Beautés qui m’avez fait la cour Dont je me tiens fort honorée, Je viens vous la faire à mon tour De mes plus beaux habits parée. Je suis la Foire Saint-Germain, Où vos beaux yeux avec leurs charmes ? Et les filous avec leur main Ont fait souvent de beaux faits d’armes. Parmi mes plus hardis pipeurs Il n’en est point qui ne vous craigne, Tant vous avez pipé de coeurs Dans le temps qu’a duré mon règne. Je vous amène ici des gens De qui les coeurs se laissent prendre? Et qui font métier de marchands Quand ils trouvent des coeurs à vendre. Ceux que vos beaux yeux ont volés Ne touchent pas leur convoitise, Pour les vôtres, si vous voulez, Ils mettront jusques à leur chemise. Ô malheur du temps où nous sommes, Je suis le plus adroit des hommes, Et suis réduit à balayer : Mais si vous voulez m’employer Au charmant métier de vous plaire, Vous verrez ce que je sais faire. Si je n’en sors à mon honneur, Ne vous fiez jamais au balayeur. Un valet est de bon usage À qui veut être proprement, Je ne sache point d’instrument Qui nettoie mieux un ménage ; Si vous voulez avoir le vôtre toujours net, Belles, prenez le mien pour votre cabinet. Ne vous étonnez pas de voir notre ignorance, Et nous voir éblouis parmi tant de beautés ; Faut-il pas s’abaisser avecques révérence, Et porter le respect à des Divinités. Bourges, cette ville frontière, Que le Prince aime comme choux. À des orfèvres tels que nous, Qui chôment, faute de matière. Belles Dames, qui nous voyez Bien adroits et mal employés. Fournissez, s’il vous plaît, de fournaise et l’enclume, Mais surtout de riches métaux ; Et nous vous fournirons, selon notre coutume, Notre travail et nos marteaux. Beautés, qui triomphez et mettez tout à bas, Laissez-nous ramoner toujours de haut en bas. Je suis illustre en mon métier, Et l’on me tient dans mon quartier Pour un faiseur de tartelette ; Belles, si vous voulez en acheter de moi, Ma marchandise est belle et nette, Et vous y trouverez de quoi. Belles, dont le doux visage Cache une extrême rigueur, Qui gagnerait votre coeur, Ferait un bon tour de page. Je n’aime que la paix, l’amour et la concorde, Je danse bien dessus, et fais danser la corde. Objets si charmants et si doux, Et vous, braves et galants hommes Qui nous prenez pour des filous, Savez-vous quels filous nous sommes ? Nous n’attrapons pas seulement L’argent des simples et des dupes, Mais nous faisons également Trembler les manteaux et les jupes ; Prenez garde au sortir d’ici Que la chose n’arrive aussi. Beautés pleines d’appas, Qui brûlez qui vous adore ! Au nom de Dieu n’allez pas Nous traiter de Turc à Maure.