennes [14]. Antoine Adam qualifie ces œuvres de « comédies d'observation [15] » ; elles constituaient les prémices de la comédie de mœurs qui n'apparut vraiment qu'après 1680. Le fait divers récent ou le détail pittoresque de la vie contemporaine reste un prétexte et ces comédies ne se conçoivent pas en dehors d'un cadre romanesque qui prévaut. Cette évolution se fit sentir chez Montfleury qui introduisit quelques types sociaux dans son théâtre, notamment un hobereau dans *Le Gentilhomme de Beauce* (1670) et des comédiens dans *Le Comédien poète* (1674). ### *LeGentilhomme de Beauce* : une comédie d'intrigue. Montfleury s'intéresse essentiellement aux situations comiques dans lesquelles se trouve son hobereau. Il exploite les scènes traditionnelles de la comédie d'intrigue, notamment lorsque le gentilhomme surprend les amants (I, 7) ou que, dissimulé, il écoute les propos offensants que son entourage tient à son sujet (IV, 5-10). Le recours au jeu de rôle et au déguisement est également caractéristique de la comédie d'intrigue : à deux reprises, le Beauceron est trompé par le Basque qui emprunte une fausse identité. On retrouve, d'autre part, les personnages codés de la comédie d'intrigue : la servante entreprenante, le valet fort en gueule, le noble de province, les jeunes amoureux et la mère autoritaire. Néanmoins, Montfleury s'efforce de nuancer leur portrait : ainsi le Beauceron, lorsqu'il fait preuve de lucidité et d'esprit, ou bien Léandre, quand il manifeste sa détermination (V, 10), surprennent-ils le spectateur. Si le souci d'observation de la société est patent, la satire des moeurs demeure superficielle et c'est l'utilisation du fait social dans le jeu de l'intrigue qui constitue l'intérêt principal. Si Montfleury distingue sa comédie de la farce, en atténuant non seulement le schématisme des personnages, mais aussi celui de l'intrigue, comme le montre le caractère inattendu de l'entretien parodique de l'acte V, il emprunte toutefois au genre quelques procédés comiques. ## Les conditions de création et de représentation de la pièce. La première représentation du *Gentilhomme de Beauce* eut lieu sur la scène de l'Hôtel de Bourgogne, au début du mois d'août 1670 [16]. Du vivant de Molière, Montfleury resta fidèle à cette troupe dont son père, Zacharie, et son beau-père, Floridor, étaient les « sociétaires les plus distingués [17] », respectivement jusqu'en 1667 et 1671. La pièce ne fut jamais représentée à la Comédie Française. En revanche, elle « fut jouée à Versailles devant le Duc de Boukingham, sur un théâtre dressé dans le petit parc, par le sieur Vigarini [18] ». Le duc de Buckingham [19] avait été envoyé en France en juillet 1670 pour négocier le traité de Douvres [20] avec Louis XVI. Une première cérémonie fut organisée en son honneur, à Versailles, le 23 août, mais c'est deux semaines plus tard, lors de la seconde fête, que la comédie de Montfleury fut présentée. Abbas Ismaïl Abou-Ghazala s'attarde sur la description de cette soirée : « Après avoir pris la collation au milieu de l'eau, toute la cour reprit le chemin du petit parc, et se rendit dans le “petit Bois vert”, à gauche du château …. Dans ce bois, Vigarini avait fait construire un théâtre en plein air [21] ». C'est sur ce théâtre que la troupe royale offrit au roi, au duc de Buckingham et à la cour, la représentation du *Gentilhomme de Beauce*, « accompagnée dans les Entr'Actes, de plusieurs Pièces de Musique, et de Symphonie, de la composition du Sieur Lulli [22] ». Robinet y fit à son tour allusion dans une lettre en vers à Monsieur, datée du 13 septembre 1670, et se plut à décrire la magnificence du cadre de la représentation : la Cour est à Versailles. Samedi dernier, le 6 septembre, on avait fait une promenade dans le parc : On devoit, de la Comédie, Avec Concert, et Mélodie, Avoir le Divertissement, Dessus un Théâtre charmant, Coûtant grand nombre de Pistoles, … l'eau tomboit, sans aucun brüit, Dans un Bassin, exprès, constrüit, Ou, tout au moins, rempli de mousse, Qui rendoit sa cheute si douce, Que l'oreille elle chatoüilloit, Sans qu'elle interrompist l'ouye, Dans le cours de la Comédie [23]. L'auteur, dans son épître dédicatoire, rappelle avec fierté ce spectacle exceptionnel. Dans une autre lettre en vers à Monsieur, datée du 8 novembre 1670, Robinet mentionna à nouveau une « Comédie » jouée à Versailles : la comédie n'a pas été identifiée mais il s'agit peut-être du *Gentilhomme de Beauce*, création la plus récente de la compagnie de l'Hôtel de Bourgogne [24]. Suivant Lancaster, Montfleury espérait que sa pièce, après son succès à Paris, fût jouée en Allemagne par la troupe française dont Nanteuil [25] faisait partie [26]. La distribution du *Gentilhomme de Beauce* n'est pas connue. Sophie Wilma Deierkauf-Holsbœr atteste qu'à la fin de l'année 1670, la troupe de l'Hôtel de Bourgogne se composait des membres suivants : M*lle* Beauchâteau, Floridor, M*lle* Floridor, Belleroche (Raymond Poisson), M*lle* Poisson, Hauteroche, La Fleur, Brécourt, M*lle* Desurlis, M*lle* d'Ennebaut, Champmeslé et M*lle* Champmeslé [27]. De Villiers, sa femme et Des Œillets quitterent l'Hôtel de Bourgogne dans le courant de l'année 1670, nous ne savons donc pas s'ils faisaient encore partie de la troupe au moment de la création de la comédie de Montfleury. M*lle* Des Œillets n'est pas mentionnée non plus car Sophie Wilma Deierkauf-Holsbœr indique que sa santé était chancelante depuis longtemps et qu'elle mourut le 22 octobre 1670 [28]. M*lle* Beauchâteau, M*lle* d'Ennebaut, sœur de Montfleury, et M*lle* Champmeslé, jeunes comédiennes de la troupe, furent sans doute sollicitées pour tenir les rôles de Climenne et de Béatrix. Henry Lyonnet signale que M*lle* Beauchâteau jouait d'ordinaire les rôles d'amoureuses de comédie [29]. Étant donné l'âge de Floridor, de Villiers et de Hauteroche en 1670, il est probable que l'un des trois comédiens assumait le rôle de Coutreville, vieux campagnard acariâtre. À l'inverse, Léandre devait être interprété par un jeune acteur à belle allure : par exemple Brécourt, qui avait alors trente-deux ans, ou Champmeslé, qui en avait vingt-cinq. Henry Lyonnet précise d'ailleurs que le premier avait « grand et bel air [30] » et que le second était « d'un physique avantageux » et avait « l'air noble [31] ». Enfin, Henry Lyonnet affirme que Belleroche présentait « un talent supérieur dans les rôles comiques [32] » et que La Fleur « excellait … dans les caractères de gascons et de capitans [33] » ; aussi les personnages comiques du Basque et du Gascon furent-ils peut-être réservés à ces deux comédiens. Nous n'avons aucun détail sur le décor. L'action se déroulant dans une « Sale chez Climenne », la scène représentait sans doute la salle commune d'une maison parisienne bourgeoise. Les personnages font mention à plusieurs reprises de l'étage, où se trouvent les appartements de Climenne et de Martin. Ainsi Martin déclare-t-il : « Sortons de cette chambre & montons dans la nostre » (v. 1106). On peut imaginer que la scène figurait un escalier, menant de la salle commune aux chambres de Climenne et Martin, puisque le Beauceron fait allusion à un « autre escalier » (v. 140), qui permet d'éviter que le Gascon, après avoir déposé son argent à l'étage, ne passe de nouveau par la salle commune où se trouve Climenne. En outre, dans l'édition de 1735 des œuvres de Montfleury [34], la scène 10 de l'acte IV est illustrée par la reproduction d'une gravure en taille-douce qui représente Béatrix faisant tomber la lanterne du Basque et le Beauceron dissimulé derrière un lit à baldaquin. Un lit pouvait donc également faire partie du décor. En effet, lorsque le gentilhomme espionne son entourage, il est sans doute caché dans un recoin ou bien derrière un meuble. Enfin, la scène de confrontation entre Coutreville et Climenne nécessite deux fauteuils. ## La réception de la pièce. L'auteur évoque modestement, dans son épître dédicatoire, « l'indulgence qu'on a eüe » pour sa comédie à Paris. Lancaster signale en effet que* Le Gentilhomme de Beauce* fut bien accueilli par le public du XVII*e* siècle, mais que son succès ne dura pas longtemps puisque ni *Le Mémoire de Mahelot*, ni La Grange n'y font référence [35]. Walter Rohr affirme lui aussi, que les critiques de l'époque jugèrent très favorablement la pièce [36]. Il mentionne la lettre en vers du 16 août 1670 dans laquelle Robinet en fit l'éloge : J'aurois …, Fait un chapitre bien disant, Sur le *Gentil-Homme de Beausse*, Qui de beaucoup encore rehausse, Le mérite de son Auteur, Et dont j'aime de tout mon cœur, La Scène admirable et si fine, De Néron avec Agrippine, Et celle aussi des Faux Abbes, Que j'y trouve des mieux daubés [37] Selon Walter Rohr, à partir du moment où le héros de la comédie était un hobereau campagnard, figure théâtrale véritablement comique, la pièce ne pouvait être qu'un succès [38]. Il ajoute que la parodie de *Britannicus* dans la scène 5 de l'acte V contribua beaucoup à cette réussite car la confrontation entre Néron et Agrippine était encore dans les esprits lorsque *Le Gentilhomme de Beauce* fut créé sur les planches de l'Hôtel de Bourgogne. On pensait immédiatement à la tragédie de Racine en voyant le Beauceron et Climenne, assis face à face, s'adresser des reproches cinglants. Robinet, dans l'extrait ci-dessus, confirma d'ailleurs l'enthousiasme qu'avait pu susciter cette scène. Enfin, le fait que la pièce fut représentée devant le roi et qu'une édition pirate hollandaise parut dès 1670 confirme ce succès immédiat. # Intrigue et dramaturgie. ## Résumé de l'intrigue. ### Acte I. Béatrix s'indigne de l'union de sa maîtresse, Climenne, et de Monsieur de Coutreville, cousin de la jeune femme. Monsieur de Coutreville, gentilhomme beauceron, s'est rendu dans la capitale afin de conclure ce mariage. Il vit depuis quelques jours chez Climenne et espère obtenir l'assentiment de sa future belle-mère, qui considère avec bienveillance le riche hobereau. D'une jalousie féroce, il surveille Climenne de près. Celle-ci révèle à sa servante que la loterie qu'elle a organisée n'est qu'un prétexte pour permettre à son amant, Léandre, de l'approcher, sous le couvert de participer au jeu (sc. 1). Un joueur, le Gascon, souhaite acheter des billets et, tout en se renseignant sur la loterie, adresse quelques galanteries à Climenne (sc. 2). Le gentilhomme les épie un moment avant de se montrer. Le Gascon se réjouit alors de retrouver un habitant du village beauceron où il passa avec son régiment, mais son accueil enthousiaste se heurte à l'agressivité du campagnard (sc. 3). Une fois débarrassé du Gascon, le Beauceron reproche à Climenne sa coquetterie avant de se plaindre du désordre suscité par la loterie. Il a toutefois trouvé la solution pour chasser galants et joueurs : engager un Suisse. Béatrix riposte aussitôt, elle connaît un Suisse qui fera l'affaire : hargneux, il contrôlera avec zèle les allées et venues (sc. 4). La servante dévoile le subterfuge à sa maîtresse, alarmée par la résolution de son cousin : celui qu'elle envisage de présenter comme Suisse au Beauceron est son amant, le Basque, valet de Léandre (sc. 5). Léandre entre en déplorant son malheur. Rasséréné par le stratagème des jeunes femmes, il leur garantit son soutien (sc. 6). Survient le Beauceron qui observe à la dérobée Climenne et Léandre, bientôt avertis par Béatrix de la présence du rival (sc. 7). Après le départ de Léandre, le cousin sort de sa cachette. Clairvoyant sur l'amour réciproque des amants, il morigène de nouveau Climenne avant d'être interrompu par un bruit qui l'incite à la faire sortir (sc. 8). Champagne, un laquais, accoure affolé et annonce que la foule, impatiente de participer à la loterie, a forcé la porte. Le gentilhomme le somme de monter la garde devant l'appartement de Climenne et ordonne à Béatrix d'aller chercher le Suisse dont elle a parlé (sc. 9 et sc. dernière). ### Acte II. Béatrix paraît, accompagnée du Basque, en habit de Suisse. Il ne tarde pas à lui faire la cour mais celle-ci est préoccupée par la confrontation prochaine avec le gentilhomme (sc. 1). Ce dernier se montre d'abord réticent devant la corpulence du Basque, mais grâce à ses propos batailleurs, le prétendu *Suisse* gagne sa confiance (sc. 2). Une fois seul avec sa nouvelle recrue, le gentilhomme lui précise qu'il doit l'informer du moindre geste de sa cousine en faveur d'un galant (sc. 3). Il le présente ensuite à Climenne, avant de l'envoyer faire le guet à l'entrée (sc. 4). Las de l'agitation provoquée par les joueurs, le gentilhomme se mêle de l'organisation de la loterie afin qu'elle soit tirée au plus tôt et que le bénéfice soit conséquent (sc. 5). Béatrix se montre satisfaite de la performance du Basque, mais elle élude de nouveau ses propos amoureux, interrompus par l'arrivée de Léandre (sc. 6-7). Le jeune homme, qui s'attend à voir Climenne, est immédiatement détrompé par la servante qui lui annonce que, désormais, le Beauceron ne quitte plus sa cousine. Elle redonne cependant espoir à l'amant dépité en lui remettant un billet de Climenne, dans lequel celle-ci lui fait part du tour qu'elle a imaginé pour éloigner le gentilhomme du logis. Le Basque est de nouveau mis à contribution, aussi doit-il quitter un moment son rôle de Suisse pour interpréter un autre personnage (sc. dernière). ### Acte III. Le fâcheux hobereau enrage car l'irruption de la foule n'a pu être contenue par Champagne, qui supplée le* Suisse* (sc. 1-2). Le laquais annonce la visite d'un abbé (sc. 3-4). Le Basque, qui a revêtu le costume abbatial pour jouer un abbé beauceron, fait alors son entrée. Après moult cérémonies, l'*abbé la Roche* délivre au gentilhomme une boîte contenant les billets achetés à Oronte, organisateur d'une loterie concurrente. Le Beauceron, d'abord hostile à l'*abbé*, ne tarit pas d'éloges sur lui lorsqu'il découvre dans la boîte un billet gagnant d'une valeur de trois cent louis (sc. 5). Seul, l'heureux gagnant savoure sa joie et décide d'aller chercher son lot chez Oronte (sc. 6). Climenne apparaît apprêtée ; aussi subit-elle une nouvelle fois les semonces de son cousin. Néanmoins le gentilhomme abrège lui-même ce sévère discours de morale, tant il est impatient de posséder son lot (sc. 7). Il recommande au *Suisse*, qui a repris son poste, de dissimuler son absence et de ne laisser entrer personne, et non sans inquiétude, se résout à partir (sc. 8). Béatrix se réjouit avec Léandre et le Basque du succès de la ruse et de la liberté que leur procure l'absence du gentilhomme (sc. 9 et sc. dernière). ### Acte IV. La porte étant ouverte, le Gascon a pu s'introduire chez Climenne. Il fulmine contre le *Suisse* qui lui a si souvent fermé la porte au nez et qui est à présent endormi sur son lit, ivre (sc. 1). Il s'enquiert de la loterie auprès de l'organisateur, Martin : il attend en effet avec impatience le tirage car il a gagé ses dettes sur les lots. Mal en prend à Martin de le mettre en garde contre une telle folie puisque le Gascon finit par le menacer si le résultat du tirage ne lui est pas favorable (sc. 2). Aussi Martin, apeuré, se réfugie-t-il dans sa chambre (sc. 3). Le Beauceron est de retour, furieux parce que la boîte remise par l'*abbé* est fausse. Sa rancune contre *la Roche* et les aigrefins de son acabit cède bientôt la place à l'inquiétude car il a trouvé la porte ouverte et le *Suisse* étendu sur le lit. Afin d'éclaircir ces mystères, il se cache de façon à observer son entourage (sc. 4). Béatrix est la première qu'il surprend. Le Beauceron ne tarde pas à être édifié sur le compte de la servante, de Léandre et de Climenne, qui se révèlent être les instigateurs du piège dont il a été victime. Il apprend en outre que Léandre est auprès de Climenne et que *la Roche* est le valet de son rival, un dénommé le Basque, qu'il ne connaît pas (sc. 5). Après le départ de Béatrix, le gentilhomme se répand en invectives contre la soubrette, qu'il accuse de pervertir Climenne (sc. 6). Toujours dissimulé, il assiste ensuite aux adieux de Climenne et de Léandre, qui réaffirment avec Béatrix leur hostilité contre lui (sc. 7). De nouveau seul, le gentilhomme, qui pense avoir entièrement décelé ce qui se trame contre lui, calomnie l'honneur de Climenne ; le *Suisse*, malgré son ivresse, est le seul qui trouve encore grâce à ses yeux (sc. 8). L'annonce de la venue du Basque l'incite à demeurer en retrait afin de percer à jour l'inconnu (sc. 9). Le Basque, en qui le Beauceron reconnaît immédiatement son portier, entre en titubant. Béatrix lui reproche la négligence dont il a fait preuve pendant qu'il était censé surveiller la porte puis, exaspérée par son discours d'ivrogne, elle s'en va (sc. 10). Demeuré seul, le Beauceron s'emporte contre les comploteurs, mais il remet sa vengeance au lendemain et se retire dans sa chambre (sc. dernière). ### Acte V. Le Basque refuse obstinément de croire Béatrix qui lui répète que le gentilhomme se trouve dans le jardin (sc. 1). À la vue de ce dernier, il est finalement contraint d'admettre qu'il l'a laissé pénétrer dans la maison. Le gentilhomme envoie Béatrix chercher sa maîtresse (sc. 2). Le Basque, qui continue à jouer le *Suisse* en présence du Beauceron, redouble de complaisance envers son maître qui, irrité par cette hypocrisie, a tout juste le temps de le souffleter avant l'arrivée de Climenne et Béatrix (sc. 3). Après avoir congédié les deux serviteurs, il adresse à Climenne des propos injurieux. La jeune femme riposte avec la même franchise. Le Beauceron finit par couper court aux récriminations de sa cousine et part dénoncer à la mère le choix de Climenne en faveur de Léandre (sc. 4-5). La jeune femme, apparemment résignée à obéir, exprime son désarroi et demande conseil à Béatrix (sc. 6-7). Eu égard au péril que court son amour pour Léandre, elle accepte un entretien avec lui (sc. 8-9). Elle lui rapporte les dernières dispositions du gentilhomme concernant le mariage. Comme sa soumission aux exigences de sa mère et de son cousin prouve, selon le jeune homme, la faiblesse de son amour, il lui fait ses adieux (sc. 10). Il est aussitôt rappelé par le Beauceron qui déclare que la mère, mise au fait des amours de sa fille, consent à l'union de Climenne et de Léandre et que lui-même renonce à sa cousine. Son aversion pour Paris et les Parisiens ayant été confortée par son séjour dans la capitale, Coutreville se montre désormais empressé à retrouver sa Beauce natale (sc. 11). Seuls, les amants se réjouissent et annoncent le tirage de la loterie ainsi que le mariage de Béatrix et du Basque (sc. dernière). ## L'intrigue du *Gentilhomme de Beauce* et de *Monsieur de Pourceaugnac*. Louis Petit de Julleville, déplorant le pillage de l'œuvre de Molière par ses rivaux, souligne que  *Monsieur de Pourceaugnac* devient chez Montfleury *Le Gentilhomme de Beauce* [39] et Victor Fournel corrobore ce jugement lorsqu'il écrit que « toutes proportions gardées, le *Gentilhomme* est le *Pourceaugnac* de Montfleury [40] ». *Monsieur de Pourceaugnac* est créé sur le Théâtre du Palais-Royal, le 15 novembre 1669. Chez Molière, Julie aime Éraste mais son père, Oronte, la destine à Pourceaugnac, un avocat limousin. Pour empêcher ce mariage, les amants sont soutenus par deux fourbes expérimentés, Nérine et Sbrigani. La machination consiste à soumettre Pourceaugnac à une série d'épreuves : il est livré à deux médecins ; un marchand flamand fait savoir à Oronte que Pourceaugnac entend payer ses dettes avec la dot ; Sbrigani lui apprend que sa fiancée est une galante ; après quoi, une Languedocienne révèle que Pourceaugnac l'a épousée et abandonnée et une Picarde le revendique pour son mari. Menacé de pendaison, il se travestit et prend la fuite. Comme nous le verrons plus loin, des analogies sont manifestes dans le traitement du thème de la province égarée à Paris et dans le portrait du fâcheux, mais Montfleury s'inspire alors moins de Pourceaugnac que de la figure conventionnelle du provincial grotesque. En revanche, le parallèle que l'on peut établir au niveau de l'intrigue rapproche de façon plus probante les deux comédies. De manière globale, les deux intrigues sont similaires, bien que les moyens employés pour contrarier les desseins du campagnard diffèrent. Molière et Montfleury campent tous deux un provincial désireux d'épouser une Parisienne. Ce dernier, fort de l'appui du père ou de la mère, qui a surtout égard à la rente du futur gendre, se rend dans la capitale. L'entourage de la jeune fille ne tarde pas à lui témoigner son hostilité. En effet, tout au long de la pièce, Béatrix exprime avec virulence son mécontentement : « qu'il aille en son village » (v. 8) est relayé par « qu'il s'aille faire pendre » (v. 1590) et de son côté, Nérine s'indigne : « Et une personne comme vous est-elle faite pour un Limosin ? S'il a envie de se marier, que ne prend-il une Limosine et ne laisse-t-il en repos les chrétiens [41] ? ». Le nouveau venu se trouve donc en butte aux fourberies des amants, secondés par leurs serviteurs ou par des intrigants. De fait, les déclarations de Nérine qui assure que le Limousin subira « niches sur niches [42] » ainsi que celles de Béatrix qui certifie que le Beauceron sera berné « de la bonne maniere [43] » se font pendant. Enfin, les comédies s'achèvent toutes deux par le mariage des amants et le retour du provincial dans son village. Un des points communs entre les deux stratégies mises en œuvre pour abuser Coutreville et Pourceaugnac réside dans le changement d'identité. Le Basque et Éraste incarnent chacun un homme de province, censé être un familier de l'entourage de la dupe : le valet prétend être un abbé beauceron, cousin du vigneron employé chez le gentilhomme et neveu du curé de son village [44], et l'amant de Julie se fait passer pour un ancien ami de la famille Pourceaugnac [45]. Les fourbes recourent au déguisement : le Basque revêt l'habit d'un Suisse, puis celui d'un abbé et Sbrigani porte un costume de marchand flamand (II, 3). Dans les deux cas, l'accent étranger fait partie intégrante du déguisement. À l'instar du *Suisse*, Sbrigani altère en effet de façon comique son langage : « Montsir, avec le vostre permissione, je suisse un trancher marchand flamane, qui voudrait bienne vous temantair un petit nouvel [46] ». D'autre part, Coutreville et Pourceaugnac sont pareillement convaincus que ceux-là même qui les trompent sont leurs seuls amis dans la capitale : le premier ne cesse de louer l'innocence et la fidélité du *Suisse* et le second s'en remet entièrement à Éraste et à Sbrigani. Enfin, dans les deux comédies, les complices des amants saisissent l'occasion d'écorner la fortune du provincial. Ainsi le Beauceron offre-t-il vingt louis à l'*abbé la Roche* [47] et Pourceaugnac est-il contraint, sur le conseil de Sbrigani, de donner de l'argent à l'exempt [48]. L'influence de Molière sur Montfleury doit toutefois être relativisée car les deux pièces diffèrent sur des points essentiels de l'intrigue : on note par exemple que la critique des joueurs invétérés et des fripons qui organisent les loteries remplace la satire de la médecine, que les serviteurs s'improvisant mystificateurs se substituent aux rusés professionnels, ou que la mère est absente alors qu'Oronte subit aussi les mauvais tours joués à Pourceaugnac. La singularité du* Gentilhomme de Beauce* ne réside pas dans l'intrigue, conventionnelle, mais, entre autres, dans le jeu sur le masque, dans le traitement du thème de la loterie, ou dans la parodie de *Britannicus* au dernier acte. ## Dramaturgie. ### La structure de la pièce. La composition de la comédie permet d'éviter tout risque de langueur car les deux premiers actes ainsi que le dernier ont entre 340 et 370 vers, tandis que les actes III et IV, plus courts, ont respectivement 302 et 290 vers. La pièce s'organise autour de la mystification du gentilhomme. Dans la première partie, constituée par les trois premiers actes et les trois premières scènes de l'acte IV, les personnages se coalisent contre le gentilhomme afin d'introduire Léandre auprès de Climenne. Puis, dans la deuxième partie, correspondant à l'acte IV, à partir de la scène 4, se produit la prise de conscience du Beauceron qui découvre les machinations ourdies par son entourage. Enfin, la dernière partie, autrement dit l'acte V, est consacrée à l'échange de reproches entre Climenne et son cousin, confrontation suivie d'une esquisse de rebondissement, lorsque le noble campagnard va se plaindre auprès de la mère de la jeune femme. La composition de la comédie permet de faire ressortir l'évolution du regard que le spectateur porte sur le héros ridicule. De fait, dans la seconde partie, le rôle d'observateur, commun au public et au gentilhomme, ainsi que la brutalité des révélations qui sont faites à ce dernier, créent une relation d'empathie entre le spectateur et le héros. Or, ce sentiment est complètement absent dans la première partie et considérablement amoindri dans l'acte V par la riposte efficace qu'oppose Climenne aux récriminations de Coutreville et par la lâcheté de celui-ci. D'autre part, le découpage distingue une première partie dominée par l'élaboration des stratagèmes et leur mise en œuvre ; une deuxième partie où, malgré le subterfuge du Beauceron, le jeu est moins présent puisque les intrigants ont cessé leurs mystifications ; et un dernier mouvement où le divertissement est complètement absent. Les répliques des personnages s'allongent, comme le montrent les monologues de l'acte IV et les tirades de l'acte V, ce qui confirme le fait que le discours des personnages s'impose au détriment de leurs actions ludiques à mesure que l'on progresse vers le dénouement. La pièce se dénoue d'ailleurs par le biais d'échanges, entre Climenne et Coutreville d'une part, et entre ce dernier et la mère de Climenne d'autre part. Les actes I, II, III et V présentent chacun une scène centrale. Dans l'acte I, il s'agit de la scène 4 qui met au jour les deux soucis qui obsèdent le gentilhomme tout au long de la pièce, autrement dit, la galanterie de Climenne, abordée au début de la scène (v. 141-164), et la loterie, évoquée dans un second temps (v. 165-218). Elle marque le début des jeux de rôle puisque c'est dans cette scène qu'est élaboré le premier stratagème. Dans l'acte II, la scène 5 est mise en valeur parce qu'elle emblématise le caractère irréductible de l'antagonisme entre Climenne et Coutreville. C'est la longue scène 5 qui est essentielle dans l'acte III car elle provoque l'éloignement temporaire du Beauceron, étape nécessaire à sa démystification. Enfin, c'est assurément autour de la scène d'affrontement entre Climenne et Coutreville que s'organise l'acte V, puisqu'elle accélère le dénouement, comme le montre le tempo rapide des sept scènes suivantes. Seul l'acte IV ne présente pas de scène susceptible de prévaloir sur les autres. Cela est dû à sa structure qui consiste à répéter une même séquence, constituée d'une scène de révélation suivie d'une scène de commentaire du gentilhomme : la prise de conscience ne se fait pas en une fois ; les révélations sont au contraire distillées pour faire durer le supplice du Beauceron et renforcer le comique de la situation. ### La cohérence de l'intrigue. L'exposition est complète dès la première scène de l'acte I : deux couples, celui des maîtres et celui des valets, mènent les stratagèmes, le gentilhomme de Beauce et la mère de Climenne sont dénoncés en tant qu'obstacles aux amours des maîtres et la loterie est désignée comme un ressort de la ruse. C'est l'altercation entre le Beauceron et le Gascon qui achève de convaincre le gentilhomme de la nécessité de recruter un Suisse ; la première supercherie est alors imaginée à la hâte par Béatrix. L'adhésion rapide du gentilhomme à l'offre de la soubrette est vraisemblable dans la mesure où la présence d'un portier est urgente. Après qu'il a épié Climenne en compagnie de Léandre et que la foule a forcé la porte, Coutreville accorde d'ailleurs un surcroît de valeur à la proposition de Béatrix, ce qui facilite l'engagement du Basque, dans l'acte II. Le tempo s'accélère dans les deux dernières scènes de l'acte, afin de rendre compte du remue-ménage suscité par la loterie et de l'irritation croissante du Beauceron. Pendant l'entracte, Béatrix avise le Basque du rôle qui lui est assigné et l'habille en Suisse ; le spectateur, de son côté, attend avec impatience l'arrivée du valet déguisé ainsi que sa confrontation avec le gentilhomme. Dans l'acte II, le stratagème élaboré par Béatrix est mis en œuvre, puis c'est au tour de Climenne d'inventer une feinte. À aucun moment le spectateur n'est inquiet pour les amoureux : la réussite de la première ruse et la confiance de Climenne écartent toute tension. La fin de l'acte II ménage un plus grand suspens que celle de l'acte I puisque les intrigants ne dévoilent pas en quoi consiste l'artifice dirigé contre le gentilhomme. L'entracte permet à Léandre de donner à son valet les détails sur le nouveau personnage qu'il doit jouer devant le Beauceron et au Basque de changer de déguisement. Le second stratagème est mis en scène dans l'acte III et son succès conduit à l'éloignement momentané du Beauceron. Climenne, au courant de la participation du gentilhomme à la loterie d'Oronte (v. 184-185), met à profit cette information dans le tour qu'elle imagine. Le monologue euphorique du gagnant (III, 6) et la scène de réprimandes adressées à Climenne (III, 7) servent la vraisemblance : le départ de Coutreville doit être retardé pour permettre au Basque de reprendre l'apparence du *Suisse* avant de recevoir les dernières recommandations de son maître. Pendant l'entracte, le Beauceron court chez Oronte et chaque couple s'entretient en tête-à-tête. Malgré la bonne marche des projets menés contre le campagnard et l'insouciance des jeunes gens, le spectateur est préoccupé par le retour du gentilhomme. L'acte IV correspond à la démystification de Coutreville. Celui-ci n'est de retour qu'à la scène 4 : en effet, comme le souligne Béatrix, Oronte « loge loin d'icy » (v. 1029). Ce sont donc Martin et le Gascon qui occupent la scène au début de l'acte (sc. 1-3). L'entrée du gentilhomme dans la maison échappe à la vigilance du Basque qui, enivré, s'est assoupi ; le Beauceron peut alors librement espionner les intrigants. Dès l'acte I, Léandre a de fait donné à entendre que l'ivrognerie de son valet risquait de compromettre le succès du subterfuge (v. 281). Les confidences inconsidérées et imprudentes de Béatrix dans la scène 5 ne sont justifiées que par le plaisir de se remémorer le bon tour joué au gentilhomme. En effet, sa prudence et sa méfiance, manifestes en particulier dans la scène 1 de l'acte II, rendent peu vraisemblables les monologues qui permettent au gentilhomme de tout apprendre. À la fin de l'acte, la menace du hobereau dupé, « mettons la partie à demain » (v. 1320), crée une tension et un suspens d'autant plus importants que ses desseins vengeurs ne sont pas divulgués. L'entracte, qui correspond à la fin de la nuit, laisse au gentilhomme le temps de réfléchir aux représailles qu'il va exercer contre Climenne. Au début de l'acte V, l'inquiétude de Béatrix, qui comprend que le gentilhomme est entré dans la maison à l'insu du *Suisse*, augmente la tension. Celle-ci est maximale à la fin de l'entretien entre le Beauceron et Climenne, puisqu'il s'achève sur les menaces du gentilhomme, résolu à tout raconter à la mère de la jeune femme. La situation paraît sans issue d'autant plus que Léandre, irrité par la résignation de son amante, fait ses adieux à Climenne. Ce sont les revirements, peu vraisemblables, de la mère et du Beauceron, tous deux à l'origine du malheur des amants, qui lui apportent un dénouement inespéré. La volte-face de la mère est toutefois préparée par Béatrix, qui atténue son intransigeance en affirmant que le gentilhomme « fait dans la maison le maistre bien plus qu'elle » (v. 16), et par le Beauceron, dont les révélations sur ses anciennes frasques laissent escompter une certaine indulgence de sa part concernant les amours de sa fille. ### Le traitement des unités. L'unité de lieu est respectée dans la mesure où tout au long de la pièce, l'action se déroule à Paris, dans une salle chez Climenne. En revanche, Montfleury déroge en partie à la règle de l'unité de temps. Lorsque l'action commence, la journée est entamée, puis à l'acte IV, la nuit est tombée, comme le constate le gentilhomme : « Il est nuit & je veux me cacher & me taire » (v. 1130). L'acte V a donc lieu le lendemain. En effet, à la fin de l'acte IV, le Beauceron fait allusion à la vengeance qu'il mettra en œuvre dans le dernier acte et décide de la remettre « à demain » (v. 1320) et au début de l'acte V, lorsque le Basque se remémore les événements de la fin de l'acte précédent, il se réfère à « hier » (v. 1331 et 1337). Enfin, lors du dénouement, la journée n'est pas achevée puisque Climenne envisage de tirer la loterie « le reste du jour » (v. 1659). L'action dure bien vingt-quatre heures mais l'unité de temps n'en est pas moins gauchie car une nuit n'est acceptable que si l'action s'y poursuit et non si toute la maisonnée dort, comme c'est le cas entre la fin de l'acte IV et le début de l'acte V dans *Le Gentilhomme de Beauce*. L'action principale consiste à introduire Léandre auprès de Climenne et non à conclure leur hymen : en effet, rien n'est tenté pour fléchir la mère, dont la « dispense » est pourtant indispensable au mariage de la jeune femme. Le dénouement, c'est-à-dire l'annonce de l'union entre Climenne et Léandre, dépasse donc les intentions des personnages car il ne résulte pas des ruses imaginées par les Parisiens mais des « soins de l'amour » (v. 44), autrement dit, du revirement de la mère de Climenne au sujet du mariage de sa fille et du renoncement du gentilhomme à sa cousine. Comme les stratagèmes visent à surmonter ponctuellement les obstacles empêchant les amants de se voir et à se jouer du gentilhomme, sans pour autant être motivés par la perspective d'un mariage, l'intrigue paraît lâche et le dénouement n'est pas préparé. De surcroît, certains épisodes ne se rattachent pas à l'action principale. C'est le cas notamment des scènes où apparaît le Gascon (I, 2 ; IV, 1 et 2), qui ne sont que des prétextes à la satire des amateurs de loteries. ### La présence des personnages. Tantôt le Beauceron est au premier plan et dialogue avec les autres personnages, tantôt il est en retrait et se dissimule pour espionner les protagonistes en scène, mais c'est lui qui apparaît le plus fréquemment dans la pièce. Il figure dans trente-quatre scènes sur cinquante-quatre et dans les trois scènes les plus longues (II, 5 ; III, 5 ; V, 5). Son encombrante présence est emblématique de son comportement pesant et coercitif. Climenne est très présente dans les actes I et V qui concernent précisément l'enjeu de ses amours. À partir de la scène 5 de l'acte II, elle apparaît moins puisque l'action est centrée sur les supercheries et qu'elle n'y joue pas un rôle capital. Sa liberté de mouvement est, en outre, restreinte à cause de la stricte surveillance que le gentilhomme exerce sur elle. Néanmoins, dans la scène 7 de l'acte III, échappant un court instant à sa vigilance, elle quitte son appartement, et dans la dernière scène de l'acte II, bien qu'absente sur scène, elle parvient à se faire entendre par le truchement d'un billet qu'elle confie à sa suivante. Léandre ne participe pas à plus de deux scènes par acte (sauf dans l'acte V, mais la troisième scène dans laquelle il figure est courte) et il intervient généralement en fin d'acte. Sa faible présence sur scène prouve qu'à la différence de l'amoureux traditionnel entreprenant, il reste en retrait par rapport à l'action. Béatrix est très présente tout au long de la pièce, notamment dans les actes I et II où elle apparaît respectivement dans huit scènes sur dix et dans cinq scènes sur huit : c'est effectivement dans ces deux actes qu'elle orchestre le stratagème consistant à introduire le Basque comme Suisse auprès du gentilhomme. Même lorsqu'elle est absente, elle suit le bon déroulement des opérations : dans l'acte IV, elle fait sentinelle pendant « une heure » (v. 1020) pour s'assurer du départ du gentilhomme et dans l'acte V, pas une bribe de la conversation entre Climenne et son cousin ne lui échappe (v. 1576). Le Basque intervient comme valet de Léandre (II, 1 et 7 ; IV, 10 ; V, 1 et 2), dans le rôle du *Suisse* (II, 3 et 4 ; III, 10 ; V, 3) et dans celui de l'*abbé la Roche* (III, 5). Son entrée au début de l'acte II est d'autant plus attendue qu'il est absent de l'acte I. Ce suspens, ménagé à la fin du premier acte, est relayé de façon comique par la surprise que crée son déguisement grotesque. Le fait qu'il soit essentiellement présent dans les actes II et III montre que c'est sur lui que reposent les stratagèmes. Le Gascon n'est présent que dans les scènes 2 et 3 de l'acte I et dans les scènes 1 et 2 de l'acte IV. De fait, il ne participe pas à l'action si ce n'est en attisant la colère et la jalousie du gentilhomme par les propos galants qu'il adresse à Climenne. Il est d'ailleurs oublié dans le dénouement : pourra-t-il rembourser ses dettes ? Nous n'en savons rien. Martin n'apparaît que dans les scènes 2 et 3 de l'acte IV : il s'agit de confronter l'homme sensé et le Gascon, personnage le plus déraisonnable de la pièce. ### Les liaisons des scènes. L'enchaînement vif des scènes permet le maintien d'un tempo rapide, notamment après les pauses dans l'action que constituent les longues scènes centrales des actes I, II, III et V. Les nombreuses entrées de personnages dans l'acte I (arrivées du Gascon, de Léandre et de Champagne) mettent en évidence l'agitation qui règne chez Climenne. Elles sont généralement justifiées par les liaisons de vue. Toutefois, c'est le recours à la liaison par le bruit qui est la plus intéressante car elle accroît l'impression de confusion : « J'entens quelqu'un qui crie » (v. 59), déclare Béatrix, annonçant ainsi la venue du Gascon et, avant que Champagne n'accoure, apeuré, Coutreville ordonne à sa cousine : « Rentrez, j'entens du bruit » (v. 353). La spontanéité des entrées et des sorties est manifeste dans la première scène de l'acte II : Béatrix s'apprête à conduire le Basque « là haut » (v. 386) pour le présenter au gentilhomme, mais tous deux demeurent finalement sur scène car elle ajoute : « Il vient » (v. 387). L'arrivée inopinée du Beauceron, qui est dans l'impatience de voir le *Suisse*, montre que le dramaturge recherche la surprise et la variation dans l'enchaînement des scènes. # Les personnages. Les personnages du *Gentilhomme de Beauce* correspondent aux types de la comédie d'intrigue. On distingue les jeunes gens, Climenne et Léandre ; les serviteurs complices, Béatrix et le Basque ; les opposants, la mère de Climenne et le Beauceron qui, bien qu'il ait tous les traits du tuteur, vieux, bourru, avare et apôtre des bonnes mœurs, convoite sa pupille et tente de s'introduire dans le groupe des amants galants. La présence du Gascon et de Martin est déterminée par l'organisation de la loterie et non par l'intrigue, ils sont introduits essentiellement pour amuser le spectateur. ## Les amoureux. ### Climenne. Climenne correspond au type de la jeune femme hardie et entreprenante. Son amoureux paraît bien fade à côté d'elle, amante décidée et rusée. De fait, c'est Climenne qui a l'initiative d'organiser une loterie afin de rencontrer Léandre et qui élabore un artifice pour éloigner son cousin. Elle tente à plusieurs reprises de tenir tête à son censeur : elle lui répond avec une ironie audacieuse, lui coupe la parole ou encore conteste ses théories, mais c'est assurément au cours de la confrontation de l'acte V qu'elle le défie avec le plus d'aplomb. Elle n'a pas la naïveté qui caractérise certaines jeunes filles de comédie : en particulier, elle n'est dupe à aucun moment de l'orgueil de son cousin qui surestime sa fortune. Climenne est en effet reconnue comme une femme d'esprit (v. 574) et son entourage a « bonne opinion » (v. 534) d'elle. Elle fait confiance au sort, aussi manifeste-t-elle une assurance qui contraste avec l'inquiétude de son amant. Sa détermination se révèle en toute occasion, par conséquent, le fait qu'elle se résolve dans le dernier acte à obéir à sa mère et au gentilhomme est surprenant. Elle adopte alors le discours de Léandre et déplore son « malheur » (v. 1577) alors même que son amant affirme davantage sa volonté. La soumission de Climenne aux contraintes sociales rend cependant le personnage plus conforme à la réalité de l'époque. ### Léandre. Léandre est l'amant de Climenne. Sa description ne permet pas d'aller au-delà du type de l'amoureux. Qualifié d'« idole blondine » (v. 1566) par le Beauceron, il a l'allure du galant à la mode. Il exprime sa passion par un langage mêlant la plainte et les déclarations lyriques, et craint en permanence que ses souhaits sentimentaux ne soient pas réalisés. Excepté dans la scène 11 de l'acte V qui donne à voir un Beauceron apaisé, il n'affronte pas le gentilhomme. Il lui cède docilement la place dans la scène 7 de l'acte I, laissant Climenne seule face à son cousin, et dans la scène 7 de l'acte IV, s'il adopte la rhétorique vindicative de l'amant jaloux et intempestif, cela ne donne pas lieu à un duel sanglant contre son rival. Il est en retrait par rapport aux autres personnages et son intervention dans l'action est insignifiante. En effet, il désire voir Climenne mais ne prend pas part aux tours destinés à tromper la vigilance du gentilhomme. Dans la dernière scène de l'acte II, lorsqu'il déclare avec fermeté : « Beatrix, dis luy bien que je vay de ce pas ; / En suivant cet advis éloigner le fantasque » (v. 720-721), il semble prendre en charge la réalisation du piège imaginé par Climenne pour éloigner son cousin, mais la suite, « il me faut icy quelqu'un », laisse entendre qu'il n'a pas l'intention d'être l'acteur de cette nouvelle farce. Il se contente d'« instruire » (v. 729) le Basque « suivant l'advis » de Climenne (v. 721). Toutefois, dans le dernier acte, son sursaut d'indignation face à l'attitude résignée de son amante nuance la passivité du personnage, qui présente alors un regain d'intérêt. ## Les serviteurs. ### Béatrix. Servante et confidente de Climenne, Béatrix soutient sa maîtresse dans ses amours interdites. Climenne lui dévoile son amour, ses ruses pour voir Léandre et c'est à sa suivante qu'elle s'en remet lorsque la situation paraît désespérée (V, 7). Intermédiaire entre les amoureux, Béatrix recommande au gentilhomme un Suisse de son choix afin que les amants puissent se rencontrer (I, 4), règle leurs entrevues et donne espoir au soupirant transi en lui transmettant le billet de son amante (II, sc. dernière). Conformément au type de la servante qui fait preuve d'esprit et de lucidité, elle sait mener à bien une intrigue amoureuse grâce à des initiatives hardies. Elle est rapidement à disposition pour jouer un tour : ainsi, dès que le gentilhomme propose d'engager un Suisse, elle intervient, et fait astucieusement le portrait d'un Suisse brutal et querelleur, susceptible de plaire au Beauceron (I, 4). Cette scène désigne Béatrix comme un personnage clé de l'intrigue puisque c'est elle qui relaie Climenne, prise au dépourvu par la décision du Beauceron, et qui s'impose jusqu'à la fin de l'échange. Elle a toujours un mensonge en poche, aussi invente-t-elle au *Suisse* une femme moribonde afin de justifier son absence au début de l'acte III. Dans la scène 1 de l'acte II, la redondance des didascalies qui la montrent occupée à vérifier qu'elle est bien seule avec le Basque met l'accent sur sa prudence. Son ingéniosité et son assurance en font la doublure ancillaire de Climenne, ce qu'emblématise leur communauté d'intérêt, illustrée par le parallélisme de la réplique de Béatrix, « Si j'en veux au valet vous en voulez au Maistre » (v. 240). D'autre part, Béatrix possède le bon sens et le franc parler des soubrettes. L'écho entre la réplique du Beauceron, « De peur d'être berné je n'ose m'en vanter » (v. 1123) et celle de Béatrix, « Il est trop glorieux pour venir s'en vanter » (v. 1172), souligné par la reprise du terme « vanter », montre qu'elle perçoit avec acuité le tempérament du gentilhomme. Elle décèle son caractère tranché quand elle encourage sa maîtresse à dire son fait à Coutreville (v. 1590). Ce naturel franc et direct n'exclut pas une certaine coquetterie qu'elle manifeste en présence de son amant. Elle s'amuse à le faire languir, fait des « façons » (v. 383) et se montre parfois moqueuse : dans la scène 7 de l'acte II, elle feint d'entendre un bruit pour faire diversion et couper court aux lestes insinuations du Basque (v. 685). Le contraste entre ses reparties railleuses et le discours passionné de son amant participe du comique du personnage. ### Le Basque. Valet de Léandre et amant de Béatrix, le Basque est la pierre angulaire de la stratégie élaborée contre le gentilhomme. Sa physionomie prête à rire, d'autant plus qu'il est affublé à deux reprises de costumes ridicules. Son allure frêle contraste de façon comique avec la corpulence des portiers suisses, « grands » et « gras » (v. 394). Il emprunte au type du valet à l'italienne le caractère ingénieux et menteur, comme l'atteste son habileté à jongler avec les différentes métamorphoses. D'autre part, il se rapproche à certains égards du *gracioso*. Malgré son audace lorsqu'il joue la comédie, il se montre parfois couard, comme l'atteste le ton servile qu'il adopte face au Beauceron dont il craint la colère (V, 3). Il est cupide : tout en affectant les dehors de l'abbé désintéressé, il parvient à soutirer vingt louis au Beauceron, don qu'il anticipe avec finesse, lorsqu'il joue le *Suisse*, en faisant allusion à « un grand pistole » (v. 427) offert par son précédent maître. Il est porté à l'ivrognerie et se montre volontiers entreprenant avec la servante de Climenne : en sa présence, la conversation du valet se transforme systématiquement en discours amoureux, ce qui est manifeste dans la scène 7 de l'acte IV où l'adversatif « mais » (v. 679) marque le brusque changement de ton du Basque. Sa mauvaise foi, patente lorsqu'il refuse d'admettre qu'il a laissé entrer le gentilhomme, contribue au comique du personnage (V, 1). Enfin, nous verrons que Montfleury complexifie la figure du joyeux drille, cantonné dans le comique farcesque, en lui prêtant à plusieurs reprises des propos ingénieux. ## Les opposants. ### M. de Coutreville. C'est le personnage le plus comique de la pièce. Comme son autoportrait le laisse entendre, il n'a pas l'apparence galante de l'amoureux (III, 7). De plus, son allure pataude et son excentricité vestimentaire n'incitent pas Climenne à le compter parmi ses galants. Lui-même s'avoue « chagrin » (v. 954) et Béatrix accole d'emblée à son nom, l'adjectif « bouru » (v. 4, 700 et 1268), qui fonctionne comme une épithète de nature pour qualifier les personnages déplaisants des comédies de Montfleury [49]. Comme le type du vieillard décrit par La Mesnardière, c'est un « censeur rigoureux et injuste des plaisirs des jeunes gens [50] ». Le gentilhomme sermonne sans cesse sa fiancée. Il dénonce notamment l'indécence de sa tenue par des formules telles que « ce sein plus découvert » (v. 894) et « ce bras qu'un gant trop court laisse voir à demy » (v. 895). Son irritation est comparable à celle de l'abbé Boileau qui, en 1675, fulminait contre les « nudités de gorge [51] », siège du diable. Ainsi, Coutreville fait preuve de la même rigueur moralisatrice qu'un homme d'Église ; d'ailleurs, lorsqu'il accuse Béatrix d'encourager Climenne à la galanterie, il utilise la métaphore biblique du « serpent », symbole de la tentation (v. 1181). Quand ce n'est pas contre sa cousine, il jure contre le Gascon, Champagne ou le monde entier devenu « fou » (v. 169). La scène 7 de l'acte I s'ouvre et se clôt sur deux imprécations, « peste quelle novice » (v. 299) et « La peste quel compere » (v. 320), lancées respectivement contre Climenne et contre Léandre. L'effet de circularité induit par cette répétition illustre l'enfermement du gentilhomme dans une attitude de méfiance envers son entourage. Son naturel jaloux contribue à le rendre soupçonneux et le rapproche de Bernadille qui, convaincu de l'adultère de sa femme, l'abandonne sur une île déserte (*La Femme juge et partie*). Tous deux utilisent les mêmes termes pour désigner leur rival. Aussi peut-on comparer les expressions du Beauceron, « Le drôle est familier » (v. 82) ainsi que « le blondin » (v. 340), et cette réplique de Bernadille : Oui, ce blondin charmant Me semble familier plus que passablement. Le drôle sans façon s'introduit chez Constance [52] ; Le même verbe, « obseder », est utilisé par Climenne et Béatrix (v. 39 et 702), lorsqu'elles évoquent la surveillance exercée par Coutreville sur la jeune femme, et par le Gascon, quand il se réfère aux créanciers qui le poursuivent (v. 1069). La reprise du terme suggère que le gentilhomme harcèle sa cousine avec une opiniâtreté comparable à celle des créanciers qui réclament leur dû, parallèle qui montre que tout chez lui est excessif. Lorsque Champagne annonce que la porte a été forcée (I, 9), le gentilhomme réagit comme si une attaque avait lieu, et l'injonction « Deffendez-en l'entrée » (v. 363) fait de l'appartement de Climenne une forteresse à protéger. Son langage aussi est excessif, comme l'atteste la violence avec laquelle il exprime sa colère : « Quel sabat, quel fracas ! ah je suis hors de moy » (v. 748) ; sa véhémence est accentuée par l'assonance en a et l'expressivité du vers. De même, il n'hésite pas à qualifier de « renegats » (v. 480) les Suisses qui, en France, n'observent plus les coutumes vestimentaires de leur pays. Coutreville fait preuve d'un autoritarisme qui se traduit par le recours fréquent à la modalité jussive, l'annonce de décisions sans appel et un ton inquisiteur. Il interrompt de façon impérieuse ses interlocuteurs, qu'il s'agisse du Gascon (v. 105, 124) ou de Climenne (v. 164). Il veut tout régenter (v. 15-18) et présume que son amour « grondeur [53] » viendra à bout des vices de Climenne. Le même espoir anime Alceste qui déclare à propos de Célimène : « sans doute ma flamme / De ces vices du temps pourra purger son âme [54] ». Le caractère intransigeant du Beauceron donne lieu à des discussions animées avec les autres protagonistes. Ces échanges conflictuels permettent à Montfleury d'exercer son habileté à enchaîner avec vivacité les reparties. Le désaccord entre Climenne et Coutreville à propos du tirage de la loterie, est ainsi rendu par l'enchaînement rapide des répliques et les parallélismes syntaxiques (v. 517-518 et 529-530). De même, lors de leur confrontation à l'acte III, le recours à la stichomythie met en valeur la tension entre les deux personnages (v. 937-940). Catégorique et sentencieux, Coutreville correspond au type du fat qui se pique de tout savoir : le langage du *Suisse* donne de la tablature à tous ses interlocuteurs, excepté au Beauceron, qui « entend toute sorte de langue » (v. 420). Il prétend avoir réponse à tout : Ah ! si sur le public j'avois quelque puissance, Qui m'en fit ménager le bien, ou l'interest, Le peuple deviendroit plus ménager qu'il n'est [55], Dans ce passage, il se présente comme le sauveur d'une société allant à la dérive : la répétition de « ménager » souligne l'efficacité du gentilhomme, puisque son intervention (« ménager » le bien du peuple) est immédiatement suivie du résultat escompté (le peuple devient plus « ménager »). Son sentiment de supériorité se traduit par le dédain qu'il affiche envers Léandre, dont il signale l'indigence en affirmant qu'il n'a que les « feux » de Climenne « pour resource » (v. 1485). La bonne opinion qu'il a de lui paraît à travers des expressions d'autosatisfaction telles que « Cette acquisition est fort bonne » (v. 495) et « je m'en sçais bon gré, bien loin que je m'en blâme » (v. 187), allusions à la décision judicieuse qu'il vient de prendre en engageant le *Suisse* et à sa participation à la loterie d'Oronte. Enfin, son caractère lourdaud est mis en évidence par une franchise parfois déroutante, notamment dans son autoportrait (III, 7) où il avoue sans scrupule son égoïsme. Cette tirade révèle d'autre part sa conception triviale du mariage. Lorsqu'il confesse à Climenne « je vous ayme, / Trop & trop peu » (v. 945-946), la surprise créée par le rejet signale le caractère atypique de la déclaration d'amour, d'autant plus que le lexique relatif au négoce, « moitié » (v. 948 et 950), « achette » (v. 949) et « prette » (v. 950), domine dans les vers suivants. Il souhaite en effet pouvoir compter Climenne, au même titre que ses dindons, dans son patrimoine. En revanche, il réserve le terme « bon-heur » (v. 867) à la joie que lui procure le gain des trois cent louis alors que le mot, récurrent dans le discours de Léandre, appartient à la rhétorique de l'amant évoquant la femme aimée. Le Beauceron envisage le mariage comme une prise de possession, c'est ce que souligne la métaphore guerrière, filée dans les vers 128-130 à travers les termes « citadelle », « briser » et « garnison ». Sa volte-face, à l'acte V, suggère qu'il ne ressent pas pour Climenne la passion d'un amant. Il ne possède pas non plus son héroïsme. De fait, il n'affronte à aucun moment le peuple « mutin » (v. 369) mais préfère le calmer en envoyant Martin (v. 370) ; et, dans le dernier acte, il ne se venge des tromperies dont il a été victime que sur Climenne et lorsque, dans le dialogue de la scène 5, celle-ci prend l'avantage, il la menace lâchement d'informer sa mère au sujet de son amour pour Léandre. ### La mère de Climenne. La mère de Climenne n'apparaît pas mais c'est elle qui, contre toute attente, permet le mariage de sa fille et de Léandre. Elle incarne l'autorité et l'avarice parentales. « Absoluë » (v. 1617), elle impose à sa fille le gendre qui lui agrée, sacrifiant le bonheur de Climenne à des considérations d'intérêt (v. 10-11). Le personnage devient comique lorsque le Beauceron évoque ses mœurs légères, peu compatibles avec la morale rigoureuse et austère des mères de comédie. ## Les acteurs de la loterie. ### Le Gascon. C'est un personnage qui est introduit avant tout pour faire rire le spectateur par sa folie et ses excès. Il incarne les deux ennemis du gentilhomme, le galant et le joueur. Son humeur gasconne le pousse à la vantardise. L'exubérance de son comportement est illustrée par son entrée bruyante dans la scène 2 de l'acte II, par son volume de parole, plus important que celui de ses interlocuteurs, sauf lorsqu'il est confronté au gentilhomme et par sa gestuelle démonstrative, dont témoigne la réitération de la didascalie « *l'embrassant* » dans la scène 3 de l'acte I. L'attitude galante qu'il adopte avec Climenne et qui est mise en évidence par les fleurettes qu'il lui adresse ressortit aussi à son caractère fanfaron. Son penchant pour les femmes, tout comme son goût du jeu, participent de sa frivolité. ### Martin. Martin prend en charge l'organisation de la loterie (la vente des billets, l'attribution des boîtes aux participants et le tirage). Précepteur, il représente le type de l'érudit au langage savant. Il n'échappe pas au cliché de l'homme d'esprit couard : l'agitation populaire l'impressionne (v. 1055-1058), les menaces du Gascon l'effraient (v. 1101) et la crainte d'une confrontation avec un joueur du même acabit le porte à se réfugier dans sa chambre (II, 3). À l'instar de Climenne, il souhaite que l'on procède loyalement au tirage de la loterie ; aussi s'offense-t-il du doute émis par le Gascon à propos de l'honnêteté des organisateurs du jeu (v. 1083). Il est, d'autre part, scandalisé par l'inconscience du Gascon qui imagine payer ses dettes grâce aux lots. Après que le joueur lui a exposé son projet, la modalité interrogative domine dans ses répliques, ce qui montre à quel point sa raison est ébranlée par les élucubrations du Gascon (v. 1074-1078). # Le comique. L'injonction de Climenne à Léandre, dès l'acte I, « loin de s'en fascher il faut que l'on en rie » (v. 311), relayée dans l'acte V par « Loin de s'en allarmer il faut s'en divertir » (v. 1220), a une valeur programmatique puisque l'intrigue consiste en effet à contrevenir de façon ludique aux mesures coercitives de Coutreville. Elle est aussitôt suivie par Béatrix et Climenne qui ne peuvent contenir leur rire devant le Basque déguisé en Suisse (v. 422 et didascalie : p. 29). Par le biais de ces personnages hilares, Montfleury désigne explicitement son propos : amuser le public. ## Les ressorts du comique. ### Le comique de situation. Montfleury emprunte les scènes comiques traditionnelles de la comédie d'intrigue. Il utilise, à deux reprises, le topos de l'amant caché qui observe son rival en train de courtiser celle qui lui est destinée. Dans l'acte I, le gentilhomme surprend en effet Climenne en compagnie du Gascon puis de Léandre. Ces deux scènes d'espionnage donnent sans doute lieu à une gestuelle comique du Beauceron, dont on imagine la posture inconfortable et la moue désapprobatrice. Un des ressorts essentiels de la comédie d'intrigue est la surprise ; l'auteur l'exploite par le renversement de situation. À la fin de l'acte III, le gentilhomme se laisse griser par la pensée de posséder son lot, et sûr de lui, s'adresse au *Suisse* et à Climenne sur un ton péremptoire ; mais son euphorie cède bientôt la place à la désillusion, lorsqu'il découvre qu'il a été berné. L'effet de surprise provoqué par la volte-face de la mère de Climenne, à la fin de l'acte V, participe aussi du comique de la pièce, puisque le Beauceron, assuré d'obtenir le soutien de cette dernière, est finalement contraint de se ranger à son avis et de favoriser les desseins amoureux de Léandre et de sa cousine. Ce comique est renforcé par son obstination à vouloir retourner la situation à son avantage ; ainsi affirme-t-il : « en voulant me nuire ils m'ont rendu service » (v. 1258). Les scènes représentant le Beauceron caché, à l'affût de la moindre révélation, sont également des topoï de la comédie d'intrigue (IV, sc. 5-10). Le fait qu'un personnage entende les propos désobligeants que son entourage tient sur lui produit un effet comique, d'autant plus que le gentilhomme ne s'attend pas à une découverte de cette ampleur. Enfin, la méprise sur l'identité d'un personnage est topique dans la comédie d'intrigue. Le Beauceron est deux fois de suite trompé par le Basque, qui se fait passer pour un Suisse puis pour un abbé. Son aveuglement est indéniable lorsqu'il déclare à *la Roche* : « Dans vostre cœur je sçay ce qui se passe » (v. 862). ### Le comique farcesque. Le thème du cocuage, très présent dans le discours du gentilhomme et emblématisé par le motif des cornes du mari trompé (v. 347-350 et 1311), est le sujet de prédilection de la farce. Montfleury n'hésite pas à évoquer le bas corporel dans le récit du *Suisse* qui reçoit un coup de pied dans le « cu » (v. 415), et à glisser dans ses vers quelques allusions grivoises. Le terme « fonds », récurrent dans la pièce, présente un sens obscène mis en évidence par le gentilhomme : il qualifie effectivement de « familier » (v. 82) le Gascon, lorsque celui-ci demande à Climenne : « Vostre fons est-il grand ? » (v. 82). Bien que ce soit dans ce vers que la signification licencieuse du mot semble la plus obvie, elle apparaît néanmoins dans chaque occurrence. Le *Suisse*, à son tour, se montre leste lorsqu'il fait allusion aux plaisirs de l'adultère, à travers l'expression « le ptit rechouissance » (v. 452). D'autre part, la gestuelle farcesque fait partie intégrante de la dimension comique du *Gentilhomme de Beauce*. Les embrassades du Gascon (I, 3), enthousiastes et étouffantes, et les révérences renouvelées de *la Roche*, mouvements amples et cérémonieux (III, 5), ressortissent à la farce. Elles sont d'autant plus comiques qu'elles se heurtent à l'hostilité de Coutreville. Oppressé, celui-ci demeure sans doute immobile dans la première situation et se contente probablement, dans la seconde, de petites révérences rapides. Le contraste entre les deux attitudes renforce le caractère ostentatoire des gestuelles du joueur et de l'*abbé*. Le déguisement est également un ressort du comique propre à la farce. L'extravagance du costume du *Suisse* est d'ailleurs soulignée par les rires des personnages eux-mêmes. Montfleury emprunte à la farce un autre procédé comique : les coups de bâton. Le récit de l'altercation entre le *Suisse* et le rival amoureux de son ancien maître constitue une véritable scène de farce : les deux adversaires s'échangent des coups « di pié » (v. 415) et « ditrifiere » (v. 416) avant que l'un ne mette fin au combat en cassant le « musiau » (v. 418) de l'autre. La drôlerie de ce duel confinant au guignol est renforcée par le terme « Harangue » (v. 419) qui qualifie sur le mode héroï-comique la narration du *Suisse*. Les coups de bâton sont de nouveau convoqués lorsque le Gascon défie le *Suisse* (v. 1046). Le soufflet que le gentilhomme donne au *Suisse* (V, 3) est une variante des coups de bâton : il permet de diminuer la tension au moment où le succès des subterfuges est menacé. L'étonnement du* Suisse* souffleté redouble la dimension comique de la scène : une telle « recompense » (v. 1370) a de quoi le décontenancer, lui qui avait reçu de son ancien maître une toute autre « riconpans », une pistole (v. 427). Le motif du soufflet réapparaît dans un jeu comique de question-réponse entre Léandre et son valet : LEANDRE Par qui l'as tu donc sceu ? LE BASQUE Par un fort grand soufflet Monsieur que j'ai receu [56], Enfin, l'ivrogne fait partie du personnel farcesque. La démarche titubante du Basque aviné (didascalie : p. 75) ainsi que sa chute (didascalie : p. 78) ressortissent à la gestuelle bouffonne de la farce. D'autre part, Montfleury reprend les caractéristiques comiques du discours de l'ivrogne qui se délecte de son état : les répétitions, « J'ay bû neuf ou dix coups qui m'ont fait bien du bien » (v. 1272) et « Qui m'ont mort-bleu qui m'ont fait dormir » (v. 1278) ; l'éloge du vin, « admirable sirot » (v. 1275) qui fait « dormir à merveilles » (v. 1278) et l'évocation de la bouteille en termes amoureux. ### La répétition. Montfleury tire parti du comique associé à la répétition, que ce soit par la reprise d'une situation amusante, d'une gestuelle, d'une attitude ou d'un mot. À l'acte IV , la récurrence de la formule finale des monologues du gentilhomme, « Quelqu'un vient écoutons [57] », montre que l'auteur fait subir à son personnage plusieurs déconvenues successives, dont le caractère répétitif accroît le comique de la démystification. Montfleury joue sur la reprise du motif de l'embrassade. Dans la scène 3 de l'acte I, le gentilhomme, étouffé par l'accolade du Gascon, doit « prendre haleine » (v. 96). Or ce jeu est inversé dans la scène 5 de l'acte III où *la Roche* craint de se faire écraser les côtes en recevant l'embrassade du vigoureux Beauceron (v. 846). Coutreville est essentiellement comique parce qu'il tient un discours tissu d'idées fixes et qu'il répète inlassablement les mêmes attitudes, révélatrices de ses deux vices incurables, l'avarice et la jalousie. Il suspecte constamment une tromperie de la part de Climenne. Tout au long de l'acte I, il garde en effet une attitude soupçonneuse envers le Gascon, comme l'attestent les trois reparties suivantes : « C'est un galand qui cherche à faire connoissance » (v. 100), « Et par l'autre escalier qu'on le face descendre » (v. 140) et « Il cherche à s'introduire ou j'en ay mal jugé » (v. 233). L'obsession est tenace car lors du dénouement, Coutreville, toujours persuadé que Climenne trompera son amant, quel qu'il soit, met en garde Léandre, « bien fin » (v. 1639) s'il évite cet écueil. Cependant, il n'est pas le seul à tenir « un peu beaucoup à son opinion » (v. 952). Au début de l'acte V, l'entêtement comique du Basque qui nie avoir laissé entrer le gentilhomme, désamorce la tension créée par l'annonce de la vengeance de ce dernier. Sa mauvaise foi le conduit à répéter des propos absurdes, tels que « Tu l'as veu si tu veux ; mais il n'est pas ceans » (v. 1336) et l'anaphore de « que » (v. 1340-1346) montre qu'il se perd dans ses arguties. ## Les langages ridicules. Autant que par les traits psychologiques de ses personnages, Montfleury entend nous amuser par leur façon de parler. Excepté Climenne et Béatrix, dont les discours ne présentent pas de véritable spécificité, tous les protagonistes du *Gentilhomme de Beauce* sont moqués à travers leurs langages. Montfleury met en scène les parlures de ses personnages par le biais de leurs propres interventions mais aussi des parodies qu'en font leurs interlocuteurs. ### Le parler suisse. Le personnage du *Suisse* permet de railler le parler rustique et parfois inintelligible que l'on attribuait aux Suisses. Béatrix affirme en effet qu'« On n'entend presque rien de tout ce qu'il veut dire » (v. 223). Le rapprochement à la rime de « dire » (v. 223) et de « rire » (v. 224) souligne la dimension comique des répliques du *Suisse*. Les sonorités sifflantes et chuintantes de son langage, ses déformations phonétiques, telles que « Piatille » (v. 403) pour « Béatrix », et ses incorrections syntaxiques, au même titre que son habillement et que ses manières, participent du comique du personnage. La lourdeur de l'expression du *Suisse* est rendue par les redondances, « ly maison dy lochis » (v. 410), la récurrence du démonstratif « sty [58] » et des formules de jurement, « mon foy » (v. 406 et 454) et « party [59] », ainsi que par sa manière gauche de rapporter le dialogue, avec les incises « dir luy » (v. 413), « tiche » (v. 417) et l'accumulation des pronoms personnels, « moy », « chil », « chy ». Le récit de son altercation avec le « grand petit Monser » (v. 412), qui dénote son intempérance verbale, est d'autant plus comique qu'il est qualifié par Béatrix de « Harangue » (v. 419), terme qui désigne un discours solennel et construit. Dans *La Satire des satires*, Boursault prête à la Uvaltoline, Suisse d'Émilie, un récit de lutte analogue : Pardy Un Laquais par deux fois dit que j'avre menty : Par mon foy, moy d'abord que luy tourne son teste, Je tiens mon Halebarde en mon main toute preste, Et quand il ne void rien, pardy tout à l'instant J'en donne un coup bien fort dessus son dos qu'il tend. Mais le Laquais, mon foy, qui n'est gueres Pagnote, Me prend mon Halebarde, et pardy m'en tapote ; De son Main, qu'il fait Poing, me casse tous les dens. Mon foy, la Maison s'ouvre, et j'ay sorty dedans : J'aime encor plus que mieux qu'il déchire mon Manche [60]. La déformation phonétique n'est pas systématique comme chez le *Suisse* de Montfleury, mais on retrouve une syntaxe incorrecte et l'accumulation de « pardy » et de « mon foy ». Dans *Monsieur de Pourceaugnac*, Molière parodie également le parler suisse en faisant intervenir des Suisses qui se réjouissent à l'idée de voir Pourceaugnac pendu: Allons, dépêchons, camarade, ly faut allair tous deux à la Crève pour regarter un peu chousticier sti Monsiu de Porcegnac, qui l'a esté contané par ortonnance à l'estre pendu par son cou [61]. Cette déformation langagière est comparable à celle qui caractérise les répliques du *Suisse* chez Montfleury. Dans *Le Gentilhomme de Beauce*, la langue des provinciaux ne présente pas de telles altérations. En revanche, elle est associée à la familiarité : l'abondance des jurons et des interjections insultantes, caractérise les parlers du Beauceron, du Gascon et du Basque. Seul le* Suisse* malmène le français, mais les langages des autres personnages, quoique phonétiquement et grammaticalement corrects, ne sont pas exempts de tout sarcasme. ### Le langage campagnard. Ce qui est risible chez le gentilhomme ne réside ni dans la prononciation, ni dans l'utilisation d'un idiolecte beauceron, mais dans les références systématiques aux réalités triviales du monde rural. Il réprimande ainsi Climenne sur son attitude : Venez-vous voir quittant vostre chambre si viste, Si vous ne pourrez-point trouver un liévre au giste [62] Ici, c'est la chasse qui est convoquée, l'activité cynégétique faisant généralement partie des passe-temps favoris du provincial. Dans le discours du Beauceron, la métaphore, quoique lexicalisée, n'oblitère pas le référent concret auquel elle renvoie. Ainsi, « trouver un lièvre au gîte » (v. 886), « tenir au moulin le chapitre » (v. 758) et « tirer sa poudre aux moineaux » (v. 892), outre leur sens figuré, évoquent le chasseur, le moulin et les oiseaux, composants essentiels des images d'Épinal sur la campagne. Parfois, c'est le gentilhomme lui-même qui fait apparaître la réalité rustique qui sous-tend la métaphore employée, comme le montre le reproche suivant adressé à *la Roche* : Beauceron trop poly, parce que vous sçavez Faire vingt pieds de veau, de deux que vous avez, Voulez-vous m'insulter [63] ? La métaphore animale désignant la révérence est remotivée par le rapprochement entre le « pied de veau » et la jambe de l'*abbé*. Ces images relatives à la vie campagnarde tranchent avec le contexte de la vie parisienne. Elles sont d'autant plus comiques qu'elles se veulent spirituelles. Parfois, leur trivialité les rend licencieuses et outrageantes. Lorsque Coutreville déplore que sa cousine laisse « fourager le pré qu'il marchande » (v. 1250), il compare Climenne, recevant son amant, à un pré dont les pailles ont été consommées. Son langage est lardé de mots trahissant son origine contadine, tels que « cottes » (v. 645), dont Furetière atteste qu'« il ne se dit plus qu'à l'égard des paysannes [64] » ou « metairie » (v. 1117), qui concerne le monde agricole et n'a donc pas le moindre à-propos dans un discours sur les filous parisiens. ### Le discours pédant. Montfleury tourne en ridicule le langage pédant à travers le gentilhomme, l'*abbé la Roche* et Martin. Afin de donner à ses interventions l'apparence d'un raisonnement construit, le Beauceron les ponctue d'articulations logiques et temporelles, parfois associées de façon redondante. Le semblant d'argumentation du Basque au début de l'acte V est d'ailleurs une imitation parodique du discours prétendument rationnel auquel le Beauceron recourt lorsqu'il fustige Climenne, les galants ou les joueurs. Dans la scène 5 de l'acte II, ce dernier expose les préceptes frauduleux de l'**avis aux Thresoriers des foux**  en employant des formules sentencieuses comme « Ah ! voilà bien d'un fait tirer la quintessence » (v. 603). Ces répliques grandiloquentes suggèrent qu'il fait de la loterie un art dont il se veut le théoricien. Dans cette même scène, il s'adresse à Climenne sur un ton professoral, comme en témoignent l'abondance des impératifs et le recours à la modalité déontique, et il cherche à donner de l'ampleur à ses propos par l'emploi récurrent des présentatifs « c'est », « voicy » et « voilà ». Son discours pompeux est d'autant plus comique que lui-même qualifie l'*abbé la Roche*, de « facheux pedant » (v. 809). Montfleury prête en effet à l'*abbé* un langage dont l'afféterie paraît à travers l'emploi de mots savants et de latinismes, tels que « syllogisme » (v. 808), « barbara » (v. 808), « *In capite libri* » (v. 816). Enfin, le langage de Martin se veut aussi savant : il évoque la loterie avec des termes abstraits tels que « uniformité » (v. 1051), « candeur » (v. 1052), « sagacité » (v. 1052), « exactitude » (v. 1053), « promptitude » (v. 1054), parle latin (« *Quid vis* » v. 1048) et recourt à l'autorité de théoriciens reconnus, spécificité du discours érudit raillée par le flou de la référence, « Un Auteur tres-sensé dit que » (v. 1053). ### Le discours galant. Le discours de l'amant transi tenu par Léandre est tourné en dérision. Le jeune homme déplore systématiquement sa mauvaise fortune : ses répliques sont saturées par les termes « mal-heur » (v. 257 et 1609), « desespoir » (v. 260), « maux » (v. 262), « peine » (v. 1206) et « mauvais destin » (v. 1212) et il fait même appel au lexique tragique : la fortune est « cruelle » (v. 710) ; l'adieu à Climenne, « funeste » (v. 1208) ; son déplaisir, « mortel » (v. 1209) et sa constance, « accablée » (v. 714). Son discours est redondant et emphatique : Léandre recourt volontiers aux intensifs « tant » (v. 262) et « si » (v. 713 et 1607), aux antithèses, « Je trouve en mon mal-heur quelque chose de doux » (v. 257) et aux hyperboles, « mille coups » (v. 1215). Son langage n'échappe pas aux clichés du discours amoureux, notamment à la métaphore de l'amour comme feu (v. 266, 1207 et 1609). Les répliques de Léandre sont comiques à cause de l'exagération propre à l'amant passionné. Ce comique est, en outre, renforcé par les sarcasmes du gentilhomme. Ce dernier raille le discours passionné de Léandre et sa dévotion pour Climenne, par la description emphatique de l'attitude du jeune homme face à son amante (v. 341-344) et par le recours au lexique religieux, « s'extasier » (v. 337) et « idole » (v. 344). De la même façon, le Basque singe le discours affecté de son maître en exprimant sa souffrance amoureuse avec ostentation et en parodiant le langage métaphorique de la galanterie, comme le suggèrent les expressions « je souffre nuit & jour » (v. 377) et « Tes yeux m'ont fait pour toy galerien d'amour » (v. 378). L'association des propos galants et du prosaïsme, attesté par la dévalorisation de la métaphore du galérien : « si je puis un jour ramer dans ta galere » (v. 380), renforce l'effet parodique. Par contraste avec le style contourné et ridicule de Léandre, le Basque résume avec simplicité et spontanéité sa conception de l'amour : « Puis que tu m'aimes donc, & que je t'aime aussi, / Pourquoy tant de façons ? » (v. 382-383). ## Le style comique. ### Le contraste. C'est la perception d'une dissonance qui produit dans ce cas un effet comique. Lors de son entretien avec *la Roche* (III, 5), le gentilhomme exprime, sans ambages, son hostilité à l'*abbé* avant de lui témoigner la plus grande bienveillance, une fois qu'il a récupéré la boîte contenant ses billets de loterie. Ce brusque changement de ton, signe de sa cupidité, est d'autant plus drôle qu'à une agressivité excessive et injustifiée succède une complaisance tout aussi exagérée. Le contraste entre les attitudes des interlocuteurs rend l'enchaînement des répliques comique : les réponses évasives et laconiques du gentilhomme, « L'on le croit » (v. 791), « Et bien la roche soit » (v. 792), tranchent avec les propos obséquieux de l'*abbé*. D'autre part, lors des mystifications, Montfleury souligne la discordance entre les paroles prononcées par le Basque et son véritable caractère. En effet, la pédanterie de l'*abbé la Roche* s'oppose à la simplicité du valet. De même, la brutalité belliqueuse et la docilité du *Suisse* contrastent respectivement avec le calme désinvolte du Basque, illustré par la reprise de la formule « qu'importe » (v. 694 et 1270), et avec son irrévérence envers Léandre. L'association, dans le discours du gentilhomme, des registres noble et campagnard produit également un contraste plaisant. De fait, dans la scène 7 de l'acte III, la déclaration galante du Beauceron, dont l'emphase est rendue par le rythme et les références mythologiques, est couronnée par l'image burlesque d'« Apollon » conduisant une « broüette » (v. 970) et par le rapprochement cocasse entre « Apollon » (v. 970) et « Adonis » (v. 968), jeunes dieux d'une grande beauté, et le vieux gentilhomme. Le Beauceron produit un contraste tout aussi déconcertant lorsqu'il décrit la parure coquette de Climenne en introduisant dans sa tirade un lexique relatif à la campagne : ainsi les « moucherons » (v. 897), petits ornements mais aussi insectes disgracieux et repoussants associés à la vie rustique, se substituent-ils aux élégantes mouches, atout majeur de la jeune mondaine. ### L'esprit. Montfleury met dans la bouche de ses personnages des jeux de mots destinés à divertir de façon subtile le public, sans se soucier de la vérité psychologique des personnages puisque ce sont parfois les serviteurs qui manifestent le plus d'esprit. Lorsque Béatrix menace le gentilhomme en affirmant qu'« On lui garde des lots » (v. 1167) et qu'il « meriteroit d'avoir des cornes pour son lot » (v. 1168), eu égard au contexte de la loterie organisée par sa maîtresse, elle joue sur la superposition du sens figuré de « lot », « ce qu'on réserve à quelqu'un », et sur son sens concret, « gain d'une loterie ». Le jeu de mots est aussi savoureux lorsque le Beauceron se retrouve étouffé par l'embrassade du Gascon (v. 97) alors même qu'il vient de le menacer en jurant : « La peste vous estouffe avec vostre jargon » (v. 93). Le Basque montre à plusieurs reprises sa finesse d'esprit. Lorsqu'il joue le *Suisse*, son récit sur son « camarate » (v. 453), dépouillé et fait cocu par sa femme parisienne et le galant de celle-ci, a une valeur prémonitoire car c'est le sort que risque de subir le gentilhomme s'il s'obstine à vouloir épouser sa cousine (v. 453-458). De même lorsque, pour convaincre le gentilhomme de son zèle, le « Suisse Basque » (v. 670) jure qu'il ne laissera entrer « Rien point d'aut que son Maistre ou pien luy » (v. 1012), son serment ne sera pas démenti, même s'il laisse entrer Léandre, grâce au jeu sur l'ambiguïté de l'expression « mon Maistre » (v. 1012) qui désigne aussi bien le gentilhomme, maître du *Suisse*, que Léandre, maître du Basque. Climenne et Léandre jouent également sur l'équivoque lorsqu'ils utilisent un langage à double entente afin de tromper le gentilhomme qui les épie : les billets blancs renvoient à leurs malheurs amoureux (v. 307) et le « lot » que Léandre eût aimé partager avec Climenne est l'amour (v. 314). Le gentilhomme manie à plusieurs reprises l'ironie (v. 914-920) et fait de l'esprit. Il invente des termes, tels que « parqueter » (v. 898) et « decocqueter » (v. 1452), ou leur assigne un nouveau sens, comme en témoigne l'emploi de « chamarer », investi du sens de « cajoler » dans l'expression « chamarer les costes » (v. 160). ### La verve. Le Beauceron fait preuve d'éloquence et d'inventivité quand il s'agit de réprouver la coquetterie de sa belle. Sa tirade sur la parure de Climenne (v. 893-906), kyrielle de remarques railleuses, est un des passages les plus comiques de la pièce. L'impitoyable critique laisse percer sa colère à travers les allitérations d'occlusives (v. 900-904), jeu sonore qui illustre aussi l'absence d'harmonie du vêtement. L'assonance en εr dans « Ce mouchoir bas & fait d'une dantelle claire, / Ce sein plus découvert qu'il n'est à l'ordinaire » (v. 893-894) ainsi que l'allitération en b et l'homéotéleute en e dans « Ces brocarts bigarez, & leur diversité » (v. 899) contribuent aussi à la dimension sonore de la tirade. Le gentilhomme semble se laisser emporter par la griserie des mots au point que la jeune femme, par le biais de la métaphore culinaire, filée à travers les expressions « tourne-broche d'or » (v. 900) et « lardez de poinçons » (v. 904), se métamorphose en un mets qui vient d'être apprêté. Béatrix cède aussi à l'ivresse verbale quand elle décrit les plaisirs de l'amour et qu'elle revit avec délectation son entretien avec le Basque : afin de prolonger l'évocation sensuelle du « teste à teste » (v. 1148) amoureux, elle se répète volontiers, comme le montrent les formules redondantes, « on cajole on badine » (v. 1141) et « on se fait, on se dit mille sortes de choses » (v. 1146), ainsi que la dérivation sur « plaisans » (v. 1140 et 1147), « plaire » (v. 1141) et « plaisir » (v. 1150). ### La parodie. La scène 5 de l'acte V parodie une scène d'*agôn* de la tragédie de Racine, *Britannicus* (IV, 2). Montfleury ne reprend que quelques vers mais ce jeu parodique ponctuel suffit à rendre le rapprochement entre les deux scènes évident. La surprise créée par la référence à* Britannicus* renforce le comique d'une scène, déconcertante et drôle du fait même de la franchise des deux interlocuteurs. Les circonstances des deux face-à-face présentent des analogies. Dans *Britannicus*, la confrontation entre Agrippine et Néron est attendue depuis la première scène. De même, le spectateur est impatient de découvrir la vengeance du gentilhomme, et donc l'entretien entre ce dernier et sa cousine. Les rôles sont inversés puisque Coutreville est associé à Agrippine et que les deux ingrats sont Climenne et Néron. Le Beauceron a demandé à voir Climenne pour lui adresser une série de récriminations, lui énumérer les sacrifices auxquels il a consenti afin de l'épouser et lui reprocher son ingratitude ; discours qui renvoie aux plaintes amères exprimées par Agrippine en présence de son fils. Coutreville, « plus franc que les autres » (v. 1389), se fait fort de dire à sa cousine ses « veritez » (v. 1390), comme Agrippine qui affirme : « C'est le sincère aveu que je voulais vous faire » (v. 1195). Agrippine rappelle en effet à Néron ses origines : « Vous savez combien votre naissance / Entre l'empire et vous avait mis de distance » (v. 1119-1120) et le gentilhomme dénigre Climenne d'une façon comparable : « Vous estes une gueuse, & vous le sçavez bien » (v. 1396). À l'instar d'Agrippine qui, à la fin de la scène précédant son entretien avec Néron, désire être seule et déclare : « Qu'on me laisse avec lui » (v. 1114), le gentilhomme ordonne à Béatrix : « Et vous laissez-nous seuls » (v. 1376). Agrippine et Néron sont assis, comme Coutreville et Climenne. Agrippine et le gentilhomme entament alors deux longues tirades composées respectivement de cent huit vers et de cent quatre vers. Les vers qui constituent les articulations du discours du Beauceron sont empruntés à Racine : Approchez-vous Climenne, & prenez vostre place, … Je ne sçay … Rien ne peut m'ébranler, & ma flame vient mettre, D'un noble Beauceron le cœur à vos genoux, C'estoit beaucoup pour moy, ce n'estoit rien pour vous : … Ce n'estoit rien encor, … Voilà ce que j'ay fait, en voicy le salaire [65] ; Approchez-vous, Néron, et prenez votre place. … J'ignore … Le sénat fut séduit. Une loi moins sévère Mit Claude dans mon lit et Rome à mes genoux. C'était beaucoup pour moi, ce n'était rien pour vous. … Ce n'était rien encore. … Voilà tous mes forfaits. En voici le salaire [66]. Le dramaturge rapproche de façon burlesque Agrippine, monstre féminin et Coutreville, gentilhomme campagnard, bourru mais inoffensif. L'autoritarisme du Beauceron, qui veut tout régenter chez Climenne, et son orgueil renvoient sur un mode mineur à la *libido dominandi* d'Agrippine, qui pervertit l'ordre politique romain, ainsi qu'à son *hybris*. Montfleury joue essentiellement sur le décalage comique entre la question du pouvoir impérial romain, enjeu de l'affrontement entre Agrippine et Néron, et les difficultés que pose le mariage d'un villageois beauceron et d'une parisienne coquette. Les sacrifices que le gentilhomme se pique d'avoir fait paraissent dérisoires en comparaison des exactions qu'Agrippine commit afin que son fils accédât au trône (entre autres, la corruption du sénat et la dissimulation de la mort de l'empereur Claude) et la légère blessure d'orgueil qu'il subit n'a rien de commun avec l'humiliation endurée par Agrippine, écartée du pouvoir par son propre fils. # Innocence et masque. L'*innocence* paroist dans cet habillement ; C'est celuy qu'ils devroient conserver cherement : Et ne jamais souffrir qu'un maistre trop fantasque, Pour les mettre chez-luy les habillast en *masque* [67], Ces vers illustrent la dialectique à l'œuvre dans *Le Gentilhomme de Beauce*. Le gentilhomme, loin d'être lui-même aussi naïf qu'il le laisse paraître, loue le *Suisse* pour son ingénuité, dont témoigne, selon lui, son vêtement ; or si quelqu'un est habillé « en masque » et n'est pas « innocent », c'est bien son portier, valet déguisé en Suisse. Dans la comédie, le masque est aussi bien du côté de ceux qui, désignés explicitement comme mystificateurs, jouent des tours et recourent à des procédés théâtraux, que de ceux qui, hypocrites, adoptent des attitudes mensongères en société. ## Le masque de théâtre. Les jeunes gens n'ont qu'un seul propos : tromper leur opposant. Béatrix crée un personnage, un Suisse haut en couleur qu'elle met en scène devant le Beauceron (II, 2), Climenne invente une saynète que Léandre se charge de mettre en œuvre (II, sc. dernière) et le Basque assume les fausses identités, celles du *Suisse* et de l'*abbé la Roche*. Le Beauceron, lui, suit le personnage déguisé sur le terrain choisi par celui-ci et le Gascon ne participe pas aux stratagèmes, ce qui semble les désigner d'emblée comme les laissés-pour-compte de la comédie. La dramaturgie de la moquerie, fondée sur le spectacle comique offert par la dupe, s'impose donc ; pourtant, le gentilhomme ne tarde pas à céder à son penchant pour la dissimulation et à inverser les rôles. ### Les jeux de rôle. Montfleury exploite à deux reprises un procédé de nature théâtrale : le jeu de rôle. Dirigé par Climenne, Béatrix et Léandre, le Basque se déguise et joue. La dimension théâtrale des tours élaborés contre Coutreville est mise en évidence par les personnages eux-mêmes. Climenne qualifie les pièges de « pieces » (v. 1222) et les identités fallacieuses qu'emprunte le Basque sont désignées par les termes « roole [68] » et « personnage » (v. 726). Dans *Monsieur de Pourceaugnac*, on retrouve cette insistance sur la théâtralité des mystifications qu'imaginent les adjuvants des amants, comme en témoigne Éraste qui recommande à Julie de se souvenir de son « rôle » (I, 2). Le fait de se déguiser, note Georges Forestier, est « la plus haute forme d'action » pour un personnage de théâtre dans la mesure où elle est « la plus théâtrale [69] ». Le valet de Léandre est loin d'avoir la corpulence d'un Suisse, mais son déguisement suffit à tromper le Beauceron. La didascalie « *vestu en Suisse* » (II, 1) n'apporte aucune précision sur le costume dont la dimension comique est cependant signalée. De fait, Béatrix déclare que le Suisse qu'elle veut présenter au gentilhomme « est si plaisamment vestu qu'il en fait rire » (v. 224) et Climenne ricane lorsqu'elle découvre l'accoutrement du nouveau portier. La didascalie concernant le déguisement d'abbé est tout aussi lapidaire. L'auteur insiste cependant sur une particularité du costume, remarquée par Champagne, le « petit colet » (v. 752). Le déguisement s'appuie sur le nom d'emprunt, « Torften » (v. 433) pour le *Suisse* et « la roche » (v. 792) pour l'*abbé*. Georges Forestier montre que le nom est accessoire mais qu'il « sert à construire la personnalité fictive pour lui donner une existence théâtrale, pour que la “superpersonnalité” créée fonctionne comme un rôle de théâtre ordinaire auprès des autres personnages [70] ». Le jeu d'acteur est également essentiel pour mener à bien la mystification. L'action et le discours du valet doivent être en adéquation avec ceux d'un garde suisse et d'un abbé. Dans le premier cas, l'interprétation est facilitée par la conformité des conditions sociales de l'acteur et du rôle, tous deux domestiques, mais elle exige que le Basque prenne l'accent et la déformation verbale prêtés aux Suisses. En revanche, pour jouer l'*abbé la Roche*, il imite une condition supérieure et singe un langage pédant et affecté, ce qui est vraisemblable car le Basque a « un peu d'estude » (v. 280). Les expressions « nostre Suisse Basque » (v. 670) et « l'Abbé le Basque » (v. 1314) louent sa performance d'acteur, en suggérant que le valet et son rôle ne font qu'un. À une période d'aveuglement total du gentilhomme succède la découverte de l'identité du personnage déguisé : le valet est finalement percé à jour par le biais de l'espionnage du gentilhomme. Le jeu de rôle est donc un « succès partiel [71] », selon Georges Forestier. La ruse du Beauceron est rendue possible grâce à la négligence du *Suisse*, ivre : sa chute à la fin de l'acte IV symbolise l'échec de l'artifice. Le Basque, naturellement enclin à boire, imite volontiers l'ivrognerie notoire des gardes suisses. Le paradoxe est amusant : c'est parce qu'il s'assimile pleinement à son rôle de commande qu'il fait échouer le subterfuge. Climenne fait valoir, malgré tout, l'efficacité de l'art théâtral mis en oeuvre lors des jeux de rôle : les « mille coups » (v. 1215) dont Léandre veut percer son rival paraissent dérisoires en comparaison des « coups » dont le cousin « n'a pû se garentir » (v. 1219), terme qui, repris par Climenne, représente les mystifications. ### Le gentilhomme mystificateur ou le trompé trompeur. À partir de la scène 5 de l'acte IV, il y a deux actions parallèles : Climenne, Léandre, Béatrix et le Basque évoluent au premier plan tandis que le Beauceron, dissimulé, les observe. Ce dispositif rappelle la séparation qui existe au théâtre entre l'espace scénique et le public. Pourtant, même si son regard est essentiel dans l'acte, le gentilhomme n'est pas assimilable à un spectateur qui prendrait les entretiens qu'il surprend pour une comédie. L'abondance des monologues dans l'acte IV est justifiée par le partage de la scène : les révélations faites sur le devant de la scène sont effectivement ponctuées par les commentaires du Beauceron, demeuré seul en retrait. Le gentilhomme est cette fois celui qui trompe puisqu'il tait sa présence, et la bipartition de l'espace scénique permet sa prise de conscience. L'expression « lever le masque » (v. 1266) donne l'enjeu de l'acte IV, qui consiste à ôter aux amoureux et aux serviteurs leur masque. Elle produit un effet comique car au moment où il la prononce, le gentilhomme croit qu'il est au bout de ses peines et qu'il est désormais le seul à porter un masque alors que le *Suisse* n'a pas encore retiré le sien. La démystification du gentilhomme est mise en évidence par la récurrence de l'adjectif « éclaircy [72] » dont le sens propre est ici actualisé puisque le gentilhomme fait progressivement la lumière sur les agissements de son entourage à mesure que l'on progresse vers le lever du jour. Le Beauceron oscille entre l'aveuglement et la lucidité. Le vocabulaire relatif à l'innocence et à la sincérité, « naïsveté » (v. 429), « naif » (v. 496), « sans artifice » (v. 431 et 496), « ingenu » (v. 1001) et « ingenuité » (v. 1262), associé au personnage du *Suisse* dans le discours du gentilhomme, met en évidence son erreur de jugement. Celle-ci est patente lorsqu'il interprète les exhalaisons avinées et les ronflements de son portier comme l'expression d'une culpabilité envers son maître alors qu'ils ne sont que les manifestations du plaisir de l'ivresse (v. 1193-1196). Néanmoins, le Beauceron fait parfois preuve d'une lucidité qui atténue la balourdise propre au noble provincial. Ainsi déclare-t-il à Climenne : « je voy ce que c'est la belle, vous aimez ; / Ces Messieurs à fracas » (v. 157-158), prouvant qu il voit clair dans son jeu ; lorsqu'il surprend Climenne et Léandre, il n'est pas dupe de leur langage à double entente (I, 7-8) et il pressent qu'« on fait icy des tours de passe passe » (v. 705). D'autre part, alors qu'il fait valoir sa franchise et sa simplicité, il recourt volontiers à la feinte. La première parole du gentilhomme est un aparté : en effet, au lieu de se joindre aux autres personnages dès son entrée en scène, il se cache pour espionner Climenne et le Gascon. De même, au début de la scène 7 de l'acte I, ses répliques sont prononcées « *à part* » car il épie l'entretien de Climenne et de Léandre et dans l'acte IV, il commente les révélations en aparté. Le recours à l'aparté est emblématique de sa défiance et de son goût de la dissimulation. À l'instar du *Suisse* qui, malgré une apparente ingénuité, se révèle le personnage le plus théâtral, Coutreville, tout en vantant sa sincérité, se plaît à tromper. En définitive, les mystificateurs et la dupe jouent l'innocence mais utilisent, à l'envi, détours et ruses. ## Le masque de parade. C'est le gentilhomme qui se charge de ridiculiser coquets, galants et abbés tartufes, dont le comportement relève du faux et de l'artificiel. Le vêtement factice se substitue au déguisement et les grimaces du galant et de l'hypocrite remplacent le jeu de l'acteur. ### Le vêtement comme masque. Dans la scène 7 de l'acte III, le Beauceron exerce sa verve contre Climenne en montrant le caractère grotesque de son vêtement (v. 893-906). L'accumulation d'affiquets et le mélange des couleurs participent de l'assimilation de la toilette à un déguisement, rapprochement révélateur de l'artificialité consubstantielle à la coquetterie L'abondance d'ornements est exprimée par des termes relatifs à la lourdeur, « pend » (v. 900), « fatras » (v. 901), « chargez » (v. 901), « contre-poids » (v. 902), « pendus » (v. 902), « tas » (v. 903), par les pluriels ainsi que par la répétition de « trop » (v. 895 et 896). Cette parure surchargée donne paradoxalement une impression de précarité à cause des talons « mal affermy » (v. 896) et de la coiffure « en l'air » (v. 903), fragilité qui renvoie à une artificialité dérisoire. Le plus piquant est que cette tirade est malvenue, dans la mesure où le gentilhomme est maintes fois ridiculisé du fait de l'extravagance de son accoutrement. D'ailleurs, le fait qu'il revêt son « *habit de Campagne* » (didascalie : p. 96) pour quitter Paris suggère qu'il portait la tenue taillée exprès pour son séjour parisien comme un déguisement. Le vêtement traditionnel suisse est également assimilé à un costume de farce. L'analogie établie entre la toilette de Climenne d'une part, et celle du Beauceron et du *Suisse* d'autre part, achève de priver le vêtement de la jeune femme de tout naturel et de tout raffinement. À l'inverse, le Beauceron associe les valeurs de naïveté et de simplicité à la perpétuation du vêtement ancestral, comme Sbrigani, qui afin de gagner la bienveillance de Pourceaugnac, se félicite d'avoir su rester fidèle aux modes italiennes : « je suis originaire de Naples, à votre service, et j'ai voulu conserver un peu et la manière de s'habiller, et la sincérité de mon pays [73] ». ### Galants et abbés : deux impostures. Le Beauceron raille la coquetterie et la galanterie de son entourage. Il les associe systématiquement à la facticité de la vie parisienne et la récurrence des termes « cocquet », « cocquette », « galand », « galante », « galanterie » prouve qu'il s'agit chez lui d'une idée fixe. Lorsqu'il fait le bilan de son séjour parisien, il blâme la frivolité des Parisiennes : Les filles à Paris sont pour nous trop sçavantes, Il faut des gens galans, pour des filles galantes [74], Par un effet de chiasme, « filles galantes » renvoie à « filles à Paris », ce qui emblématise l'assimilation entre la capitale et la galanterie. La fille « sçavante » n'est pas valorisée dans les paroles du gentilhomme puisqu'il s'agit de la « femme habile [75] » , qui est associée à l'artifice et qu'Arnolphe oppose à l'innocente Agnès. Le sévère Beauceron refuse de se conformer aux moeurs parisiennes et sermonne sa cousine à plusieurs reprises. C'est avec la même rigueur que, dans *Le Misanthrope*, la prude Arsinoé reproche à Célimène sa « galanterie, et les bruits qu'elle excite [76] ». Montfleury insiste sur la distorsion entre les valeurs des deux abbés, présentés dans les scènes 5 des actes II et III, et celles de l'Église. Dans la scène 5 de l'acte II, l'abbé est l'auteur d'un ouvrage dans lequel il donne des conseils aux organisateurs de loterie désireux de réaliser un bénéfice substantiel. Il expose ses préceptes sur un ton dogmatique comme en témoigne le recours à la modalité déontique exprimée par le verbe « devoir [77] », au tour impersonnel « il faut [78] », à la formule de vérité générale, « *Tout homme qui voudra faire une lotterie*, / *Sçaura pour premiere leçon* » (v. 547-548), et à la maxime, « *Aussi bien le Proverbe dit*, / *Que qui s'acquitte s'enrichit* » (v. 613-614). Le titre du livre, en désignant les organisateurs par la périphrase « **Thresoriers des foux** » (v. 542), met en évidence son dédain envers les joueurs. Puisque seul importe l'intérêt financier des organisateurs, son discours, saturé par les termes « profit » et « profiter [79] », est incompatible avec les valeurs de l'Église, telles que le détachement des biens matériels et la charité. Le décalage entre le cynisme de l'abbé et les commandements de l'Église est souligné par Climenne lorsqu'elle affirme : « C'est un dépost sacré que l'argent du Public » (v. 569). L'emploi du lexique religieux est d'autant plus ironique qu'il renvoie à l'adjectif « divin » (v. 541), que le Beauceron choisit pour qualifier le livre de l'abbé mais qu'il utilise, lui, avec sérieux et emphase. L'abbé joue également sur la connotation religieuse du terme « scrupule ». Montfleury détourne le vocabulaire religieux pour mettre au jour la perversion des valeurs de l'Église. L'introduction de la terminologie religieuse au cœur d'un exposé théorique sur le profit ainsi que la figure de l'anti-abbé, cupide, impitoyable et dénué de toute morale, participent du comique de la scène. Le dramaturge ne présente pas une image plus flatteuse du second personnage d'abbé. Le « fort petit colet » (v. 752) de l'*abbé la Roche* le désigne immédiatement, aux yeux du Beauceron, comme un faux abbé. Ce premier niveau de duplicité est redoublé par le jeu de rôle : un faux abbé est joué par un faux abbé, le Basque. La fausseté des abbés est ainsi dénoncée à travers cette surenchère de facticité. Le gentilhomme n'est pas dupe des minauderies de son visiteur, qu'il qualifie de « Beauceron trop poly » (v. 799) : la politesse ostentatoire de *la Roche* se manifeste par une interminable série de révérences, il témoigne son dévouement avec insistance [80] et flatte la vanité du Beauceron en mettant l'accent sur sa « qualité » (v. 776). L'inefficacité de l'attitude de l'*abbé* est illustrée par le décalage entre ses propos flatteurs et la façon dont ils sont reçus par le gentilhomme, comme le signale le terme « insulter » (v. 801). Dans *Trigaudin*, Géronte manifeste la même hostilité envers ceux « qui font, étudiant toutes leurs actions, / Consister le bel air dans leurs contorsions [81] » et Alceste, dans *Le Misanthrope*, s'emporte aussi contre ces comportements affectés : Et je ne hais rien tant que les contorsions De tous ces grands faiseurs de protestations, Ces affables donneurs d'embrassades frivoles, Ces obligeants diseurs d'inutiles paroles [82], Le terme « contorsions » qu'utilisent les deux personnages, est emblématique de l'attitude de *la Roche* : au sens figuré, il renvoie aux détours de son langage et au sens propre, à ses révérences ostentatoires. Le gentilhomme, lui, se flatte de ne pas avoir le « jaret » assez « souple » (v. 778) pour de pareilles contorsions. Par ailleurs le dramaturge introduit dans le discours de l'abbé des propos licencieux, contraires à l'image austère de la fonction abbatiale. Le fait que *la Roche* s'enquiert de la jeunesse et de la beauté de la fiancée du Beauceron [83] et l'allusion aux « plaisirs de la vie » (v. 793) mettent au jour sa grivoiserie et sa curiosité. Dans *La Comtesse d'orgueil*, Thomas Corneille fait aussi référence aux abbés galants dans l'échange entre le Marquis et son valet, Carlin : CARLIN La Marquise, chez vous, a passé pour vous prendre, J'ay voulu l'arrêter, mais ne vous trouvant pas… C'est dons comme il en fait, fracas contre fracas, M'a-t'elle dit, Dy-luy que puis qu'il me dédaigne, L'Abbé qui lui déplaist va commencer son regne, J'aurois pû me resoudre à ne l'écouter plus, Mais… LE MARQUIS Ces diables d'Abbez la pluspart sont courus [84]. La figure de l'abbé produit un effet comique par sa dimension caricaturale : *la Roche* réunit les principaux vices que la tradition populaire prête aux hommes d'Église, la pédanterie, la curiosité et la grivoiserie. ## Le plaisir du masque. Montfleury met l'accent sur le plaisir que procurent le jeu de rôle et le jeu social. Les personnages prennent rapidement goût aux mystifications. Dans l'acte IV, Climenne et Béatrix sont tout à fait disposées à renouveler les ruses : il s'agit de railler le Beauceron mais aussi de se « divertir » (v. 1220 et 1230). Par deux fois, Béatrix utilise l'adverbe « plaisamment » (v. 671 et 1158) pour se référer à la performance du Basque, exprimant ainsi la satisfaction de l'observateur complice, proche de celle qu'éprouve le spectateur. Le Basque, de son côté, prend plaisir à jouer la comédie. En effet, lorsqu'il assume l'identité du *Suisse*, il se délecte à faire, avec l'accent suisse, un récit bien campé sur ses empoignades avec les visiteurs. (v. 406-418). Dans la scène 5 de l'acte III, quand il interprète l'*abbé la Roche*, il fait durer la conversation, en multipliant les formules de civilité et en accumulant les questions sans intérêt [85]. D'autre part, le jeu de rôle détermine le recours aux apartés, tels que « Il en tient » (v. 866), qui expriment l'autosatisfaction des jeunes gens. Ces commentaires sur l'action placent les personnages dans la position de l'observateur, ce qui crée entre eux et le public une complicité, emblématisée par l'emploi de l'adjectif possessif « nostre » : « nostre cousin donne dans le panneau » (v. 438). Aussi le plaisir des mystificateurs qui regardent avec amusement leurs mises en scène renvoie-t-il à celui du public. De même, dans l'acte IV, le gentilhomme, au supplice, prolonge malgré tout l'espionnage et savoure à son tour le plaisir de tromper. Le jeu social ne séduit pas moins : Climenne avoue sans détour son goût pour la mondanité et la coquetterie, masques nécessaires pour profiter de la « compagnie » (v. 1533), terme qui dans son discours rime de façon significative avec « vie » (v. 1534), et le Beauceron lui-même a « fait de la dépense » et s'est « fait leste » (v. 1458) pour fréquenter la société parisienne. ## Montfleury : juge ? Qu'il s'agisse des jeux de rôles, de la coquetterie ou de l'hypocrisie, c'est toujours la facticité qui est mise au jour ; néanmoins, le but de Montfleury n'est pas tant de dénoncer ces comportements trompeurs que d'exploiter des thèmes propres à l'expression de sa verve comique. Le dramaturge porte un regard indulgent et dédramatisé sur ceux qui s'adonnent à la galanterie et à la coquetterie, notamment sur Béatrix qui se délecte du badinage amoureux et de la galanterie avec simplicité (IV, 5). De surcroît, Climenne et ses galants ne sont pas plus ridicules que leur censeur qui, tout en critiquant leur attitude, cède au désir de plaire et se fait tailler un costume spécialement pour son séjour parisien (v. 24). Montfleury est plus sévère avec les abbés, mais son propos n'est pas d'en faire une satire acerbe. Lancaster suggère en effet qu'il se protège contre d'éventuelles condamnations de l'Église puisque l'*abbé la Roche* n'est qu'un rôle joué par le Basque devant le Beauceron et qu'il est d'emblée soupçonné par ce dernier d'être un faux abbé [86]. Il présume, d'autre part, que ce sont le récent succès de *Tartuffe* ainsi que l'allusion désobligeante aux abbés galants que Thomas Corneille insère dans *La Comtesse d'orgueil* qui ont donné à Montfleury assez d'audace pour amuser le public au détriment des abbés [87]. De plus, le jugement que le Beauceron porte sur ceux-ci perd de sa valeur car lui aussi, après avoir découvert qu'il a gagné un lot de trois cent louis, recourt à une gestuelle et à un discours emphatiques. C'est ce que suggèrent la didascalie « *l'embrassant* » (p. 53) ainsi que le nouveau titre qu'il confère à l'*abbé*, « Cousin du directeur general de ses vignes » (v. 826), fonction qui ne correspond à aucun avancement puisque *la Roche* est déjà le cousin du vigneron et que « directeur general de ses vignes » est une périphrase pour « vigneron » (v. 784). En outre, le caractère caricatural du portrait de l'auteur de l'**avis aux Thresoriers des foux** et les réserves de Climenne sur son « esprit » (v. 544), admiré seulement par le gentilhomme dont le jugement est discrédité depuis le début de la pièce, disqualifient sa pensée et désamorcent donc la portée polémique de la scène. En amoindrissant systématiquement le crédit accordé aux censeurs, Montfleury atténue la critique, destinée avant tout à faire rire le public. # Théâtre et société. Pour satisfaire le public qui « se plaît », selon Roger Guichemerre, « à retrouver sur la scène des tableaux de la vie parisienne [88] », Montfleury jongle avec les billets amoureux et les billets de loterie et confronte Parisiens et provinciaux. ## Un fait de société au théâtre : la loterie. La passion du jeu, caractéristique de l'époque, est le sujet de nombreuses comédies, centrées sur le personnage du joueur. Les loteries, en particulier, ont un grand succès à la cour, la mode s'en répand dans le public et les escrocs ne tardent pas à y voir un nouvel expédient susceptible de les enrichir facilement. *Le Gentilhomme de Beauce* rend compte de cette vogue mais le rôle du joueur demeure secondaire par rapport à celui des personnages traditionnels de la comédie d'intrigue. Dans la comédie de Montfleury, les deux loteries sont organisées par des particuliers. Dès la scène d'exposition, Béatrix aborde le sujet car, impatiente de découvrir ses billets, elle se renseigne sur le tirage de la loterie organisée par sa maîtresse (v. 32), ce qui suggère qu'il s'agit d'un thème essentiel de la pièce. L'auteur raille la folie des badauds qui se livrent à ce jeu mais dénonce aussi la corruption des organisateurs qui profitent de leur naïveté. La comédie de Montfleury entre en résonance avec* Les Intrigues de la loterie* de Donneau de Visé [89], qui est représentée vers la fin de l'année 1669 et qui témoigne aussi de cette mode parisienne : la maîtresse de maison, Céliane, a fait une loterie qui doit être tirée le soir même, ce qui attire beaucoup de gens. Valère et Cléronte, amants de Clarice et de Mélisse, la première, fille et l'autre, nièce de Céliane, profitent de cette occasion pour voir leurs maîtresses. Le succès de la pièce a pu porter Montfleury à s'intéresser à ce divertissement d'actualité. Le thème de la loterie renferme une grande potentialité comique car les excès induits par la passion du jeu ou par l'appât du gain se prêtent à une critique elle-même outrée. Toutefois, dans* Le Gentilhomme de Beauce*, la loterie ne sert pas seulement de prétexte à la satire amusée de la société dans la mesure où Montfleury s'applique à intégrer le fait social à l'action. ### Une folle passion. La colère du noble beauceron contre les joueurs, qui vont et viennent avec frénésie pour acheter des billets, constitue un leitmotiv de la comédie. Le choix du terme « embarras », qui est récurrent dans les répliques du Beauceron [90] et qui désigne la loterie, indique que le gentilhomme l'associe de façon systématique à la confusion. Dans* Les Intrigues de la loterie*, Florine, servante de Céliane qualifie aussi la loterie d'« embarras [91] ». Dès l'acte I, la passion du jeu est vivement critiquée par le gentilhomme (v. 168-183) : le paradigme de la folie, illustré par les termes « rage » (v. 168), « fou » (v. 169), « fureur » (v. 172), « folie » (v. 183), ainsi que les expressions superlatives telles que « jamais rage ne fut grande » (v. 168), « jusques au dernier sou » (v. 170), « tres-cours d'argent » (v. 171), « si fort » (v. 173), « telle folie » (v. 183), mettent au jour la démesure des joueurs. Le comportement déraisonnable du joueur effréné est d'ailleurs comparé à celui d'un voleur (v. 173-174). Donneau de Visé insiste, comme Montfleury, sur l'irrationalité des participants que M. Gervais, domestique de Céliane (I, 1) et Clarine, femme d'intrigue (I, 6) qualifient de « fous ». L'image de la porte forcée est emblématique de la fureur avec laquelle le peuple s'adonne à cette nouvelle distraction. Elle est présente dans la plainte que le Beauceron adresse à Climenne (v. 205-212) : son discours imagé, figurant un laquais désemparé et dépenaillé, une porte enfoncée et la foule allant et venant en tous sens, donne à voir une scène de chaos, comparable à un pillage. Martin déplore, à son tour, le désordre inhérent au jeu et l'agitation du public dans un discours hyperbolique, prononcé sur un rythme accéléré, qui rend sensible l'anarchie régnant dans le logis (v. 1055-1058). De même, Champagne réprouve la violence des joueurs qui « ont le diable au corps » (v. 357) : le discours alarmé de son maître sur la « rage » des participants invite à actualiser le sens propre de cette expression, suggérant que ces derniers sont animés par une fureur démoniaque. Chez Donneau de Visé, c'est un laquais, homologue de Champagne, qui peste contre l'agitation de la foule venue retirer les boîtes (I, 4). Montfleury met en évidence l'engouement pour la loterie à travers le Beauceron, gagné lui-même par cette foucade. En effet, immédiatement après son réquisitoire contre les joueurs, il est raillé par sa cousine, qui insinue qu'il est aussi fou qu'eux puisque lui aussi a acheté des billets (v. 184-185). De plus, à partir du moment où il croit avoir gagné à la loterie d'Oronte, il fait preuve d'une précipitation analogue à celle qu'il fustige chez les joueurs : la reprise du verbe « courir », qui caractérise le peuple empressé à acheter les billets (v. 210), dans l'injonction de l'heureux gagnant « courons en diligence » (v. 977) prouve que le campagnard cède, comme tout un chacun, à la fièvre du jeu. Dans* Les Intrigues de la loterie*, tout le monde s'enthousiasme pour le jeu. Comme Béatrix, la cuisinière de Céliane, Michelette, et le valet de Cléronte, Du Bois, investissent dans une loterie. Les bourgeois, à l'instar de Climenne, de Céliane et d'Ergaste, se prêtent également au jeu et s'improvisent comme organisateurs. ### Une figure emblématique du joueur : le Gascon. C'est essentiellement par le truchement du Gascon, joueur impénitent et malchanceux, que le dramaturge illustre les dérives dues à la passion du jeu. Il déplore sa mauvaise fortune dès sa première apparition (v. 68-73). Étant donné la quantité de billets qu'il a achetée, l'annonce « J'ay pris tous billets blancs » (v. 73) est inattendue et témoigne de sa malchance. La formule « il faut voir jusqu'au bout » (v. 73) est d'ailleurs emblématique de sa vaine persévérance. Le procédé de répétition qui structure sa plainte ainsi que la redondance des questions sur le capital de la loterie (v. 81 et 82) indiquent que la participation au jeu revêt, chez lui, un caractère obsessionnel. Ses allées et venues chez Climenne pour s'enquérir de l'état de la loterie sont une autre manifestation de sa folie. D'autre part, à travers la figure du joueur endetté, esquissée dès l'acte I dans le discours du Beauceron qui subodore que la loterie a perdu toute dimension ludique pour ceux qui semblent avoir « aux talons tous les Prevosts de France » (v. 212), Montfleury met au jour le dévoiement du jeu. De fait, le Gascon dévoile à Martin son intention de rembourser ses dettes grâce aux gains qu'il escompte gagner (v. 1071-1072), justifiant ainsi l'impatience avec laquelle il attend le résultat du tirage. Il n'a plus le sens de la réalité puisqu'il en vient à nier la dimension aléatoire inhérente à la loterie : MARTIN Je voy gagnant les lots que tout ira fort bien, Mais qui les payera si vous ne gagnez rien. LE GASCON Cela ne se peut pas, que diable allez vous dire [92] ? Les réserves du précepteur en ce qui concerne le succès de la stratégie du Gascon conduisent ce dernier, d'une part, à soupçonner Martin de gérer malhonnêtement la loterie, comme le suggère la rime significative entre « lotterie » (v. 1081) et « friponnerie » (v. 1082), et d'autre part, à le menacer afin que le tirage lui soit favorable. Cela donne à entendre que les tricheries étaient monnaie courante, aussi bien de la part des organisateurs que des joueurs. ### La dénonciation des fraudes. Montfleury ne fait qu'une brève allusion aux abus des joueurs dans la scène évoquée précédemment. En revanche, il insiste sur la malhonnêteté des organisateurs de loterie. Même si le dramaturge a souvent exagéré, ses données permettent de se faire une idée de la corruption qui caractérisait la gestion des loteries et qui nécessitait parfois l'intervention de la Justice. Climenne rappelle en effet que les fraudeurs étaient passibles d'une condamnation (v. 630). Dans la pièce, deux conceptions se heurtent : celle de Climenne et de Martin qui souhaitent organiser une loterie honnête et celle du gentilhomme cupide qui veut tirer profit du jeu. Cette opposition se cristallise dans la scène 5 de l'acte II, consacrée à l'exposé de préceptes frauduleux théorisés par un abbé. L'antagonisme entre Coutreville et Climenne est emblématisé par l'opposition entre les deux modes de tirage qu'ils préconisent : l'un, défendu par Climenne, réalisé « au hazard & sans choix » (v. 524) et « fidelement » (v. 528), l'autre, réclamé par le Beauceron, malhonnête, comme l'indiquent les termes « volant » (v. 517), « décacheter » (v. 529) et « supposer (v. 530). Cette dissension est en outre illustrée par les jugements antithétiques qu'ils portent sur l'abbé, qualifié par le gentilhomme d'« Abbé plein d'esprit » (v. 540) et par la jeune femme d'« esprit creux » (v. 544). Le gentilhomme fait effectivement l'éloge de l'ouvrage intitulé « **avis aux Thresoriers des foux** *» (v.* 542) tandis que Climenne soutient en vain ses principes d'honnêteté, incompatibles avec le discours de l'abbé, saturé par le lexique de la dissimulation, « à couvert » (v. 587), « de concert » (v. 588 et 593), « en secret » (v. 608), « doucement » (v. 609). L'abbé recommande expressément à l'organisateur de favoriser, suivant son intérêt, certains participants et de distribuer des lots à moindres frais, y compris son lit dont la valeur peut être triplée (v. 625-628). Les deux comédies mentionnent la variété des lots, souvent de médiocre valeur. Du Bois affirme : On n'entend à present parler que Lotterie ; J'en ay trouvé d'Argent, de Lits, d'Argenterie, De Meubles, de Bijoux, de Toille, de Tableaux, … D'Etoffes, de beaux Poincts, de Jambons, de Pâtez [93] Des exemples comparables figurent dans le discours du gentilhomme beauceron, lorsqu'il énumère les objets susceptibles de servir de lots : « meubles » (v. 620), « tableaux » (v. 620), « points » (v. 621), « bijoux » (v. 621), « vaisselle … d'argent d'Allemagne » (v. 641), « paté » (v. 644). Une des fraudes stigmatisées à la fois par Montfleury et par Donneau de Visé consiste à décacheter les boîtes : le gentilhomme envisage de recourir à ce procédé (v. 529) et Ergaste, pressentant un tel abus, veut ouvrir sa boîte devant un juge (II, 9). L'héroïne de Donneau de Visé est gagnée, comme le Beauceron, par l'immoralité de la société car elle pervertit le fonctionnement de la loterie en ne mettant en jeu que des billets blancs. À l'inverse, celle de Montfleury regimbe devant les friponneries qui discréditent son entreprise. ### La loterie et l'intrigue. Montfleury rattache étroitement la loterie à l'intrigue tandis que chez Donneau de Visé, le jeu est surtout exploité en tant que phénomène social : celui-ci s'attarde plus longuement que Montfleury sur les abus, sur les histoires de gains ou de pertes considérables et sur les usages amusants auxquels se prêtent les joueurs et qui consistent par exemple à donner aux boîtes des noms aussi inattendus qu'« Amphitryon ». Chez les deux dramaturges, la loterie est un prétexte pour introduire un jeune homme auprès de la femme qu'il aime. Dès la première scène du *Gentilhomme de Beauce*, Béatrix et le spectateur apprennent que le jeu préparé par Climenne n'a d'autre destination que de réunir les amants : « Sous pretexte d'y mettre » (v. 42), Léandre peut venir voir son amante. Dans *Les Intrigues de la loterie*, les deux amants de Clarice et de Mélisse profitent pareillement de la loterie pour rendre visite à leurs maîtresses et Florine préconise à Clidamis de feindre de « venir mettre à la Lotterie [94] » pour se rendre auprès de Clarice. Cependant, dans la pièce de Montfleury, la loterie est investie d'une autre fonction : elle est le ressort du stratagème imaginé par Climenne pour éloigner le Beauceron du logis. De fait, au moyen d'une boîte contrefaite, l'*abbé la Roche* convainc le gentilhomme qu'il a gagné trois cent louis à la loterie d'Oronte et qu'il doit aller retirer son lot. Le terme « embarras » emblématise le lien entre le jeu et l'action car au sens propre d'« encombrement [95] », il désigne la loterie, mais son sens figuré, « ensemble de soucis inextricables, de tracas dont on a peine à sortir [96] », « chagrins [97] », renvoie aux obstacles destinés à empêcher l'union du gentilhomme et de Climenne et aux inquiétudes qui taraudent le Beauceron, deux composantes de l'intrigue. D'autre part, la loterie permet aux personnages d'exprimer leurs sentiments : le Gascon courtise Climenne en ayant recours au lexique du jeu (v. 88-89) et la loterie devient le support du langage amoureux des amants dans la scène 7 de l'acte I. Climenne et Léandre font un usage métaphorique des termes relatifs à la loterie pour parler de leurs sentiments en présence du gentilhomme (v. 307-319) et le Beauceron, qui assiste au dialogue, file la métaphore dans la scène suivante (v. 330 et 333-336). Pour les jeunes gens, la loterie est purement ludique ; elle ne sert que leurs desseins amoureux. Dès qu'elle cesse d'être nécessaire à l'intrigue, autrement dit, après le retour du campagnard, détrompé par sa visite à Oronte, Montfleury n'y fait plus allusion de façon significative : le dernier acte ne fait pas mention du résultat du tirage, évoqué *in extremis* par Climenne (v. 1662). À partir du moment où les Parisiens mettent fin à leurs ruses, le thème passe au second plan, ce qui montre qu'il est étroitement lié aux actions entreprises contre le Beauceron. ## Deux types sociaux à la mode : le provincial et le hobereau. ### La province à Paris. *LeGentilhomme de Beauce* offre le spectacle des ridicules de la province et de l'étranger. Montfleury exploite cette veine comique après Raymond Poisson qui décrit des provinciaux grotesques dans *L'Après-soupé des auberges*, et Molière qui met en scène un avocat limousin dans *Monsieur de Pourceaugnac*. Le gentilhomme de Beauce est d'ailleurs « une espéce de Pourceaugnac [98] », les deux héros étant peu singularisés par rapport au type du provincial. La comédie de Montfleury comprend presque autant de provinciaux (le Beauceron, le Gascon et le Basque) que de Parisiens (Climenne, Léandre, Béatrix et Martin). De plus, le *Suisse* et l'*abbé la Roche*, bien qu'ils aient un statut particulier puisque ce sont les deux rôles interprétés par le Basque, peuvent être assimilés aux provinciaux : *la Roche* est beauceron et le *Suisse*, en tant qu'étranger, subit les mêmes railleries que les gens de province. Enfin, les noms des laquais, « Champagne » et « la Brie », renvoient à deux régions provinciales [99], comme si l'auteur avait voulu faire de son petit groupe de personnages un microcosme de la province française. L'article d'Antoine Furetière définissant le terme *province* dit assez combien, à l'époque, la ville a facilement tendance à moquer la province : « se dit … des pays esloignez de la Cour, ou de la ville capitale. C'est un homme de *Province*, qui n'a pas l'air du beau monde [100] ». François Bluche écrit de même qu'« on croirait, à lire certains ouvrages du Grand Siècle, que la province française est située à des milliers de lieues, et n'est peuplée que de sauvages, à tout le moins de niais [101] ». La première réplique de Béatrix, saturée par des termes ayant trait au monde rural, tels que « campagnard » (v. 6), « hameau » (v. 6), « Province » (v. 7), « village » (v. 8), « poulets-d'inde » (v. 9), suggère que, pour elle, le principal défaut de Coutreville est son origine beauceronne. Climenne, à son tour, fait montre de condescendance envers les non-Parisiens lorsqu'elle déclare : Certes l'effort est grand, & je suis une beste, Je me devois … Deterrer dans la Beauce un singe campagnart ; Et prendre pour épous errante à l'adventure, Quelque brute qui n'eust d'homme que la figure. J'en conviens, mais les filles à Paris  Ne sont pas à ce point avides de maris [102] ; L'homme de la campagne est caractérisé par une rusticité incompatible avec le goût raffiné des Parisiennes. Climenne insinue même qu'il est du côté de l'animalité : le jeu de mots sur « beste » (v. 1513), qui se dit au figuré d'une « personne sans esprit, qui est stupide », mais aussi au propre de l'« animal », donne à entendre que l'air de la campagne prive les individus de leur humanité puisque Climenne, vagabondant à travers les plaines de la Beauce, en quête d'un mari, devient une « beste » et son futur époux, ancré dans le terroir beauceron, un « singe campagnart » (v. 1516). Montfleury et Molière insistent sur le caractère lourdaud du provincial : le terme « épais » est employé à la fois par Climenne et par Sbrigani pour qualifier Coutreville et Pourceaugnac [103]. Les instigateurs des pièges constatent effectivement qu'ils sont faciles à duper [104]. Les deux dramaturges soulignent la brutalité de leur comportement. Le Beauceron menace de « cent coups » (v. 18) les domestiques de Climenne et Pourceaugnac manifeste un penchant comparable à la violence lorsqu'il se vante auprès d'Eraste : « Vous vîtes donc aussi la querelle que j'eus avec ce gentilhomme périgordin [105] ? ». La physionomie du provincial prête à rire, comme le suggèrent le portrait du gentilhomme esquissé par Béatrix (v. 19-22) ainsi que la réplique de Sbrigani : Pour sa figure, je ne veux point vous en parler : vous verrez de quel air la nature l'a desseinée, et si l'ajustement qui l'accompagne y répond comme il faut [106]. Les derniers mots de l'intrigant italien montrent que les quolibets des Parisiens portent également sur l'allure des provinciaux, notamment sur l'excentricité de leur tenue. Molière jouait le rôle de Pourceaugnac dans un costume aux couleurs voyantes, volontairement extravagant [107], sans doute comparable à celui que porte le gentilhomme et que Béatrix ridiculise dans la scène d'exposition (v. 24-30). Le Beauceron veut conserver les coutumes vestimentaires de sa région, aussi Paris et ses modes éphémères vont-ils à l'encontre des valeurs qu'il prône. D'autre part, les Parisiens tournent en ridicule les parlers régionaux et étrangers. Le terme « jargon » (v. 225), choisi par Béatrix pour désigner le langage déformé du *Suisse*, rend compte du sentiment de supériorité des Parisiens. La langue française n'est pas altérée dans les interventions du gentilhomme et du Basque, et le parler du Gascon est peu singularisé si ce n'est par deux jurons gascons, « Dieu me damne » (v. 68) et « Cadedy » (v. 1088), alors que dans *L'Après-soupé des auberges*, Poisson déforme systématiquement le français des non-Parisiens, un Gascon, un Normand et un Flamand. Les plaisanteries de la capitale sur le provincial et sur l'étranger sont nourries par des stéréotypes que convoque *Le Gentilhomme de Beauce*. D'après François Bluche, « le *Dictionnaire géographique* d'Expilly note qu'on “reproche aux Gascons … de trop exalter leur bravoure, ce qui fait donner le nom de *gasconnade* à tout ce qui sent le fanfaron” [108] ». De fait, la vantardise du Gascon est mise en évidence par le défi qu'il lance au *Suisse* : Je la luy garde bonne, & devant qu'il soit peu, Nous conterons ensemble & nous verrons beau jeu [109] ; Le choix du futur de l'indicatif et l'expression temporelle de l'imminence, « devant qu'il soit peu » (v. 1043), sont caractéristiques des fanfaronnades gasconnes. Lorsqu'il est confronté au Beauceron, loin de renchérir sur ses propos hostiles, il préfère se retirer (v. 139) et l'ivresse du *Suisse* profondément endormi lui fournit un motif pour différer sa vengeance (v. 1039), ce qui laisse entendre que sa forfanterie n'a d'égale que sa couardise. Au même titre que le Gascon, le Suisse fait partie intégrante de la vie parisienne. Le goût des Suisses pour la boisson est l'objet de sarcasmes. Le Gascon rend compte de cette réputation car l'ivresse est, selon lui, l'explication la plus plausible de l'état du *Suisse* au début de l'acte IV (v. 1037). Béatrix exploite à son tour l'image stéréotypée du Suisse ignare, fruste et querelleur, pour décrire celui qu'elle veut présenter au gentilhomme : Il n'entend à le voir ny rime ny raison, Il frape comme un sourd, ne cherche qu'à se battre, Il est fort comme deux, & méchant comme quatre, Avec sa mine froide il a le sang fort chaud [110]. L'antithèse entre « mine froide » et « sang … chaud » reflète son caractère haut en couleur. Dans *La Satire des satires*, Boursault prête à son personnage de Suisse des traits analogues à ceux qui caractérisent celui de Montfleury. Émilie met en évidence le penchant à la violence de son portier par ce cri : « Mon Dieu, comme il est fait ! Il s'est battu [111] ! ». Le Suisse de Boursault décèle son ignorance lorsque, sa maîtresse lui ayant remis une liste des gens qu'il peut laisser entrer, il demande au Chevalier : « Dites-moy, l'écriture est-ce pas le noir [112] ? ». De même, Montfleury fait passer son *Suisse* pour un idiot, incapable de comprendre les circonlocutions de son maître (v. 444 et 461). La corruption des Suisses est aussi abordée. Le Beauceron, toujours méfiant, est convaincu que le *Suisse* accepterait de laisser entrer un galant de Climenne en échange de  « quelque portrait d'un métail peu commun » (v. 887). De même, le Suisse d'Émilie permet la visite d'un individu ne figurant pas sur la liste, faveur qu'il n'accorde certainement pas sans contrepartie. L'hostilité des Parisiens pousse les provinciaux et les étrangers à être solidaires. Ainsi, le Gascon, lorsqu'il rencontre le Beauceron, est ravi de retrouver en lui un de ses semblables et quand Climenne rit du costume porté par le *Suisse*, le gentilhomme, se reconnaissant en lui, prend sa défense (v. 471-473). Les provinciaux adressent, eux aussi, des propos peu amènes aux habitants de la capitale. Dans sa diatribe contre les faux abbés, le gentilhomme dépeint Paris comme la ville des faux-semblants. Son jugement est illustré par l'opposition entre les termes ressortissant à l'authenticité, tels que « bon » (v. 764) et « vrais » (v. 769), et ceux qui relèvent de l'apparence, tels que « nom » (v. 756 et 763), « titre » (v. 757 et 768), « qualité » (v.761) et « beaux esprits » (v. 765). La capitale est le repaire des escrocs et des imposteurs, comme en témoigne le champ lexical de la fraude qui sature le discours du Beauceron : « bibus » (v. 755), « abus » (v. 756), « faux coin » (v. 757), « vol » (v. 759), « usurpe » (v. 763), « faux » (v. 764 et 766) et « usurpateurs » (v. 768). Lorsque le Beauceron rentre de sa visite chez Oronte, furieux et conscient d'avoir été berné, il allègue immédiatement la duplicité parisienne pour justifier son aveuglement (v. 1115-1120). Enfin, c'est dans l'avant dernière scène que le campagnard exprime, de façon définitive, sa rancœur contre la capitale, ce « maudit lieu » (v. 1647) pour lequel il éprouve une « haine mortelle » (v. 1645). Pourceaugnac fait part à Sbrigani du même ressentiment en se récriant : « Quelle maudite ville [113] ! ». La nécessité de préserver à tout prix leur « honneur », terme récurrent dans le discours de Coutreville et Pourceaugnac et fierté du provincial, explique leur rejet des mœurs de la capitale et leur crainte d'épouser une Parisienne. Le Beauceron ne cesse de reprocher à Climenne sa frivolité et Pourceaugnac s'alarme lorsqu'il est avisé de la coquetterie de sa fiancée (II, 4), qui se jette à son cou avec impudeur (II, 6). D'autre part, les allusions réitérées aux cornes du mari trompé illustrent leur hantise d'être cocu. Dès l'acte I, le gentilhomme y fait référence (v. 347-350) et le Limougeaud affirme avec fierté : je ne me veux point mettre sur la tête un chapeau comme celui-là, et l'on aime à aller le front levé dans la famille des Pourceaugnac [114]. La critique de Paris va de pair avec l'éloge partial et outré de la région natale et de ses habitants. Ainsi le Gascon s'enorgueillit-il de la sincérité gasconne (v. 79). Comme le Gascon, le Beauceron revendique un franc parler qu'il présente, par contraste avec l'hypocrisie parisienne, comme une caractéristique provinciale. Il manifeste son esprit chauvin lorsqu'il complimente *la Roche* pour son honnêteté, qui tient selon lui au seul fait d'être beauceron (v. 824). Le Beauceron rencontre dans la capitale Parisiens et non-Parisiens et paradoxalement, il est aussi bien berné par les uns que par les autres. De fait, le Gascon fait la cour à Climenne [115] et le Basque le mystifie à deux reprises [116]. De surcroît, lorsqu'il est confronté à l'*abbé la Roche*, il est doublement victime de la province car il est trompé par un provincial (l'*abbé* est beauceron) interprété par un provincial (le Basque). ### La noblesse campagnarde. Montfleury choisit comme héros des mésaventures burlesques de sa comédie, un gentilhomme beauceron tourmenté par des Parisiens. Pierre de Vaissière note que c'est « à dater des premières années du XVII*e* siècle que le gentilhomme campagnard commence à servir de cible … à la verve des auteurs comiques [117] ». Ainsi se forme le type du noble de campagne, personnage propre à faire rire et souvent caricaturé avec outrance. Au XVII*e* siècle, les nobles de province ont perdu de leur prestige, aussi ne tardent-t-ils pas à devenir un objet de risée pour les citadins [118]. Le sarcasme est encore plus grand lorsque ces gentilshommes campagnards s'aventurent hors de leur province et, ignorants des bonnes manières, viennent étaler à la ville leur rusticité et leur vanité. Comme nous l'avons vu, ces traits sont aussi ceux du provincial ; c'est donc essentiellement la fierté du titre et des biens qui singularise le personnage conventionnel du hobereau par rapport à l'homme de province. Dans *Le Baron de la Crasse* [119], Poisson façonne, le premier, une figure du noble de province proche de la réalité et relance la mode du hobereau ridicule : deux nobles, un Marquis railleur et un Chevalier plus réservé, grands admirateurs de la Cour, se rendent au château du Baron pour se divertir de sa conversation. Ils ne tardent pas à obtenir le récit de sa mésaventure bouffonne à Fontainebleau. Si le Baron quitte le Languedoc dans l'espoir de voir le roi et non pour « chercher femme à la ville [120] » comme le gentilhomme beauceron, le type du noble campagnard dans la comédie de Poisson présente des analogies avec celui mis en scène par Montfleury. La noblesse campagnarde, même ruinée, reste fière de ses origines et de ses privilèges. Tout au long de la pièce, le gentilhomme s'enorgueillit de son titre nobiliaire et ne manque pas une occasion de rappeler sa qualité : celle-ci est mise en avant pour justifier les prérogatives qu'il s'arroge (v. 131-134) et il s'en vante dans sa tirade contre ceux qui imitent les vrais abbés semblables aux vrais nobles dont il se prévaut de faire partie (v. 766-769). Le Beauceron se targue du respect qui lui est témoigné dans son village (v. 1421-1422 et v. 1425). Seigneur campagnard, fidèle aux usages de la féodalité, il continue à dominer ses vassaux et imagine faire montre de la même autorité à Paris, aussi tente-t-il de s'imposer en maître chez Climenne. Béatrix dénonce en effet, dès la première scène, son humeur tyrannique, dont les serviteurs sont victimes (v. 17-18). Le hobereau vante la vie qu'il mène à la campagne, marquant ainsi son dédain pour celle des Parisiens : il évoque avec nostalgie ses « dindons » (v. 1420), son « colombier » (v. 1420) et les « Paysans naïfs » (v. 1422) qui l'entourent. De la même façon, le Baron de la Crasse s'écrie à propos de sa campagne : « Tout m'y rit, tout m'y plaist, tout m'y paroist aimable » (v. 52). Coutreville se rengorge également de posséder des terres et une rente substantielle [121]. Pourtant, la réalité de sa fortune est mise en doute à plusieurs reprises. Dans le dernier acte, Climenne conteste ouvertement le montant de sa rente (v. 1522-1526) et dès la première scène de la comédie, Béatrix relativise la fortune de Coutreville en rapprochant « il a du bien » (v. 5) et « hameau ruiné » (v. 6). La rime entre « chausse » (v. 3) et « Beauce » (v. 4), en convoquant le proverbe, « c'est un Gentilhomme de *Beauce* qui se tient au lit quand on refait ses chausses [122] », rappelle la pauvreté notoire de la noblesse beauceronne et éveille donc immédiatement des soupçons sur la richesse du cousin. De même, dans* Le Baron de la Crasse*, une maladresse du valet Marin, qui demande à son maître combien il faut tuer de poulets pour le repas (v. 151), souligne que l'économie domestique du Baron est serrée. En outre, l'avarice est un trait propre aux petits hobereaux, parfois réduits à vivre chichement de revenus misérables. La récurrence du motif des vingt louis dont le gentilhomme a été délesté au cours de son entretien avec *la Roche* [123] emblématise sa pingrerie, la perte paraissant d'autant plus dérisoire qu'il vient de gagner trois cents louis. La conclusion expéditive de sa tirade (v. 971-973) et l'accélération du tempo à la fin de la scène 7 de l'acte III trahissent sa hâte de retirer son lot : il se réjouit d'être « délivré » (v. 977) de sa cousine alors qu'il prétendait ne plus s'en éloigner, revirement comique et révélateur de sa cupidité. Le comportement du hobereau constitue un divertissement pour son entourage. Les premières paroles de Béatrix désignent en effet le Beauceron comme la dupe dont on peut se gausser, du fait de son inadaptation foncière au monde parisien : il est « burlesque » (v. 19) et fait « rire » (v. 22). Les mœurs du Baron de la Crasse et le récit de son équipée malheureuse à la cour offrent également un spectacle plaisant au Marquis et au Chevalier. Le Marquis excite la curiosité de son compagnon en déclarant : « Crois que ce campagnard nous divertira fort. » (v. 4). Les personnages observateurs, de bon sens, font jaillir les ridicules des hobereaux. Ainsi, le *Suisse* fait ressortir le tempérament agressif du Beauceron, qui approuve avec insistance l'ardeur brutale du portier, tandis que l'*abbé la Roche*, lorsqu'il se présente au gentilhomme et qu'il lui donne la boîte, met en évidence sa méfiance et sa cupidité. # Le texte de la présente édition. L'édition originale du *Gentilhomme de Beauce* fut exécutée en 1670 par Jean Ribou. Il s'agit d'un format in 12°. En voici la description : I : LE / GENTIL-HOMME / DE BEAUCE, / COMEDIE. / Par A.I MONTFLEURY. / (Vignette) / A PARIS, / Chez JEAN RIBOU, au Palais, vis-à-vis la porte de / l'Eglise de la Sainte Chapelle, à l'Image S. Loüis. / filet / M. DC. LXX. / *Avec Privilège du Roy*. II : verso blanc. III-X : épître dédicatoire. XI : extrait du Privilège du Roy. XII : liste des acteurs. – 98 pages : le texte de la pièce, précédé d'un rappel du titre en haut de la première page (en dessous d'un bandeau). Nous avons consulté les trois exemplaires de l'édition originale. Il y a un exemplaire conservé à la Réserve de la Bibliothèque Nationale de France (RES P-YF-445(2)), il est relié avec *La Femme juge et partie* et *La Fille capitaine* ; un exemplaire au département des Arts du Spectacle de la BNF (site Richelieu : Rf 6550, t. II), il fait partie d'un recueil factice publié en 1676 ; et un exemplaire séparé à la Bibliothèque de l'Arsenal (GD 11087). L'exemplaire de l'Arsenal présente des erreurs de pagination aux p. 3, 55, 60 et 77 et celui de la Réserve de la BNF, aux p. 16, 56, 77 et 97, tandis que la pagination est correcte dans celui du département des Arts du Spectacle de la BNF. Par ailleurs, seul ce dernier exemplaire présente la coquille *os* (v. 518) au lieu de *los* et c'est uniquement dans celui-ci que *après* figure avec un accent aigu dans la didascalie de la p. 98. Enfin, ce n'est que dans l'exemplaire de l'Arsenal que le v. 1649 s'achève par un point virgule et que *flâme* (v. 1653) porte un accent circonflexe. Une édition pirate du *Gentilhomme de Beauce* fut publiée en 1670 à Amsterdam par Abraham Wolfgang, « suivant la copie imprimée à Paris ». Le texte fut ensuite édité à plusieurs reprises, dans des recueils regroupant les œuvres de Montfleury : en 1698 (t. I), 1705 (t. II), 1735 (t. I), 1739 (t. II), 1775 (t. II) et 1776 (t. II). Seule l'édition de 1739 par la Compagnie des libraires, *Théâtre de messieurs de Montfleury, père et fils*, comprend l'intégralité de ses pièces de théâtre. Le texte de référence comporte de nombreuses coquilles et erreurs ; visiblement, Montfleury ne s'est pas soucié de revoir son texte, une fois imprimé. Le *ſ* a été modernisé en *s* et le *u* en *v* dans *yure* (v. 998) et dans *Uous* (v. 1433). Les accents diacritiques sur le *a* et le *ou* ont été restitués ou ôtés en fonction de la nature grammaticale du terme. La ponctuation a été respectée sauf lorsqu'elle gêne la compréhension du texte ou qu'elle résulte de coquilles manifestes. Les retraits ont été rétablis aux v. 51, 199, 320 et 345 et supprimés aux v. 529, 530, 535, 685, 693 et 866. L'alinéa du v. 1545 a été reproduit. ## Les fautes d'impression et d'orthographe. On constate beaucoup d'erreurs dans les cahiers I, L et P. Nous avons corrigé *à* en *a* aux v. 193, 207, 431, 448, 716, 888, 1078, 1136, 1196, 1536, 1544 et 1545 ; *a* en *à* aux v. 731, 1022, 1035 et 1101 ; *ou* en *où* aux v. 221, 355, 526, 592, 736, 811, 1047, 1209, 1227, 1239, 1351 et 1439. D'autre part, nous avons restitué la lettre *h* dans l'interjection *A* aux v. 770, 992, 1124 et 1312. Épître : *accomplies, la, d'étruise, vacabond, &.* Privilège : *fournies*. Acte I : *autre* (43), *nom* (77), *j'aseront* (90), *dit* (90), *voyez vous* (125),* la* (138), *dont* (141), *coste* (160), *s'emblent* (173), *de poir* (177), *peu* (191), *de sur* (218), *tingerer* (236), *Devort* (241),* la* (249), *si* (249), *ny* (250), *fosters* (348),* la* (356), *tour à-tour* (367). Acte II : *vous* (373), *la haut* (386), *vou* (390), *quelle* (465), *mameine* (468), *ils* (482), *par ty* (484), *ny* (494), *dentendre* (503), *tour* (518), *os* (518), *peut* (525), *décaheter* (529), *sciter* (539), *la* (540), *CLIMNNE* (nom du personnage, p. 32), *ser vir* (585),* an* (600),* rotiseur* (606), *ma* (672), *a-t-on* (677), *autres* (680), *un* (683), *perde* (712), *ny* (719), *la* (732). Acte III : *laisser* (740), *jy* (747), *qu'elque* (754), *non* (756), *j'usqu'*(762),* non* (763), *roolie cy* (772), *grande reverence* (didascalie p. 47), *finisons* (779), *sï* (782), *pieds de-veau* (800), *de sur* (807), *comemer* (832), *s'en* (835), *déquité* (842), *bien-faisa* (852), *on* (884), *gi* (886), *Ces* (893), *cours* (895), *nompareille* (901), *l'ardez* (904), *jaurois* (921), *permettre* (969), *qu'elle* (973), *s'en* (975), *de hors* (1018), *la* (1027), *Viviez* (1032), *de sur* (1034). Acte IV : *ma* (1040), *coup de bastons* (1046), *ma* (1046), *CASCON* (nom du personnage, p. 64 et p. 66), *altercations* (1058), *ne* (1066), *deux* (1070), *juges* (1073), *aux* (1075), *fous* (1080), *dont* (1085), *qu'elle* (1090), *largent* (1122), *la* (1128), *de sur* (1189), *aveu* (1211), *de voir* (1238), *sçauriez* (1240), *vas* (1246), *taisonner* (1293), *que* (1313), *jettois* (1319). Acte V : *ma* (1334), *las* (1336), *là* (1357), *s'en* (1368), *méchaufer* (1389), *Es* (1391), *voyrons* (1392), *fons* (1418), *toutes* (1424), *mébranler* (1430), *au* (1438), *donc* (1467), *ma* (1498), *de fous* (1510), *De terrer* (1516), *trosor* (1529), *en* (1544), *deux* (1544), *ose* (1551), *saille* (1590), *despoir* (1608), *ma* (1652), *la* (1656). ## Les obstacles à la restitution du sens. Les éditions ultérieures du *Gentilhomme de Beauce* permettent de rectifier certaines fautes qui font obstacle à la compréhension du texte. Épître : *luy* (p. 2, l. 9). Acte I : *t'*(53), *nos* (95), *nostre* (103), *te* (140), *le* (170). Acte II : *ecrire mon païs* (668). Acte III : *le* (1032). Acte IV : *Le* (1054), *dans* (1225), *le* (1226). Acte V : *la* (1408), *Et* (1428), *nostre* (1447), *Et* (1601). ## La ponctuation. Nous avons corrigé la ponctuation suivante : Acte I : *vous*, (143), *Espoux*, (144), *aymez* ; (157), *parfumezØ* (158), *costesØ* (160), *modelles.* (163), *puissance* : (196), *m'envoye.* (259), *feux.* (302), *experience.* (323). Acte II : *Non, pas* (445), *moy.* (453), *pourquoy* ? (723). Acte III : *entreØ* (755),* réponde.* (782),* vie.* (793), *cela* : (807), *distribuoit* : (811), *approcherent ;* (813), *pencherØ* (814), *bien-faisantØ* (852),* retourØ* (881),* entretien ;* (915),* decide.* (961),* pensez*, (976),* reviendreØ* (987),* Medeçain.* (987), *sortit* ? (1026),* Feste.* (1033). Acte IV : *candeurØ* (1052), *miens*, (1070), *presse;* (1070), *content.* (1086), *s'entendØ* (1090), *rien.* (1092), *pasØ* (1093), *dire.* (1093), *despit.* (1112), *six.* (1112), *friponsØ* (1116), *revenuØ* (1118), *m'inquieter.* (1124), *nousØ* (1238). Acte V : *gré.* (1384), *yeux ;* (1385), *vous je pense*, (1393), *confidence*, (1394), *rien ;* (1395), *race* : (1414), *surprit*, (1415), *lotterie.* (1470), *aposté.* (1479), *Paris ;* (1519), *chimere* : (1525), *personne ;* (1529), *vie* ; (1534), *soinsØ* (1549), *parler* ; (1552), *voirØ* (1554), *il faut ! helasØ* (1606), *fin.* (1639), *galantes ;* (1650), *consanguinité*, (1651). ## La prosodie. Les v. 132, 365, 688, 732, 895, 1045, 1225, 1226, 1256 et 1372 ne comportent que onze syllabes. Par conséquent, nous avons ajouté le terme manquant comme le font les éditions tardives du texte : *de* (132), *ce* (365), *moy* (688), *je* (732), *gant* (895), *me* (1045), *de* (1226), *le* (1256), le préfixe* re*- (1372). Le v. 644 compte une syllabe de trop, c'est pourquoi le second *met* a été supprimé. Enfin, toujours pour respecter la prosodie, *une boëtte* (v. 822) a été remplacé par *ma boëtte*, la correction du verbe *Viviez* (v. 1032) a nécessité l'ajout de *Toy…*, et *tout autre* (v. 1225) a été remplacé par *tous autres*. ## La distribution des répliques et la présentation des scènes. Nous avons corrigé les fautes dans la distribution des répliques et la numérotation des scènes ainsi que les erreurs figurant au début des scènes, dans la liste des personnages. Les v. 200-203 sont attribués à Climenne alors que le sens exige qu'ils soient dits par le Beauceron. Le v. 433 est isolé alors qu'il fait partie de la réplique prononcée par le Beauceron aux v. 428-432. La même erreur se produit aux v. 1015-1016, dans une réplique du Basque. À l'acte III, une *scène seconde* et une *scène II* se suivent, ce qui décale la numérotation : aussi l'acte comporte-t-il dix scènes au lieu de neuf. Dans la scène numérotée de façon erronée *scène II*, Champagne figure dans la liste des personnages présents alors qu'il n'arrive qu'à la scène suivante. En revanche, dans celle-ci, seul Champagne paraît dans la liste des personnages, bien que le gentilhomme n'ait pas quitté la scène. Enfin, dans la scène 8 de l'acte I, la liste des personnages présents fait défaut. # LE GENTIL-HOMME DE BEAUCE, *COMEDIE.*. ## A LEURS ALTESSES SERENISSIMES MESSEIGNEURS LES PRINCES DE BRUNSWIK ET DE LUNEBOURG [124]. MESSEIGNEURS, Ne Vous estonnez pas de l'hommage que le Gentil-homme de Beauce [125] va rendre à vos ALTESSES SERENISSIMES, ce campagnart⁎ est tellement fier du bon-heur⁎ qu'il eu de paroistre aux yeux de nostre Grand Monarque [126], qu'il ne peut s'imaginer qu'il soit tout-à-fait indigne de paroistre aux vostres, quelque soin que je prenne à l'en détourner, je me vois contraint de l'abandonner à son opiniâtreté ; & quelque reflexion que je face sur ses défauts, je ne puis me dispenser de donner quelque chose à mon zele [127] : Je me suis en vain efforcé de mettre devant ses yeux tout ce qui le devoit intimider, de luy dire qu'il alloit s'exposer aux yeux de trois Princes si éclairez, si galans⁎ & si accomplis, que l'ouvrage le plus parfait meriteroit à peine l'honneur de leur estre offert, & que si l'indulgence qu'on a eüe pour luy à Paris, l'a fait trouver supportable ; le juste discernement que vos ALTESSES SERENISSIMES sçavent faire de toutes choses, luy devoit faire perdre l'envie de sortir de son pays. Ces considerations l'auroient peut-estre fait rentrer en luy-mesme [128], si les merveilles que la renommée publie icy de vous chaque jour, ne luy avoient donné autant de curiosité que d'étonnement : Il a sceu par sa voix que l'Allemagne a produit en vos A.S. trois Princes aussi Illustres par leur merite que considerables par leur Rang, aussi redoutables par leur Valeur, que Glorieux par leurs Victoires, aussi admirables par leur Prudence, que étonnans par la vivacité de leur Esprit, & aussi remarquables par leur Magnificence qu'extraordinaires par leur generosité⁎. Il a sceu que la bonté vous est aussi naturelle que la justice, & n'a pû s'imaginer que la facilité que vous avez à connoistre les défauts, détruise en vos A.S. le penchant qu'elles ont à les excuser. Voilà le digne sujet⁎ de son empressement, voilà ce qui peut justifier sa hardiesse ; & j'ose dire sans la vouloir authoriser, que la curiosité n'est pas tout-à-fait blâmable quand elle est aussi bien fondée. En effet, MESSEIGNEURS, ce n'est qu'en vostre seule Cour où la nature prodigue de Heros, fait voir en trois Illustres Freres, trois Princes dont l'union & les Vertus éclatantes donne de l'admiration à tout le reste du Monde ; ce n'est qu'en vos A.S. que le Ciel a doüé trois Freres de tout ce qui peut rendre trois Princes également parfaits, & ce n'est qu'à chacun de vous seuls en particulier, à qui le Ciel a donné deux Princes & deux Heros pour Freres. Je sçais bien que je me pouvois empécher d'avoir part à la temerité du Provincial que je vous offre, que je luy pouvois refuser mon aveu⁎, & que si son bon-heur⁎ le conduisoit en Allemagne, je le pouvois laisser aller en vagabond, en une Cour où ses défauts ne peuvent avoir que vos bontez pour azile : Mais si la raison me le conseilloit, ma reconnoissance n'a pu s'y resoudre, & les biens-faits que vous avez tous si genereusement répandus sur une partie de nostre famille, vous ont tellement acquis l'autre [129], que j'ayme mieux vous faire un present si peu digne de vous, que de ne pas publier par tout la passion⁎ respectueuse avec laquelle je suis, DE VOS ALTESSES SERENISSIMES, MESSEIGNEURS, Le tres-humble & tres obeissant serviteur. MONT-FLEURY. ## Extrait du Privilege du Roy. *Par* Grace & Privilege du Roy, donné à Paris le 7. jour de Septembre 1670. Signé par le Roy en son Conseil, *le Rouge :* Il est permis au *Sieur Mont-Fleury* de faire imprimer, vendre & debiter une Piece de Theatre intitulée, *Le Gentil-homme de Beauce, fait par ledit sieur de Mont-Fleury* ; Et ce durant le temps de cinq ans, à commencer du jour qu'il fera achevé d'imprimer pour la premiere fois : Et deffenses sont faites à tous Libraires & Imprimeurs, d'imprimer, faire imprimer, vendre & debiter ladite Piece, sans le consentement de l'exposant, ou de ceux qui auront droit de luy, à peine de cinq cens livres d'amende, confiscation des Exemplaires contrefaits, & de tous despens⁎, dommages & interests, ainsi qu'il est porté plus au long par ledit Privilege. Et ledit sieur de Mont-Fleury a cedé son droit de Privilege à Anne David Femme de Jean Ribou, suivant l'accord fait entr'eux. Registré sur le Livre de la Communauté, suivant l'Arrest de la Cour de Parlement, le 18. Septembre 1670. Signé, L. SEVESTRE, Syndic. Les Exemplaires ont esté fournis. Achevé d'imprimer pour la premiere fois le 18. jour de Septembre 1670. ## NOM DES ACTEURS. – M. DE COUTRE-VILLE.Gentil-homme Beauceron, Amant⁎ de Climenne. – CLIMENNE. – LEANDRE.Amant⁎ de Climenne. – LE BASQUE.Valet de Leandre. – BEATRIX.Suivante de Climenne. – UN GASCON. – MARTIN. – CHAMPAGNE.Lacquais de Climenne. La Scene est à Paris dans une Sale chez Climenne. ## ACTE PREMIER. ### SCENE PREMIERE. CLIMENNE, BEATRIX. BEATRIX. Quoy vous espouseriez ce cousin ? ce magot⁎ Supplanteroit Leandre & vous ne diriez mot ? Ce pied-plat⁎ qui se plaint⁎ habits, souliers & chausse, En un mot ce bouru Gentil homme de Beauce, Parce qu'il a du bien croit ce cœur destiné, Au Seigneur campagnard d'un hameau ruiné ? Qu'à le suivre en Province une fille s'engage ? Ma foy c'est pour son nez [130] ; qu'il aille en son village, Conter [131] ses poulets-d'inde⁎ & qu'il nous laisse en paix. CLIMENNE. Ma mere dans son bien a trouvé tant d'attraits, Qu'elle veut de mon cœur forcer la repugnance, Et luy pour m'épouzer n'attend qu'une dispense [132], Estant logé chez-nous… BEATRIX.         Il est vray qu'il est bon [133], Il est icy venu debarquer sans façon⁎, Et depuis empaumant⁎ nostre mere eternelle [134], Il fait dans la maison le maistre bien plus qu'elle ; Car souvent pour un rien, il nous menace tous, Ou de mettre dehors ou de donner cent coups, Lors que je me remets⁎ son burlesque visage⁎, Sa monture, son train⁎, & tout son equipage⁎, Et l'air⁎ dont ce mâtin⁎ vous vint sauter au cou, Je ne puis m'empescher d'en rire tout mon sou. CLIMENNE. Il s'est fait habiller. BEATRIX.         Ouy, mais ce lunatique Avec son habit neuf sent⁎ sa medaille⁎ antique, Son tailleur avec luy pensa perdre l'Esprit Quand il le fit venir, & touchant⁎ cet habit, Ce bouru mesprisant ses avis⁎ & les nostres, N'a pas voulu qu'en rien il fust semblable aux autres, Il dit que ses ayeuls estoient ainsi vestus, Et qu'il veut imiter leur mode & leurs vertus, A propos dites-moy, Madame je vous prie. CLIMENNE. Quoy ? BEATRIX.         Quand pretendez⁎-vous tirer la lotterie ? Vous disiez… CLIMENNE.     Pas si tost. BEATRIX.     Et pourquoy ? CLIMENNE.         Pour raison. BEATRIX. J'ay de voir mes billets grande demangeaison, CLIMENNE. Je le crois, mais apprens pour te voir satisfaite, Pourquoy je la differe, & pourquoy je l'ay faite, Depuis que pour mes maux [135] ce cousin est chez-nous, Je n'osois voir personne, & sous [136] ce nom d'époux, Il m'obsedoit⁎ par tout, & pour voir compagnie⁎, J'ay comme tu le vois fait une lotterie. Tâche à trouver Leandre, anime son espoir, Sous pretexte d'y mettre [137] il peut me venir voir, Qu'il mette un jour pour luy, le landemain pour d'autres, Et les soins⁎ de l'amour seconderont les nostres. BEATRIX. Il est vray qu'à l'aspect [138] du cousin, vos amis, Ont en fort peu de temps deserté le logis, Car vous aviez toûjours fort bonne compagnie⁎, Cela vous tient au cœur, mais depuis leur sortie, N'avez-vous rien appris du pauvre Chevalier ? D'Alchante ? de Damon ? car pour le Maltostier⁎, Il est mort. CLIMENNE.         Je souffrois⁎ ces gens par bien-seance, Et de Leandre seul je regrette l'absence. BEATRIX. Si vous la regrettez, j'y perd beaucoup aussi, Le Basque son valet n'ose venir ici, Je l'aimois, & je sçais qu'il m'ayme avec tendresse⁎. CLIMENNE. Dis luy si tu le vois qu'avec un peu d'adresse… BEATRIX. J'y suis interessée [139] & diray ce qu'il faut. ### SCENE SECONDE. CLIMENNE, BEATRIX, LE GASCON. LE GASCON. Hola, quelqu'un [140], lacquais faut il monter en haut ? Personne ne respond. BEATRIX.         J'entens quelqu'un qui crie. Que vous plaist-il, Monsieur ? LE GASCON.         Et dont la lotterie, Je porte icy d'argent [141]. BEATRIX.         Pour combien de billets. LE GASCON. Pour douze, mais ou sont vos gens⁎ ou vos valets, Qui donne ces billets ? seroit-ce quelque fame ? BEATRIX. Non, c'est le Precepteur du frere de Madame. LE GASCON. Il s'appelle ? BEATRIX.     Martin. LE GASCON.     Habille ? BEATRIX.         Pas tant sot. LE GASCON. Je voudrois qu'il m'apprit à gagner un gros lot, Je m'en suis desja fait pour cinquante pistoles⁎ [142], Dieu me damne [143], & je dis ceci sans hiperboles, J'avois trente billets chez Madame du Bois, Chez Monsieur du Buisson, j'en avois vingt & trois J'en avois douze, chez Madame la Fontaine, Chez Monsieur de la Vigne encor autre douzaine : J'ay pris tous billets blancs [144] ; il faut voir jusqu'au bout [145]. CLIMENNE. Vous estes mal-heureux en lotterie. LE GASCON.         En tout, Si pour m'indamniser [146] j'estois heureux en belles, Je m'en consolerois. CLIMENNE.         Vous sont-elles cruelles ? LE GASCON. Il ne tiendra qu'à vous de m'apprendre que non, Vous riez. Vous voyez que je suis sans façon⁎, Tous nous autres Gascons sommes francs. CLIMENNE.         Je l'advouë. LE GASCON. Loin de nous en blâmer, un chacun nous en louë, Vos lots seront-ils gros ? ### SCENE III. LE GASCON, LE BEAUCERON, CLIMENNE, BEATRIX. LE BEAUCERON*. à part*.         Quel est cet évelier⁎ ? LE GASCON. Vostre fons⁎ est-il grand ? LE BEAUCERON.         Le drôle⁎ est familier. BEATRIX. Ouy, jusques [147] à present le fonds⁎ en est passable, Beaucoup de gens ont mis, & la somme est notable : Mais comme à la tirer on n'est pas encor prest, Il peut avec le temps estre plus grand qu'il n'est, Pour la fidelité [148]… LE GASCON.         Je connois bien Madame, Je suis vostre voisin, & j'y mettrois mon ame, Si son cœur me pouvoit venir pour un gros lot. LE BEAUCERON. *à part*. Ils jaseront toûjours si je ne leur dis mot. BEATRIX. *à Climenne*. Voicy vostre cousin & vous aurez aubade [149]. LE GASCON. *l'embrassant*. Ah ! Monsieur. LE BEAUCERON.         Et mort-bleu d'où vient donc l'embrassade [150] ? La peste vous estouffe avec vostre jargon⁎. LE GASCON. Monsieur de Coutreville… LE BEAUCERON.         Il est vray c'est mon nom. LE GASCON. *l'embrassant*. Vous ne connoissez⁎ plus vos amis. LE BEAUCERON.         Et de grace. Laissez-moy prendre haleine, & vous revoir en face, Voulez-vous m'estouffer, enfin je vous connois ? LE GASCON. Sans doute. LE BEAUCERON.     Et depuis quant ? LE GASCON.         Depuis plus de dix mois. Vous estes Beauceron volontiers [151], LE BEAUCERON.         Je le pense, C'est un galand⁎ [152] qui cherche à faire connoissance [153]. LE GASCON. J'estois, & vous m'allez connoistre⁎ asseurement, Capitaine, & Major, dans certain Regiment [154], Qui passa l'an dernier dedans [155] vostre village. LE BEAUCERON. Ah ! ouy, les grands fripons ! LE GASCON.         On fit quelque ravage [156], J'en demeure d'accord, mais je fus des premiers… LE BEAUCERON. Vous estes donc Monsieur de ces avanturiers ? De ces ames de feu ? de poudre ? & de salpestre ? De ces gens avec qui chez soy l'on n'est point maistre ? Qui ne suivez en tout que vostre passion⁎ ? Et qui voulez par tout estre à discretion [157] ? Dont l'esprit emporté, comme vostre regarde, Du noble campagnard⁎ la femme campagnarde [158] ? Qui vous apprivoisant⁎ des la seconde fois, Mettez effrontement un honneur⁎ aux abois ? N'employez tous vos soins⁎ qu'à gaster⁎ un ménage, Et n'estes point content que le mary n'enrage ? LE GASCON. Espargnez vos amis. LE BEAUCERON.         Apprenez que je suis, Ennemy capital de semblables amis ; Mais enfin dites-nous quel motif vous amenne ? LE GASCON. Je viens pour des billets, & rencontrant Climenne, J'ay pris occasion… LE BEAUCERON.         C'est donc assez jaser, Qui vient pour des billets ne vient pas pour causer, LE GASCON. Mort-bleu j'ayme le sexe⁎, & ma joye est extrême, Quand je trouve… LE BEAUCERON.     Tout doux. LE GASCON.     Sçachez… LE BEAUCERON.         Sçachez vous-mesme, Si vous ne le sçavez, que vous voyez en nous [159], Le cousin de Climenne, & son futur Epoux ; Que je me dois dans peu marier avec elle, Et me voir gouverneur de cette citadelle ; Que je veux pour briser toute autre liaison [160], Y mettre mon honneur⁎ bien-tost en garnison [161]. Qu'estant noble, & Seigneur d'une assez belle terre, Mon logement doit estre exempt de gens de guerre, Et qu'enfin je pretens⁎ en cette qualité, Que je puis faire nargue [162] à la majorité. LE GASCON. Suffit je vous entens⁎. LE BEAUCERON.         C'est ce que je demande, Cherchez fortune [163] ailleurs. LE GASCON.         La faute n'est pas grande, Je le veux [164], c'est assez m'en dire sur le point ; Mais ce Monsieur Martin, il est là haut non point ? LE BEAUCERON. Je le crois. LE GASCON.         Prés de luy je m'en vais donc me rendre. LE BEAUCERON. *à Beatrix*. Et par l'autre escalier qu'on le face descendre. ### SCENE IV. LE BEAUCERON, CLIMENNE. LE BEAUCERON. Enfin vous voulez donc en tous lieux & toûjours, De vostre humeur⁎ galante⁎ entretenir le cours ? Voir toûjours près de vous quelque face chocquante⁎, Pour moy futur Espoux de femme trop galante⁎ [165] ? Et que je trouve icy toûjours malgré ce rang, Quelque nouveau transi qui m'échaufe le sang [166] ? Quelque diseur de rien, de qui l'ame cocquette⁎, Sçache à brûle pour-point tirer une fleurette⁎ ? Qui vous serre les mains, & qui pour mes pechez [167], Vous parle incessamment à quatre doits du nez ? CLIMENNE. Comme je suis chez-moy, je crois par bien-seance, Ne pouvoir me parer de [168] quelque complaisance, Et principalement, lors que je vois des gens, De qui la mine⁎, & l'air⁎, exigent… LE BEAUCERON.         Je pretens⁎, Qu'on peut payer⁎ ces gens malgré la bien-seance, D'un adieu bien succint & d'une reverence. Mais je voy ce que c'est la belle, vous aymez Ces Messieurs à fracas⁎, ces galans⁎ parfumez ; Vostre mondain esprit, aime avoir de ces hostes, Dont les bras chamarrez vous chamarent [169] les costes, Et l'on est bien venu lors que l'on est paré, D'un point⁎ Venitien [170] ou manufacturé, Moy qui ne suis pas fait sur de pareils modelles… CLIMENNE. Mais enfin… LE BEAUCERON.         Mais enfin je sçay de vos nouvelles [171]. CLIMENNE. La lotterie attire icy beaucoup de gens, Et la porte doit estre ouverte à tous venans, Et vous voyez s'il est aisé qu'on s'en défende. LE BEAUCERON. Il est vray que jamais rage ne fut plus grande, Ouy, je croy qu'en effet le monde devient fou, On se bat pour donner jusques au dernier sou ; Je vois des gens tres-cours d'argent, & de resource, Qui viennent en fureur⁎ prostituer leur bourse, Et s'empressent si fort, qu'ils semblent en effet, Apporter à serrer⁎ un larcin qu'ils ont fait. J'en sçais qui ne sçauroient outre toutes ces peines⁎, Payer un numero sans jeûner trois semaines, Qui depuis le matin dînant d'un peu d'espoir, Leur argent à la main, attendant jusqu'au soir : Pour pouvoir emporter, sans se lasser d'attendre, Un morceau de papier griffonné, qu'ils vont prendre, Chez des gens plus fins qu'eux qu'ils croyent [172] assez sots, Pour les gratifier [173] bonnement des gros lots, A-t-on jamais parlé d'une telle folie ? CLIMENNE. Vous avez cependant imité leur manie⁎ : Et pris quatre billets chez Oronte. LE BEAUCERON.         D'accord, Mais celle-là n'a point aux autres de rapport ; Et je m'en sçais bon gré [174], bien-loin que je m'en blâme, L'interest ne sçauroit toucher cette grande ame ; C'est pour un cœur si noble un sentiment trop bas, Tout s'y fera dans l'ordre & je n'en doute pas. CLIMENNE. On peut ailleurs aussi… LE BEAUCERON.         Vostre erreur est extrême. CLIMENNE. C'est vostre sentiment⁎, pour mettre ailleurs de même ; Le peuple a ses raisons. LE BEAUCERON.         Le peuple a ses raisons ? Et mort-bleu que fait-on des petites maisons [175]. CLIMENNE. C'est un lieu trop petit pour tous les foux de France. LE BEAUCERON. Ah ! si sur le public⁎ j'avois quelque puissance, Qui m'en fit ménager le bien, ou l'interest, Le peuple deviendroit plus ménager⁎ qu'il n'est, Ou du moins… CLIMENNE.         Que feroit vostre humeur⁎ prevoyante, LE BEAUCERON. Moy ? je mettrois l'argent de tous ces fous en rente ; Et je ferois donner au pere, ou bien au fils, De vingt ans, en vingt ans, autant qu'ils auroient mis [176]. CLIMENNE. Cela seroit fort beau⁎. LE BEAUCERON.         Mais dites-moy de grace. Cet embarras⁎ est grand, n'en estes-vous point lasse ? A chaque instant du jour un lacquais effaré, Monte le nez cassé, son habit déchiré : Un autre sans chapeau, peigné de bonne sorte, Nous vient dire en pleurant qu'on a forcé sa porte, Les gens qui l'ont forcée entrent comme des fous, Et l'on diroit enfin à les voir courir tous, Et faire chaque jour pareille violence [177], Qu'ils auroient aux talons tous les Prevosts de France. CLIMENNE. Mais j'y suis engagée, il faut voir jusqu'au bout, Laisser passer la foule, & se resoudre à tout, Pourrois-je l'empescher enfin, quoy que je fisse ? LE BEAUCERON. Le Beau⁎ doute. CLIMENNE.     Et comment ? LE BEAUCERON.         Il faut avoir un Suisse [178], Mettre en teste [179] à ces gens un hardaut⁎ sans pitié, Qui dessus leur argent soit le premier payé. CLIMENNE. C'est un autre embarras⁎, il seroit necessaire… BEATRIX. Madame, j'en sçais un qui sera vostre affaire. CLIMENNE. Où le prendre ? BEATRIX.         Il demeure à vingt pas du logis, Il est nouvellement venu de son païs ; On n'entend⁎ presque rien de tout ce qu'il veut dire, Il est si plaisamment vestu qu'il en fait rire, Madame, il est mutin⁎, parle fort son jargon⁎, Et n'entend⁎ à le voir [180] ny rime ny raison [181], Il frape comme un sourd, ne cherche qu'à se battre, Il est fort comme deux, & méchant⁎ comme quatre, Avec sa mine⁎ froide il a le sang fort chaud. LE BEAUCERON. Bon, voilà justement le Suisse qu'il nous faut. BEATRIX. Je vous le feray voir. LE BEAUCERON.         Au plûtost, sa presence… A propos le Gascon n'est pas sorty je pense. Il cherche à s'introduire ou j'en ay mal jugé ; Je vais s'il ne l'est pas luy donner son congé. ### SCENE V. CLIMENNE, BEATRIX. CLIMENNE. De quoy t'es tu meslée ? est-ce pour mon supplice, Que tu veux t'ingerer de nous donner un Suisse ? Je ne puis voir Leandre, & n'est ce pas assez ?… BEATRIX. Je me sers, & vous sers plus que vous ne pensez, CLIMENNE. Comment ? s'il est ainsi, fais-le moy donc connoistre. BEATRIX. Si j'en veux [182] au valet vous en voulez au Maistre, N'est-il pas vray ? CLIMENNE.     D'accort. BEATRIX.         Et le Basque est celuy, Que je pretens⁎ pour Suisse introduire aujourd'huy. CLIMENNE. As-tu perdu l'esprit ? le grossier artifice⁎, Crois-tu qu'il [183] puisse prendre un Basque pour un Suisse ? En le faisant parler [184]… BEATRIX.         Il contre fait si bien Le Suisse, que jamais on n'y connoistra⁎ rien, Vous jugerez bien-tost de ce que j'en puis dire, Ce folastre ceans⁎ m'en a cent fois fait rire, Personne ne l'a veu qui ne s'y soit trompé, Et je ne doute pas qu'il n'y soit attrapé. Je m'en suis avisée⁎ à propos, & Leandre, Sans cela prés de vous eust eu peine à se rendre, Si le Cousin eust pris sans nous en advertir, Un Suisse, il eust falu se resoudre à pâtir. CLIMENNE. Pour avoir le valet tasche à trouver le Maistre, Tu luy diras. BEATRIX.         J'y cours, mais je le vois paroistre. ### SCENE VI. LEANDRE, CLIMENNE, BEATRIX. LEANDRE. Je trouve en mon mal-heur quelque chose de doux, Puis qu'il permet encor que j'approche de vous, Ce moyen de vous voir que le hazard m'envoye, Suspend mon desespoir & fait place à ma joye, Mais qu'elle est imparfaite, & qu'un cœur alarmé⁎, Sent de maux quand il pert ce qu'il a tant aimé. L'époux qu'on vous destine a peu dequoy vous plaire, Madame, pourrez vous l'espouser & vous taire ? Et sans faire éclater⁎ luy donnant vostre foy⁎, Quelque reste des feux que vous sentiez pour moy. CLIMENNE. On veut que je l'épouse, & cet ordre me tuë, Mais la dispense [185] enfin n'est pas encor venuë ; L'amour jusqu'à ce temps pourra faire pour nous… LEANDRE. Mais s'il faut qu'elle vienne il sera vostre époux. CLIMENNE. Ne vous alarmez⁎ point, quoy que sa flame éclate⁎, Et souffrez⁎ jusques là qu'un peu d'espoir nous flate⁎ LEANDRE. De quel espoir helas ! flater⁎ ma passion ? BEATRIX. *les separant*. Que de discours, voicy dont [186] il est question, Pour empescher qu'ici la foule ne se glisse, Le cousin Beauceron, veut que l'on prenne un Suisse, Vous sçavez que le Basque est un original, Qui le contre-fait bien. LEANDRE.         Il ne le fait pas mal, Mesme de ce jargon⁎ s'est fait une habitude, Le drôle⁎ a de l'esprit, & mesme un peu d'estude, Il est plaisant, pourveu qu'il ne s'enyvre point, Tout iray bien. BEATRIX.         J'auray soin de luy sur ce point ; Trouvez-luy quelque habit de Suisse, & pour l'instruire, Qu'il me vienne trouver je le dois introduire. LEANDRE. Mais… BEATRIX.         Ne demandez point ny comment, ny pourquoy, Despechez, & de tout reposez-vous sur moy. LEANDRE. Je t'entens⁎, & je voy combien il nous importe, De rendre mon valet le maistre de la porte ; Je vais y donner ordre, & cet espoir m'est doux : Mais puis-je me flater⁎ en m'éloignant de vous ? CLIMENNE. Allez, & soyez seur que malgré l'advantage Qu'on veut me faire voir dedans ce mariage [187], Si l'amour, et le sort, secondent mes desirs, De l'espoir d'estre à vous je fais tous mes plaisirs ; Et que rien ne sçauroit esbranler ma constance. LEANDRE. Que cet espoir m'est doux & que cette asseurance, Malgré ce que je crains rend mes desirs contens. ### SCENE VII. LE BEAUCERON, CLIMENNE, LEANDRE, BEATRIX. LE BEAUCERON. Le Gascon est dehors, voicy l'autre dedans, Ils parlent d'action [188], peste quelle novice [189] ! CLIMENNE. Mon cœur vous en respond⁎. LE BEAUCERON. *les escoutant*.         Ah nous aurons un Suisse, Le deussay-je payer à mes dépens, je veux… LEANDRE. Que ne vous dois-je point de souffrir⁎ que mes feux [190]… LE BEAUCERON. *à part*. Puis qu'à remercier son ardeur est si prompte ; On peut s'imaginer que le drôle⁎ a son compte [191]. BEATRIX. *bas à Climenne*. Voicy vostre cousin. CLIMENNE. *à Leandre*.         Ne vous alarmez⁎ point. Secondez seulement ma feinte sur ce point. Tous nos billets sont blancs, vous le voyez Leandre ; Mais enfin ce mal-heur ne nous doit pas surprendre, Il faut que quelqu'un perde, & le sort, aux despens : De mille mal-heureux, fait si peu de contens ; Que loin de s'en fascher il faut que l'on en rie. LE BEAUCERON [192]. Elle deviendra folle avec sa lotterie. BEATRIX. Ils sont blancs comme nege. LEANDRE.         Il m'eust esté bien-doux, De pouvoir partager un lot avecque⁎ vous, Vous deviez avec vous associer [193] quelqu'autre, Je crains que mon mal-heur n'ait fait naistre le vostre, Jamais l'évenement⁎ ne respond à mes veux. CLIMENNE. Peut estre une autre fois nous serons plus heureux, Je le souhaite au moins. LEANDRE.         Madame, je l'espere, Et prens congé [194] de vous. LE BEAUCERON. *à part*.         La peste quel compere⁎. ### SCENE VIII. LE BEAUCERON, CLIMENNE. LE BEAUCERON. *s'approchant de Climenne*. Et deux [195] cousine, & deux, parlons de bonne foy, Il vous remercioit [196], peut-on sçavoir de quoy ? CLIMENNE. De rien. LE BEAUCERON.         Mais chacun sçait par son experience [197], Que qui ne reçoit rien ne donne point quittance. CLIMENNE. Nous avions dix billets ensemble chez Damis, Leandre s'y trouvant ce matin, les a pris, Il m'apportoit ma boëtte, & nous l'avons ouverte Et nous nous consolions tous deux de nostre perte ; Quoy que dans mes billets il n'eust que peu de part. LE BEAUCERON. Combien avoit-il mis ? CLIMENNE.         Il n'estoit que d'un quart. LE BEAUCERON. Le detour est adroit, ah ma chere cousine ! D'un fleau de mary vous avez bien la mine⁎, Dites que ce galand⁎ avoit pour mon mal-heur ; Un quart dans vostre boëtte, & trois dans vostre cœur ; Et que ce dernier quart que je ne puis surprendre, Venoit capituler à dessein de se rendre. Car enfin, je l'ay veu, prest à s'extasier, S'applaudir en secret, & vous remercier [198]. J'ay veu que vos regards avec sa bonne étoile, Poussoient vers le blondin⁎ vostre cœur à plein voile [199], Que ses yeux, ne pouvant se lasser de vous voir, Marquoient d'un air⁎ mourant leur joye & leur espoir ; Et que sa bouche enfin entre chaque parole, Du vent de ses soûpirs encensoit vostre idole. Je l'ay veu… CLIMENNE.         Quoy, toûjours quelque soupçon nouveau ? LE BEAUCERON. Ah ! cousine m'amie il faut changer de peau [200], Peut estre esperez-vous si le Ciel ne m'exauce, Sçachant que les forests sont rares dans la Beauce [201] ; Pourvoir à nos besoins pour une bonne fois, Et me faire à Paris provision [202] de bois [203] ; Mais enfin… CLIMENNE.         Ce courroux est assez legitime, Si vous n'avez pour moy qu'une si foible estime. LE BEAUCERON. *entend du bruit*. Qu'entens-je ? CLIMENNE.     Vous devez… LE BEAUCERON.         Rentrez, j'entens du bruit. CLIMENNE. Je pretens⁎… LE BEAUCERON.         Et mort-bleu faites ce qu'on vous dit. ### SCENE IX. CHAMPAGNE, LE BEAUCERON. LE BEAUCERON. Où cours-tu ? que fais-tu ? quel couroux te transporte, CHAMPAGNE. *fermant la porte de la sale sur luy.*. Monsieur, on vient là bas de forcer nostre porte, Avec leur lotterie ils ont le diable au corps. LE BEAUCERON. Maudit soit l'embarras⁎. CHAMPAGNE.         J'ay fait tous mes efforts, Avecque⁎ le cocher & la presse⁎ est si grande… LE BEAUCERON. Avant que jusqu'à nous cette foule s'estende, Prens avec toy la *b*rie [204] & courez promptement, Prés de Climenne, elle est dans son appartement⁎, Deffendez-en l'entrée, & que pas un n'en sorte, Et taschez d'empescher qu'on ne force sa porte. O Beatrix ! ### SCENE DERNIERE. LE BEAUCERON, BEATRIX. BEATRIX.     Monsieur. LE BEAUCERON.         Va chercher de ce pas, Le Suisse que tu dis. BEATRIX.     J'y vais. LE BEAUCERON.         Quel embarras⁎ ! Le peuple, & les Galans⁎, tour à tour font ma peine, Ah ! je ne pretens⁎ plus quitter d'un pas Climenne, Rentrons, le bruit augmente, & le peuple est mutin⁎ ; Afin de l'appaiser envoyons luy martin [205]. ## ACTE SECOND. ### SCENE PREMIERE. BEATRIX, LE BASQUE. vestu en Suisse. LE BASQUE.* pendant que Beatrix regarde s'il n'y a personne*. Lestre dans sty lochis que sty Monser dimeure ? Qu'il dir que je viendre moy ly servir tout à stheure⁎ [206] ! BEATRIX. *ayant regardé par tout*. Tréve de gravité personne ne nous voit. LE BASQUE. As-tu bien regardé ? BEATRIX.     Ouy, nous sommes seuls. LE BASQUE.         Soit Ma chere Beatrix ! BEATRIX.         Ah laissons la sornette, Suisse fait à la haste. LE BASQUE.         Ah ! charmante Soubrette, Si tu voulois ; pour toy je souffre nuit & jour, Tes yeux m'ont fait pour toy galerien [207] d'amour, Je ne suis mesme icy Suisse que pour te plaire, Ah ! si je puis un jour ramer dans ta galere, Ne m'aimerois tu plus [208] ! BEATRIX.         Ne sçais-tu pas que si. LE BASQUE. Puis que tu m'aimes donc, & que je t'aime aussi, Pourquoy tant de façons⁎ ? BEATRIX.         Il n'est pas temps de rire,  Tu vois ce qu'il faut faire & sçais ce qu'il faut dire, Songe à jouër icy ton roolle [209] comme il faut, Je vais au Beauceron te conduire là haut, Il vient, prepare toy. ### SCENE SECONDE. LE BEAUCERON, LE BASQUE BEATRIX. BEATRIX.         Monsieur, voilà le Suisse. LE BASQUE. Monser chil viendre icy ly rendre moy serfice, Si vous ly prendre moy je ly servir fort bien, Si vous nestry content moy ly dimandi rien [210]. LE BEAUCERON. *aprés l'avoir regardé*. On ne peut mieux parler ; tu n'as rien fait qui vaille [211]. BEATRIX. Ce Suisse est vostre fait⁎. LE BEAUCERON.         D'un Suisse a-t-il la taille ? BEATRIX. Quoy celuy-cy, Monsieur, n'est pas à vostre gré ? LE BEAUCERON. Il en faloit prendre un gras, grand, joufflu, carré, Barbu de deux bons pieds⁎, & qui fut fait de sorte, Que de son ventre seul, il peut [212] boucher la porte. C'est un méchant⁎ ménage, & pour un tel logis, Il en faudroit un gros, ou du moins deux petits. BEATRIX. Ces gros Suisses, Monsieur, avec leur barbe salle ; Et leur ventre de son [213], sont des Suisses de *b*alle [214]. Estant plus maigre qu'eux il sera plus dispos, Et je l'aymerois mieux comme il est, que plus gros. Escoutez, & voyez. LE BASQUE.         Matame Piatille Mafre dit que Monser voudre aver un bon drille⁎, Per garder sty maison che ly garder pien moy [215]. LE BEAUCERON. En avez-vous gardé quelqu'autre-part ? LE BASQUE.         Mon foy, Lautry chour un Monser tonner un Cometie⁎, Tans son champre⁎, il tient la dy fort bon companie⁎. Dy fort pon fiolon, ly sthom afre moy pris, Per faire moy garder ly maison dy lochis, Ly voudrois pien pescher, car il afre in bel fame, Qu'un grand petit Monser [216] parlit point à Montame, Il vient, chil pousser luy, cocquin, dir luy, party Chy lestre point cocquin, moy toy lafre menty ; Ly donne un cou di pié dan mon cu par derriere, Et dir qu'il donner moy bien de cou ditrifiere [217], Titrifiere, à moy tiche, avec stuy gros martiau, Dil porte en ly fermant chil casser son musiau [218]. LE BEAUCERON. Fort-bien. BEATRIX.         Entendez⁎-vous toute cette Harangue ? LE BEAUCERON. Le beau⁎ doute, j'entens⁎ toute sorte de langue. Je ris de son recit, le drôle⁎ n'est point sot. BEATRIX. *riant aussi*. Et moy Monsieur, j'en ris sans entendre⁎ un seul mot. LE BEAUCERON. Entra-t-il ? LE BASQUE.         Lentry don si lentry par firnaitre ; La Matame safre ça, & ly veut que mon maistre, Chasser moy, mais party mon Maistre y jur son foy, Que chestre pon quarson & qu'il chasser point moy. Y pour mon riconpans my tonne un grand pistole⁎ [219]. LE BEAUCERON. Que ce Suisse pour nous estoit en bonne escole ? Et qu'il me fait bien voir par sa naïfveté, Qu'il a servy des gens tous pleins d'honesteté, Beatrix a raison, il est sans artifice⁎ ; Et ce n'est pas la taille enfin qui fait le Suisse. Comment vous nommez-vous ? LE BASQUE.     Torften. LE BEAUCERON.         De quel Canton ? LE BASQUE. Dy *b*erne [220] il estre bon sty Canton. LE BEAUCERON.         Ouy fort bon. à part. Faisons luy sa leçon, à Beatrix,         allez dire à Climenne, Que de descendre en bas elle prenne la peine, Et qu'elle vienne voir nostre officier [221] nouveau. BEATRIX. J'y vais, nostre cousin donne dans le panneau [222]. ### SCENE III. LE BEAUCERON, LE BASQUE. LE BEAUCERON. Suisse. LE BASQUE.     Plaist-il Monser. LE BEAUCERON.         Il faut servir de zele [223]. Estre exact, assidu, civil⁎, hardy, fidelle. LE BASQUE. Ouy, Monser. LE BEAUCERON.         Gardez⁎-vous d'estre l'introducteur, De ces certains Messieurs, comme ce grand Monsieur, Qu'on vouloit empescher de parler à Madame. LE BASQUE. Ouy, Monser, lafre fou dans sty maison son fame [224], LE BEAUCERON. Non pas, mais vous sçaurez pour ne point perdre temps, Que je dois épouser la fille⁎ de ceans⁎ ; Et que lors que je vois le galant⁎ qui l'approche, La coquette⁎ toûjours a sa défaite⁎ en poche, Je pretens⁎ l'empescher [225] & veux que sur ce point, Vous soyez… LE BASQUE.         Mais Monser tir fou ly craindre point, Si lestre son mary…sty Matame dy France, Ayme avec ly Monser le ptit rechouissance [226]. LE BEAUCERON. Nous y donnerons ordre. LE BASQUE.         Un camarate à moy, Qui lafre pris un fam dan sty Paris, mon foy, Lestre riche, aure ly dans son pitit minache, Dy pon pip, dy pon vin, pon tabac pon formache Sty carogne⁎ dy fame y sty Monser Calan, Fisant sty suis cournar manchy tout son larchan [227]. LE BEAUCERON. Si nostre jeune oyson prenant l'affirmative, Pour quelque protestant⁎ fait quelque tentative, Il faudra m'advertir. LE BASQUE.         Moy lentendre⁎ point vous. LE BEAUCERON. Si la belle d'icy dont je dois estre époux, Pour voir quelqu'un de ceux que son bel œil attire ; Vous parloit pour l'un deux, il faudra me redire, Tout ce qu'elle aura dit, en quel temps, & comment. LE BASQUE. Ouy Monser, j'il tir fou moy tout caillardement [228], LE BEAUCERON. Bouche close ; il suffit, je voy venir Climenne. ### SCENE IV. LE BEAUCERON, CLIMENNE LE BASQUE, BEATRIX. LE BEAUCERON. Venez, que dites-vous du Suisse qu'on m'ameine ? CLIMENNE. Je le trouve fort bien s'il est à vostre gré. LE BEAUCERON. Voyez. CLIMENNE. *riant*.         Comme il est fait ? ce Suisse est fort paré. LE BEAUCERON. Vous riez, c'est ainsi que l'on voit dans les ruës, Ceux qui de leur païs viennent pour des recreües [229], L'innocence paroist dans cet habillement ; C'est celuy qu'ils devroient conserver cherement : Et ne jamais souffrir⁎ qu'un maistre trop fantasque, Pour les mettre chez-luy les habillast en masque, Peut on se dispenser des modes d'un païs, Les habits qu'on leur [230] voit sont-ce leurs vrais habis, Non, & j'appelle enfin ces ames mercenaires, Des Suisses renegats des modes de leurs peres. CLIMENNE. Je veux croire avec vous qu'il est bien mieux ainsi, Et puis qu'il vous agrée, il me plaist fort aussi, A vostre jugement il faut que je me rende : Mais servira-t-il bien ? LE BASQUE.         Party li pel⁎ dimande. Chil voudre moy garder si pien ly porte à vous, Que mon Maistre estre pien content [231]. LE BEAUCERON.         Il est à nous. CLIMENNE. Quand il [232] sera content je seray satisfaite. LE BEAUCERON. Par-bleu voilà pour nous la premiere fleurette⁎, Elle est prise, & voit-bien qu'il faut changer de ton : Le Suisse opere, il faut commencer tout de bon⁎ [233]. Suisse, allez de ce pas vous poster à la porte, Le peuple est fort mutin⁎ ; mais il faut faire en sorte, Que sans confusion il donne son argent. LE BASQUE. O Monser, j'y n'y fair moy point dy manquement [234]. ### SCENE V. LE BEAUCERON, CLIMENNE. LE BEAUCERON. Cette acquisition est fort bonne, & ce Suisse Est comme je le veux, naif sans artifice⁎, Et nous allons avoir un peu plus de repos⁎ : Mais pour ne point avoir la populace à dos, Par un retardement dont déja chacun crie, Il faudroit promptement fermer la lotterie, En finir au plûtost les frais, & l'embarras⁎ ; Car enfin ainsi qu'eux, franchement, je suis las De tous les sots discours qu'on est forcé d'entendre Quant la tirerez-vous ? ne sçauroit-on l'apprendre ? CLIMENNE. Je ne sçais ; mais enfin estant sans interest, On peut rendre l'argent si cela vous déplaist ; Mesme des à present on peut le faire dire. LE BEAUCERON. Qu'on ne se presse point, je veux bien qu'on la tire ; Cet espoir a pour moy quelque chose de dous, Car enfin à parler franchement entre-nous ; Cela ne se fait point sans que l'on en profite, Et vous devez avoir du moins un tiers de quitte [235], Sur ce pied⁎ qu'on la tire, autrement marché nul [236], Nous sçavons supputer⁎, & suivant mon calcul : Ce qu'on y peut gagner, doit payer le carosse, Les chevaux, les habits, & les frais de la nosse. CLIMENNE. Quoy volant le public⁎ avoir le peuple à dos ? LE BEAUCERON. Quoy pretendre⁎ employer tout cet argent en los ? CLIMENNE. Comment donc ? LE BEAUCERON.         Dites-moy quelle ceremonie, Pensez-vous observer tirant la lotterie ? CLIMENNE. Je pretens⁎ pour ne point faire de mécontens, Méler tous les billets. LE BEAUCERON.         Quoy les noirs & les blancs ? CLIMENNE. Sans doute, & que ce soit un lacquais qui les tire, Au hazard, & sans choix. LE BEAUCERON.         Ma foy je vous admire⁎. CLIMENNE. Puis faire cacheter d'un cachet peu commun, Les boëttes où seront les billets d'un chacun : Eviter si l'on peut le bruit & la cohuë, Et que fidelement [237] quelqu'un les distribuë. LE BEAUCERON. Sans les décacheter. CLIMENNE.         Je le pretens⁎ ainsi. LE BEAUCERON. Et sans en supposer⁎ ? CLIMENNE.         Je le pretens⁎ aussi, Si je sçay que quelqu'un ait une telle envie. LE BEAUCERON. Fy vous ne sçavez pas faire une lotterie, Et ne meritez pas, dans un employ si doux, La bonne opinion [238] que le peuple a de vous. CLIMENNE. Je ne vous entens⁎ point. LE BEAUCERON. *tirant un livre de sa poche*.         Voyez-vous bien ce livre ? C'est luy qui vous devroit avoir appris à vivre, Le voilà le Docteur⁎ qu'il faloit consulter, Au Palais [239] tout exprés je le viens d'acheter, Et vais vous en citer quelque petit chapitre. CLIMENNE. Qui l'a fait ? LE BEAUCERON.     Un Abbé plein d'esprit. CLIMENNE.         Sous quel titre. LE BEAUCERON. Le titre en est divin. CLIMENNE.     Montrez- le moy. LE BEAUCERON.         Tous doux, Il l'intitule, *avis aux Thresoriers des foux* : C'est comme on nomme ceux qui font des lotteries. CLIMENNE. Ce sont d'un esprit creux quelques plaisanteries. LE BEAUCERON. C'est un fort habille homme, & je vous en responds⁎, Ecoutez vous verrez s'il en raisonne à fonds [240]. IL LIT Tout homme qui voudra faire une lotterie, Sçaura pour premiere leçon, Que de son fonds⁎ du moins la troisiéme partie, *Doit demeurer dans la maison* [241] . Voilà le premier point qu'il faut qu'on établisse, Le fondement la baze*…* CLIMENNE.         Est-il quelque justice, A piller le public⁎ ? & n'est-ce pas voler. LE BEAUCERON. C'est ce qu'il faut sçavoir ou ne s'en pas méler, Voilà le premier point dont il faut qu'on se serve ; Et voicy le second qu'il faut que l'on observe. IL LIT *Quand le fonds⁎ grossit une fois* [242]*;* Il faut dire que de trois mois, On ne tire la lotterie ; *Et cependant on doit sçavoir*, Que quoyque telle ou tel en crie : Il ne faut s'appliquer qu'à le faire valoir, Qu'il faut & sans crainte & sans trouble, Fermer l'oreille aux cris du peuple qui s'émeut, *Et faire profiter jusques au dernier double⁎*, *Au denier⁎ quatre si l'on peut* [243] : Voilà mort-bleu, voilà raffiner sur la chose. CLIMENNE. Quelques expediens [244] que cet *a*utheur propose, C'est un dépost sacré que l'argent du Public⁎, En feroit-on trafic. LE BEAUCERON.         Si l'on en fait trafic [245]. CLIMENNE. C'est ce que j'ignorois & ne suis point capable… LE BEAUCERON. Vous l'ignoriez ? CLIMENNE.     Sans doute. LE BEAUCERON.         Et mort-bleu dequoy diable, Vous ingerez-vous donc si vous ne le sçavez ? Dequoy vous sert l'esprit qu'on dit que vous avez ? Il faloit donc avant que la chose fust faite D'un livre tout pareil faire une bonne emplette, Aprendre chaque article & n'en obmettre aucun. CLIMENNE. Mais j'en ferois scrupule & quand j'en aurois un [246] : Je ne puis… LE BEAUCERON.         Et cela ne fait peine à personne, Escoutez sur ce point comme l*'a*uteur raisonne. IL LIT Le scrupulle en ce cas ne doit point s'écouter ; Et chacun doit sçavoir touchant⁎ les lotteries, Que comme il est des fous pour faire des folies : Il n'est des gens sensez que pour en profiter. CLIMENNE. Je ne puis me servir de cette Politique. LE BEAUCERON. Quand on la veut tirer voicy ce qu'on pratique : IL LIT Le tiers des billets noirs qu'on doit mettre à couvert⁎, Doit estre donné de concert⁎, Avec ses gens⁎ faut s'entendre ; *Et leur en faire échoir exprés* : Le profit… CLIMENNE.         Quel profit en pourroit-on attendre ? LE BEAUCERON. C'est où je vous attens vous l'allez voir après. IL LIT Il faut que de concert⁎ un lot considerable, *Et non pas un lot tel que tel* [247] , *Se délivre au Maistre d'Hostel* : *Qui pour trois mois* [248]* du moins défraye⁎* [249]* vostre table* Il faut faire profit des moindres petits lots, *Les distribuer* [250]* à propos* ; Et pour fermer la bouche à la plainte secrette, *Qui vient de ce qu'on n'a payé depuis quatre ans*, Ny portier, ny cocher, ny valet ny Soubrette, Payer en billets noirs les gages à ses gens⁎. Ah ! voilà bien d'un fait tirer la quintessence, Autres à qui l'*a*uteur pretend⁎ qu'on en dispense [251]. IL LIT *A l'égard du Marchand, du seillier, du tailleur*, Du boulanger, du rotisseur, *Il faut en sauvant l'apparence*, ** Avec tous en secret estre d'inteligence⁎ : Conter doucement avec eux, *Lors que l'on doit bien-tost tirer les lotteries*, Et mettant dans leur boette un bon billet, ou deux, *Acquitter ainsi leurs parties⁎* [252] . Aussi⁎ bien le Proverbe dit, Que qui s'acquitte s'enrichit. Que cet homme a d'esprit ! CLIMENNE.         Il n'est pas necessaire, Pour moy qui ne dois rien. LE BEAUCERON.         Ah ! voicy vostre affaire. IL LIT Quand à ceux qui n'ont point de debtes à payer, Ny de gens mécontens, ils pourront employer ; Pour des lots dans leurs lotteries, Des meubles, des tableaux, quelques tapisseries Des montres, des points⁎, des bijoux ; *Quelques flambeaux d'argent, un bassin⁎, une aiguere* [253]* ;*   Et mettre pour beaucoup ce qui ne vaudra guere : C'est pour s'en bien défaire un moyen assez doux. *On peut mettre de plus dedans cette occurrence* [254] , Jusqu'à son lit, sans conséquence ; *Et quoy qu'il soit de cinq ou six cens francs au plus*, ** Le faire effrontement valoir six cens écus⁎. CLIMENNE. D'accort mais sur ce point la semaine derniere, Tels eurent un procés sur semblable matiere : On vouloit le surplus le tour est délicat. LE BEAUCERON. Il est vray sur ce point qu'un Flandrin⁎ d'Advocat, De figure fort longue, & de courte éloquence, Tira par ses cheveux Cujax à l'Audiance [255] ; Et vouloit qu'à le [256] rendre ils fussent condamnez : Mais qu'en arriva-t-il ? il n'eut qu'un pied de nez [257]. CLIMENNE. Je craindrois du public⁎ le reproche ou la plainte ; Et ne pourrois… LE BEAUCERON.         Chacun en use ainsi sans crainte, L'artisan fait ses lots d'un plat de son métier [258], Le bourgeois y met tout ce qu'il peut employer ; Sa vaisselle qui n'est que d'argent d'Allemagne [259] : Le riche mal-aisé, sa maison de campagne, Le cuisinier y met des souppes de santé ; Le patissier chez-luy met pour lot un paté : La couturiere y met des manteaux & des cottes⁎ ; Le cordonnier chez-luy pour gros lot, met des bottes : Le marchand affamé, se montrant aussi fin, Fait chez-luy le gros lot d'un garde magazin⁎ ; Et mesme l'autre jour chez un Apoticaire, Pour un des moindres lots on mettoit un clistaire. CLIMENNE. Mais le peuple s'en mocque [260] & l'on devroit tâcher… LE BEAUCERON. Tant mieux c'est un plaisir qui luy coûte assez cher ; On peut à ses dépens luy permettre d'en rire. CLIMENNE. Mais… LE BEAUCERON.         Contre cet Autheur vous n'avez rien à dire, Quoy d'une lotterie on aura l'embarras⁎ ; Et celuy qui la fait n'en profiteroit pas ? Sans cesse quelque fou qu'il faut que l'on écoute, Vous viendra sottement proposer quelque doute ? A chaque instant du jour il faudra pour un fat⁎, Sur le nombre des lots subir enterrogat [261] ? Et prest à la tirer dedans ce jour de chrise [262] ; On peut avec dépens⁎ condamner sa sottise ; Se vanger à profit de son sot entretien⁎, Se payer par ses mains [263], & l'on n'en feroit rien ; Il faudroit du bon sens avoir perdu l'usage, Allez de cet Autheur parcourir chaque page ; Et tandis qu'à loisir vous lirez ces advis, Je vais auprés de vous écrire à mon païs. CLIMENNE. *à Beatrix à part*. Va porter mon billet. ### SCENE VI. BEATRIX.         Pendant que ce fantasque, Ecrit, allons parler à nostre Suisse Basque ; Il vient de debuter plaisamment, à ce fou [264], L'a pris pour duppe, & m'a fait rire tout mon sou, Mais je le vois venir, de me voir il petille, Si quelqu'un… ### SCENE VII. LE BASQUE, BEATRIX. LE BASQUE.         Pon chour fou Matame Piatille, BEATRIX. Laisse-là ton jargon⁎ nous sommes seuls. LE BASQUE.         Ma foy J'en suis ravy, tant mieux ; mais que dis-tu de moy ? BEATRIX. Que je crois que l'on peut dire à ton avantage, Que tu fais mieux le fou que tu ne fais le sage. LE BASQUE. J'en demeure d'accort, mais… BEATRIX.     Quoy mais… LE BASQUE.         Je voudrois, T'apprendre à faire un peu la folle⁎. BEATRIX.         Une autre fois. LE BASQUE. Ah ! si tu me voulois faire sans consequence, Sur nostre Hymen futur quelque petite avance. BEATRIX. Tu me prens pour une autre. LE BASQUE.         Ah ! point du tout ma foy, Si je te prens [265] jamais, je te prendray pour moy. BEATRIX. J'entens quelqu'un. LE BASQUE. *allant brusquement à la porte*.         Party si toy l'est pien timeure, Ty lafre biau cogner, chy loufre d'un cartheure Si chil prent mon libarte ô party…quoy [266] ? BEATRIX. *se mocquant de luy*.         Tais-toy, Ce n'est rien. LE BASQUE.         Comment donc te mocques-tu de moy ? BEATRIX. On peut dans cette sale aisement nous surprendre. LE BASQUE. Viens dedans mon taudis. BEATRIX.         Non, mais je veux t'apprendre, Que je voudrois parler à ton Maistre aujourd'huy. LE BASQUE. Quelqu'un heurte à la porte & je croy que c'est luy, BEATRIX. Ouvre luy. LE BASQUE. *cherchant la clef*.         Qu'ay-je fait de la clef de la porte ? La voicy. BEATRIX.     Va donc viste il attend. LE BASQUE.         Et qu'importe. BEATRIX. Preparons le billet que ma Maistresse écrit [267], A Leandre, Il verra que le tout est d'esprit ; Mais je le voys. ### SCENE DERNIERE. LEANDRE, BEATRIX, LE BASQUE. LEANDRE.         Et bien ne puis-je voir Climenne ? BEATRIX. Si vous vous en flattez⁎ vostre esperance est veine, Et si vous m'en croyez, retournez sur vos pas, LEANDRE. Pourquoy ? BEATRIX.         Nostre bouru ne l'abandonne pas, Et depuis que tantost avec vous il l'a veuë, A l'obseder⁎ ainsi son ame est resoluë, Ce maudit Beauceron, pour la mieux tourmenter, A fait mille sermens de ne la plus quitter, Il dit qu'on fait icy des tours de passe passe, Qu'il veut estre témoin de tout ce qu'il se passe, Qu'il pretend⁎ y mettre ordre, & qu'il veut empescher Que pas un soûpirant ne la puisse approcher ; Il vient de s'enfermer dans sa chambre avec elle. LEANDRE. Ah, que pour mon Amour la fortune⁎ est cruelle ! Quoy donc m'estant flatté⁎ du plaisir de la voir ; Il faut perdre à la fois sa veuë & mon espoir ; Voir qu'à de si beaux nœuds on face violence [268] ? Ah ! Beatrix ce coup accable ma constance. BEATRIX. *luy donnant un billet*. Avecque⁎ ce billet prenez un peu d'espoir, Et jugez si Climenne a dessein de vous voir, Et si son cœur pour vous de tendresse⁎ est capable. LEANDRE. *après avoir leu*. Je n'en sçaurois douter, le tour est admirable : Que ne te dois-je point, je n'y manqueray pas, Beatrix, dis luy bien que je vais de ce pas ; En suivant cet advis⁎ éloigner le fantasque ; Mais il me faut icy quelqu'un. BEATRIX.         Prenez le Basque. LEANDRE. Et s'il s'en apperçoit, & demande pourquoy Il est dehors ? BEATRIX.         Allez je prens cela pour moy, Je l'excuseray bien, c'est à quoy je m'engage. LEANDRE. Il faut faire pour nous un autre personnage, Basque. BEATRIX.         Et jouër encor un tour aussi subtil. LE BASQUE. Et bien me voilà prest, mais dequoy s'agit-il ? LEANDRE. Je t'instruiray de tout, j'engage ma parole, Qu'auprés du Beauceron il jouëra bien son roole, Et qu'il luy va donner à courre [269] comme il faut : Adieu je sors. BEATRIX.         Et moy je remonte là haut. ## ACTE TROISIEME. ### SCENE PREMIERE. LE BEAUCERON. *seul*. Eh Suisse, Beatrix, eh Champagne la Brie, La peste soit des lots & de la lotterie, Quelle confusion [270] ! ### SCENE SECONDE. LE BEAUCERON, BEATRIX. BEATRIX.         Monsieur, que voulez-vous ? LE BEAUCERON. De grace dites-moy, d'où viennent tous ces fous, Dont auprés de Martin, la chambre est toute pleine ? BEATRIX. A donner leur argent ils ont assez de peine. LE BEAUCERON. Quoy nostre nouveau Suisse au lieu de s'aguerir⁎, Les laisse entrer ? BEATRIX.         Le Suisse est allé voir mourir, Sa femme, qui dit-on est preste à rendre l'ame. LE BEAUCERON. Elle prend bien son temps pour mourir cette femme, Que Diable n'attend-elle au moins encor un jour, Qui prend garde à la porte ? BEATRIX.         Attendant son retour, Champagne… LE BEAUCERON.         Ce maraut⁎ laisse entrer tout le monde ; BEATRIX. Il est constant [271] Monsieur, il faut que je l'en gronde ; Et j'y vais de ce pas. ### SCENE III. LE BEAUCERON.         C'est fort bien fait à toy, Quel sabat, quel fracas ! ah je suis hors de moy ; Ce desordre est enfin tout ce que j'apprehende. ### SCENE IV. LE BEAUCERON, CHAMPAGNE. CHAMPAGNE. Avec empressement un homme vous demande. LE BEAUCERON. Que veut-il ? CHAMPAGNE.     Je ne sçay. LE BEAUCERON.         Mais comment est-il fait ? CHAMPAGNE. C'est un homme qui porte un fort petit colet⁎ [272], Avec un habit noir, enfin c'est ce me semble, Quelque façon d'Abbé, du moins il leur ressemble. LE BEAUCERON. Qu'il entre, ce sera quelque Abbé de bibus [273], Ah ! que ce nom d'Abbé, fait à Paris d'abus. Mille Abbez du faux coin [274] en dérobent le titre, Qui ne sçauroient tenir qu'au moulin leur chapitre, Et comme c'est un vol qui n'est point corrigé, On voit multiplier ces friquets⁎ du Clergé, C'est une qualité qu'un chacun s'administre, Monsieur l'Abbé dit-on, il n'est pas jusqu'au cuistre⁎, Qui pour estre honoré n'en usurpe le nom, On en trouve par tout trente faux, pour un bon, Qui vont en beaux esprits debiter leur science [275], On a mis au billon les faux Nobles en France [276], Ah ! si l'on y mettoit pour faire tout égal, Tous ces usurpateurs du titre Abbatial ; Le sort des vrais Abbez égaleroit le nostre, Ah cet avis⁎ enfin vaudroit je croy bien l'autre, Il vient je m'en doutois & c'est un cuistre⁎ aussi ; Que me veut-il ? ### SCENE V. LE BEAUCERON, LE BASQUE.*vestu en Abbé* LE BASQUE.* vestu en Abbé*.         Joüons bien nostre roole icy [277], Luy faisant de grandes reverences. Monsieur puis qu'un hazart me donne la licence, De vous pouvoir icy faire la reverence… LE BEAUCERON. Monsieur sans compliment [278] vostre civilité… LE BASQUE. *luy faisant la reverence*. Je sçais ce que je dois à vostre qualité… LE BEAUCERON. Tréve de reverence il suffit d'une couple [279], Monsieur en quatre mots j'ay le jaret peu souple, Finissons LE BASQUE. *continuant*.     Je dois trop… LE BEAUCERON.         Vous l'avez déja dit, Si vous me les devez je vous en fais credit ; Que voulez vous de moy ? que le Ciel vous confonde, Si vous ne répondez. LE BASQUE.         S'il faut que je réponde, Je vous diray Monsieur que je suis Beauceron. LE BEAUCERON. Que m'importe ? LE BASQUE.         Et cousin de vostre vigneron. LE BEAUCERON. Et que me fait cela. LE BASQUE.         J'ay mesme l'avantage, D'estre l'un des neveux du Curé du village ; J'ay sceu depuis huit jours que vous estiez icy. LE BEAUCERON. D'accort. LE BASQUE.     J'en suis fort aise⁎. LE BEAUCERON.         Et moy fort aise⁎ aussi. LE BASQUE. Que vous vous portez bien ! LE BEAUCERON.         Qui vous dit le contraire ? LE BASQUE. Vous vous mariez [280] donc ? LE BEAUCERON.         Cela se pourra faire. LE BASQUE. Et vostre épouse est jeune et belle. LE BEAUCERON.         L'on le croit. LE BASQUE. Je m'appelle la roche. LE BEAUCERON.         Et bien la roche soit. LE BASQUE. Pour goûter sous l'Hymen les plaisirs de la vie, Vous irez au pays ? LE BEAUCERON.         Ouy, s'il m'en prend envie. LE BASQUE. Vous demeurez ceans⁎ ? LE BEAUCERON.         Toûjours si je n'en sors. LE BASQUE. Vous manque [281]-t-on souvent ? LE BEAUCERON.         Tant que je suis dehors. LE BASQUE. Pour vous rendre mes soins⁎ mon ardeur est si forte. LE BEAUCERON. Eh mort-bleu voulez-vous finir de quelque sorte. Beauceron trop poly, parce que vous sçavez Faire vingt pieds de veau [282], de deux que vous avez, Voulez-vous m'insulter ? & venir par bravades, Me payer le respect qu'on me doit en gambades [283]. LE BASQUE. Mais Monsieur… LE BEAUCERON.         Mais voilà la porte, & me voicy, Choisissez de conclure, ou de sortir d'icy, Toutes vos questions lassent ma patience [284]. LE BASQUE. Et bien je vais Monsieur conclure en diligence ; Et rendre mon discours plus clair dessus cela Qu'un syllogisme n'est, fust-il en barbara [285]. LE BEAUCERON. O le facheux⁎ pedant⁎ ! depeschez je vous prie, LE BASQUE. Chez Oronte on tira des hier [286] la lotterie ; J'estois prés d'une table où l'on distribuoit La boëtte & les billets, de qui les demandoit, Chacun voulant les siens, plusieurs s'en approcherent Et la firent pencher ; quelques boëttes tomberent, J'en pris une, & voulus voir sa suscription⁎ : *In capite libri* [287] ; J'apperceus vostre nom, Je la serray⁎, de peur qu'elle ne fut perduë ; Et des hier sans la nuit je vous l'aurois renduë : Trop content de pouvoir quand je le croy le moins, Vous rendre ce service, & vous prouver mes soins⁎. LE BEAUCERON. *prenant sa boëte*. Que ne vous dois-je point ? dedans cette mélée, Sans vous ma boëtte estoit ou perduë ou volée : Que je vous sçais bon gré de n'estre point larron ? Ah ! je vous reconnois icy pour Beauceron ; Et je vous califie à ces marques insignes, Cousin du directeur general de mes vignes : Mais puis qu'enfin pour moy, vous avez pris ce soin, De ce qu'il en sera vous serez le témoin. LE BASQUE. Monsieur il me suffit… LE BEAUCERON.         Ah ! Monsieur de la roche, Demeurez. LE BASQUE.     J'obeys. LE BEAUCERON. *tirant des ciseaux & ouvrant la boëte & ses billets*.         J'ay des cizeaux en poche, Voyons dans ce premier. LE BASQUE.         S'il pouvoit estre noir. LE BEAUCERON. Ah ! par-bleu, je commen… LE BASQUE.     Et bien. LE BEAUCERON.         A ne rien voir, Deux & trois tous pareils alors qu'on se propose, De gagner…Ah ! ma foy. LE BASQUE.     Quoy ? LE BEAUCERON.         Je voy quelque chose, C'est du noir ; Ouy c'en est : *numero vingt-&-six.* LE BASQUE. Si c'estoit le gros lot ? LE BEAUCERON.         Voyons, trois cent Louys⁎ [288]. Mort-bleu trois cent Louys⁎, n'ay-je point la berluë, Lisons *trois cent Louys⁎* non j'ay fort bonne veuë, Ah ! Monsieur de la roche, honneur des Beaucerons, Vigneron plus heureux⁎ que tous les vignerons, D'avoir pour son cousin un homme si fidelle, Si remply d'équité, de bonne foy, de zelle. Civil⁎, officieux⁎, & des-interessé, Ah ! pourquoy des tantost⁎ ne vous ay-je embrassé ? Mais je pretens⁎ enfin reparer cette faute. LE BASQUE*. se retirant*. Ah ! vous m'enfoncerez, Monsieur plus d'une coste. LE BEAUCERON. *regardant son bon billet*. Et vous témoin muet de tant de probité, Digne certificat de son integrité. LE BASQUE. Si vous me soupçonniez cecy vous desabuse. LE BEAUCERON. Ah ! Monsieur mille fois je vous demande excuse ; Oublions le passé, je vous tiens à present, Pour un homme d'honneur & sur tout bien-faisant. LE BASQUE. Comme je n'aspirois qu'à vous rendre service, J'excuse le transport⁎ qui m'a fait injustice ; Et vous honore trop pour en dire un seul mot, Si vous voulez tantost⁎ vous aurez vostre lot : On les doit délivrer, & mesme l'heure approche ; Je prens congé [289] de vous. LE BEAUCERON.         Ah ! Monsieur de la Roche [290]. Je suis reconnoissant, & vous me faites tort, De me quitter ainsi, le present n'est pas fort ; Mais daignez accepter ces vingt Louys⁎. LE BASQUE.         De grace, Croyez… LE BEAUCERON.         Dans vostre cœur je sçay ce qui se passe. LE BASQUE. L'interest… LE BEAUCERON. *luy donnant une bourse*.         Je le sçais mais enfin je pretens [291]. LE BASQUE. *la prenant*. C'est pour vous obliger, Monsieur que je les prens. LE BEAUCERON. *l'embrassant*. Adieu venez me voir quelquesfois. LE BASQUE.         Je l'espere, à part. Il en tient [292]. LE BEAUCERON. *se retournant*.     Serviteur [293]. ### SCENE VI. LE BEAUCERON. *seul*.         Non je ne puis m'en taire ; Je ne sçaurois assez admirer⁎ mon bon-heur⁎, Ce que c'est que d'avoir affaire aux gens d'honneur : Un amy fait tirer chez-luy sa lotterie, Pour avoir ses billets le peuple presse & crie, Ma boëtte tombe à bas, un inconnu present, Sans sçavoir à qui c'est la ramasse, la prent ; Voit mon nom, le connoist⁎, la rapporte luy-mesme : J'ouvre trois billets blancs, & vois au quatriéme ; Numero vingt-&-six, c'est estre bien-heureux, Je m'en vais recevoir cet argent ; mais je veux En sortant que le Suisse en ait seul connoissance, Qu'on me croye [294] ceans⁎, de peur qu'en mon absence : Si quelqu'un la sçavoit on ne trouvast moyen, D'introduire quelqu'un sans que j'en sceusse rien : Allons voir si le Suisse est de retour ; son zelle… Mais Climenne paroist que Diable cherche-t-elle. ### SCENE VI. LE BEAUCERON, CLIMENNE. LE BEAUCERON. Est-ce pour un galand⁎ que l'amour en argus [295], Vous poste en sentinelle ou vous met à l'affus ? Venez-vous voir quittant vostre chambre si viste, Si vous ne pourrez-point trouver un liévre au giste⁎ Ou si quelque portrait d'un métail [296] peu commun, Sur le ventre du Suisse a fait passer quelqu'un, Qui puisse avecque⁎ vous lier [297] un teste-à-teste ? Ouy, car je doute enfin vous connoissant peu beste : Voyant vos yeux si guais [298], si brillans & si beaux, Que vous vouliez tirer vostre poudre aux moineaux [299]. Ce mouchoir⁎ bas & fait d'une dantelle claire, Ce sein plus découvert qu'il n'est à l'ordinaire, Ce bras qu'un gant trop court laisse voir à demy, Ce pied sur les talons trop hauts mal affermy. Ces petits moucherons [300] mis en diverse place, Dont vous sçavez si-bien parqueter [301] vostre face : Ces brocarts bigarez, & leur diversité, Ce tourne-broche [302] d'or qui vous pend au costé ; Ce fatras de rubans chargez de nompareilles⁎, Ces contre-poids [303] brillans pendus à vos oreilles, Cette coëffure en l'air, ce tas de cheveux blons, Dont les coins⁎ empoulez⁎ sont lardez⁎ de poinçons⁎, Et vos façons⁎ de plus en tout si peu communes, Font voir que tout cela n'est pas mis pour des prunes [304]. CLIMENNE. Ne voulez-vous songer qu'à me persecuter ? Et n'estre ingenieux [305] que pour me tourmenter ? La plus rare beauté veut que l'art la seconde, Il faut estre à la mode, ou renoncer au monde, Outre que je ne voy dans mon ajustement⁎, Rien que de fort modeste⁎, à parler franchement, Tout vous choque, & sur tout vous voulez me contraindre. LE BEAUCERON. Il est vray j'ay grand tort cousine de me plaindre. Je devois sans troubler tantost vostre entretien⁎ Avec ces deux Messieurs [306], passer sans dire rien Je devois avec eux pour flater vostre attente [307] Laisser agoniser vostre pudeur mourante, Et voir d'un œil tranquille, & plus commode enfin Un reste de vertu qui tiroit à la fin, Je croy que sur ce pied⁎ j'aurois l'heur⁎ de vous plaire, Mais on en diroit trop si je pouvois m'en taire, Je suis sur ce sujet difficile à ferrer [308], Et ne fais pas façon⁎ de vous le declarer. CLIMENNE. Des discours si picquans⁎ ont un peu trop de suite [309] ; Mais surquoy pouvez-vous censurer ma conduite ? Ay-je dans mes habits rien qu'on puisse blamer ? LE BEAUCERON. Non. CLIMENNE.         Rien dans mes discours qui vous doive alarmer⁎ ? LE BEAUCERON. Non. CLIMENNE.         Rien dans l'entretien⁎ contre la bien-seance ? LE BEAUCERON. Non. CLIMENNE.         Surquoy fondez-vous donc tant de défiance [310] ? LE BEAUCERON. Voyez vous les habits, les discours, l'entretien⁎ ; Cela c'est quelque chose, & si [311] cela n'est rien ; C'est vostre cœur qui donne entrée à la fleurette⁎ ; C'est entre cuir & chair [312] que vous estes coquette⁎ ; Et je voudrois enfin pour voir mes feux contens, Avec moins du dehors avoir plus du dedans. CLIMENNE. Je vous entens toûjours plaindre de quelque chose. LE BEAUCERON. Je trouve auprés de vous toûjours quelqu'un qui cause. CLIMENNE. Puis-je estre auprés des gens & ne leur dire mot ? LE BEAUCERON. Et puis-je l'endurer sans passer pour un sot⁎ ? CLIMENNE. La civilité veut… LE BEAUCERON.         Afin que sans surprise, L'amour de nostre Hymen face un Hymen de mise [313], Qui n'ait pour compagnon jamais le repentir, De mes infirmitez⁎ je veux vous advertir : Et vous pourrez conter là-dessus ; je vous ayme, Trop & trop peu, deux mots expliquent cet emblême⁎, Trop pour ne pas vouloir devenir vostre époux, Trop peu pour ne vouloir que la moitié de vous ; Et souffrir⁎, me donnant lors que je vous achette, Qu'une moitié se donne, & que l'autre se prette : Cette premiere regle est sans exception, Je tiens un peu beaucoup à mon opinion [314] ; Je ne me contrains guerre, & mesme je m'en picque⁎. Je suis souvent chagrin⁎, & quelquefois critique : Je suis vieux, ombrageux⁎, d'assez méchante⁎ humeur⁎ ; Si je ne suis pas beau, je ne fais point de peur : Mais naturellement j'ay de la deffiance [315], Beaucoup de jalousie, & peu de complaisance ; Enfin mon plus beau trait c'est quinze mille francs, Que je mange ou je bois, s'il me plaist tous les ans [316]. Cependant je pretens⁎ si l'Hymen en decide, Estre de vostre cœur seul pilote & seul guide : Que dans vostre entretien⁎ autre que moy n'ait part, Rendre vostre air⁎ cocquet⁎ un peu plus campagnart ; Et qu'en faveur des soins⁎ que j'ay pris à vous plaire, Vostre amour vagabond devienne cedentaire. Je veux vous tenir lieu de galand⁎, de mary ; D'Adonis [317], de Phœbus [318], de cher, de favory ; Que ce cœur soit à nous, & jamais ne permette ; Que quelqu'autre Apollon conduise ma brouëtte [319]. En peu de mots voilà matiere à decider, Vous verrez si cela vous peut accommoder, Et me direz tantost⁎ quelle est vostre pensée. CLIMENNE. Sans attendre… LE BEAUCERON.         Et cela n'est pas chose pressée ; Je n'ay pas le loisir [320]. CLIMENNE.     Mais… LE BEAUCERON. *la faisant rentrer* [321].         Mais c'en est assez, Vous me direz tantost⁎ ce que vous en pensez. M'en voila délivré, courons en diligence, Recevoir cet argent, mais cachons nostre absence, Je vais donner mon ordre, au Suisse sur ce point. Le voicy. ### SCENE VIII. LE BEAUCERON, LE BASQUE.*Vestu en Suisse* LE BASQUE. *dans l'entrée*.         Chyl tir toy party qui lentry point, Toy ly veut voir Montam chi lestre point un peste [322]. LE BEAUCERON. Qu'est-ce Canton de Berne [323]. LE BASQUE.         Il my rompre⁎ mon teste, Un Gascon pour lentrer jil jeter son chapiau, D'un cou de mon libarte au mitan⁎ di russiau⁎ [324]. LE BEAUCERON. Vous avez fort bien-fait…mais Suisse vostre fame, A ce que l'on m'a dit est preste à rendre l'ame. LE BASQUE. O point chi ly reviendre, un Monser Medeçain  Tir moy qu'il estre rien, qu'il moury que timain [325]. LE BEAUCERON. Le repy n'est pas grand, son sens froit [326] me fait rire, Ce n'est rien, un Monsieur Medecin vient de dire, Que ce n'est que demain que sa femme moura, Ah vous n'en estes pas plus emeu que cela ? LE BASQUE. O ly connestre pien Medicain [327]. LE BEAUCERON.         Une affaire M'oblige de sortir, il sera necessaire, Si quelqu'un me demande, après m'avoir cherché, De dire que je suis dans ma chambre empesché⁎, Mesme à ceux du logis, à moins que de me suivre [328]. LE BASQUE. Chil tir quil tormi vou pien fort & quil estre yvre [329]. LE BEAUCERON. J'aymerois mieux encor que l'on me creust dehors, Qu'yvre dans le logis, je crains bien si je sors, Que ce Suisse ingenu ne gaste⁎ le mystere [330], Je suis un peu pressé voicy ce qu'il faut faire, Je veux quoy que dehors, qu'on me croye [331] ceans⁎, Comme la lotterie attire bien des gens, Pour donner leur argent, il faut à tous leur dire, Que l'on n'en reçoit plus, que demain on la tire, Et pour les empescher de vous persecuter, Il faut ne point respondre & les laisser heurter. LE BASQUE. Ouy, Monser. LE BEAUCERON.         Et sur tout ne point ouvrir la porte, Jusques à mon retour à personne, il m'importe, Qu'on soit exact. LE BASQUE.         Sur fou party quil lentrera, Rien point d'aut que mon Maistre ou pien moy [332]… LE BEAUCERON.         Bon cela⁎, C'est assez & je sors aprés cette asseurance. il s'en va. LE BASQUE. *à part*. Il en tient [333]. LE BEAUCERON. *se retournant*.         Mais sur tout cachez bien mon absence. A tous ceux du logis. LE BASQUE.         O fou me lafre dit [334]. à part. Qu'il est duppe. LE BEAUCERON. *se retournant*.     Si… LE BASQUE.     Quoy Monser. LE BEAUCERON.         J'entens du bruit. Cela suffit je sors. LE BASQUE.         Chil louvre fou sty porte [335]. ### SCENE IX. BEATRIX. *seule*. Enfin il est dehors, que Belzebut l'emporte, Sans oublier quiconque en aura du soucy⁎, Je suis depuis une heure en sentinelle icy, Pour voir s'il sortiroit, combien il a de peine⁎, À sortir, mais allons avertir Climenne, Ne vois-je pas Leandre ? ### SCENE DERNIERE. LEANDRE, BEATRIX, LE BASQUE. BEATRIX.         Estiez- vous à l'affus ? Pour estre icy si-tost. LEANDRE.         Depuis une heure & plus, J'attendois sur le pas d'une porte voisine, Qu'il sortit. LE BASQUE.         L'on [336] n'a point éventé nostre mine [337]. LEANDRE. Mais quand reviendra-t-il, dis moy te l'a-t-il dit ? BEATRIX. Quoy qu'il face, il ne peut revenir qu'à la nuit, Oronte loge loin d'icy, quoy qu'il se presse… LEANDRE. Tant mieux, je vais donc voir ta charmante Maistresse. BEATRIX. Venez. LEANDRE. *à son valet*.         Mais souviens toy qu'il faut bien achever [338]. LE BASQUE. Vivez en repos. à Beatrix.     Toy… BEATRIX.         Je viens te retrouver. LE BASQUE. D'accort, & nous pourrons nous sentant de la Feste, Regler nostre entretien⁎ dessus leur teste à teste. ## ACTE IV. ### SCENE PREMIERE. LE GASCON. À la fin j'ay trouvé moyen d'entrer ceans⁎, La porte est à present ouverte à tous venans : Grace au Suisse qui dort & qui sans doute est yvre, C'est un fâcheux⁎ maraut⁎ dont le Ciel me delivre ; S'il n'estoit endormy j'aurois pû me venger, Ce cocquin m'a cent fois pensé faire enrager, Et des que je venois me montrer à la porte ; Me la fermoit au nez tres-rudement, n'importe ; Je la luy garde bonne [339], & devant⁎ qu'il soit peu, Nous conterons ensemble [340] & nous verrons beau jeu [341] ; Je sçay qu'il ne l'a fait que pour me faire niche [342] : Mais de coups de baston le Ciel m'a fait peu chiche. Où se sont donc fourrez tous les gens⁎ du logis, Mais n'apperçois-je pas Monsieur Martin ? ### SCENE II. LE GASCON, MARTIN. MARTIN.         *Quid vis* [343]. LE GASCON. Que vous parliez François [344] dites franc je vous prie, Quand pretend⁎-t-on ceans⁎ tirer la lotterie ? MARTIN. Cette affaire demande une uniformité, De candeur, de loisir & de sagacité. Un Auteur tres-sensé dit que l'exactitude, Se trouve rarement avec la promptitude. Le peuple cependant abordant à milliers [345], Et la foule causant des debats⁎ journaliers, Du contraste⁎, du bruit, d'autres choses fâcheuses⁎, Des altercations mesme contentieuses [346], Je suscrits aujourd'huy les boëttes de ma main, Et l'on pretend⁎ tirer les billets des demain. LE GASCON. Dieu me damne j'en suis au comble de la joye, Pour me mettre en repos⁎ je n'ay que cette voye, Comment à chaque jour je creve dans ma peau [347], J'ay toûjours aux talons quelque fâcheux⁎ nouveau, Après moy sans quartier [348] sans cesse quelqu'un crie, Et si l'on ne tiroit bien-tost la lotterie… MARTIN. Eh ! qu'importe à ces gens qu'on face cet effort ? LE GASCON. Comment diable qu'importe, il importe tres-fort, Les gens que je vous dis qui m'obsedent⁎ sans cesse, Sont six creanciers miens [349] ; comme chacun d'eux presse, Je me suis à la fin resolu d'assigner, Leurs debtes [350] sur les lots que je m'en vais gagner, Brûlant d'estre payez jugez s'il leur importe. MARTIN. Quoy vous croyez payer vos debtes de la sorte ? Et vos creanciers foux au supresme degré, Prennent pour hypotecque un lot mal assuré ? C'est vouloir les berner, depuis quand l'esperance, Pour payer des debets⁎ a-t-elle cours en France ? Si vous avez dessein de payer ces Messieurs, Croyez-moy cherchez leur un autre fons⁎ ailleurs. LE GASCON. Vous m'embarassez fort, à vostre lotterie, Feroit-on dites-moy quelque friponnerie ? MARTIN. Vous avez tort, Monsieur, d'avoir un tel soupçon. LE GASCON. Veut-on favoriser quelqu'un des gros lots ? MARTIN.         Non. LE GASCON. Comment donc tous ces lots que ceans⁎ on doit faire, N'est-ce pas de l'argent content [351] ? MARTIN.         La chose est claire, Mais il faut pour avoir les gros lots de ceans⁎, Les gagner. LE GASCON.         Cadedy⁎ c'est comme je l'entens, Je pretens⁎ du gros lot acquitter quatre debtes, Et le gagner s'entend [352] ; quelle mine⁎ vous faites. MARTIN. Je voy gagnant des lots que tout ira fort bien, Mais qui les payera si vous ne gagnez rien ? LE GASCON. Cela ne se peut pas, que diable allez vous dire ? MARTIN. Je croy que vous n'aurez pas grand sujet d'en rire. LE GASCON. Comment vous le croyez ? MARTIN.         Ouy je vous en repons⁎. LE GASCON. Je ne gagneray rien ? & bien nous le verrons : Je vous ay franchement dit toute mon affaire, Il me faut quatre lots tout au moins pour la faire, Si je ne gagne rien je pretens⁎…Vous verrez. Ne m'en prendre qu'à vous & vous m'en respondrez [353]. ### SCENE III. MARTIN. *seul*. À moy Monsieur à moy cet homme n'est pas sage, A-t-on jamais tenu de semblable langage ; S'il n'a pas quatre lots il s'en va prendre à moy, Il a perdu l'esprit, mais quelqu'un vient je croy : De peur que ce n'estoit quelque fou comme l'autre ; Sortons de cette chambre & montons dans la nostre. ### SCENE IV. LE BEAUCERON. *seul*. Ouy je suis pris pour duppe & voy la fausseté La boëtte est supposée⁎ & le cuistre⁎ aposté⁎ ; C'est un tour qu'on m'a fait j'ay receu chez Oronte ; Ma veritable boëtte & j'en ay pour mon conte [354] ; Et douze billets blancs me coûtent vingt Louys⁎ [355], J'en creve de despit ; numero vingt & six Est un enfant batart [356] de cette lotterie, Que l'on y desavoüe & que chacun descrie, Pouvois-je humainement me parer de tels coups, Ah ! que Paris abonde en fripons, en filous ; En batteurs de pavé⁎ de qui la metairie, Le revenu, le fonds⁎ consiste [357] en industrie⁎, Et qui n'ont ny rubans ny plumes ny colet⁎, Qu'au despens du tribut qu'ils doivent au gibet [358], Ce Monsieur de la Roche est un filou ; sans doute, Mais outre le chagrin de l'argent qui m'en couste, De peur d'estre berné [359] je n'ose m'en vanter ; Ah ce qui doit encor icy m'inquieter⁎ [360], Plus que le déplaisir d'une semblable perte, C'est d'avoir en entrant trouvé la porte ouverte : Le Suisse de son long sur son lit endormy, Peut-estre que quelqu'un l'a fermée à demy, En sortant du logis, ou c'est quelque mistere, Il est nuit & je veux me cacher & me taire. Si l'on me croit dehors j'en puis estre éclaircy, Et voir sans estre veu ce qui se passe icy : Quelqu'un vient écoutons. ### SCENE V. BEATRIX, LE BEAUCERON. BEATRIX.         Il est nuit l'heure presse, Et je croy qu'il est temps d'avertir ma maistresse ; Et nostre Beauceron pourroit bien revenir, Climenne avec Leandre a pû s'entretenir, Depuis qu'il est dehors ils n'ont bougé d'ensemble. LE BEAUCERON. *à part*. Quoy Leandre est ceans⁎ ? BEATRIX.         Quand un hazart assemble, Deux Amans⁎ que l'amour unit en mesme temps, Il se passe ma foy des momens bien plaisans : On cajole⁎ on badine, on ne songe qu'à plaire, L'œil devient plus brillant qu'il n'est à l'ordinaire : Un certain rouge au teint donne un nouvel esclat, On a de l'enjouëment le sang boust le cœur bat [361]. On s'entretient un temps puis on fait quelques pauses ; On se fait, on se dit mille sortes de choses : De mille plaisans mots on larde⁎ l'entretien⁎ ; Et sans le teste à teste enfin l'amour n'est rien. LE BEAUCERON. *à part*. La peste qu'elle en sçait. BEATRIX.         Je juge par moy-mesme, Du plaisir que l'on a d'estre avec ce qu'on aime ; Le Basque & moy voyïons tantost nos feux contens, Nous avons assez bien employé nostre temps. Enfin à sa maniere il me contoit sa peine, Il estoit mon Leandre & j'estois sa Climenne ; L'amour dans ce logis estoit pris au collet [362], Et je disois pour lors tel Maistre tel valet [363] ; C'est un plaisant garçon & pas un n'en approche, Qu'il a plaisemment fait le Monsieur de la roche. Et pour faire sortir d'icy le Beauceron, Qu'il a bien contrefait son visage & son ton : Les vingt Louïs⁎ en sont une assez bonne marque. LE BEAUCERON. *bas*. Ah ! masque⁎ c'est donc vous qui conduisez la barque [364]. BEATRIX. D'abort qu'il a trouvé numero vingt-&-six Il a crû bonnement que les trois cent Loüis⁎, L'attendoient tous contez [365], il est sorty sur l'heure, Comme nous l'esperions, il est bon ou je meure [366] ; On luy garde des lots [367] par ma foy ce magot⁎, Meriteroit d'avoir des cornes [368] pour son lot. LE BEAUCERON. *à part*. Advis au Lecteur [369]. BEATRIX.         Mais il doit sçavoir je pense, Que l'on l'a pris pour duppe & j'en ris par avance, Ce n'est qu'entre ses dents qu'on le verra pester, Il est trop glorieux [370] pour s'en venir vanter ; Je voudrois bien avoir le plaisir de l'entendre, Mais je ne vois venir Climenne ny Leandre ; Allons les separer dedans cet entretien⁎, Ils passeront la nuit si l'on ne leur dit rien. ### SCENE VI. LE BEAUCERON. *seul*. Ah ! ah ! chacun icy cajole⁎ à tour de roole, Leandre est seul auprés de Climene & le drôle⁎, Avec ceux du logis estoit donc du complot, Pour me faire acheter l'apparence d'un lot, Ah ! megere : ah ! serpent: ouy cette fine mouche, De l'honneur⁎ de Climenne est la pierre de touche [371], Et ne se deffend pas de garder le menteau [372] ; Pourveu que la traitresse ait sa part au gasteau, Maudite Beatrix peste d'une famille, Pernicieux [373] brûlot de l'honneur⁎ d'une fille⁎, Escüeil de sa pudeur c'est toy qui la seduis, Qui luy donne le jour un avant goust des nuits : Pour veiller dessus eux, je n'avois que le Suisse, Ils ont pour l'enyvrer employé l'artifice⁎, Et ce pauvre garçon estendu sur son lit, A semblé me vouloir dire qu'on me trahit. Il sembloit exhalant une vineuse haleine, S'excuser de sa faute & condamner Climenne ; Et vouloir en ronflant me dire à mon retour, Que malgré luy Bachus [374] a fait entrer l'amour : Ce Monsieur de la Roche est valet de Leandre, Il s'appelle le Basque & je le viens d'apprendre, Je ne le connois point mais je pretens⁎ ravoir [375]… Quelqu'un vient écoutons sans qu'on nous puisse voir. ### SCENE VII. LEANDRE, CLIMENNE, BEATRIX. LEANDRE. Faut-il nous separer ? que cet ordre est severe. BEATRIX. J'en demeure d'acort cela ne vous plaist guerre, Pour quitter ce qu'on ayme il n'est jamais trop tart, Cependant il est temps de faire bande à part. LEANDRE. Je vois bien qu'il me faut esloigner de Climenne, Mais souffre⁎ en la quittant que je flate⁎ ma peine, Laisse agir mon respect & ma flame en ce lieu, Jusqu'au dernier moment de ce funeste adieu : Le mortel déplaisir où cet adieu me plonge, Me fait envisager mon bon-heur comme un songe, Un demy jour a veu sa naissance & sa fin, Madame, & cet effet de mon mauvais destin : Me fait apprehender de me voir plus à plaindre, Qu'un brutal [376] dont l'ardeur s'éforce à vous contraindre, Et que je percerois plûtost de mille coups, Que de souffrir⁎ jamais qu'il devient [377] vostre espoux. LE BEAUCERON. *bas*. Ah ! le facheux⁎ rival. CLIMENNE.         Cette plainte m'offence, Et mon amour vous doit tenir lieu d'asseurance ; Ce cousin de nos coups n'a pû se garentir, Loin de s'en allarmer⁎ il faut s'en divertir, Flater⁎ en le joüant nostre ardeur mutuelle, Luy faire chaque jour quelque piece nouvelle, C'est un Provincial épais⁎ materiel⁎ [378], Qui duppe au dernier point se croit spirituel⁎. De tous autres enfin son humeur⁎ le discerne, Et de pareils lourdeaux meritent qu'on les berne. LE BEAUCERON. *bas*. C'est encor trop d'honneur, où m'estois-je fouré ? BEATRIX. Si j'y puis quelque chose il doit estre asseuré ; Que nous le bernerons de la bonne maniere, Et qu'à m'en divertir je seray la premiere. LE BEAUCERON. *bas*. Je me le tiens pour dit : LEANDRE.         Et le Basque je croy, Ne negligera pas ses soins⁎ non plus que moy, De ce que nous ferons vous serez advertie. LE BEAUCERON. *bas*. Vous faites pour le coup fort mal vostre partie⁎. CLIMENNE. Je connois vostre amour vous connoissez le mien, Il faut que nostre adieu borne nostre entretien⁎ : C'est perdre en vains discours les momens qui se passent, Separons nous, la nuit & mon devoir vous chassent LEANDRE. Quand nous reverrons-nous ? CLIMENNE.     Demain. LEANDRE.     Où ? CLIMENNE.         Dans ce lieu. BEATRIX. Vous le sçaurez du Basque. LEANDRE.     Adieu Madame. CLIMENNE.         Adieu. ### SCENE VIII. LE BEAUCERON. *seul*. J'en tiens [379], ils ont assez agité la matiere, Je suis pris pour un sot⁎ de plus d'une maniere [380], Je suis suffisamment esclaircy de leurs feux, Et je seray cocu des demain si je veux : Je n'ay qu'à l'espouser c'est une affaire faite, Cecy ne va pas mal [381], ah ! petite coquette⁎, Vous me donnez d'advance & ce cœur empaumé⁎ [382], Coupe le nœud d'Hymen avant qu'il soit formé : Sans craindre ny prevoir ma juste reprimande, Vous laissez fourager⁎ le pré que je marchande ; Et me croyez d'humeur⁎ à vous donner la main [383], Quand pour moy vostre honneur⁎ n'aura que du reguain [384], Et mon amour pour vous tiendroit encor pied-ferme ; Allez de la vertu vous n'estes qu'un faux germe, Vous n'estes de l'honneur⁎ qu'un indigne avorton : Et vous n'en connoissez tout au plus que le nom, Leur adresse & leurs soins⁎ ont enyvré le Suisse, Mais en voulant me nuire ils m'ont rendu service, Leandre sans cela n'eust pu se rendre icy, Et mon cœur de leurs feux n'eust pû s'estre éclaircy ; C'est dans cette maison le seul qui m'est fidelle, De l'ingenuité [385] c'est un parfait modelle ; Et pour ce Suisse enfin ma bonté se resout, Mais quelqu'un vient encor écoutons jusqu'au bout. ### SCENE IX. BEATRIX, LE BEAUCERON.*caché* BEATRIX. Basque. LE BEAUCERON.         C'est Beatrix elle appelle le Basque, Examinons-le avant que de lever le masque [386]. ### SCENE X. LE BEAUCERON, BEATRIX, LE BASQUE. LE BASQUE. *faisant des faux pas comme un homme qui a bû & tenant une lanterne*. Que veux-tu. BEATRIX.         Pour dormir prens tu pas bien ton temps ? Nostre bouru dans peu [387] doit se rendre ceans⁎, Il est dans ce moment prest à rentrer peut-estre. LE BASQUE. Qu'importe. LE BEAUCERON.         C'est le Suisse, ouy luy-mesme ! ah le traistre [388]. LE BASQUE. Par ma foy finissant tantost nostre entretien⁎, J'ay bû neuf ou dix coups qui m'ont fait bien du bien. LE BEAUCERON. Il parle bon François, ah ! ah Canton de Berne, Vous estes du complot aussi quand on me berne [389]. LE BASQUE. Qu'on vend dans ce quartier d'admirable sirot, BEATRIX. *jettant sa lanterne à bas*. Mais veux-tu me brider le nez [390] de ton falot. LE BASQUE. A trais frequens & longs j'ay vuidé trois bouteilles, Qui m'ont mort-bleu qui m'ont fait dormir à merveilles. BEATRIX. Et si pendant ce temps le cousin fust venu, Ou qu'il fut mesme entré sans que tu l'eusses veu. C'est une occasion [391] qui pourroit s'estre offerte, Et quelqu'un auroit pû laisser la porte ouverte. LE BASQUE. Ouy-da⁎ comme tu dis cela se pouvoit bien. Ta raison est fort bonne & mesme… Il n'en est rien. Laissons-là le passé dis moy donc. BEATRIX.     Qu'est-ce ? LE BASQUE.         Escoute. BEATRIX. Te voilà beau⁎ garçon [392]. LE BASQUE.     N'est-il pas vray. BEATRIX.         Sans doute. LE BEAUCERON. Que le cocquin est fou. LE BASQUE.         Faut-il encor long-temps, Faire soir & matin sentinelle ceans⁎. BEATRIX. Cela pourra cesser si le Ciel nous exauce. LE BASQUE. Ah ! le vilain Monsieur, que ce Monsieur de Beauce. Je me tromperois fort s'il n'estoit pas cornart. LE BEAUCERON. *bas*. Vous en aurez menty Suisse de Vaugirart [393]. BEATRIX. C'est assez raisonner ne bois de la soirée, Et tasche à ratraper ta raison égarée. Si le Beauceron vient ne luy dis que deux mots, Il vaut mieux en moins dire & parler à propos ; Jusques à son retour prens bien garde à la porte. Adieu. LE BASQUE.         Quoy tu voudrois me quitter de la sorte ? BEATRIX. Tes discours à present n'auront jamais de fin. LE BASQUE. Encor un petit mot : BEATRIX.         Ah ! que tu sens le vin. LE BASQUE. Que j'ayme à t'embrasser. BEATRIX.         Que je hais un yvrongne [394]. LE BASQUE. *la voulant embrasser*. Beatrix. BEATRIX. *se retirant, rentre* [395].     Laisse-moy. LE BASQUE. *tombe*.         Peste de la carogne⁎. A l'entendre on croirait ma foy que je suis sou, Je l'aimerois encor je serois un grand fou ; Tu me quittes je vais te rendre la pareille, Et ne veux desormais aymer que ma bouteille : Mais en nous retirant gardons de⁎ nous heurter. ### SCENE DERNIERE. LE BEAUCERON. *seul*. Tous sont d'inteligence⁎ & je n'en puis douter, A traficquer d'amour chacun icy s'exerce, Par de differens soins⁎ on fait mesme commerce⁎ : J'allois en l'épousant me coëffer [396] comme il faut, Ah mon honneur⁎ je pense alloit faire un beau saut [397] ; Et vous Suisse à deux mains [398] moule de plus d'un masque, Vous estes un fripon Monsieur l'Abbé le Basque : Qui diable eust jamais pu le voyant si naïf, Douter que ce maraut⁎ fut un Suisse effectif : Ou croire que Climenne auroit eu l'artifice⁎, D'introduire un valet de son galant⁎ pour Suisse ; Et moy qui m'y fiois j'ettois en bonne main, Ah ! je vais…Non mettons la partie à demain : Il est tart je pretens⁎ en évitant sa veuë⁎ ; Laisser jusqu'à ce temps rassoir ma bille [399] émeuë⁎ :  Et pour passer en paix le reste de la nuit, Je vais me retirer dans ma chambre sans bruit. ## ACTE V. ### SCENE PREMIERE. BEATRIX, LE BASQUE. BEATRIX. Quoy, tu voudrois encor soûtenir le contraire ? L'effronterie est grande & je ne puis m'en taire. LE BASQUE. Ouy, je te le soûtiens, il a couché dehors, Il n'est point revenu, j'en respons corps pour corps [400]. BEATRIX. Quoy nostre Beauceron est dehors ? LE BASQUE.         Ouy, luy-mesme. BEATRIX. Il n'est point rentré? LE BASQUE.     Non. BEATRIX.         L'impudence est extréme. LE BASQUE. Je gage contre toy que depuis hier [401] au soir… BEATRIX. L'obstiné ! je te dis que je le viens de voir : Qu'il est dans le jardin tout seul qui se promene, Et qu'il m'a demandé ce que faisoit Climenne. LE BASQUE. Aujourd'huy ? BEATRIX.         Ouy, depuis un cart-d'heure de temps. LE BASQUE. Tu l'as veu si tu veux ; mais il n'est pas ceans⁎, Car icy depuis hier il n'est entré personne, Quoy que cette raison peut seule estre fort bonne : J'adjouste pour parler cathegoriquement, Que je n'ay pas quitté la porte d'un moment, Que j'en ay toûjours eu la clef dedans ma poche, Qu'on ne peut justement m'en faire de reproche, Que ce fou que tu viens dis tu de rencontrer, Ne s'est pas seulement presenté pour entrer, Que tu m'en fais icy des plaintes inutiles, Et que s'il est entré c'est par dessus les tuilles, Tu peux dire à present tout ce que tu voudras. BEATRIX. *le menant par le bras vers le jardin*. Toûjours mesme chanson ? ma foy tu le verras, Ce n'est que par tes yeux que je veux te confondre : Le voicy qu'en dis tu. ### SCENE II. LE BEAUCERON, BEATRIX LE BASQUE. LE BASQUE. *le voyant*.         Je n'ay rien à respondre ; Je voy qu'il est entré, mais je ne sçay par où, Sans doute ce sera pendant que j'estois sou. LE BEAUCERON. Allez voir si Climenne à present est visible, Et luy dites en cas qu'elle soit accessible [402] : Que je veux luy parler, & voudrois bien sçavoir, S'il faut que je l'attende, ou si je l'iray voir ; Le Suisse y voulant aller. Je parle à Beatrix laissez-la faire Suisse. ### SCENE III. LE BEAUCERON, LE BASQUE. LE BASQUE. Chi ly veut moy tout jour rendre à vou bon service [403]. LE BEAUCERON. Eh je m'en doute bien, ah ! l'effronté cocquin [404] ! LE BASQUE. Chil tir quen tiri point sty lotry que timain. Tout que vous ly tir moy je lafre fait tout comme [405] ; LE BEAUCERON. Vous estes je le sçais un fort joly jeune-homme [406]. LE BASQUE. Lentry point dy Monser mon foy dans sty maison, Chil servir pien mon Maistre [407]. LE BEAUCERON.         Ouy, vous avez raison [408], Fort bien, fut-il jamais une telle insolence ! LE BASQUE. Chil servir tout jour vou di mesme [409]. LE BEAUCERON.         Je le pense, Il n'est pas mal-aisé je vous croy sans prier. LE BASQUE. Chy li fair moy… LE BEAUCERON.         Mort-bleu c'en est trop endurer, S'il ne se taist [410]… LE BASQUE.         Chil feut fair moy vou souvenance [411]. LE BEAUCERON. *luy donnant un soufflet*. Tiens de tant de babil voilà la recompense ? à part. C'est sur mes vingt Louys⁎ toûjours en rabatant [412]. LE BASQUE. O Monser. LE BEAUCERON.         Qu'on se taise ou j'en redonne autant, Mais je vois avancer Beatrix & Climenne. ### SCENE IV. LE BEAUCERON, CLIMENNE, LE BASQUE, BEATRIX. LE BEAUCERON. Je ne pretendois pas vous donner tant de peine⁎ : Mais puis que vous voilà, donnez nous deux fauteüils, au Suisse. Montrez-nous les talons [413]. à Beatrix ;         Et vous laissez-nous seuls. ### SCENE V. LE BEAUCERON, CLIMENNE LE BEAUCERON. LE BEAUCERON. Approchez-vous Climenne, & prenez vostre place, Je pretens⁎ vous parler, & vous voir face à face, De ce que je diray tâchez à profiter. CLIMENNE. Parlez, vous me voyez preste à vous écouter. LE BEAUCERON. Je ne sçay si mon air⁎ mon humeur⁎ ou ma mine⁎, Vous forcent à vouloir n'estre que ma cousine ; Ou si nature enfin ne m'a pas honoré, De prendre pour me faire un moule à vostre gré ; Si trop laid à vos yeux, ou trop vieux quoy que riche, De tendresse⁎ pour nous vostre cœur est né chiche, Ny mesme si j'en dois estre bien-aise⁎ ou non. CLIMENNE. Vous sçavez… LE BEAUCERON.         Taupe à tout [414], mais vous trouverez bon, Sans m'échaufer le sang, que plus franc que les autres, Après mes veritez je vous dise les vostres ; Et que dans ce discours me servant de ce droit, Nous nous voyions tous deux par nostre bel endroit [415] ; Estant vostre cousin, & presque à vous, je pense Pouvoir faire avec vous entiere confidence ; Et puis qu'enfin je puis ne vous déguiser rien, Vous estes une gueuse [416], & vous le sçavez bien, Quoy que dedans [417] mon lit je veüille vous admettre, Vous n'avez pas vallant [418] l'habit qu'on vous voit mettre, Et vous estes enfin mal-gré vostre cocquet [419], Aussi pauvre en bon sens comme riche en cacquet ; Vostre pere eust du bien, mais enfin vostre mere ; Pour payer ses galans⁎ ne se l'épargna guere, Car vous n'ignorez pas qu'elle écoutoit⁎ un peu, Et que sur ce chapitre elle a joüé beau jeu [420] ; Que cent fois sur ce point il eut bruit⁎ avec elle, Qu'avant que de mourir il en avoit dans l'aîle [421], Et que ce cher cousin plein d'un juste soupçon, Doutoit que vous fussiez mesme de sa façon [422]. Que plusieurs soûtenoient, & donnoient mesme preuve, Qu'encore qu' [423]il fust mort elle n'estoit pas veuve : Que l'amour seul avoit l'un & l'autre [424] enroolé, Et que jamais l'Hymen ne s'en estoit mélé. Je pourrois croire enfin qu'un cœur pour nous de glace, A l'exemple d'autruy pourroit chasser de race [425], Ou craindre avec raison que l'on ne le surprit⁎ [426] : Ce scrupule pouvoit m'embarrasser l'esprit, Cependant, éblouy⁎ d'une lumiere fauce, Mon cœur pour se donner vient du fond de la Beauce ; J'abandonne pour vous sans me faire prier, Le soin de mes dindons, & de mon colombier : Pour me donner à vous, je renonce à l'hommage, Qu'un Paysan naïf me rend dans mon village ; Le desir de vous voir, sacrifie à l'amour, Mes vaches, mes moutons, toute ma basse-cour, Chery dans le païs, respecté comme un Prince, Et plus noble dix fois qu'aucun de la Province, Riche, propre⁎, galand⁎, bien-fait, adroit-à-tout ; À me voir vostre époux ma bonté se resout ; En vain pour l'empescher quelqu'un veut s'entremettre, Rien ne peut m'ébranler, & ma flame vient mettre, D'un noble Beauceron le cœur à vos genoux, C'estoit beaucoup pour moy, ce n'estoit rien pour vous : Vous sçavez bien de plus nostre chere cousine, Que depuis quatre mois la noblesse voisine, M'a mille fois parlé d'une rare beauté [427], Au diable l'un que j'ay seulement écouté ; Ce n'estoit rien encor, je sçavois par avance, Qu'à toute heure aux galands⁎ vous donniez audience [428] ; Qu'avec eux vous estiez toûjours je ne sçais où, Que tantost à Boulogne, & tantost à saint Clou [429] : Ou pour courir ailleurs vous estiez preste & prompte, Que vous en receviez des presens à bon compte [430], Qu'un certain Chevalier vous fit long-temps la cour, Qu'il vous rendoit visite au moins trois fois par jour : Qu'aprés vous aviez fait une nouvelle intrigue⁎, Avec un Financier moins puissant que prodigue, A force de Louys⁎ dans vostre cœur placé, Qui depuis…Mais enfin laissons-là le passé ; C'estoient d'honnestes⁎ gens, ils estoient pleins de flâme, Le Financier est mort, Dieu veüille avoir son ame. Quoy que tant de raisons deussent me rebuter, Je me flattois⁎ toûjours de vous decocqueter [431] : De rendre vostre humeur⁎ à mon humeur⁎ conforme, D'introduire chez-vous doucement la reforme, Pour en venir à bout je n'ay rien negligé, En argus [432] prés de vous je me suis erigé, Pour vous plaire, & pouvoir vous détacher du reste, J'ay fait de la dépense & je me suis fait leste⁎. J'ay voulu vous donner un espoux sans défaut, Acheter vostre cœur dix fois plus qu'il ne vaut : Vous rendre de mes soins⁎ le témoin oculaire, Voilà ce que j'ay fait, en voicy le salaire ; Esperant sous l'Hymen vous aymer but à but⁎, Vous m'avez pretendu donner un substitut [433] : Mittonner⁎ un galand⁎, qui rendit par sa ligue, Nostre Hymen compatible avec un peu d'intrigue⁎ ; Et dont l'ardeur enfin secondant vos desirs, Peut [434] doubler vostre espoux ainsi que vos plaisirs. Ma presence troublant vostre galanterie⁎, Vous avez de concert⁎ fait une lotterie, Afin que vostre cœur pour l'amant adoucy, Peût avoir un pretexte à l'introduire icy. Puis poussant contre moy plus avant l'artifice⁎, D'un Basque son valet, vous avez fait un Suisse, Vos pieges dans lesquels je suis presque tombé, L'ont mis de Basque en Suisse, & de Suisse en Abbé ; Et vous avez enfin employant toutes choses, Comme les Dieux deffunts fait des Metamorphoses. Par ce cuistre⁎ aposté⁎ me prenant pour un sot, Vous m'avez fait courir aprés l'ombre d'un lot, Cependant que tous deux ayans l'amour pour guide, Riez de ma sottise & preniez le solide [435] : Vous m'avez de concert⁎ avec cet imposteur, Escroqué vingt Louys⁎ qui me tiennent au cœur : Par un fourbe qui n'a que vos feux pour resource, Vous avez fait porter cette botte [436] à ma bource, Et m'avez fait enfin sans mesme balancer⁎, Payer le violon [437] qui vous faisoit dancer. A-t-on jamais parlé de trahisons si noires ! Parlez & dites-moy si j'ay de bons memoires [438], Et si je puis de vous m'estre informé sans fruit [439]. CLIMENNE. Je ne sçais qui vous peut avoir si bien instruit : Mais vous deviez enfin donner moins de creance⁎, Aux bruits que contre moy seme la médisance ; Et faire en ma faveur ce que j'ay fait pour vous, Sur tout si vous songez à vous voir mon époux : Quand de vos ennemis la langue médisante, M'a dit que vous estiez le fils d'une servante, Que vostre pere avoit depuis plus de quinze ans : Que vous en aviez dix pour le moins dans le temps, Qu'avec elle il voulut contracter mariage, Je ne vous en ay pas méprisé davantage. De ces traits, quoy que vrais je vous défendois bien, Et je disois par tout que je n'en croyois rien ; Je pouvois esperer de vous la mesme chose, Vous ne l'avez pas fait, mon mal-heur en est cause ; Passons au grand effort que vous faites pour moy, Vostre cœur dites-vous me destinant sa foy⁎, Esblouy⁎ de l'éclat d'une lumiere fauce, Pour se rendre à Paris vient du fond de la Beauce : Abandonne pour moy sans se faire prier, Le soin de ses dindons & de son colombier, Certes l'effort est grand, & je suis une beste, Je me devois aller jetter à vostre teste : Chercher à travers champs un époux au hazart, Deterrer dans la Beauce un singe campagnart ; Et prendre pour épous errante [440] à l'adventure, Quelque brute qui n'eust d'homme que la figure⁎. J'en conviens, mais enfin les filles à Paris Ne sont pas à ce point avides de maris ; Je viens à ces grands biens que sans cesse on me vante, Les quinze mille francs que vous avez de rente, Sont-ils en font⁎ de terre, on sçait tout vostre bien, Pour six ou sept d'accort, pour quinze il n'en est rien ; Les huit ou neuf de plus ne sont qu'une chimere, Que pour vous faire honneur vostre esprit vous rend chere : Car comme sur ce point mille gens nous ont dit : Enquoy consistent-ils ? parlez ? LE BEAUCERON.         En fonds⁎ d'esprit, Le voilà le tresor portatif que personne Ne vous sçauroit oster, que le Ciel seul nous donne : Qu'on doit plus que ses biens priser⁎ avec raison ; Et qu'on peut… CLIMENNE.         En ce cas vostre conte [441] est fort bon ; Vous vous plaigniez dequoy j'ay souffert compagnie⁎ : Sans la societé dequoy nous sert la vie ? Ce plaisir innocent m'a toûjours semblé doux ; Mais personne n'en a si mal jugé que vous ; Nostre sexe à mon sens deviendroit fort à plaindre, S'il falloit qu'un critique eust droit de nous contraindre ; Et qu'un nombre de sots dont il est en tout temps, Nous privast du plaisir de voir d'honnestes⁎ gens ; Ce seroit approuvant cette belle maxime, De l'orgeüil des censeurs se faire la victime ; Faire avec son repos⁎ un divorce ennuyeux, Et se sacrifier [442] à la peur qu'on a d'eux. Aussi malgré l'effort qu'a fait la médisance, Ses traits n'ont eu sur vous qu'une foible puissance ; Et n'ont pû jusqu'icy dégageant vostre foy⁎, Vous oster le desir de vous donner à moy ; Ce sont là tous vos soins⁎ ; à l'égard du salaire, Qu'ils ont eu, je pretens⁎ aussi vous satisfaire. Tandis que vostre amour cherche à se signaler, Leandre, car c'est luy dont vous voulez parler, Avec moy de concert⁎, employe [443] l'artifice⁎, Pour me voir, je l'écoute à vostre prejudice, S'estonne-t-on aprés les soins⁎ qu'il m'a rendus, S'il le mérite mieux que je l'estime plus [444], Il est respectueux, vous estes brusque & sombre, Leandre a du bon sens, vous n'en avez que l'ombre ; Il est discret soûmis, vous estes fier chocquant⁎, Il sent⁎ son noble, & vous vostre homme de neant [445] : On le prend aux habits dont il pare sa taille, Pour un homme du temps, vous pour une anticaille, S'il n'a pas tant de bien ce n'est pas un défaut ; Qui détruise… LE BEAUCERON. *se levant*.         En voilà tout autant qu'il en faut, Treve de paralelle, ainsi nostre cousine Vous aymeriez donc mieux vostre idole⁎ blondine ? CLIMENNE. Il est vray je l'écoute, & j'approuve son feu, Je l'ayme, & je veux bien vous en faire l'aveu. LE BEAUCERON. Je vais puis qu'à ce point sa flame vous est chere, En dire sur le champ deux mots à vostre mere, Luy conter vos amours, luy vanter vostre choix, Et j'espere devant⁎ qu'il soit trois fois les Rois [446] : Qu'il en sera parlé, donnez vous patience [447]. ### SCENE VI. CLIMENNE. *seule*. On va tout exiger de mon obeyssance, Et l'on va me forcer…Ah Beatrix sçais-tu ?…. ### SCENE VII. BEATRIX, CLIMENNE. BEATRIX. Je sçay tout comme vous car j'ay tout entendu. CLIMENNE. Enfin mon mal-heur veut que je perde Leandre, Au nom de mon époux il ne peut plus pretendre : Ma mere, & ce cousin, qui me veut malgré moy, Par de nouveaux sermens vont engager ma foy⁎, Il y court, & tu viens d'entendre sa menace. BEATRIX. Je me mocquerois bien d'eux deux en vostre place : Ouy, je me lasserois d'avoir les bras liez, Une fois [448] c'est pour vous que vous vous mariez [449], Vostre mere le veut, on me la baille belle [450], S'il est tant à son gré que ne l'espouse-t-elle. CLIMENNE. Mais pour t'en dispenser qu'est-ce que tu ferois. BEATRIX. En quatre mots voilà ce que je luy dirois, Qu'on me laisse en repos⁎, je n'ayme que Leandre, Je hais le Beauceron, qu'il s'aille faire pendre. ### SCENE VIII. CLIMENNE, BEATRIX LE BASQUE. LE BASQUE. Mon Maistre… CLIMENNE.     Que veut-il ? LE BASQUE.         Me fait vous demander, S'il peut vous venir voir. CLIMENNE.         Dis luy qu'il peut entrer. ### SCENE IX. CLIMENNE, BEATRIX. CLIMENNE. En vain j'empescherois son amour de parestre, C'est la derniere fois qu'il me verra peut estre ; Le plus severe honneur⁎ peut permettre en ce jour, De donner ce dernier moment à nostre amour. ### SCENE X. LEANDRE, CLIMENNE, LE BASQUE BEATRIX. CLIMENNE. Rien ne peut plus flater⁎ ma flame ny la vostre, Leandre, pour espoux on m'en destine un autre : Ce cousin pretent⁎ l'estre ; il sçait tout aujourd'huy, Ce que nous avons fait pour nous & contre luy, Ce sont des trahisons qu'il nomme sans exemples, Aprés m'en avoir fait des reproches fort amples, Et m'avoir de vos feux fait faire un libre aveu, Il est rentré disant que devant⁎ qu'il soit peu, Il en sera parlé, qu'il alloit voir ma mere, Vous sçavez ce qu'il faut helas ! que j'en espere. LEANDRE. Quel revers si soudain que je n'ay pu prevoir, Peut en si peu de temps destruire tant d'espoir ? Mon mal-heur à mes feux incessamment s'oppose. LE BASQUE. J'ay bien veu des tantost⁎ qu'il sçavoit quelque chose. Et j'en aurois jurez. LEANDRE.         Par qui l'as tu donc sceu ? LE BASQUE. Par un fort grand soufflet Monsieur que j'ay receu, J'ay bien veu qu'il cherchoit à me faire querelle. LEANDRE. Si pour vous à ce point vostre mere est cruelle, Et s'obstine à vouloir vous donner cet espoux, Que ferez-vous Madame, helas vous tairez-vous ? CLIMENNE. Vous sçavez à quel point ma mere est absoluë⁎, Il faudra l'espouser si la chose est concluë. LEANDRE. Quoy jusqu'à cet effort vostre cœur peut aller ? On ose vous contraindre & vous n'osez parler ? Madame, & tout l'espoir qui flatoit⁎ ma constance, Doit se voir aujourd'huy détruit par ce silence ? Ah ! puique vostre amour est si foible pour moy, Faites ce Campagnart⁎ Maistre de vostre foy⁎, Du nom de vostre espoux favorisez un autre, Mon amour aussi bien est trop grand pour le vostre. Adieu vous me voyez pour la derniere fois, Obeyssez Madame, & faites vostre choix. ### SCENE XI. LE BEAUCERON, LEANDRE LE BASQUE, BEATRIX CLIMENNE. LE BEAUCERON*. en habit de Campagne* [451]. Leandre, revenez, parlons de vostre flame, à Climenne. Vous aymez ce Monsieur, vous vous aymez Madame, Il vous ayme beaucoup, vous en estes chery, Si le cœur vous en dit vous serez son mary ; Sa mere ayant appris vostre ardeur mutuelle, Veut bien que vous soyez l'espoux de cette belle ; Et pour moy qui m'estois chargé de ce soucy⁎, De peur d'estre cocu je le veux bien aussi. Je ne me picque⁎ pas d'estre à ce point commode, Pour Monsieur qui pretent⁎ toûjours estre à la mode [452], Il peut tenter fortune [453], & je le tiens bien fin, S'il s'en sauve. LEANDRE.     Je crains peu ce danger, LE BEAUCERON.         Enfin, Quoy que vous en disiez elle en est la Maistresse. LEANDRE. Quel bon-heur⁎ aujourd'huy vous rend à ma tendresse⁎ ? Mais enfin quel motif vous fait changer d'habits. LE BEAUCERON. C'est Monsieur que je vais partir pour mon pays ; J'ay conceu pour Paris une haine mortelle, Et mon front vient icy de l'eschapper trop belle [454], Je fuis ce maudit lieu de cocquettes⁎ farcy, Et ne suis plus si sot que de rester icy : Les filles à Paris sont pour nous trop sçavantes⁎, Il faut des gens galans⁎, pour des filles⁎ galantes⁎, Et je m'en tiens au nœud de consanguinité ; Je vais dire au pays comme l'on m'a traité ; Et je me trompe fort quoy qu'il sente de flame [455], Si jamais Beauceron vient icy prendre femme. CHAMPAGNE. Vostre cheval Monsieur, & vostre postillon, Sont là bas. LE BEAUCERON.     Serviteur [456]. LEANDRE.         Comment c'est tout de bon⁎ ? Quoy vous ne verriez pas ce qu'amour nous destine ? LE BEAUCERON. Non je vous en repons⁎ ; jusqu'au revoir [457] cousine. ### SCENE DERNIERE. LEANDRE, CLIMENNE, LE BASQUE BEATRIX. LEANDRE. *aprés avoir ry*. Allons voir vostre mere. CLIMENNE.         Et le reste du jour, Puis qu'elle veut enfin approuver nostre amour, Nous pourrons, empeschant que le peuple ne crie, Par divertissement tirer la Lotterie. LEANDRE. Et quand de nostre amour l'Hymen sera le prix, Il faudra marier [458] le Basque & Beatrix. # Glossaire.Absolu« Sans condition, sans réserve » (F.).V. 1617Admirer« Regarder avec estonnement quelque chose de surprenant ou dont on ignore les causes » (F.).V. 524, 867Littré précise qu'il peut s'employer « par critique ou par ironie en parlant de ce qui paraît excessif, étrange ». V. 524Aguerir (s')« Se rendre habile en sa profession » (F.).V. 739AirMine, physionomie, traits du visage.V. 154, 342, 964, 1381« Maniere d'agir, de parler, de vivre, soit en bonne, ou en mauvaise part » (F.).V. 21, 154, 964, 1381Aise (être bien)Se réjouir.V. 788, 1387Ajustement« Ornement, parure » (F.).V. 911AlarmerSe dit tant au propre qu'au figuré au sens de « donner ou prendre l'alarme » (F.). L'« alarme » désigne « toutes sortes d'appréhensions bien ou mal fondées » (F.).V. 261, 271, 305, 1220Amant« Celui ou celle qui aime avec passion une personne d'un autre sexe » (A, 1762).Nom des acteurs, v. 1139Aposter« Attitrer quelqu'un, le mettre en avant pour espier, tromper et surprendre quelqu'un » (F.).V. 1108, 1479Appartement« Portion d'un grand logis où une personne loge ou peut loger separément d'avec une autre » (F.).V. 362Apprivoiser (s')« Se rendre familier avec quelqu'un. On dit par reproche à un homme qui prend quelques libertés, surtout avec les femmes, Vous vous *apprivoisez* bientost » (F.).V. 113ArtificeRuse, déguisement, mauvaise finesse.V. 243, 431, 496, 1190, 1317, 1473, 1553Aussi bienD'ailleurs, dans le fait, au reste.V. 613AvecqueDoublet poétique de *avec*. Cette forme est « bonne » selon Vaugelas (*Remarques sur la Langue française*, 1647), « commode aux poètes », et même aux prosateurs qui ont « quelque soin de satisfaire l'oreille ». Elle s'emploie jusqu'à la fin du siècle.V. 314, 359, 715, 889Aveu« Protection, ordre ou consentement donné » (F.).DédicaceAvis« Conseil » (L.).V. 27, 721« En termes de Palais, se dit de certains arrestés ou deliberations de ceux qui sont commis par des superieurs pour examiner une affaire, ou des faits dont ils ne peuvent être esclaircis autrement » (F.).V. 770Aviser (s')« S'imaginer quelque chose, …, s'appliquer à trouver, à inventer quelque chose pour quelque fin » (A, 1884).V. 251BalancerHésiter.V. 1487BassinGrand plat creux. « Bassin » s'applique aussi aux « grands plats à mettre sur la table pour y servir des viandes, ou des fruits en pyramide, et plusieurs assiettes de divers mets » (F.).V. 622Batteur de pavéFilou, fainéant.V. 1117Beau« Se dit souvent par ironie et familièrement, dans un sens fort contraire à sa signification propre » (A, 1884).V. 203, 216, 420, 484, 1286Blondin« On appelle blondins les jeunes galants qui font les beaux, parce qu'ils portent d'ordinaire les perruques blondes » (A, 94).V. 340Bon celaFormule d'approbation.V. 1012Bon-heur« Hasard » (F.).Dédicace, v. 867, 1642« Événement heureux, chance favorable » (A, 1932).Bruit« Querelle, confusion » (F.).V. 1405But à butD'une manière égale, à égalité.V. 1463Cadedy« Jurement qu'on met habituellement dans la bouche des Gascons » (L.). Le terme est formé à partir de *cap*, tête, et de *dis*, Dieu. V. 1088CajolerEmployer des paroles caressantes pour plaire à quelqu'un. Furetière précise qu'il se dit en particulier « à l'égard des femmes et des filles, auxquelles on fait l'amour (c'est-à-dire, que l'on courtise), et dont on tâche de surprendre les faveurs à force de leur dire des douceurs et des flatteries ».V. 1141, 1177Campagnart« Celuy qui vit noblement à la campagne, qui n'a point hanté la Cour, ni le beau monde des villes » (F.).Dédicace, v. 112, 1624CarogneTerme injurieux signifiant « femme hargneuse, méchante femme » (L.). Il est souvent utilisé dans les comédies par les hommes, en particulier les maris.V. 457, 1302Céans« Terme démonstratif du lieu où on est » (F.).V. 248, 446, 795, 878, 1003, 1035, 1050, 1085, 1087, 1138, 1268, 1288, 1336Chagrin« Qui, sans cause précise, est d'une humeur ordinairement fâcheuse » (A, 1932).V. 954Chambre« Membre du logis, partie d'un appartement. C'est ordinairement le lieu où on couche, et où on reçoit compagnie » (F.).V. 408Chocquant« Qui offence » (F.).V. 143, 1559CivilHonnête et raisonnable.V. 440, 843Cocquet, ette« Qui est galant, qui se picque de se faire aimer » (F.), qui cherche à plaire.V. 147, 934, 964Cocquette« Dame qui tâche de gagner l'amour des hommes …. Les *coquettes* tâchent d'engager les hommes, et ne veulent point s'engager » (F.).V. 448, 1246, 1647Coins« Ce sont des cheveux postiches, que les hommes mettent pour faire paroistre leurs cheveux plus longs ; et que les femmes portoient autrefois pour retrousser et enfler leurs coeffures » (F.).V. 904Colet« Partie de l'habillement, qui joint le cou, qui se met autour du cou » (F.).V. 752, 1119Comédie« Se prend généralement pour toutes sortes de pièces de théâtre » (A, 94).V. 407CommerceToute fréquentation, toute liaison, tout rapport social. Le mot peut être pris en mauvaise part au sens de liaison illégitime.V. 1310Compagnie« Petit nombre d'amis assemblez dans un lieu pour s'entretenir, pour se divertir, pour se visiter » (F.).V. 39, 47, 408, 1533Compere« Ne tarde pas à désigner, par déviation péjorative, un homme galant, et qui aime à s'amuser » (C.).V. 320ConcertPréparation collective d'un projet, d'une entreprise, d'un complot. « De concert » signifie « d'intelligence, en accord ».V. 588, 593, 1470, 1483, 1553ConnoistreReconnaître.V. 95, 101, 246, 873Contraste« Contestation, contrariété de sentiments » (F.).V. 1057Cotte« Partie du vestement des femmes, qui s'attache à leur ceinture, et qui descend jusqu'en bas » (F.).V. 645Couvert, adv.« Caché, à l'abri, en seureté. Il a mis à *couvert* tout son bien » (F.).V. 587CreanceCroyance.V. 1493Cuistre« Valet de Pedants, ou de Prestres, ou de gens de Collège, qui leur sert à faire cuire leur viande » (F.). Par extension, « pédant encrassé » (L.).V. 762, 771, 1108, 1479Da« Particule qui se joint à l'adverbe *oui* … et donne plus de force à l'affirmation » (L.). Richelet spécifie qu'elle n'est utilisée que « dans le stile le plus-simple, ou dans la conversation familiere ».V. 1283Debat« Contestation, altercation » (A, 1932).V. 1056DebetSynonyme de « débit ».V. 1078Défaite« Excuse, eschapatoire. Ce valet est un rusé menteur, qui a toûjours une *deffaite* en poche » (F.).V. 448Défrayer« Payer la despense faite par quelqu'un au lieu de luy » (F.).V. 596Denier« Intérêt d'une somme principale » (A, 1884).V. 566Despens« Terme de procédure, frais que la partie qui perd doit payer à la partie qui gagne » (L.).Privilège, v. 662DevantAvant. « Devant qu'il soit peu » équivaut à « avant peu de temps ».V. 1043, 1572, 1604Docteur« Qui a passé par l'examen et par tous les degrez d'une Faculté, et qui a le pouvoir d'enseigner une science et de la pratiquer » (F.)V. 537DoubleTrès petite monnaie.V. 565Drille« Fantassin, soldat à pied. Il ne se disait guère que par raillerie ». « Un bon drille » est « un bon compagnon » (L.).V. 404Drôle« Bon compagnon, homme de débauche prest à tout faire, plaisant et gaillard » (F.).V. 82, 280, 304, 421, 1178Éblouir« Tromper, surprendre l'esprit et les sens par de fausses raisons, de fausses lumieres » (F.).V. 1417, 1509Éclater« Se dit figurément de ce qui se manifeste tout à coup, après avoir été quelque temps caché » (A, 1884), « se decouvrir » (F.).V. 265, 271Écouter« Se laisser persuader, se rendre à quelque raison. Cette femme commence à e*scouter* les cageolleries, les offres de ses amants, elle sera bientost perduë » (F.).V. 1403ÉcuPièce de monnaie valant trois francs.V. 628Embarras« Encombrement, ensemble d'obstacles inextricables » (C.).V. 204, 219, 358, 366, 501, 655Emblême« Espece d'énigme en tableau, qui en représentant quelque histoire connuë avec quelques paroles au bas, nous apprend quelque moralité, ou nous donne quelque autre connoissance » (F.). Le terme désigne, par extension, une formule énigmatique, sibylline.V. 946Émouvoir« Esbransler pour mettre en mouvement » (F.).V. 1322EmpaumerTerme de jeu de paume, « recevoir la balle … dans la paume de la main ou en pleine raquette » (L.), « serrer avec la main » (F.). Il réalise l'idée figurée, « se rendre maistre de l'esprit de quelqu'un » (F.).V. 15, 1247EmpeschéEmbarrassé, occupé.V. 996EmpouléEnflé.V. 904EntendreComprendre.V. 135, 223, 226, 287, 419, 420, 422, 461, 535EntretienConversation.V. 663, 915, 929, 963, 1034, 1147, 1175, 1271Épais« Lourd, pesant, grossier » (L.).V. 1223Équipage« Manière dont une personne est vêtue » (L.), habit.V. 20ÉvelierVariante graphique de « éveillé », « qui a de la vivacité dans le ton et de la liberté dans les manières » (L.). « On dit, qu'*Une femme est fort éveillée*, pour dire, qu'Elle est un peu coquette. … Il se prend aussi quelquefois subst. *C'est un éveillé* » (A, 1718).V. 81Évenement« Issuë, succès bon ou mauvais de quelque chose » (F.).V. 317Facheux, euse« Qui donne du déplaisir, de la peine » (A, 1932).V. 809, 1038, 1057, 1217Fâcheux« Un importun, un homme odieux et qui déplaît » (F.).V. 1064Façon« Difficultés qu'une personne fait de se déterminer à quelque chose » (A, 1932).V. 383« Maniere d'agir » (F.), « se dit également, au pluriel, des manières propres à une personne, de ses actions, de ses procédés » (A, 1932).V. 905« Manière cérémonieuse et gênante de témoigner ses égards, sa politesse, sa circonspection, sa retenue » (A, 1932).V. 14, 78, 924Fait« Se dit de ce qui est propre, convenable. Voilà vostre vray *fait*, ce qu'il vous faut » (F.).V. 392FatSot, impertinent.V. 659Figure« Forme extérieure d'un corps, d'un être » (A, 1932).V. 1518Fille« Se dit par opposition à femme mariée » (L.).V. 446, 1186, 1650Flandrin« Homme grand et fluet » (L.).V. 632Flater« Adoucir le sentiment d'une peine par des pensées consolantes » (A, 1884), donner de l'espoir, « causer une vive satisfaction » (L.).V. 272, 273, 290, 698, 711, 1206, 1221, 1452, 1597, 1621Fleurette« Ne se dit qu'au figuré de certains petits ornements du langage, et des termes doucereux dont on se sert ordinairement pour cajeoller les femmes » (F.).V. 148, 488, 933Folle« Nom qu'on donnait autrefois aux femmes de mauvaise vie, aux courtisanes » (L.).V. 680FondsLe sol d'un champ, d'une terre, d'un domaine.V. 1523Somme d'argent plus ou moins considérable destinée à quelque usage.V. 82, 83, 549, 557, 1080, 1118Ressources d'ordre intellectuel ou moral.V. 1528FortuneDestin, sort.V. 710Fourager« Ravager, désoler, piller, ruiner un pays, y mettre tout en désordre » (F.).V. 1250Foy« Serment, parole qu'on donne de faire quelque chose, et qu'on promet d'executer » (F.).V. 265, 1508, 1547, 1580, 1624Fracas« Bruit qu'on fait dans le monde » (L).V. 158Friquet« Jeune galant fort mince qui n'a que du caquet et de l'affeterie, et rien de solide » (F.).V. 760FureurSe dit « de toutes les passions qui nous font agir avec de grands emportements » (F.).V. 172Galand, ante (adj.)« Vif, plein de grâce alerte, de souplesse de corps et d'esprit ; distingué, élégant, de belles manières » (C.).Dédicace, v. 1427« Empressé à s'amuser, avec nuance défavorable, en parlant spécialement des plaisirs de l'amour ; ami des bonnes fortunes, des intrigues amoureuses » (C.).V. 142, 144, 1650GalandPrétendant, amoureux, « amant qui se donne tout entier au service d'une maistresse » (F.). Vaugelas (1647) dit que « galant » peut désigner « un amant favorisé ». V. 100, 333, 367, 447, 883, 967, 1318, 1402, 1438, 1465« Homme qui a l'air de la Cour, les manières agreables, qui tâche à plaire, et particulierement au beau sexe » (F.).V. 158, 367Homme « habile, adroit, dangereux » (F.).V. 100Galanterie« Commerce amoureux » (L.).V. 1469Garde magazin« Marchandises qui se vendent difficilement » (L.).V. 648Garder dePrendre garde de, éviter de.V. 441, 1307Gaster« Ruiner, destruire » (F.). Par atténuation, il prend le sens de « compromettre, gêner ».V. 115, 1001Generosité« Grandeur d'âme, de courage, magnanimité, bravoure, libéralité » (F.).DédicaceGens« Domestiques d'un même maistre » (F.).V. 62, 589, 602, 1047Giste« En termes de Chasse, … lieu où le lievre retourne toûjours. Il faut attendre le lievre au *giste* » (F.).V. 886Hardaut« Garçon » (Huguet).V. 217Heur« Bonne fortune, chance heureuse » (L.). V. 921HeureuxChanceux.V. 840Honneste« Ce qui merite de l'estime, de la loüange, à cause qu'il est raisonnable, selon les bonnes mœurs. Il ne faut hanter que d'*honnestes* gens » (F.).V. 1449, 1540Honneur« Considération, estime dont on jouit », « bien moral, sentiment qu'on a de sa dignité ». Dans le *Dictionnaire historique de la langue française*, Alain Rey fait le départ entre l'« honneur » d'un homme, qui est « la réputation liée au comportement de sa femme » (v. 114, 130, 1312) et l'« honneur » d'une femme, qui désigne « la réputation attachée au caractère irréprochable de ses mœurs » (v. 114, 1182, 1186, 1252, 1595).V. 114, 130, 1182, 1186, 1252, 1255, 1312, 1595HumeurCaractère, au point de vue moral, « naturel » (R.). « Etre d'humeur » à signifie « être d'un tempérament à ».V. 142, 199, 955, 1225, 1251, 1381, 1453Idole« Personne qui n'a point d'esprit, qui n'a point de paroles, d'action, … qui paroist insensible comme une statuë » (F.).V. 1566IndustrieHabileté, expédient.V. 1118Infirmité« Foiblesse » (F.).V. 944Inquieter« Chagriner l'esprit, luy donner de la peine » (F.), ôter le repos.V. 1124Intelligence (être d')« S'entendre avec, avoir concert avec » (L.).V. 608, 1308Intrigue« Commerce secret de galanterie » (L.).V. 1445, 1466JargonTerme familier, « langage vicieux et corrompu du peuple, de paysans qu'on a de la peine à entendre » (F.).V. 93« Se dit aussi par extension en parlant des Langues mortes ou estrangères que nous n'entendons pas » (F.).V. 225, 279, 675LarderAu sens propre, « mettre des lardons dans la viande ». Les exemples, mentionnés par Littré, « larder quelqu'un de coups d'épée, larder ses écrits de citations », mettent en évidence l'acception figurée du verbe.V. 904, 1147LesteÉlégant.V. 1458LouysPièce d'or qui vaut douze livres ou francs.V. 836, 837, 861, 1111, 1161, 1164, 1371, 1447, 1484MagotAu propre, « gros singe ». Au figuré, il se dit « des hommes difformes, laids comme sont les singes, des hommes mal bastis (F.). Il peut également désigner un homme « sot, ridicule ». V. 1, 1167Maltostier« Celuy qui exige des droits qui ne sont point deus, ou qui sont imposez sans autorité legitime » (F.).V. 50Manie« Emportement et desreglement de l'esprit » (F.).V. 184Maraut« Terme injurieux qui se dit des gueux, des coquins qui n'ont ni bien ni honneur, qui sont capables de faire toutes sortes de laschetez » (F.), injure très fréquente dans les comédies. V. 745, 1038, 1316Masque« Terme familier d'injure dont on se sert quelquefois pour qualifier une jeune fille, une femme » (L.).V. 1162Materiel « Massif, grossier. On dit aussi d'un homme sans esprit, ou qui est fort attaché à ses sens, qu'il est fort *materiel* » (F.).V. 1223MâtinAu propre, « gros chien de cuisine, ou de basse-cour ». Au figuré, il « se dit aussi des hommes grossiers, mal bastis de corps, ou d'esprit (F.)V. 21Méchant« Mauvais, qui est despourveu de bonnes qualitez » (F.).V. 228, 955« Qui est contre la raison, les loix, les bonnes mœurs » (F.).V. 397« Fanfaron, dangereux » (F.).V. 228Medaille« Se dit … des personnes vieilles et laides, et des figures ou bustes qui les représentent » (F.). Par extension, le terme signifie « tête, visage ».V. 24MénagerÉconome.V. 198Mine« Physionomie, disposition de corps et sur tout du visage, qui fait juger en quelque façon l'Intérieur par l'extérieur » (F.).V. 154, 229, 332, 1090, 1381Mitan« Vieux mot qui signifie le milieu d'une chose » (F.).V. 984Mittonner« Caresser, choyer une personne, la traiter favorablement, pour gagner ou pour conserver ses bonnes graces » (F.).V. 1465ModesteEn parlant des choses, qui est conforme à la pudeur, à la bienséance.V. 912Mouchoir (de col)« Linge garni ordinairement de dentelles exquises, dont les Dames se servent pour cacher et pour parer leur gorge » (F.).V. 893Mutin« Qui se revolte contre l'autorité légitime » (F.), opiniâtre, querelleur.V. 225, 369, 492Nompareille« Se dit en plusieurs arts pour exprimer ce qui y est de plus petit …. Chez les Marchands, c'est le ruban le moins large » (F.).V. 901Obseder« Se dit originairement des Demons qui sans entrer dans le corps d'une personne, la tourmentent et l'assiegent au dehors » (F.). Par métaphore, il signifie « se rendre maistre de l'esprit ou de la maison d'une personne, empescher les autres d'en approcher. » (F.)V. 39, 702« Importuner quelqu'un par son assiduité, par ses demandes ». (F.).V. 1069Officieux« Prompt à rendre service, office, courtoisie » (F.).V. 843Ombrageux« On le dit ordinairement au figuré … des hommes qui ont des soupçons, des deffiances, des ombrages malfondez » (F.).V. 955Partie« Somme d'argent qui est due » (A, 94).V. 612« Se dit aussi en mauvaise part, d'un complot qu'on fait pour assassiner, pour perdre quelqu'un, pour le ruiner » (F.).V. 1234Passion« Tout désir violent ou inclination qui nous donne de l'affection pour quelque chose. » (F.).V. 109« Chaleur avec laquelle on fait quelque chose » (F.).DédicacePayer« Récompenser, reconnaître » (A, 1884).V. 155Pedant« Celuy qui fait un mauvais usage des sciences, qui les corrompt et altere, qui les tourne mal, qui fait de méchantes critiques et observations » (F.).V. 809Peine« Obstacle, difficulté » (F.).V. 175, 1021, 1374PicquantQui choque l'esprit.V. 925Picquer (se)Se vanter, avoir des prétentions.V. 953, 1637PiedMesure de longueur qui vaut douze pouces (0,324 m).V. 395Pied-platRustre, paysan qui a des souliers tout unis (et non des talons hauts comme en portent l'aristocratie et les gens de Cour), homme qui ne mérite aucune considération.V. 3PistoleMonnaie d'or qui vaut dix livres.V. 67, 427Plaindre« Employer, donner avec répugnance, à regret, d'une manière insuffisante. *Se plaindre une chose*, s'en passer par avarice » (A, 1884).V. 3Poinçon« Joyau dont les femmes se servent pour parer leur teste et pour arranger leurs cheveux en se coiffant » (F.).V. 904Point« Certains ouvrages de broderie ou de tapisserie à l'aiguille, distingués les uns des autres par le déterminatif qui accompagne le mot point. … Point d'Angleterre» (L.). Le « point Venitien » est une « dentelle à l'aiguille, probablement originaire de Venise, caractérisée par des dessins à rinceaux en fort relief » (TLF).V. 162, 621Poulet-d'indeJeune dindon.V. 9Presse« Foule de peuple qui veut entrer en un lieu qui ne le peut pas contenir commodément » (F.).V. 359PretendreVouloir, « avoir intention, avoir dessein » (A, 1884).V. 32, 242, 368, 449, 518, 521, 529, 530, 707, 845, 961, 1050, 1060, 1089, 1099, 1199, 1321, 1378, 1550, 1599« Soutenir affirmativement, être persuadé » (A, 1884).V. 133, 154, 354, 1638PriserEstimer.V. 1531PropreConvenable dans la tenue, bien ajusté, élégant.V. 1427Protestant« Amant qui fait à une Dame des offres de service et d'amour et qui luy promet fidelité » (F.). Terme passablement démodé au sens de « prétendant ».V. 460Public« Le général des citoyens, ou des hommes » ( F.).V. 196, 517, 553, 569, 637Remettre (se)Se rappeler.V. 19Repos« Quiétude d'esprit, calme de l'âme » (L.).V. 497, 1062, 1543, 1589RespondreGarantir. « Je vous en réponds » se dit pour « affirmer davantage une chose » (L.).V. 300, 545, 1095, 1658RompreHarceler, tarabuster. « Un Juge a la tête bien *rompuë* de sollicitations, il en est bien importuné » (F.).V. 982Ruisseau« Eau qui coule au milieu ou sur les deux côtés de la chaussée d'une rue » (L.).V. 984SçavantBien informé, bien instruit de quelque chose. « Cette jeune fille est trop savante, est bien savante, elle sait des choses qu'elle devrait ignorer » (L.).V. 1649Sentiment« Avis, opinion » (R.).V. 192Sentir« Avoir les qualités, l'air, l'apparence, indiquer, dénoter » (L.).V. 24, 1560Serrer« Enfermer, arranger, mettre à couvert, en lieu seur » (F).V. 174, 817Sexe« Absolument parlant, se dit des femmes. C'est un homme qui aime le *sexe*, c'est à dire, les femmes » (F.).V. 123SoinsAu pluriel, « services qu'on rend à quelqu'un, attentions qu'on a pour lui » (L.).V. 44, 115, 797, 820, 965, 1232, 1257, 1310, 1461, 1549, 1555SotS'employait souvent comme substitut de cocu.V. 940, 1242SoucyChagrin, inquiétude d'esprit.V. 1019, 1635SouffrirPermettre, tolérer.V. 51, 272, 302, 475, 949, 1206, 1216SpirituelIngénieux.V. 1224Sujet « Cause, occasion, fondement » (F.).DédicaceSupposer« Mettre une chose à la place d'une autre par fraude et tromperie » (F.).V. 530, 1108Supputer« Calculer, examiner par les règles d'Arithmetique, en adjoustant, soustrayant, multipliant, ou divisant » (F.).V. 514Sur ce piedÀ ces conditions, les choses étant ainsi.V. 513, 921SurprendreTromper.V. 1415Suscription« Signature au bas d'une lettre, d'un acte » (F.).V. 815TantostIl y a quelques instants.V. 844, 1610Bientôt, tout à l'heure.V. 856, 973, 976Tendresse« Sensibilité du cœur et de l'âme … ce mot signifie le plus souvent *amour* » (F.).V. 55, 717, 1386, 1642Touchant« Concernant, sur le sujet de » (A, 1884).V. 26, 582Tout à l'heureAussitôt, tout de suite, sur le champ.V. 372Tout de bon« Sérieusement, sans jeu ni fiction » (L.).V. 490, 1656TrainSe dit de « l'équipage ou de la suite d'un chef de famille, d'un Seigneur » (F.).V. 20TransportTrouble ou agitation de l'âme par la violence des passions.V. 854Veuë« Rencontre » (F.).V. 1321Visage« Se prend quelquefois pour la personne entière » (F.), spécialement au sens de « sot, fat, misérable », quand on le dit en colère.V. 19 # Bibliographie. ## Éditions du texte.Le Gentilhomme de Beauce Le Gentilhomme de Beauce Les Œuvres de Montfleury Les Œuvres de Montfleury Les Œuvres de Montfleury Théâtre de messieurs de Montfleury, père et fils Théâtre de messieurs de Montfleury, père et fils ## Outils de travail. ### Dictionnaires de langue de l'époque.*Furetiere*Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et les arts *Richelet*Dictionnaire françois contenant les mots et les choses ### Autres dictionnaires.*Académie Française*Dictionnaire *Académie Française*Dictionnaire *Académie Française*Dictionnaire*ème* *Académie Française*Dictionnaire*e* *Cayrou*Dictionnaire du français classique. Lexique de la langue du XVII*e* siècle *Huguet*Dictionnaire de la langue française du seizième siècle *Littré*Dictionnaire de la langue française *Rey*Dictionnaire historique de la langue française Trésor de la Langue Française ### Ouvrages de syntaxe.*Fournier*Grammaire du français classique *Haase*Syntaxe française du XVII*e* siècle*e* *Sancier**Château*Introduction à la langue du XVII*e* siècle ### Ouvrages encyclopédiques.*Grimal*Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine *Moreri*Le Grand Dictionnaire historique *Mourre*Dictionnaire encyclopédique d'Histoire ### Ouvrages bibliographiques.*Cioranescu*Bibliographie de la Littérature française du dix-septième siècle *Klapp*Bibliographie der französischen Literatur-Wissenschaft ## Comédies du XVII*e* siècle.*Boursault*La Satire des satires *Claveret*L'Écuyer ou Les faux nobles mis au billon *Corneille*La Comtesse d'orgueil *Donneau De Visé*Les Intrigues de la loterie *Molière*Œuvres complètes Théâtre du XVII*e* siècle ## Textes critiques. ### Ouvrages généraux sur la période.*Adam*Histoire de la littérature française du XVII*e* siècle *Babeau*La Vie militaire sous l'ancien régime Les soldats *Bluche*Dictionnaire du Grand Siècle *Gaiffe*L'Envers du grand siècle *Mongrédien*La Vie quotidienne sous Louis XVI *Vaissiere*Gentilshommes campagnards de l'ancienne France ### Textes antérieurs à 1900 sur le théâtre et la comédie.*Chappuzeau*Le Théâtre François *Clement**La Porte*Anecdotes dramatiques *Fournel*Le Théâtre au XVII*e* siècle. La Comédie*ie* *Fournel*Les Contemporains de Molière *Geoffroy*Cours de littérature dramatique *Godefroy*Histoire de la littérature française au XVII*e* siècle *La Mesnardière*La Poétique *La Porte*L'Observateur littéraire *La Porte*Dictionnaire dramatique *Lemaitre*La Comédie après Molière et le théâtre de Dancourt*ie* Le Mercure galant Le théâtre et l'opéra vus par les gazetiers Robinet et Laurent : 1670-1678 *Parfaict*Histoire du théâtre françois depuis son origine jusqu'à présent *Petit De Julleville*Histoire de la langue et de la littérature française des origines à 1900*e* ### Ouvrages contemporains sur le théâtre et la comédie.*Abou**Ghazala*Spectacles et divertissements à la Cour de France 1661-1680 *Corvin*Lire la comédie *Deierkauf**Holsbœr*L'Histoire de la mise en scène dans le théâtre français à Paris de 1600 à 1673 *Deierkauf**Holsbœr*Le Théâtre de l'Hôtel de BourgogneLe Théâtre de la troupe royale *Forestier*Esthétique de l'identité dans le théâtre français (1580-1680), Le déguisement et ses avatars *Guichemerre*La Comédie avant Molière 1640-1660 *Guichemerre*La Comédie classique en France : de Jodelle à Beaumarchais *Lancaster*A History of French Dramatic Literature in the Seventeenth Century *Larthomas*Le langage dramatique, sa nature, ses procédés *Lyonnet*Dictionnaire des comédiens français (ceux d'hier) *Mongrédien*Dictionnaire biographique des comédiens français du XVII*e* siècle *Scherer*La Dramaturgie classique en France *Voltz*La Comédie ### Textes sur Montfleury.*Bernardin*Revue des Cours et Conférences *Forman*Édition critique ded'Antoine Jacob Montfleury *Gazier*Revue des Cours et Conférences *Montfleury* Chef-d'œuvres de Montfleury *Rohr*Leben und dramatische Werke des älteren und des jüngeren Montfleury *Truchet*Le Mary sans femmeRevue d'Histoire Littéraire de la France ------- [1] On trouve souvent la date de 1640 pour la naissance d'Antoine-Jacob Montfleury, mais Walter Rohr constate que dans un acte de baptême, est noté : « le 22 septembre 1639 (fut baptisé) Antoine Jacob, fils de Zacharie Jacob, Comédien du Roy, et de Jeanne de la Chappe, sa femme » (Walter Rohr, *Leben und dramatische Werke des älteren und des jüngeren Montfleury*, 1911, p. 23). [2] Victor Fournel, *Les Contemporains de Molière*, 1967, t. I, p. 213. [3] N.-M. Bernardin, « Le théâtre de Montfleury. “La Femme juge et partie” », *Revue des Cours et Conférences*, 1902, p. 81. [4] Edward Forman, *Édition critique de* Le Mary sans Femme *d'Antoine Jacob de Montfleury*, 1985, Introduction, p. XI. [5] La *lingua franca* est employée couramment dans les ports méditerranéens depuis plusieurs siècles. Furetière la définit comme un « jargon qu'on parle sur la Mer Mediterranée, composé du François, Italien, Espagnol et autres langues, qui s'entend par tous les Matelots et Marchands de quelque nation qu'ils soient » (*Dictionnaire universel*, 1690). [6] Jacques Truchet, *Revue d'Histoire Littéraire de la France*, nov-déc 1987, p. 1102. [7] *Le Mercure galant*, août 1705, p. 326. [8] Julien-Louis Geoffroy, *Cours de littérature dramatique*, 1819, t. I, p. 474. [9] Victor Fournel,* Les Contemporains de Molière*, 1967, t. I, p. 215-216. [10] Jules Lemaitre, *La Comédie après Molière et le théâtre de Dancourt*, 1882, p. 39. [11] *Théâtre de Messieurs de Montfleury père et fils*, 1739, t. I, p. 35. [12] *La Femme juge et partie* est inspirée d'une pièce de Sebastian de Villaciosa et Juan de Zabaleta et *La Fille capitaine*, d'une comédie de Diego et José Figuerosa y Cordoba. [13] Roger Guichemerre, *La Comédie classique en France : de Jodelle à Beaumarchais*, 1978, p. 68-69. [14] *Ibid.*, p. 65. [15] Antoine Adam, *Histoire de la littérature française du XVII*e* siècle*, 1997, t. II, p. 821. [16] Robinet mentionna en effet la représentation dans une lettre à Monsieur, datant du 16 août 1670. Il précisa par une note en marge que le « *Gentil-Homme de Beausse* » cité dans sa lettre était la « Pièce du S*r* de Montfleury à l'Hôtel » (*Le théâtre et l'opéra vus par les gazetiers Robinet et Laurent : 1670-1678*, 1993, p. 41). [17] Edward Forman, *Édition critique de* Le Mary sans Femme *d'Antoine Jacob de Montfleury*, 1985, Introduction, p. IV. [18] *Théâtre de Messieurs de Montfleury père et fils*, 1739, t. I, p. 29. Une lettre de Du Lorens, datant du 13 septembre, attesta ce fait. [19] Georges Villiers, 2*e* duc de Buckingham (1628-1687). [20] Traités conclus entre la France et l'Angleterre. En contrepartie d'une aide militaire et financière, l'Angleterre s'engageait à déclarer la guerre aux Provinces-Unies et à soutenir les droits éventuels de Louis XIV à la succession d'Espagne. [21] Abbas Ismaïl Abou-Ghazala, *Spectacles et divertissements à la Cour de France 1661-1680*, 1988, p. 441. [22] *Ibid.*, p. 442 (extrait de *La Gazette*, n° 112, 19 septembre 1670). [23] *Le théâtre et l'opéra vus par les gazetiers Robinet et Laurent : 1670-1678*, 1993, p. 42-43. [24] *Ibid*., p. 48. Une note précise : « Comédie: terme général, ou comédie spécifique? Impossible à trancher. Mais en tout cas nous n'avons pas identifié de pièce jouée à Versailles par la troupe de l'Hôtel de Bourgogne à cette époque. Peut-être s'agit-il du *Gentilhomme de la Beauce* de Montfleury, la création la plus récente de cette compagnie ». [25] Nanteuil (Denis Clerselier, dit) naquit vers 1650. Il était originaire de la région de Meaux et peut-être de Nanteuil même, dont il aurait pris le nom. Il devint comédien et en 1673, il appartint à la troupe du duc de Brunswick et de Lunebourg. [26] Henry Carrington Lancaster, *A History of French Dramatic Literature in the Seventeenth Century*, 1929-1942, part III, t. II, p. 819. [27] Sophie Wilma Deierkauf-Holsbœr, *Le Théâtre de l'Hôtel de Bourgogne*, 1970, t. II, p. 141. [28] *Ibid*., t. II, p. 141. [29] Henry Lyonnet, *Dictionnaire des comédiens français (ceux d'hier)*, t. I, p. 110. [30] *Ibid*., t. I, p. 234. [31] *Ibid*., t. I, p. 305. [32] *Ibid*., t. II, p. 537. [33] *Ibid*., t. II, p. 262. [34] *Les Œuvres de Montfleury*, 1735, t. I. La gravure précède la page de titre. [35] Henry Carrington Lancaster, *A History of French Dramatic Literature in the Seventeenth Century*, part III, t. II, 1929-1942, p. 824. [36] Walter Rohr, *Leben und dramatische Werke des älteren und des jüngeren Montfleury*, 1911, p. 89. [37] *Le théâtre et l'opéra vus par les gazetiers Robinet et Laurent : 1670-1678*, 1993, p. 41. [38] Walter Rohr, *Leben und dramatische Werke des älteren und des jüngeren Montfleury*, 1911, p. 89. [39] Louis Petit de Julleville, *Histoire de la langue et de la littérature française des origines à 1900*, 1897, t. V, p. 66. [40] Victor Fournel, *Le Théâtre au XVII*e* siècle. La Comédie*, 1892, p. 262. [41] Molière, *Monsieur de Pourceaugnac*, Acte I, scène 1. [42] *Ibid*., Acte I, scène 1. [43] *Le Gentilhomme de Beauce*, Acte IV, scène 7, v. 1229. [44] *Ibid*., Acte III, scène 5, v. 783-786. [45] Molière, *Monsieur de Pourceaugnac*, Acte I, scène 4. [46] *Ibid*., Acte II, scène 3. [47] *Le Gentilhomme de Beauce*, Acte III, scène 5. [48] Molière, *Monsieur de Pourceaugnac*, Acte III, scène 5. [49] Dom Brusquin, dans *Le Mari sans femme*, est qualifié par « ce Dom bourru » (v. 700) et Bernadille dans *La Femme juge et partie*, est désigné par « ce vieux bourru » (v. 9). [50] La Mesnardière, *La Poétique*, 1640, p. 38. [51] Félix Gaiffe, *L'Envers du grand siècle*, 1924, p. 209 (citation de l'abbé Boileau, *De l'Abus des Nudités de gorge*, 1675). [52] Montfleury, *La Femme juge et partie*, Acte I, scène 2, v. 158-160. [53] Molière, *Le Misanthrope*, Acte II, scène 1, v. 528. [54] *Ibid*., Acte I, scène 1, v. 234. [55] *Le Gentilhomme de Beauce*, Acte I, scène 4, v. 196-198. [56] *Le Gentilhomme de Beauce*, Acte V, scène 10, v. 1611-1612. [57] *Ibid*., Acte IV, v. 1133, 1200 et 1264. [58] *Le Gentilhomme de Beauce*, Acte II, scène 3, v. 454, 457 et 458. [59] *Ibid*., v. 413, 425, 685, 687, 980 et 1011. [60] Boursault, *La Satire des satires*, 1669, scène II. [61] Molière, *Monsieur de Pourceaugnac*, Acte III, scène 3. [62] *Le Gentilhomme de Beauce*, Acte III, scène 7, v. 885-886. [63] *Ibid*., Acte III, scène 5, v. 799-801. [64] Furetière, *Dictionnaire universel*, 1690. [65] *Le Gentilhomme de Beauce*, Acte V, scène 5, v. 1377, 1381, 1430-1432, 1437 et 1462. [66] Racine, *Britannicus*, Acte IV, scène 2, v. 1115, 1117, 1136-1138, 1143 et 1196. [67] *Le Gentilhomme de Beauce*, Acte I, scène 4, v. 473-476. Nous soulignons. [68] *Ibid*., v. 385, 730 et 772. [69] Georges Forestier, *Esthétique de l'identité dans le théâtre français (1580-1680), Le déguisement et ses avatars*, 1988, p. 151. [70] *Ibid*., p. 306. [71] *Ibid*., p. 165. [72] *Le Gentilhomme de Beauce*, Acte IV, v. 1131, 1243 et 1260. [73] Molière, *Monsieur de Pourceaugnac*, Acte I, scène 3. [74] *Le Gentilhomme de Beauce*, Acte V, scène 11, v. 1649-1650. [75] Molière, *L'École des femmes*, Acte III, scène 3, v. 820. [76] Molière, *Le Misanthrope*, Acte III, scène 4, v. 890. [77] *Le Gentilhomme de Beauce*, Acte II, scène 5, v. 550, 581, 582, 587 et 588. [78] *Ibid*., Acte II, scène 5, v. 558, 563, 589, 593, 597 et 607. [79] *Le Gentilhomme de Beauce*, Acte II, scène 5, v. 565, 584, 591 et 597. [80] *Ibid*., Acte II, scène 5, v. 797, 819-820 et 853. [81] Montfleury, *Trigaudin*, 1705, Acte I, scène 5, p. 284. [82] Molière, *Le Misanthrope*, Acte I, scène 1, v. 43-46. [83] *Le Gentilhomme de Beauce*, Acte II, scène 5, v. 791. [84] Thomas Corneille, *La Comtesse d'orgueil*, 1671, Acte II, scène 3, p. 29. [85] *Le Gentilhomme de Beauce*, Acte III, scène 5, v. 790, 791, 793-794, 795 et 796. [86] Henry Carrington Lancaster, *A History of French Dramatic Literature in the Seventeenth Century*, 1929-1942, part III, t. II, p. 822. [87] *Ibid*., p. 821-822. [88] Roger Guichemerre, *La Comédie classique en France : de Jodelle à Beaumarchais*, 1978, p. 68. [89] Walter Rohr, *Leben und dramatische Werke des älteren und des jüngeren Montfleury*, 1911, p. 86 et Henry Carrington Lancaster, *A History of French Dramatic Literature in the Seventeenth Century*, 1929-1942, part III, t. II, p. 819. [90] *Embarras* apparaît aux v. 204, 358, 366, 501 et 655. [91] Donneau de Visé, *Les Intrigues de la loterie*, 1670, Acte I, scène 2. [92] *Le Gentilhomme de Beauce*, Acte IV, scène 2, v. 1091-1093. [93] Donneau de Visé, *Les Intrigues de la loterie*, 1670, Acte II, scène 1. [94] Donneau de Visé, *Les Intrigues de la loterie*, 1670, Acte I, scène 11. [95] Gaston Cayrou, *Le Français classique. Lexique de la langue du dix-septième siècle*, 1948, p. 318. [96] I*bid*., p. 318. [97] Furetière, *Dictionnaire universel*, 1690. [98] Joseph de La Porte, *Dictionnaire dramatique*, 1776, t. II , p. 10. [99] Champagne : Région orientale du Bassin parisien ; Brie : Région de l'Est du Bassin parisien. [100] Furetière, *Dictionnaire universel*, 1690. [101] François Bluche, *Dictionnaire du Grand Siècle*, 1990, p. 1271. [102] *Le Gentilhomme de Beauce*, Acte V, scène 5, v. 1513-1520. [103] *Le Gentilhomme de Beauce*, Acte IV, scène 7, v. 1223 et *Monsieur de Pourceaugnac*, Acte I, scène 2. [104] *Le Gentilhomme de Beauce*, Acte III, scène 8, v. 1016 et *Monsieur de Pourceaugnac*, Acte III, scène 5. [105] Molière, *Monsieur de Pourceaugnac*, Acte I, scène 4. [106] Molière, *Monsieur de Pourceaugnac*, Acte I, scène 2. [107] Molière, *Œuvres complètes*, 1983, t. II, p. 1397. Ce costume grotesque se composait ainsi : « haut-de-chausses de damas rouge, garni de dentelle, un justaucorps de velours bleu, garni d'or faux, un ceinturon à frange, des jarretières vertes, un chapeau gris garni d'une plume verte, l'écharpe de taffetas vert, une paire de gants, une jupe … de taffetas vert garni de dentelle et un manteau de taffetas aurore, une paire de souliers ». [108] François Bluche, *Dictionnaire du Grand Siècle*, 1990, p. 699. [109] *Le Gentilhomme de Beauce*, Acte IV, scène 1, v. 1043-1044. [110] *Le Gentilhomme de Beauce*, Acte I, scène 4, v. 226-229. [111] Boursault, *La Satire des satires*, 1669, scène 2. [112] *Ibid*., scène 2. [113] Molière, *Monsieur de Pourceaugnac*, Acte II, scène 10. [114] *Ibid*., Acte II, scène 4. [115] *Le Gentilhomme de Beauce*, Acte I, scènes 2 et 3. [116] *Ibid*., Acte II, scènes 2-4 et acte III, scène 5. [117] Pierre de Vaissière, *Gentilshommes campagnards de l'Ancienne France*, 1986, p. 262. [118] *Ibid*., p. 4. Pierre de Vaissière constate de fait que « la noblesse de France, si une, si compacte au XVI*e* siècle, se trouve aux siècles suivants irrémédiablement divisée en deux classes … : la classe de ceux qui vivent dans l'entourage du souverain, qui se poussent dans les emplois de sa maison, les grades de ses armées, le corps de ses fonctionnaires, c'est la noblesse de cour ; la classe de ceux qui, de leur plein gré quelquefois, mas le plus souvent contraints et forcés, continuent à vivre chez eux, au fond des provinces, dans le château de leurs pères, c'est la noblesse campagnarde ». [119] La pièce fut représentée sur la scène de l'Hôtel de Bourgogne, à la fin de 1661 ou dans les premiers mois de 1662. [120] Pierre de Vaissière, *Gentilshommes campagnards de l'Ancienne France*, 1986, p. 298. [121] *Le Gentilhomme de Beauce*, v. 131, 959 et 1427. [122] Furetière, *Dictionnaire universel*, 1690. [123] *Le Gentilhomme de Beauce*, v. 1111, 1122, 1371 et 1484. [124] Montfleury a dédicacé* Le Gentilhomme de Beauce* à trois frères, les princes de Brunswick et de Lunebourg, qui furent longtemps les protecteurs et bienfaiteurs d'une partie de sa famille. Il s'agit de Georges-Guillaume de Brunswick-Celle (1624-1705), d'Ernest-Auguste de Brunswick-Lunebourg (1629-1698) et de Jean-Frédéric de Brunswick-Kalenberg, dont nous ne connaissons pas les dates. Les ducs de Brunswick-Lunebourg entretiennent une troupe française « que le grand nombre et le merite des personnes qui la composent rendent tres acomplie, et en estat de pouvoir parêtre avec gloire en quelque lieu que ce fust. Elle execute parfaitement bien toutes les pieces les plus difficiles, soit dans le Serieux, soit dans le Comique » (Samuel Chappuzeau, *Le Théâtre françois*, 1875, p. 138). La troupe existe dès 1668 et elle comprend en 1673 Nanteuil ; Lecoq et sa femme ; Lavoy et sa femme ; M*lle* de La Mettrie ; Bruneval ; Pierre Bonnœil ; Boncourt et sa femme ; M*lle* Bénard. Était-ce par cette troupe que Montfleury désirait voir sa pièce jouée en Allemagne ? [125] *Beauce* : « Nom propre d'une Province de France qui est entre Paris et Orléans » (F.). [126] Montfleury fait allusion à la représentation du *Gentilhomme de Beauce* qui eut lieu à Versailles le 6 septembre 1670, en présence du roi et du duc de Buckingham. [127] Comprendre : Je ne puis m'empêcher de rendre justice à mon zèle. [128] *Rentrer en soi-même* : « Faire réflexion sur soi-même » (A, 1884). [129] Dans l'édition originale, on trouve « & les biens-faits que vous avez tous si genereusement répandus sur une partie de nostre famille, & vous ont tellement acquis l'autre ». Il faut supprimer la conjonction de coordination *&* pour que la syntaxe de la phrase soit correcte : « biens-faits » est en effet le sujet de « ont acquis ». [130] *C'est pour son nez* : « Prov. et pop., *Ce n'est pas pour son nez*, La chose dont il s'agit ne lui est pas destinée. … On dit ironiquement, dans le même sens, *C'est pour son nez* » (A, 1884). [131] Comme le souligne Gaston Cayrou (*Le Français classique. Lexique de la langue du XVII*e* siècle*, 1948, p. 195), « il n'y a entre *compte* et *conte*, comme entre *compter* et *conter*, qu'une différence d'orthographe, ces mots s'écrivant tantôt d'après l'étymologie (latin *comptare*, « calculer »), tantôt d'après la prononciation, identique dans les deux cas. Il n'y a pas entre eux de différence de sens avant la fin du siècle. “*Compter*, dit alors A. de Boisregard (*Réflexions sur l'Usage présent de la Langue Française*, 1693), signifie : Nombrer, et *conter* signifie : Raconter, faire un récit”, c'est-à-dire le dénombrement, l'énumération des détails d'un événement ». Cette absence de discrimination graphique concerne les vers 609, 945, 1044, 1086, 1110, 1165 et 1532. [132] *Dispense* : « Signifie quelquefois permission » (A, 1884). Le concile de Trente (1545-1563) établit que l'absence de consentement des parents au mariage de leurs enfants ne constituait pas un empêchement dirimant. L'ordonnance de Blois (1579), sous la pression des milieux aristocratiques, ébranlés par l'affaire Montmorency survenue en 1556, alla à l'encontre du concile à ce sujet. L'affaire rappela en effet le danger des mariages clandestins : la veille du jour où il devait marier son fils François à Diane de France, fille naturelle de Henri II, le connétable apprit que celui-ci s'était marié clandestinement avec Jeanne de Piennes. Le Roi prit alors un édit en février 1556 qui exigeait l'approbation des parents pour valider le mariage des enfants, jusqu'à trente ans pour les garçons et vingt-cinq ans pour les filles, l'avis du père prévalant en cas de désaccord. Le mariage conclu sans cet assentiment était considéré comme nul pour « rapt de séduction ». Au XVII*e* siècle, le mariage, s'il restait un mariage chrétien, n'en passa pas moins sous le contrôle de l'État. Cette mainmise de l'État permit de mieux adapter le droit aux aspirations de la société, notamment de ses classes dirigeantes, en renforçant le contrôle des parents sur le mariage des enfants. Déjà forte auparavant, l'autorité parentale s'appesantit sur les enfants du Grand Siècle (François Bluche, *Le Dictionnaire du Grand Siècle*, 1990). C'est pourquoi, Climenne doit absolument obtenir la « dispense » de sa mère pour se marier. [133] *Il* correspond à *cela. Il est bon* : « Cela est bien imaginé » (L.). [134] L'expression *nostre mere éternelle* est emphatique et ironique. *Éternelle* a ici le sens de « qui fatigue par sa présence pesante et encombrante ». L'irrévérence de Béatrix envers la mère de sa maîtresse est renforcée par l'écho railleur à la formule *notre Père Éternel*. [135] Comprendre : Pour mon malheur. [136] Comprendre : Se réclamant de. [137] Comprendre : Sous prétexte de participer à la loterie, d'y mettre de l'argent. [138] Jeu sur l'ambivalence du terme. *À l'aspect de* signifie « à la vue de ». Toutefois, *aspect* désigne aussi la « manière dont une personne ou un objet s'offre à la vue » (A, 1932) : il renverrait alors à la mine renfrognée et menaçante du gentilhomme, responsable de la fuite des amis de Climenne. [139] *Etre intéressé à une chose, à faire une chose* : « Y avoir intérêt, y être obligé, y être engagé par le motif de son intérêt » (A, 1884). [140] Ellipse. Comprendre : Y a-t-il quelqu'un ? [141] Comprendre : Je porte ici de l'argent. [142] Comprendre : J'ai déjà perdu cinquante pistoles en billets perdants. [143] *Dieu me damne* est le serment ordinaire des Gascons. [144] Comprendre : Je n'ai obtenu que des billets blancs, c'est-à-dire des billets perdants. [145] Comprendre : Il faut attendre que tous les tirages aient lieu. [146] *Indamniser* : Forme du XVI*e* siècle pour « indemniser » (Huguet). [147] *Jusques* : Licence poétique. [148] Comprendre : Pour ce qui est de l'intégrité, de l'honnêteté de l'entreprise. [149] *Aubade* : « Concert qu'on donne dès le matin à la porte ou sous les fenestres de quelqu'un pour l'honorer ou le réjouïr ». Ici, il signifie « à contre sens, quelque insulte, quelque affront qu'on fait à quelqu'un » (F.). [150] Comprendre : D'où vient que vous osiez m'embrasser ? [151] Le terme est ambigu. *Volontiers* peut être une formule d'insistance, il faut alors comprendre : Vous êtes beauceron assurément. Néanmoins, si le sens « de bon gré, avec plaisir » est privilégié, la réplique du Gascon signifie : Vous êtes beauceron et vous en êtes fier. Cette interprétation est conforme au caractère du gentilhomme, souvent chauvin lorsqu'il évoque sa région. [152] Dans la comédie, un *galand* est d'abord un « prétendant ». Cependant, dans le discours du Beauceron, étant donné sa méfiance à l'égard de ces fâcheux, le sens de « fripon » apparaît en filigrane. En effet, la relative « qui cherche à faire connoissance » se rapporte à la fois à Climenne et au gentilhomme : non seulement celui-ci craint que le Gascon approche Climenne mais il redoute aussi quelque ruse susceptible de délester sa bourse. [153] Le vers 100 est un aparté du Beauceron. [154] Aux XVI*e* et XVII*e* siècles, la Gascogne fournit un très grand nombre de soldats. L'ancrage des guerres de religion dans le Sud-Ouest, la formation du régiment de Navarre en 1589, la venue à Paris, à la suite du roi Henri IV et de ses compagnons, de nombreux Gascons avaient en effet provoqué une présence massive de méridionaux dans les armées. [155] *Dedans* : Gaston Cayrou atteste que *dedans* « se fait rare, dès le milieu du siècle, en vers et en prose » (*Le Français classique. Lexique de la langue du XVII*e* siècle*, 1948, p. 236). Aussi son emploi relève-t-il généralement d'une recherche expressive. Ici, de même qu ‘aux vers 292, 625, 661, 690, 1175 et 1341 il s'agit d'une facilité poétique. [156] La définition de *ravage* que donne Furetière en dit assez sur les méfaits commis par les soldats en temps de guerre : « Grand desordre qui se fait par violence. Les soldats et les Sergents font des *ravages* partout où ils passent ». Les soldats pillaient les maisons, même les églises et commettaient des violences sur la population. En 1622, à Négrepelisse, Louis XIII ordonna de ne faire aucun quartier à aucun homme et encore en 1690, à Caours, hommes, femmes et enfants furent massacrés. [157] *Etre à discrétion* : « C'est vivre en honneste homme à une table commune, et sans qu'on prenne un plat particulier pour soy et sur son compte. On dit par contresens des soldats, qu'ils vivent *à discretion*, lors qu'ils vivent en liberté chez leurs hostes, et qu'il n'y a aucune taxe ni payement de ce qu'ils prennent » (F.). [158] Comprendre : Dont l'esprit emporté regarde comme vôtre la femme campagnarde du noble campagnard, c'est-à-dire, considère comme la vôtre la femme campagnarde du noble campagnard. [159] *Nous* de majesté qui souligne l'orgueil du Beauceron. [160] Diérèse : Le mot compte pour trois syllabes. [161] *Garnison* : « Corps de soldats qu'on met dans une place forte ou frontiere pour la deffendre contre les ennemis, pour tenir les peuples en sujettion, ou pour subsister pendant le quartier d'hiver. On a mis ce regiment en *garnison* » (F.). Le terme *Honneur* désigne par métonymie le fier Beauceron qui prétend rester en faction auprès de Climenne et ainsi la surveiller. [162] *Faire nargue à quelqu'un* correspond au sens fort de *narguer quelqu'un*, « railler quelqu'un avec mépris ou insolence pour le taquiner ou se moquer de lui par défi » (TLF). [163] Jeu sur le sens à double entente de *fortune. Fortune* signifie « hasard, chance. … *Chercher fortune*, Etre ou se mettre en quête des occasions qui peuvent procurer ce que l'on désire comme le bien-être, les richesses, etc.» (A, 1884). Il se dit encore pour « biens, richesses, état d'opulence » (A, 1884). C'est une formule qui permet de donner congé, mais le gentilhomme ironise aussi sur la malchance du Gascon et sur son espoir déraisonnable de gagner de l'argent en participant aux loteries. [164] *Vouloir* « s'emploie pour marquer la concession que l'on fait, pour admettre hypothétiquement une chose » (L.). [165] Comprendre : Enfin vous voulez … voir toujours près de vous quelque galant susceptible de m'offenser, moi qui suis le futur époux d'une femme trop galante. [166] L'amant *transi* désigne ironiquement « celuy qui demeure froid et timide au plus fort d'une passion qui devroit l'eschauffer et l'enhardir » (F.). Le Beauceron, qui se pique d'avoir un tempérament sanguin, raille les galants timorés, comme le suggèrent les formules antithétiques « quelque nouveau transi » et « m'échaufe le sang ». [167] *Pour mes pechez* : Locution familière signifiant « pour mon malheur, comme pour me punir » (TLF). [168] *Se parer de* : Se mettre à couvert de, se défendre contre. Par affaiblissement, le verbe signifie « éviter, se dispenser de ». [169] *Chamarer* : « Mettre du passement (dentelle), du galon (ruban), des boutons sur un habit par plusieurs rangs, pour lui servir d'ornement » (F.). *Chamarer*, qui signifie au propre « orner, parer », est investi par métaphore du sens de « caresser, cajoler ». La métaphore se fonde sur l'analogie entre les soins apportés à orner un vêtement et les caresses du galant à sa maîtresse. [170] Diérèse : le mot compte pour quatre syllabes. [171] Comprendre : « Je sais de vos aventures secrètes, je sais des particularités que vous m'aviez cachées » (A, 1884). [172] *Croyent* compte pour deux syllabes. [173] Diérèse : Le mot compte pour quatre syllabes. [174] *Se savoir bon gré d'avoir fait quelque chose* : « S'en applaudir » (A, 1884). [175] *Petites maisons* : L'hôpital des Petites-Maisons, fondé par François 1*er* en 1557, était devenu principalement un asile d'aliénés. « On dit … qu'il faut mettre un homme aux petites *maisons*, quand il est fou, ou quand il fait une extravagance signalée » (F.). Au vers 195, Climenne réinvestit avec ironie *petit* du sens propre « exigu, étroit » et souligne ainsi le caractère paradoxal du nom de l'hôpital, censé accueillir « tous les foux de France ». [176] Lancaster indique qu'il s'agit de l'intérêt simple à 5 % (*A History of French Dramatic Literature in the Seventeenth Century*, 1929-1942, part III, t. II, p. 820). [177] Diérèse : Le mot compte pour trois syllabes. [178] Les Suisses étaient souvent employés comme portier ou comme garde doublant le portier. Ils avaient la réputation d'être inflexibles et peu amènes d'autant qu'ils comprenaient mal le français. À l'origine, leur costume rappelait celui des Gardes Suisses. Depuis François 1*er* jusqu'à la Révolution, les cantons suisses « lancent sur les routes d'Europe une quantité inépuisable de soldats ardents et aventureux qui maintiennent une réputation gagnée pendant leurs guerres d'indépendance » (François Bluche, *Dictionnaire du Grand Siècle*, 1990). Albert Babeau relate une anecdote qui donne à entendre quel contingent les Suisses apportèrent à nos troupes et quels services éclatants ils ne cessèrent de rendre à la France : « Louvois disait un jour à Louis XIV : “Avec l'or que Votre Majesté et ses prédécesseurs ont donné aux Suisses, elle paverait d'écus le chaussée de Paris à Bâle”. Un vieux colonel suisse répliqua aussitôt : “Si l'on voyait le sang versé par les Suisses au service de la France, il remplirait un canal aussi large que votre chaussée et coulant de Bâle à Paris.” » (*La Vie militaire sous l'ancien régime*, 1889, t. I, p. 359). En temps de paix, les soldats suisses étaient parfois employés par des particuliers. [179] *Mettre un homme en tête à quelqu'un* : « Opposer à quelqu'un un homme qui puisse lui résister » (A, 1884). [180] *À le voir* : D'après ce qui paraît, en apparence. [181] « On dit proverbialement … d'un fou, ou d'un bourru, qu'il n'entend ni *rime* ni raison » (F.). [182] *En vouloir à quelqu'un* : Vouloir l'épouser. « Il en *veut* particulierement à celle-là, il veut l'espouser » (F.). [183] *Il* désigne le gentilhomme, comme au v. 250. [184] Climenne craint que le Basque ne se trahisse par son accent. [185] Voir note du v. 12. [186] *Dont* : « Dans la langue du XVII*e* siècle, *ce* se supprimait couramment, et il est dommage que cette ellipse, qui allégeait la phrase, soit tombée en désuétude » (L.). [187] Diérèse : Le mot compte pour trois syllabes. [188] *Action* : « Se dit … des gestes, du mouvement du corps, et de l'ardeur avec laquelle on prononce, ou on fait quelque chose » (F.). *D'action* signifie « avec agitation ». [189] Les vers 298 et 299 sont prononcés en aparté. Le gentilhomme, caché, épie les amants. [190] C'est l'aparté de Béatrix à Climenne qui empêche Léandre d'achever sa phrase. Cette interruption paraît artificielle du fait de l'intervention du gentilhomme en aparté entre les répliques de Léandre et de Béatrix. [191] *Avoir son compte* : « Avoir ce qu'on désire, ou Etre bien dans ses affaires » (A, 1884). [192] Le Beauceron continue à parler en aparté, malgré l'absence de didascalie. [193] Diérèse : Le mot compte pour quatre syllabes. [194] « *Prendre* congé, c'est faire un compliment pour partir » (F.). L'expression paraît également dans une réplique du Basque au Beauceron (v. 858). Dans les deux cas, la formule ressortit à la volonté de manifester un profond respect, qu'il soit sincère chez Léandre, ou bien feint et emphatique chez le Basque. [195] Le Beauceron fait allusion au Gascon et à Léandre avec lesquels Climenne vient de s'entretenir dans les scènes 2, 6, et 7 de l'acte I. [196] Diérèse : Le mot compte pour quatre syllabes. [197] Diérèse : Le mot compte pour quatre syllabes. [198] Diérèse à la rime sur *s'extasier* et *remercier* qui comptent tous deux pour quatre syllabes. [199] « Le genre de *voile* a varié ; c'est arbitrairement, mais non sans quelque avantage, qu'on l'a séparé de l'autre *voile* » (L.). Vaugelas constate (1647) qu'« une infinité de gens » font voile masculin ; mais lui-même et Ménage considèrent qu'il faut le faire féminin. Dans *Pompée*, Corneille utilise la même expression : « Il venait à plein voile » (v. 743). [200] *Changer de peau* : Changer de comportement, « elle ne *changera pas de peau*, elle est incorrigible » (F.). [201] Furetière précise en effet que la Beauce est un « pays … fort uni et sans arbres ». [202] Diérèse : Le mot compte pour quatre syllabes. [203] Jeu de mots sur le bois des arbres de la forêt et les bois du cerf. Il s'agit de la première allusion aux cornes du cocu, motif récurrent dans le discours du gentilhomme. [204] La Brie est un laquais, il est absent de la liste des acteurs car à la différence de Champagne, il n'est mentionné qu'à deux reprises par le gentilhomme (v. 361 et 733). [205] Seule occurrence du nom propre sans la majuscule. [206] Comprendre : Est-ce dans ce logis que ce Monsieur demeure ? / Qu'il me dise de venir le servir tout de suite ! [207] Diérèse : Le mot compte pour quatre syllabes. [208] Comprendre : Ne m'aimerais-tu pas davantage ? [209] Jeu sur le double sens de *roolle* : « On dit … dans le langage ordinaire, qu'un homme a bien joüé son *rolle*, pour dire, qu'il s'est bien acquitté de sa commission, qu'il sçait faire reüssir adroitement une affaire » (F.). *Jouer son rôle* signifie alors « mener sa mission à bien ». Ce sens figuré est enrichi par le sens propre de *rôle*, actualisé ici, puisque le Basque doit jouer un personnage. Le terme est repris avec la même ambivalence au vers 730. [210] Comprendre : Monsieur, je viens ici vous rendre service, / Si vous me prenez, je vous servirai fort bien, / Si vous n'êtes pas satisfait, je ne vous demanderai rien. [211] Comprendre : À première vue, tu n'as rien qui te donne de la valeur et donc qui mérite d'être récompensé. L'avarice du gentilhomme est telle qu'il renchérit immédiatement sur le vers 390 où le Basque évoque l'éventualité de ne pas être payé. En ce qui concerne le montant de ses gages, la reprise du mot *rien* dans la réplique du Beauceron semble de mauvais augure. [212] La concordance des temps n'est pas respectée car le verbe de la subordonnée *peut* est au présent de l'indicatif alors que celui de la régissante est au passé simple. Dans la* Grammaire du français classique*, Nathalie Fournier établit que « par la non-concordance, le sujet énonciateur prend en charge l'énoncé subordonné » (p. 385). L'emploi de l'indicatif présent suggère que le fait de « boucher la porte » revêt une importance considérable pour le gentilhomme. L'ancrage du procès dans le présent de la parole du Beauceron exprime son impatience à voir la porte bien gardée. [213] *Ventre de son* appelle l'image des poupées de son qui perdent toute consistance avec un coup d'aiguille. Effectivement, Béatrix affirme que les « gros Suisses » (v. 399) ne sont pas plus efficaces que les maigres car leur ventre impressionne mais il est mou. Par ailleurs, la distorsion entre l'apparence et la réalité convoque l'idée de facticité (le *ventre de son* renverrait au faux ventre de comédie), qui prend alors une valeur ironique : l'artifice est, en effet, autant du côté du Basque que des « gros Suisses ». [214] *De Balle* : Se disait des marchandises de mauvaise qualité (que l'on transportait en *balles*). Au figuré, l'expression s'applique à « toutes les choses qu'on méprise ou qui ne valent rien » (F.). [215] Comprendre : Madame Béatrix / M'avait dit que Monsieur voulait avoir un bon drille, / Pour garder cette maison, je la garderai bien moi. [216] *Petit* « se dit … de ce qui est leger, mince, peu considerable. On dit aussi ironiquement et par mespris, Mon *petit* Monsieur » (F.). Le rapprochement incongru des adjectifs *grand* et *petit* met en évidence la maladresse verbale du *Suisse*. [217] *Donner les étrivières à quelqu'un* : Le frapper. [218] Comprendre : Ma foi, / L'autre jour, un Monsieur donnait une Comédie, / Dans sa chambre, il a là une très bonne compagnie / Du très bon violon, cet homme m'avait pris, / Pour me faire garder la maison du logis, / Il voudrait bien empêcher, car il avait une belle femme, / Qu'un grand petit Monsieur parle à Madame, / Il vient, je le pousse. « Coquin », dit-il, pardi / Je ne suis pas coquin moi, tu as menti ; / Il donne un coup de pied dans mon cul par derrière, / Et dit qu'il me donnera bien des coups d'étrivières, / « D'étrivières à moi ! », dis-je. Avec ce gros marteau, / De la porte, en la fermant, je lui ai cassé le museau. [219] Comprendre : Il entra donc, oui, il entra par la fenêtre ; / La dame sait ça, et veut que mon maître, / Me chasse, mais pardi mon maître jure sur sa foi, / Que je suis un bon garçon et qu'il ne me chassera pas. / Et comme récompense il me donne une grande pistole. [220] *Berne* : Canton de l'ouest de la Suisse alémanique. Jeu de mots sur l'homonymie entre *Berne* et le verbe *berner* : le personnage du *Suisse*, joué par le Basque, par le nom même de son canton d'origine, décèle son intention d'abuser le gentilhomme. Les vers 1273 et 1274 mettent en évidence ce rapprochement car la rime associe la ville, *Berne* et le verbe *berne*. [221] *Officier* : « Nom donné, dans les grandes maisons, et surtout dans les maisons des princes, à des personnes qui y remplissent quelque emploi important ». En désignant avec solennité le *Suisse* d'« officier », le gentilhomme imite le langage noble. [222] *Donner dans* : Se laisser prendre à. *Donner dans le panneau* a le même sens que l'expression moderne et familière *tomber dans le panneau*. « nostre cousin donne dans le panneau » est un aparté puisque le Beauceron ne quitte pas la scène. [223] *Servir de zele* équivaut à « servir avec zèle ». [224] Comprendre : Oui, Monsieur, avez-vous dans cette maison sa femme (autrement dit, sa femme est-elle dans cette maison) ? [225] Le pronom personnel *l'* désigne la dérobade permanente de Climenne, *empescher* a alors le sens de « contrecarrer, déjouer, éviter ». [226] Comprendre : Mais Monsieur je vous dis de ne pas le craindre / Si vous êtes son mari…cette dame de France, / Aimera avec le Monsieur les petites réjouissances (elle vous fera toujours cocu avec un galant). [227] Comprendre : Un camarade à moi, / Qui avait pris une femme dans ce Paris, ma foi, / Il était riche, il avait dans son petit ménage, / De la bonne pipe, du bon vin, du bon tabac, du bon fromage / Cette carogne de femme et ce Monsieur Calan, / Faisant ce Suisse cornard, ont mangé tout son argent. *Calan* peut être un nom propre, comme le suggère la majuscule, ou bien être la déformation de « galant ». [228] Comprendre : Oui Monsieur, je vous dirai tout gaillardement. *Gaillardement* signifie « avec entrain et courage » (L.), autrement dit, avec empressement, avec zèle. [229] Dès le XV*e* siècle, la France, pour se procurer de bonnes troupes, recourut à des mercenaires étrangers, Suisses en majorité. Les soldats étrangers, notamment les Suisses, avaient en effet meilleure réputation que les nationaux. [230] *Leur* se réfère aux Suisses qui ont adopté la mode locale. [231] Comprendre : Pardi, la belle demande, / Je vais si bien garder votre porte, / Que mon maître sera bien content. Montfleury joue sur le sens à double entente de l'expression « mon Maistre » (v. 486), qui désigne aussi bien le Beauceron, maître du *Suisse*, que Léandre, maître du Basque. [232] *Il* représente le gentilhomme, car Climenne répond au *Suisse* après l'aparté satisfait du Beauceron, « Il est à nous » (v. 486). [233] Le Beauceron prononce les vers 488 à 490 en aparté. [234] Comprendre : O Monsieur, il n'y aura pas de manquement de ma part. [235] *Quitte* signifie « qui ne doit rien » (F.). Comprendre : Vous devez retirer un bénéfice qui soit au moins équivalent au tiers des gains obtenus par la vente des billets. À Climenne qui ne veut rien « de quitte », s'oppose le Beauceron qui préfère ne pas rembourser un tiers des mises et donc avoir « un tiers de quitte ». [236] Comprendre : Autrement, l'opération n'en vaut pas la peine. [237] *Fidelement* a le sens de « avec intégrité, avec honnêteté ». [238] Diérèse : Le mot compte pour quatre syllabes. [239] *Palais* : « Lieu principal où on rend la Justice souveraine au nom du Roy » (F.). Depuis que sous le règne de Charles V (1364-1380), les rois ont quitté la demeure de leurs ancêtres, une multitude de boutiques s'y sont installées : modestes échoppes adossées aux murs des cours, commerces de luxe de la Grande Salle (l'actuelle salle des pas perdus) et de sa voisine, la Galerie mercière (marchande), libraires, orfèvres, joailliers, marchands d'estampes, de gants, d'éventails, de dentelles, lingères, parfumeurs, etc. Immortalisée au XVII*e* siècle par le graveur Abraham Bosse, la Galerie mercière est aussi le cadre d'une comédie de Corneille, intitulée *La Galerie du Palais*. [240] *À fonds* : « Pleinement, parfaitement » (F.). [241] Le Beauceron a déjà évoqué ce principe au vers 512 : l'organisateur de la loterie doit se réserver un tiers du fonds.  [242] Montfleury distille dans la comédie quelques informations ayant trait au fonctionnement de la loterie. L'organisateur fixe d'entrée de jeu un capital qui constitue le *fonds*, montant qu'il escompte en termes de participation. À partir du moment où cette somme est atteinte, il peut être mis en demeure de tirer sa loterie dans un certain délai (v. 557-559). Cependant, les joueurs peuvent continuer à participer, une fois le fonds atteint. Selon la notoriété de la loterie, le fonds est multiplié de façon plus ou moins conséquente (v. 562). L'attrait est d'autant plus important que le fonds est élevé car les lots sont alors plus nombreux. Lors du tirage de la loterie, chaque joueur récupère une boîte à son nom, contenant un certain nombre de billets en proportion de leur mise ; c'est ce que nous apprend *la Roche*, lorsqu'il décrit le tirage de la loterie d'Oronte (v. 810-815). Les billets perdants sont blancs alors que les billets noirs portent un numéro correspondant à un lot. Lorsque le Beauceron ouvre la fausse boîte apportée par *La Roche*, il découvre trois billets blancs et un billet noir portant le numéro vingt-six et correspondant à un lot de trois cent louis. Il est nécessaire que le montant du lot figure sur le billet gagnant afin de justifier l'empressement du gentilhomme à retirer son argent. [243] Au-delà du montant du fonds, il ne conserve plus que le quart du surplus. Tout cela doit rester conforme à la bienséance, comme le suggère la restriction *si l'on peut*. [244] Diérèse : Le mot compte pour quatre syllabes. [245] Comprendre : Bien sûr que l'on en fait trafic. [246] Comprendre : Et même si j'avais un livre de la sorte. [247] *Tel que tel* : « Aussi mauvais et même plus mauvais que bon, de peu de valeur » (L.). [248] Comprendre : Pendant trois mois, trois mois par an. [249] Le *e* muet est prononcé devant une consonne. *Défraye* compte donc pour trois syllabes. [250] Diérèse : Le mot compte pour quatre syllabes. [251] Comprendre : Voici les autres à qui l'auteur veut qu'on distribue des billets noirs. [252] Comprendre : Payer ainsi les sommes qui leur sont dues. [253] *Aiguere* : Les dictionnaires du XVII*e* siècle ne connaissent que la graphie *aiguiere*. Une aiguière est un « vase où l'on met de l'eau pour le service de la table » (L.). [254] *Dedans cette occurrence* : En cette occasion. [255] Cujas était un célèbre jurisconsulte du XVI*e* siècle. Il enseigna surtout à Toulouse, Bourges et Valence, il est également connu pour ses ouvrages et pour son étude exégétique des textes du droit latin. *Tirer Cujas par ses cheveux* signifie « alléguer Cujas de façon forcée » : l'avocat, raillé par le gentilhomme, cita Cujas comme autorité pour étayer son plaidoyer. [256] *Le* désigne le « surplus », mentionné au vers 631. [257] *Avoir un pied de nez* : Etre trompé dans ses espérances. [258] *Bailler un plat de son métier* : « Dire ou faire quelque chose qui tienne du caractère qu'on a, ou de la profession qu'on exerce » (A, 1884). Furetière note qu'il se dit aussi « d'un fripon qui a fait quelque tromperie ». La connotation péjorative est actualisée ici, dans la mesure où l'artisan, à l'instar des autres organisateurs évoqués par le gentilhomme, tente de tromper ceux qui participent à sa loterie. [259] L'argent d'Allemagne a sans doute peu de valeur. La référence est plutôt maladroite, étant donné que la pièce est dédiée aux princes de Brunswick et Lunebourg. [260] Jeu sur le double sens de *se moquer*. Dans la réplique de Climenne, le terme signifie « témoigner par ses actions, par ses paroles qu'on ne fait cas de quelqu'un ou de quelque chose » (A, 1884). La jeune femme souligne la lucidité des joueurs qui dédaignent les lots sans valeur. En revanche , dans les vers du Beauceron, , ce sont la naïveté et la sottise du peuple, riant de lui-même, qui sont raillées, car le verbe a alors le sens de « rire de quelqu'un, de quelque chose, en faire un sujet de plaisanterie ou de dérision » (A, 1884). [261] *Enterrogat* : Variante de la forme *interrogat* qui signifie « question, demande dont on attend une response » (F.). [262] *Chrise* fait allusion au désordre qui règne chez Climenne ce jour-là. Le Beauceron estime que l'agitation a atteint son paroxysme, aussi souhaite-t-il tirer la loterie avant la fin du jour. [263] Comprendre : Se payer grâce à l'argent du « fat » importun (v. 659). [264] Comprendre : Il a jusqu'à présent « plaisamment » mis en œuvre le discours fallacieux qu'il doit tenir au Beauceron, il a bien engagé l'affaire. Littré cite un vers du *Dépit amoureux* de Molière, « Par où lui débuter ? » (III, 4), où *débuter à quelqu'un* signifie pareillement « commencer un discours pour quelqu'un ». Le Basque est en effet le sujet des deux verbes du vers suivant. [265] Le Basque joue sur la connotation grivoise de *prendre* : « Prendre de force ou par force une femme, attenter à son honneur » (L.). [266] Comprendre : Pardi si tu es bien d'humeur, / Tu auras beau cogner, je n'ouvrirai pas avant un quart d'heure / Si je prends ma hallebarde ô pardi...quoi ? [267] Le présent de l'indicatif établit un rapport de simultanéité entre le procès de la subordonnée et celui de la principale alors que le billet de Climenne est déjà écrit au moment où Béatrix prononce le vers 695. Le dramaturge a peut-être pris cette liberté pour respecter la contrainte métrique. Il s'agit peut-être aussi de montrer que le billet vient d'être écrit par Climenne, ce qui soulignerait la rapidité d'enchaînement des événements. [268] Diérèse : Le mot compte pour trois syllabes. [269] *Courre* est l'ancien infinitif de *courir. Donner à courre* signifie « donner de l'exercice (au sens de « peine, travail, affliction ») à autruy » (F.). L'expression s'applique donc au fait de duper quelqu'un, de l'abuser. Le sens propre est également actualisé dans la mesure où il s'agit bien d'éloigner le gentilhomme du logis en le faisant courir chez Oronte. De surcroît, les paroles du Beauceron, « courons en diligence » (v. 977) et « Vous m'avez fait courir après l'ombre d'un lot » (v. 1480) invitent à superposer les sens propre et figuré. La même métaphore a donné l'expression familière moderne *faire marcher quelqu'un.* [270] Diérèse : *Confusion* compte pour quatre syllabes. L'insistance sur le terme exprime la colère du Beauceron. [271] *Constant* signifie « certain, indubitable, bien établi » (L.). Le vers 746 peut être glosé par « C'est certain, c'est sûr Monsieur, il faut que je l'en gronde ». [272] Furetière affirme qu'« on appelle *petit collet*, un homme qui s'est mis dans la reforme, dans la devotion, parce que les gens d'Eglise portent par modestie de petits collets tandis que les gens du monde en portent de grands ornés de points et de dentelles. Et quelquefois il se dit en mauvaise part des hypocrites qui affectent des manières modestes, et sur tout de porter un petit *collet* ». Le *petit colet* fait partie du costume de l'*abbé la Roche* et le fait qu'il connote l'hypocrisie redouble le caractère mystificateur du déguisement. [273] *Bibus* : « Terme indéclinable et ironique, qui se dit des choses qu'on veut mépriser » (F.). Le terme peut être glosé par « misérable, vain ». [274] Le *coin*, « en termes de Monnoye, est le morceau de fer trempé et gravé qui sert à marquer, à frapper les monnoyes, les medailles …. Cet escu est marqué d'un faux *coin* » (F.). Par métaphore, un homme marqué du *faux coin* est un fourbe, un hypocrite. [275] Diérèse : Le mot compte pour deux syllabes. [276] *Billon* : « Lieu réservé à la refonte des pièces de monnaie défectueuses …. Par métaphore, tout ce qui, aux yeux de quelqu'un, est sans valeur, digne d'être rejeté » (TLF). *Mettre quelque chose, quelqu'un au billon*, signifie « mettre au rebut ». Le roi ordonna en 1661, 1666 et 1668 des recherches de faux nobles. On demandait leurs titres, non seulement aux suspectés de fausse noblesse mais aussi à tous ceux qui soutenaient être nobles. En 1670, l'opération fut suspendue à cause des vexations et des abus commis dans la recherche. Jean Claveret y fait allusion dans la scène 1 de l'acte I de *L'Ecuyer ou les faux nobles mis au billon* : C'est que le Souverain veut régler sa Noblesse, / C'est qu'il veut separer le mauvais or du bon, / Et mettre, s'il se peut, tout faux Noble au billon ; [277] Réplique en aparté. [278] *Sans compliment* : « Franchement, sans flatterie » (L.). [279] *Couple* : « Ensemble de deux choses réunies occasionnellement et, *p. ext.*, un petit nombre » (TLF). On peut paraphraser « il suffit d'une couple » par « quelques révérences suffisent ». [280] Diérèse : Le mot compte pour trois syllabes. [281] *Manquer quelqu'un* a le sens de « le rater, ne pas réussir à le rencontrer ». [282] *Faire le pied de veau* : Faire la révérence, « Faire le pied de *veau* à quelqu'un, pour dire, Aller faire la reverence, des soumissions à quelqu'un » (F.). [283] *Payer en gambades* : « Payer en monnoye de Singe » (F.). Au figuré, les *gambades* s'appliquent donc aux belles paroles de *la Roche* qui impatientent le Beauceron. Par ailleurs Montfleury joue sur le sens propre de *gambade* , « saut ou posture qui se fait dans l'ardeur de la jeunesse par gayeté et emportement » : le terme se réfère alors à la gestuelle ostentatoire de *la Roche*. [284] Diérèses : *Questions* et *patience* comptent pour trois syllabes. [285] *Syllogisme* peut être connoté péjorativement s'il désigne un raisonnement captieux. Dans la réplique de *la Roche*, ce n'est pas le cas ; il désigne un raisonnement logique et clair, comme l'indique le renchérissement « fust-il en barbara ». Furetière donne la définition suivante : « Terme de Logique. Argument composé de trois propositions, la conclusion s'ensuit necessairement des deux premisses ». *Barbara* : « Mot forgé par les scolastiques pour désigner mnémoniquement une forme de syllogisme » (L.). [286] Synérèse sur *hier* aux vers 810 et 818. [287] *In capite libri* : Littéralement, l'expression latine signifie « sur le haut du livre », d'où ici le sens de « en haut de la boîte ». [288] Diérèse sur *Louys*. Le mot compte systématiquement pour deux syllabes ; il apparaît également aux v. 837, 861, 1111, 1161, 1164, 1371, 1447 et 1484. [289] Voir note du v. 320. [290] C'est la première occurrence du nom propre avec une majuscule à *Roche*. L'emphase du gentilhomme pourrait justifier la majuscule mais au vers 839, elle n'apparaît pas alors qu'il loue *la Roche* avec la même grandiloquence. On trouve également la graphie *la Roche* au vers 1197. [291] *Prétendre* est en construction absolue. « Je pretens » signifie « je le veux ». [292] *Il en tient* a le sens de « il est pris, il est trompé ». [293] *Serviteur* : Formule cavalière qui s'emploie pour prendre congé. C'est également une formule de politesse. [294] Le *e* muet est prononcé devant une consonne. *Croye* compte pour deux syllabes. [295] *Argus* : Homme fabuleux qu'on dit avoir eu cent yeux, à qui Jupiter commit la garde de la vache Io, que Mercure tua, et dont Junon transporta les yeux sur la queue du paon. Dans le langage courant, un *Argus* est un homme prudent et clairvoyant, qui voit de loin des yeux du corps, et qui prévoit toutes les choses des yeux de l'esprit. [296] *Métail* : Cette forme a existé à côté de *métal* jusqu'à la fin du XVII*e* siècle. [297] Diérèse : Le mot compte pour deux syllabes. [298] *Guais* : Graphie attestée au XVI*e* siècle (L.). [299] *Tirer sa poudre aux moineaux* : « Faire de la despense pour venir à bout d'une chose qui n'en vaut pas la peine, ou dont on ne vient pas à bout » (F.). [300] Diminutif de « mouche » et néologisme du Beauceron. [301] Néologisme du gentilhomme, *parqueter* signifie « parsemer ». [302] Le *tourne-broche* désigne peut-être, par métaphore, un ruban qui pend sur le côté de la parure des dames. [303] *Contre-poids* s'applique, par métaphore, aux boucles d'oreilles. [304] *Cela n'est pas mis pour des prunes* : Cela n'est pas mis pour rien. [305] Diérèse : Le mot compte pour quatre syllabes. [306] Allusion aux scènes 2, 6 et 7 de l'acte I. Les « deux Messieurs » sont le Gascon et Léandre. [307] *Flater vostre attente* : Contenter, satisfaire votre désir. [308] *Ferrer* : « On dit qu'un homme est difficile à *ferrer*, pour dire, qu'il ne se laisse pas gouverner aisément » (F.). [309] *Suite* : « Durée » (L.). Comprendre : Des discours si piquants sont un peu trop récurrents. [310] Diérèse : Le mot compte pour trois syllabes. [311] *Si* : Pourtant, toutefois. [312] *Entre cuir et chair* : En soi-même, sans en faire rien paraître. Furetière donne comme exemple « rire, jurer entre cuir et chair ». [313] *Etre de mise* : Avoir cours (pour une monnaie), être valable, convenable. [314] Diérèse à la rime sur *exception* et *opinion* qui comptent chacun pour quatre syllabes. [315] Diérèse : Le mot compte pour trois syllabes. [316] Le Beauceron a quinze mille francs de revenu annuel. Un franc valant environ douze euros, il dispose donc d'environ cent quatre vingt mille euros par an. Au taux de 5%, sa fortune dépasse 3,5 millions d'euros. [317] *Adonis* : Dieu né de l'amour incestueux du roi de Syrie, Theias, et de sa fille Myrrha. C'est par la ruse que Myrrha parvint à s'unir avec son père. Lorsque celui-ci s'en aperçut, il la poursuivit pour la tuer. Myrrha se mit sous la protection des dieux qui la transformèrent en arbre à myrrhe. Dix mois après, l'écorce de l'arbre éclata et il en sortit un enfant, qui reçut le nom d'Adonis. Aphrodite, touchée par la beauté du bébé le recueillit et le confia à Perséphone pour qu'elle l'élevât. Mais celle-ci s'éprit de ce bel enfant à son tour et ne voulut pas le rendre à Aphrodite. La beauté du jeune Adonis, adoré des deux déesses, en fait une figure antithétique du gentilhomme beauceron. [318] *Phoebus* : Le Brillant, épithète et souvent nom d'Apollon. [319] *Apollon* : Fils de Zeus et de Léto, symbole de la beauté ; assimilé au soleil, il était représenté sur un char parcourant chaque jour le ciel. Montfleury se livre à une métaphore burlesque puisque le char d'Apollon est réduit à une brouette de paysan. [320] Comprendre : Je n'ai pas le temps. [321] Le gentilhomme fait sortir de scène Climenne afin qu'elle « rentre » dans son appartement. [322] Comprendre : Je t'ai dit de ne pas entrer pardi, / Tu veux voir Madame, qui n'est pas une peste. [323] Les Suisses étaient sans doute interpellés par le nom de leur canton d'origine de la même façon qu'on appelait un soldat « Gascogne », « Picardie », pour dire « soldat du régiment de Gascogne, de Picardie ». [324] Comprendre : Un Gascon m'a rompu la tête, / Pour entrer, je lui ai jeté son chapeau, / D'un coup de ma hallebarde au milieu du ruisseau⁎. [325] Les vers du *Suisse* sont traduits par le Beauceron qui en souligne le caractère comique (v. 990-991). Comprendre : Pas du tout, elle (l'âme) lui revient, un Monsieur Médecin / M'a dit que ce n'était rien, qu'elle ne mourra que demain. Jeu de mots sur le verbe *rendre*, interprété au sens propre par le *Suisse*, comme le suggère le vers 987, alors qu'il est utilisé au sens figuré dans l'expression « rendre l'ame » (v. 986). [326] Graphie mise pour *sang-froid*. Montfleury joue sur la double valeur de *sens* qui peut désigner ici le sang, mais aussi l'esprit, le jugement. Le Beauceron rit à la fois du sang-froid du Basque et de son « esprit froid », autrement dit, de son indifférence au malheur de sa femme. [327] Comprendre : Je le connais bien ce Médecin. [328] *À moins que de* suivi d'un verbe à l'infinitif indique une condition qui, si elle ne s'effectue pas, laisse faire ce dont il s'agit. Aussi peut-on gloser les vers 996-997 par « vous direz que je suis dans ma chambre empêché, sauf si on veut me suivre, autrement dit sauf si on veut m'y chercher ». [329] Comprendre : Je dirai que vous dormez bien fort et que vous êtes ivre. [330] Le second hémistiche du vers 1000 ainsi que le vers 1001 sont des apartés. [331] Le *e* muet est prononcé devant une consonne. *Croye* compte donc pour deux syllabes. [332] Comprendre : Sur vous (c'est-à-dire « je le jure sur votre tête ») pardi qu'il n'entrera / Personne d'autre que mon maître ou bien moi… La déclaration du Basque est de nouveau à double entente : « mon Maistre » (v. 1011) désigne Léandre, alors que le Beauceron comprend qu'il s'agit de lui-même. Néanmoins, l'ironie de sa promesse se retourne contre lui car il pensait ne laisser pénétrer que son véritable maître, Léandre, or, son ivresse l'ayant éloigné momentanément de la porte qu'il était chargé de surveiller, il laisse aussi entrer le Beauceron et compromet ainsi le stratagème de ses acolytes. [333] Voir note du v. 866. [334] Comprendre : O vous me l'avez dit. [335] Comprendre : Je vous ouvre cette porte. [336] *On* représente le gentilhomme. [337] *Éventer une mine* : Au sens propre, « découvrir l'endroit où elle est pratiquée et en empêcher l'effet ». *Eventer la mine*, au figuré, signifie « pénétrer un dessein secret et empêcher qu'il ne réussisse, le divulguer » (L.). [338] Comprendre : Il faut conclure correctement la ruse. [339] *La garder bonne à quelqu'un* : « Il luy a gardé *bonne*, pour dire, Il a conservé son ressentiment jusqu'à une occasion de se vanger » (F.). [340] *Compter avec quelqu'un* : Régler ses affaires avec quelqu'un. [341] *Nous verrons beau jeu* : « On dit aussi par maniere de menace, Vous verrez beau jeu, pour dire, Je vous en feray repentir » (F.). [342] *Niche* : « Petite tromperie ou malice qu'on fait à quelqu'un » (F.). [343] *Quid vis* : Formule latine signifiant « Que veux-tu ? ». [344] Jeu sur les sens propre et figuré de la formule. Le Basque exhorte Martin qui s'exprime en latin à parler français mais il l'enjoint également à s'expliquer clairement sur la loterie, comme en témoigne l'injonction *dites franc* qui glose la locution. Littré définit l'expression ainsi : « expliquer nettement son intention sur quelque affaire ». Montfleury joue aussi sur le rapprochement sonore entre *François* et *franc*, faisant de *franc* la fausse racine étymologique de  *français*, ce qui produit un effet comique car les Français de la pièce sont loin d'être sincères et seul l'étranger, le *Suisse*, fait preuve de simplicité. [345] *Aborder* : « Arriver en quelque lieu » (F.). L'expression hyperbolique *abordant à milliers* peut être paraphrasée par « affluant par milliers ». [346] Diérèse sur *altercations* et *contentieuses* qui comptent respectivement pour cinq et quatre syllabes. [347] *Crever dans sa peau* : « On dit d'un impatient, qu'il *creve* dans sa peau, quand il ne voit pas assez tost l'effet de ce qu'il souhaitte » (F.). [348] *Quartier* : « Bon traitement qu'on promet à des trouppes qui se rendent, qui mettent les armes bas. Se dit en ce sens par extension de toutes les autres affaires. Un bon plaideur ne donne ni delay, ni *quartier* à ses parties, il poursuit sans discontinuation » (F.). *Sans quartier* est synonyme de « sans relâche, sans répit ». [349] Dans la* Grammaire du français classique*, Nathalie Fournier note qu'au XVII*e* siècle, les possessifs toniques *mien, tien, sien*, sont employés comme déterminants complémentaires avec l'article ou le démonstratif. Ici, le possessif est utilisé avec l'adjectif numéral. [350] La graphie *debtes* rappelle la racine étymologique du terme, c'est-à-dire le verbe latin *debere*. [351] *Content* est mis pour *comptant*. Voir note du v. 9. [352] *S'entend* : Locution familière qui se dit par parenthèse et qui équivaut à *bien entendu, cela va sans dire*. [353] *Répondre de* : Accepter la responsabilité de. [354] *Il en a pour son compte* : « Se dit d'un homme à qui il arrive quelque malheur, comme d'être blessé, d'être maltraité, ou de faire quelque perte d'argent considérable » (A, 1884). Pour la graphie de *conte*, voir note du v. 9. [355] Diérèse sur *Louys* qui compte pour deux syllabes. L'insistance sur la somme perdue signale le dépit du gentilhomme. [356] Comprendre : Le numéro vingt-six est faux. Chez Oronte, aucun lot ne correspond au billet gagnant du gentilhomme car, soit sa loterie ne propose pas de numéro vingt-six, soit elle en comporte déjà un. L'image de l'« enfant batart » est d'autant plus savoureuse que la hantise d'être cocu taraude le Beauceron. [357] L'accord se fait avec le sujet le plus proche. [358] Les escrocs payent de leur mort leur vie fastueuse, c'est le « tribut qu'ils doivent au gibet ». [359] *Berné* a ici le sens de « moqué, joué » (L.). [360] Diérèse : Le mot compte pour quatre syllabes. [361] L'accélération du rythme, due à l'absence de ponctuation, paraît mimétique de l'excitation provoquée par l'amour. [362] *Collet* « se prend quelquefois improprement pour le cou même » (F.). [363] Littré glose *Tel maître, tel valet* par « les valets suivent l'exemple de leur maître, particulièrement en mal ». Ici, Béatrix ne confère à l'expression aucune connotation péjorative. [364] L'écho entre les termes *masque* et *barque*, qui rappellent chacun, à une lettre près, le mot *Basque*, fait émerger en creux la figure du valet de Léandre comme clef de voûte des pièges orchestrés par Climenne et Béatrix. [365] *Tous contez* : Tout prêts. Pour la graphie de *contez*, voir note du v. 9. [366] *Ou je meure* est une formule de serment. [367] Comprendre : On lui réserve encore des surprises. [368] Les cornes sont l'attribut du cocu. [369] *Advis au lecteur* : Avertissement. On le dit au figuré « d'un malheur arrivé à quelqu'un, et qui lui doit faire prendre garde à en éviter quelque autre qui le menace » (A, 1884). Il s'agit d'un conseil que le Beauceron se donne à lui-même, il se met en garde contre les pièges à venir auxquels Béatrix fait allusion au vers 1167. Par ailleurs, la locution est un clin d'œil au spectateur qu'elle enjoint à se méfier du danger toujours menaçant d'être cocu. [370] Diérèse sur *glorieux* qui compte pour trois syllabes. Elle est révélatrice de la vanité du gentilhomme. [371] Comprendre : Béatrix permet de mettre au jour la véritable nature de l'honneur de Climenne. [372] *Garder le menteau* : « Faire le guet, ou demeurer à ne rien faire, pendant que ceux avec qui l'on est venu se divertissent, ou commettent quelque délit » (A, 1884). [373] Diérèse : Le mot compte pour quatre syllabes. [374] *Bachus* : Fils de Zeus et de Sémélé, c'est le dieu de la vigne, du vin et du délire mystique. La référence mythologique atténue la dimension avilissante de l'ivrognerie du *Suisse*, que le Beauceron cherche à excuser. [375] Il faut compléter : Je prétends ravoir les vingt louis offerts au Basque. [376] *Brutal* : Qui tient de l'animal. L'adjectif qualifie « celui qui a des appetits dereglez, qui vit en bete ou qui n'a pas plus d'esprit et de conduite qu'une bete » (F.). Dans les discours de Climenne, de Léandre et de Béatrix, le lexique de l'animalité renvoie systématiquement aux origines campagnardes du Beauceron, méprisées par les trois Parisiens. [377] L'emploi du présent de l'indicatif rend l'idée du mariage entre le gentilhomme et Climenne plus imminente et plus menaçante. [378] Diérèses sur *Provincial* et *materiel* qui comptent pour quatre syllabes. [379] Voir note du v. 866. [380] Jeu sur le double sens de *sot*, terme qui désigne à la fois le niais et le mari trompé. *De plus d'une maniere* renvoie donc aux différents pièges tendus au gentilhomme ainsi qu'aux deux façons d'interpréter le mot *sot*. [381] Comprendre : Cela fonctionne bien, le piège est bien imaginé. [382] *Ce cœur empaumé* : Ce cœur dont un autre s'est rendu maître. [383] *Donner la main* : « *Donner* la foy de mariage, espouser quelqu'un » (F.). [384] *Reguain* : « Seconde herbe qui revient dans les prez après qu'on les a fauchez » (F.). Cette métaphore suggère que, si le Beauceron épouse Climenne, il n'aura pas affaire à un honneur demeuré conforme à sa pureté primitive mais il s'agira d'un honneur dégradé. [385] Diérèse : Le mot compte pour cinq syllabes. [386] Apartés du gentilhomme qui demeure caché. Dans le vers 1266, le pronom personnel *le* est élidé car il est suivi d'un mot à initiale vocalique, *avant*. [387] *Dans peu* : Sous peu, d'ici peu de temps. [388] Les vers 1270, 1273-74 et 1287 sont dits en aparté. [389] Jeu sur l'homonymie et l'homographie entre *Berne* et *berne*. Voir note du v. 434. [390] *Brider le nez* : « Brider le nez avec une houssine, avec un fouet, etc., Frapper quelqu'un au travers du visage avec une houssine, avec un fouet, etc. » (A, 1884). [391] Diérèse : Le mot compte pour quatre syllabes. [392] *Beau garçon* : On dit ironiquement « Vous estes un *bel* homme, … pour dire, vous ne dites rien qui vaille » (F.). [393] *Suisse de Vaugirart* : Dans *A History of French Dramatic Literature in the Seventeenth Century* (part III, t. II, p. 821), Lancaster rapproche cette expression du gentilhomme du vers 4 des *Plaideurs*, de Racine, où Petit-Jean se qualifie de « suisse d'Amiens » ; il déclare en effet : « Il m'avait fait venir d'Amiens pour être Suisse ». Le rapprochement des deux termes produit un effet plaisant. [394] Variante graphique d'*ivrogne*. [395] Béatrix *rentre* : Elle entre de nouveau dans les appartements du logis, autrement dit, elle quitte la scène. [396] Allusion aux cornes qui coiffent le mari trompé. [397] *Faire un beau saut* : « On dit hyperboliquement de celuy qui est allé loger en un lieu fort éloigné, qu'il a fait un beau *saut* » (F.). Le Beauceron emploie l'expression au figuré pour signifier qu'il allait perdre son honneur. Le caractère hyperbolique de l'image rend compte du ton excessif des discours tenus par le gentilhomme. [398] *A deux mains* : « Se dit de ce qui se fait ou qui sert en deux manières, … ou de ce qui se prend doublement » (F.). Le gentilhomme dénonce le double jeu du Basque. [399] *Rassoir* concerne le fait de calmer, d'apaiser. Il « se dit des humeurs du corps et des passions. Il faut laisser *rasseoir* sa bile » (F.). La *bille* signifie la colère. [400] Furetière paraphrase l'expression *répondre corps pour corps de quelque chose* par « en être caution ». [401] Synérèse sur *hier* aux vers 1331 et 1337. [402] *Accessible* : Disponible. [403] Comprendre : Je souhaite vous rendre toujours de bons services. [404] Le second hémistiche de ce vers ainsi que « fut-il jamais une telle insolence » (v. 1365) sont dits en aparté. [405] Comprendre : J'ai dit qu'on ne tirait la loterie que demain. / J'ai fait tout comme vous me l'avez dit. [406] L'expression a le même sens que *beau garçon* (v. 1286). *Joly jeune-homme* est mis pour « hâbleur, beau parleur ». [407] Comprendre : Aucun Monsieur n'est entré ma foi dans cette maison, / J'ai bien servi mon Maître. / De nouveau, le Basque joue sur l'ambiguïté de la formule « mon Maistre ». [408] Le Beauceron a, cette fois-ci, compris le jeu sur l'équivoque de l'expression « mon Maistre » (v. 1364). [409] Comprendre : Je vous servirai toujours ainsi. [410] Aparté du Beauceron. [411] Comprendre : Je veux avoir souvenance de vous. [412] Furetière définit *rabattre* par « oster, retrancher, deduire » et Littré, par « s'engager à moins qu'on ne s'était engagé ». La réplique du Beauceron, figurée et ironique, peut être rapprochée de l'expression moderne et familière *c'est toujours ça de gagné*. [413] *Montrer les talons* : « S'enfuir, se retirer de quelque lieu » (L.). « Montrez-nous les talons » signifie « sortez d'ici, déguerpissez ». [414] *Taupe* : Variante graphique de *tope. Dire tope à quelque chose* est une formule d'acquiescement, synonyme de « consentir à quelque chose » (F.). « On dit absolument *Tope*, pour dire, Je tope » (A, 1718). Le Beauceron rappelle son indulgence à l'égard de Climenne. [415] *Endroit* : « Se dit figurement des choses incorporelles, pour signifier le costé le plus beau, le plus brillant. Un panégyrique fait voir les gens du beau costé, par le bel *endroit* » (F.). Le gentilhomme utilise l'expression « bel endroit » avec ironie puisque le discours qu'il annonce est justement loin d'être un panégyrique de Climenne. [416] *Gueuse* : « Se dit hyperboliquement de ceux qui n'ont pas assez de biens de fortune pour soustenir leur naissance et leur qualité, et aussi de tout ce qui marque quelque indigence » (F.). Le gentilhomme rappelle à Climenne que sa fortune n'est pas à la hauteur de sa qualité, soulignant ainsi que, en ce qui le concerne, la qualité de gentilhomme qu'il revendique est conforme au montant de ses biens. D'autre part, la définition de Furetière, qui marque un décalage entre l'apparence et la réalité, met en évidence le fait que Climenne n'est pas non plus à la hauteur de sa réputation, de l'image que l'on a d'elle. Cette idée, leitmotiv du discours du Beauceron, est développée dans les vers suivants. [417] Voir note du v. 103. Ici, l'emploi de *dedans* peut être une facilité poétique mais il peut aussi ressortir à la volonté, de la part du gentilhomme, d'insister sur la faveur qu'il accorde à Climenne en l'acceptant « dedans son lit ». [418] *Vallant* est mis pour le substantif masculin *vaillant. Vaillant* : « Le bien d'une personne, ce qu'elle possède. Cette fille a épousé un Gascon qui n'a pas un sol *vaillant* » (F.). Le vers signifie : Vous ne possédez pas l'habit qu'on vous voit mettre, autrement dit, vous ne correspondez pas à l'image que l'on a de vous. *Habit* désigne, par métaphore, l'apparence trompeuse. [419] Le substantif *cocquet* n'est pas consigné dans les dictionnaires du XVII*e* siècle. Il est vraisemblablement synonyme de « coquetterie ». [420] Au propre, *jouer beau jeu* signifie « jouer beaucoup d'argent » (F.). Ici, l'expression réalise l'idée figurée de « profiter jusqu'à satiété, s'en donner à cœur joie ». Le Beauceron insinue que la mère de Climenne a eu beaucoup de galants. [421] *En avoir dans l'aîle* : « On dit d'un homme malheureux, qu'il en a dans l'*aile*, pour dire, qu'il luy est arrivé quelque accident fascheux » (F.). Ces « accidents fascheux » sont, pour le père de Climenne, les infidélités de sa femme. [422] Comprendre : Doutait que vous eussiez été conçue par lui, que vous fussiez sa fille. *Façon* : « Action de faire ; usité en ce sens seulement avec la préposition *de*, … et signifiant par le fait de quelqu'un, par son œuvre. De la façon de, se dit aussi de l'enfant fait à une femme » (L.). [423] *Encore que* : Bien que. [424] *L'un et l'autre* se rapporte à la mère de Climenne ainsi qu'à son galant. [425] *Chasser de race* : « Un garçon, … une fille chassent de race, quand ils ont les mêmes inclinations que leur pere ou leur mere » (F.). [426] Comprendre : Ou craindre avec raison qu'on ne surprenne ce cœur (celui de Climenne), c'est-à-dire qu'on ne le séduise. [427] *Une rare beauté* : Il s'agit de Climenne. [428] Diérèse : Le mot compte pour trois syllabes. [429] La ville de Boulogne est située dans une boucle de la Seine, à la limite sud-ouest de Paris et Saint-Cloud est un « bourg de l'île de France, sur la Seine, à deux lieues au dessous de Paris » (Louis Moreri, *Le Grand Dictionnaire historique*, 1759). Les Parisiens à la mode hantaient les châteaux de ces deux villes. En 1658, Louis XIV offre à son frère le château de Saint-Cloud. Abbas Ismaïl Abou-Ghazala précise que « dans cette résidence royale, tout à fait somptueuse, les fêtes devaient être nombreuses » (*Spectacles et divertissements à la Cour de France 1661-1680*, 1988, p. 460). [430] Littré relève l'expression *recevez cela à bon compte*, glosée par « recevez cela en déduction de ce que je vous dois ». Le gentilhomme laisse entendre que si Climenne reçoit des présents *à bon compte* de ses galants, c'est que ces derniers lui sont redevables, donc qu'elle leur accorde des faveurs. [431] Il s'agit d'un néologisme composé du préfixe *dé*-, qui indique la privation, et du verbe *cocqueter*. [432] Voir note du v. 883. [433] Rupture de construction : Le support agentif du participe présent *esperant*, c'est-à-dire le gentilhomme, diffère du sujet du verbe de la proposition principale, *avez pretendu*. [434] De même qu'au vers 396, la concordance des temps n'est pas respectée. Le choix du présent de l'indicatif confère un surcroît de réalité et de vérité au danger d'être cocu, comme si, pour le Beauceron, l'adultère avait déjà eu lieu. [435] *Le solide* : L'argent. « On dit aussi dans les affaires, Il faut avoir du *solide*, pour dire, de l'argent comptant, de bonnes seuretez et cautions » (F.). [436] *Botte* : « En termes d'Escrime, est un coup qu'on porte avec un fleuret, une estocade ». Au figuré, le terme désigne les « attaques qu'on porte à quelqu'un dans le discours familier, en luy faisant quelque reproche, … quelque emprunt qui luy donne du chagrin » (F.), une « attaque imprévue » (A, 1932). Comprendre : Vous avez porté atteinte à ma bourse en la délestant de vingt louis. [437] *Payer le violon* : « On dit d'un homme qui fait dépense dont quelque autre tire tout l'avantage, qu'il paye les violons et que les autres dansent » (A, 1884). Diérèse sur *violon* qui compte pour trois syllabes. [438] *Avoir de bons mémoires* : « On dit … d'un Prince vigilant qui est averti de tout ce qui se passe chez luy, ou chez ses voisins, qu'il a de bons *memoires* » (F.). [439] Comprendre : Et si je puis de vous m'être informé, sans pour autant obtenir des renseignements fiables. [440] *Errante* : Au XVII*e* siècle, le participe présent peut varier en genre et en nombre. [441] *Conte* signifie, dans cette occurrence, « profit, avantage, satisfaction » (F.), « contentement » (C.). Pour la graphie de *conte*, voir note du v. 9. [442] Diérèse : Le mot compte pour quatre syllabes. [443] Le *e* muet est prononcé devant une consonne. Le mot compte donc pour trois syllabes. [444] La proposition « que je l'estime plus » est régie par le verbe « s'estonner » (v. 1555). De fait, l'édition de 1739 ajoute une virgule après « S'il le mérite mieux » afin de mettre en évidence la construction. [445] *Homme de néant* : « Se dit figurément en Morale, de ce qui est peu estimé, peu considérable » (F.). [446] *Devant qu'il soit trois fois les Rois* : « On dit encore, Nous verrons cela avant qu'il soit trois fois les *Rois*, pour dire, dans quelque temps d'icy » (F.). Au vers 1604, Climenne glose l'expression par « devant qu'il soit peu ». [447] Diérèse : Le mot compte pour trois syllabes. [448] *Une fois* : Formule qui pose un fait , comme *au moins, une bonne fois*. [449] Diérèse à la rime sur *liez* et *mariez* qui comptent respectivement pour deux et trois syllabes. [450] *On me la baille belle* : On veut me tromper, on se moque de moi. [451] *Habit de campagne* : « Un habit de *campagne*, est un gros habit de fatigue (se dit « en parlant des hardes et des habits qui résistent au mauvais temps, ou qu'on ne se soucie pas de salir et de gaster ») qu'on porte aux champs » (F.). [452] *Etre à la mode* : Se conformer à ce qui a cours dans le beau monde. [453] *Tenter fortune* : « S'engager dans une entreprise dont le succès dépend en grande partie du hasard, d'événements qu'on ne peut régler ni prévoir » (A, 1884). [454] Allusion aux cornes du cocu. [455] Comprendre : Quelle que soit la force de l'amour qu'il ressent. [456] Voir note du v. 866. [457] *Jusque* « se dit … d'un lieu et d'un temps indefini » (F.). *Jusqu'au revoir* signifie « à la prochaine fois ». [458] Diérèse : Le mot compte pour trois syllabes.