Or est-il mort, hélas ! Hélas ! Jenin Landore, mon mari, Mon espoir, mon bien, mon soulas. Or est-il mort, hélas ! hélas ! Quand m’en souvient, je perds ébats, Et ai le coeur triste et marri. Or est-il mort, hélas ! Hélas ! Jenin Landore, mon mari. Quand il était enseveli Il demandait au clerc à boire. Toutefois (il) est mort.         Hélas ! voire. Il mourut de soif.         Se fit mon. Se était un bon biberon En son voire ne laissait rien. De cela vous ressemblait bien (Car) volontiers vins allait tâtant. Fallait-il, puisque l’aimais tant, Que mort le vint ainsi abattre ? Il était assez bon folâtre, Et se marchait de bon pied. Bona dies, bona journus. A déchiffré par le menu, C’est-à-dire en latin Dieu gard. Retirez-vous à part, à part, J’en viens, j’en viens, je y ai été. Qu’est-ce ici ? Benedicite, Notre-Dame de Réconfort ! C’est votre mari.         Il est mort. Jamais ne fus si ébahie. Je suis mort et je suis en vie, Tout aussi vrai que je le dis. D’où venez-vous ?         De Paradis. Qu’est-ce ici ? C’est trop caqueté Mon suaire en ai apporté, Et suis passé par purgatoire. Vous n’êtes point Jenin Landore ; Ne sais que faire ici venez. Si suis-je Jenin par le nez Et Landore par le menton. C’est lui sans autre.         Se suis mon. Si ne veux-je pas qu’il me touche. Si je voulais ouvrir la bouche, Je vous dirais bien des nouvelles. Et je vous prie, dites-nous quelles Ici rien celer ne vous faut. J’ai vu faire un terrible assaut. Y a-il eu quelque meschef ? J’ai vu Saint Pierre atout sa clef Et Saint Paul atout son épée, Qui avait la tête coupée À Saint Denis, se lui semblait, Et Saint Français les combattait, Frappant sur eux, patic, patac. Alors y arriva Saint Marc, Qui très bien secoua leur plisse. Puis vint Saint Jacques en Gallice, Atout sa chape bien doublée. Quand Dieu vit toute l’assemblée, Ainsi frapper, il est notoire Qu’à Saint François donna victoire Mais je m’en vins de pour des coups. Jenin Landore, dites-nous, Que faisait alors Saint George ? Il n’était point en bonne forge, Car il craignait fort l’intérêt. Ainsi, comme il nous apparaît, Il y eut terrible bataille. Il faut clorr la muraille De Paradis soudainement. Autour a été sûrement Plein de Suisses et Lansquenets, Qui eussent fait, je vous promets, Terrible guerre en Paradis, Tout aussi vrai que je le dis. Dieu leur fit, plutôt que plus tard, À chacun (un) paradis à part Car de longtemps haïent l’un l’autre. Tout beau, il y a de la faute C’est donc un paradis nouveau Fait et construit nouvellement. Or c’est mon, par mon serment. Mais, ainsi qu’on s’entrebattait Saint Laurent, qui s’ébattait À rôtir sur son gril Souysses, Tout ainsi qu’on fait les saucisses À une taverne en hiver. Garde n’avais de m’y trouver. Raison ?         Je crains trop coups de piques. Dites nous, sans plus de répliques, Que c’est de paradis. Je vous promets que ce n’est pas Ainsi comme le temps passé. C’est bien dit, massé ? La raison ?         Il n’y a rien qui change. Sous les pieds de Saint Michel l’ange A une femme en lieu d’un diable. Cela n’est pas bien convenable. Si est-il ainsi, demi dieux Il y a Saint Benoît le vieux. Qui tient bien la loi ancienne Mais certes Saint Benoît le jeune De l’Eglise ne prend plus soin ; Il porte l’oiseau sur le poing Et tranche du bragard.         En somme, Jenin Landore en parle bien. J’en puis parler quand j’en viens Tout aussi droit qu’une faucille. Se j’eusse été bien habile, Je ne serais pas retourné. Avez-vous longtemps séjourné En Paradis ?         Certes, mamie. Je vous promets qu’i n’y ennuye, Non plus que quand on est à table. Je crois bien qu’il est véritable Et qu’on n’y endure nul mal. Saint Christophe y va à cheval. Saint Martin, qu’est-ce que de lui ? Il va à pied pour le jourd’hui. Dites, qu’y faisaient les apôtres ? Ils disent tous leurs patenôtres. En Paradis fait-on excès ? Il n’y a ne plaid ne procès, Guerre, envie, ne débat ; Car il n’y a qu’un avocat, Par quoi il n’y faut nuls plaideurs. Combien y a-il de procureurs ? Dites-nous s’il y en a point ? Ma foi, je n’en mentirai point. Je le dirai devant chacun, Je n’y en ai vu pas un La vérité vous en l’apporte. Il en vint un jusque(s) à la porte, Mais, quand vint à entrer au lieu, Il rompit tant la tête à Dieu Qu’on le chassa hors de léans. Çà, Jenin, quant est de sergents, Paradis en est bien pourvu ? Corbieu, je n’y en ai point vu. Tout fait, tout dit et tout comprit, Quelque chose y avez-vous apprit ? Say mon dea.         Or nous l’apprenez. J’ai appris, si le retenez Mais faites silence. Quoi ?         Une science. Quelle ? Ne la veuillez celer. Garder les femmes de parler, Quand je veux.         C’est une grand chose. Par l’âme qui en moi repose, Je verrais volontiers l’usage. Voire.         Et comment, Jenin ? Baillez-leur à boire. Car je croi, tandis qu’ils bevront, Que alors point ils ne parleront ; Il est tout vrai, la chose est telle. Quelle autre science nouvelle Savez-vous Jenin ?         J’en sais bien une : Je dis bien la bonne aventure Des gens, si tôt que vois leurs mains. Est-il vrai ?         Tout ne plus ne moins. Voire, par Saint Pierre l’apôtre, Curate, montrez-moi la vôtre Hardiment.         Tenez, beau sire. Je vois ce que je n’ose dire. Je vous avoue que l’on propose Tout ce qu’on voudra proposer. Pour la vérité exposer, Vous êtes ivre et gourmand, Par quoi vous vivrez longuement. Et si aimez le féminin Et appétez boire bon vin. Ailleurs ne vous voulez ébattre. Dieu met en mal an le folâtre. Tibi soli.         Et dea, Jenin, Qu’est-ce ci ? Vous parlez latin ? Je ne puis entendre vos dits. C’est du latin de paradis, Qui m’avait enflé tout le corps. Se ne l’eusse bouté dehors, Crevé fusse pour tout certain.. Sa, sa, regardez ma main. Que tu es une bonne bête. Dea, Jenin, vous hochez la teste. C’est pour le sang de ma cervelle, Qui dedans ma tête se mêle Car mon engin est trop subtil. Sus, que suis-je ?         Poisson d’avril. Poisson d’avril ?         Voilà le cas. Et voire, mais je n’entends Que c’est pas à dire.         Voici rage Quand on met une pie en cage, Que lui aprend-on de nouveau À dire ? Parle.         Maquereau. Clerice, tu es tout gentil. Maquereau c’est poisson d’avril Ainsi es-tu, je te le jure La fin de ta bonne aventure, C’est que tu aimes ton repos. Or ça mon ami, quels propos Direz-vous de moi.         Par ma foi, Je ne veux rien savoir, ma femme, De peur de trouver quelque blâme. Car, s’en vos mains je regardais, Peut-être que je trouverais, Quelque cas qui me déplairait. Et puis.     (Et puis) quoi ?         Jenin se tairait. Et auriez-vous bien le courage ? Ma foi, ma femme, un homme sage Ne s’enquiert jamais de sa femme, Que le moins qu’il peut.         C’est la gamme. Cela évite maints courroux. Jenin, quel(le) science avez-vous Encores appris en Paradis ? Se vous n’êtes tous bien hardis, Belle pour vous ferai tantôt. Et comment ?         Or, ne dictes, Et mot, vous verrez chose terrible Car je me ferai invisible Quand je veux plus n’en faut enquerre. Voici les rets de quoi Saint Pierre Et Saint André pêchent tous deux. Je vous en crois bien, par mes dieux ; Vous savez procurer votre cas Ma foi, vous ne me voyez pas. Mais dis-nous, où est-ce que tu vas ? Le corps bieu, vous n’en saurez rien. Or sus, vous ne me voyez pas Maintenant, et je vous vois bien. Dea, Jenin Landore, combien Serez-vous bien en cette mode ? Autant que fut le roi Hérode À décoller les innocents. Ennuis verrez que par mon sens, Aurai bruit entre les hardis. Gens qui viennent de paradis Sans faute sont tous invisibles. On ne voit point, sans contredis, Ceux qui viennent de paradis. Bonjour, bonsoir, adieu vous dis. Jenin fait choses impossibles. Je ferais des choses terribles Se j’étais un peu reposé. Adieu vous dis. Je prends congé.