Deux illustres familles, Apaisent leur courroux, Tuchoux ; Et vos cinquante filles Trouvent cinquante époux, Tuchoux, Tous Princes et bons drilles, Tuchoux, Ah, quel bonheur pour vous ! Que ce jour est heureux ! Pas tant que tu le dis. Pas tant que tu le dis. Un frère chicaneur me chassa de Memphis, Et me force en ces lieux à couronner ses fils. Ne sont-ils pas vos neveux ? Oui. Par conséquent, vos filles sont leurs cousines ? Hé bien. Hé bien. Cousins et cousines Sont faits pour s’aimer, Et pour s’entre-couronner. Mais, Seigneur, si cette alliance vous faisait tant de peine, que ne refusiez-vous la paix ? Pouvais-je soutenir la guerre, Et ne sais-tu pas comme moi, Que la moitié de la terre D’Égyptus reconnaît la loi ? Voilà pourquoi,bis Je n’ai pu soutenir la guerre, Parce qu’il est plus fort que moi. Il a plus de soldats que je n’ai de sujets, et quels sujets ! Ils se ressouviennent encor De Gélanor. Ils ont grand tort. Ne savent-ils pas qu’il est mort, Et que tout ombre Du palais sombre Jamais ne sort. Oui, mais c’est moi qui l’ai tué. Bon, ne fallait-il pas toujours qu’il mourut ? Mais on vient... À quoi vous amusez-vous, Mon père, mon père ? Nous attendons nos époux, Est-ce dans un cimetière Qu’on forme des nœuds si doux ? À quoi, etc. Venez, venez, fuyez ces lieux tristes, et lugubres qui redoublent votre peine. D’un doux regard Le ciel nous favorise, Mais de sa part Je crains encor la crise. Car Quand on fait une sottise, On la paye tôt ou tard. N’ayez aucune peur. De vos neveux la quantité, La valeur, l’alliance, Du trône où vous êtes monté Affermit la puissance. Songez qu’ils sont cinquante, quoiqu’on n’en parle point à l’Opéra. Par un destin prospère, Avant qu’il soit deux ans, Vous vous verrez grand-père D’un régiment d’enfants. Allons gai, d’un air gai, toujours gai. J’attends mes gendres avec impatience. J’ai promis Lyncée à votre amour, je vous tiendrai parole. Il parut ici par l’ordre d’Égyptus ; vous me vantâtes son mérite, et vous m’ordonnâtes de l’aimer, je ne balançai pas un moment à exécuter vos ordres. Mon soin d’abord fut de lui plaire, Il fut l’objet de mes amours, Car une fille doit toujours Obéir à son père. Mais quand je vous vois si fort enseveli dans la tristesse, est-il quelque bonheur pour moi ? Oh, ma foi, je n’ai pas envie de rire. Quel nouveau chagrin peut encore vous agiter ? Ma fille j’ai vu cette nuit De Gélanor l’ombre implacable, Dans ma chambre il a fait grand bruit, D’une voix rauque et formidable, Arrête, arrête, m’a-t-il dit. Croyez-vous que Pluton renvoie Les morts qu’il tient dans son cachot ? L’Achéron lâche-t-il sa proie ? Diable zot. Ce n’est pas là tout, écoutez le reste. Les dieux l’ont armé de la foudre, Soigneux de venger son trépas. J’ai vu mon trône en mille éclats, Et mon palais réduit en poudre. Ah ! Vos songes sont trop mauvais, Puissiez-vous ne rêver jamais. Je vais lui donner une fête, Ce spectacle sera nouveau. Allons, enfants, que l’on s’apprête À l’amuser dans son tombeau. Mon père, pouvez-vous dire Qu’on aime à rire Chez les morts ? Ma fille, retirez-vous, et laissez-moi. En vérité, le bonhomme radote ! Ombre d’un Prince infortuné Que j’ai moi-même assassiné, Ô reguingué, ô lon lan la, Soyons amis, plus de querelle, Pardonne cette bagatelle. Honorez, Célébrez, Et sa gloire Et sa mémoire. Que nos jeux, que nos chants Lui fassent passer le temps. Honorons, Célébrons, Et sa gloire Et sa mémoire. Que nos jeux, que nos chants Lui fassent passer le temps. Le jour pâlit ! la terre tremble ! Quel pouvoir contre nous rassemble, Et confond tous les éléments ? Quels sifflements ! L’ombre cruelle Reçoit nos divertissements Tout comme une pièce nouvelle. Tous tes regrets sont superflus, Bientôt un des fils d’Égyptus, Pour me venger de ton audace, Tyran, va régner en ta place. Mon sang fut répandu par toi, Il versera le tien pour moi. Que mon cœur est agité ! Ah ! par cette obscurité, Tu redoubles mon supplice, Dis-moi donc qui me tuera. On vous en ratisse, tisse, tisse, On vous en ratissera. Ombre inhumaine expliquez-vous, Sur qui doivent tomber mes coups ? Dans une telle pépinière, Il s’agit de développer Celui que ma main doit frapper, Comment faire ? Voyez la plaisante vétille, Je n’ai pour sortir d’embarras Qu’à tuer toute la famille, Et je ne m’y tromperai pas. Ah ! quel affreux orage, Cessez vents furieux D’exercer votre rage Sur l’objet de mes feux. Dans vos grottes profondes Rentrez en ce moment, Doux Zéphirs sur les ondes, Conduisez mon amant. Que je suis heureuse ! La tempête cesse. Le temps est calme, et le vent doux, Dépêchez-vous, Mon cher époux. L’Hymen nous attend au port, Pour vous y faire un heureux sort. Ce dieu dans ce jour D’accord avec l’Amour Va couronner l’ardeur qui nous presse, Faisons sur ces bords, Éclater nos transports, Et que nos tendres désirs, Comblés par les plaisirs, Dans nos cœurs renaissent sans cesse. Viens promptement, jeune héros, Hâte-toi, traverse les flots, L’Amour veut de la diligence. Y avance, avance, Réponds à son impatience. Que ne vous dois-je point, mes chers enfants ? Voilà ce qui s’appelle être bien secondée. Lyncée ne peut manquer d’arriver lorsque tout un peuple l’appelle... Mais n’est-ce pas lui que j’aperçois... Ô ciel ! En quel état s’offre-t-il à mes yeux ? Ça Fanchon, Mon petit bouchon, Ça ma chère Faites faire Du feu car j’ai le frisson. Cher époux Je tremblais pour vous. Des poissons l’humide canaille, Les huitres à l’écaille, De moi tout était jaloux. Mais enfin, L’Amour bien plus fin M’a malgré l’orage, Conduit à la plage, Je promets... De n’en dériver jamais. Tout parle ici de votre amour extrême, Mon tendre cœur n’a rien à désirer. De vous aimer je fais mon bien suprême, De mon ardeur tout doit vous assurer. Mon cher amant, croyez-vous qu’elle dure ? Lure, lure, lure. Oh ! sans doute, elle durera Autant qu’à l’Opéra. Sort heureux, aimable jour, Vous augmentez mon amour En finissant mes alarmes. Sort heureux, aimable jour. Oh ! Finissez, s’il vous plaît, vous m’étourdissez. J’ai bien autre chose à faire que de vous entendre brailler, allons chercher le Roi, mon futur beau-père. Déjà vos frères et mes sœurs Se jurent dans le temple Les plus sincères ardeurs, Suivons leur exemple. Cessons d’inutiles discours, Nous n’avancerons rien si nous chantons toujours. Venez, Princesse mes amours, Venez au temple. Ah ! Mon gendre vous voilà ? Soyez le bien venu : vous avez bien tardé. Vos frères plus impatients N’ont pas attendu si longtemps, Ils ont déjà conclu l’affaire, Laire, laire, laire, etc. Malepeste ! Ils étaient bien pressés. Beau-père, on ne doit pas si vite Prononcer ce funeste mot, Car le mariage est un gîte Où l’on n’arrive que trop tôt. Au temple l’Hymen vous appelle. Entrez-y donc.         Je vous suis, ma belle. Tout est prêt pour la cérémonie. Oh ! point de façon, je vous en prie. Sur cet autel qu’on révère, Isis recevez les serments, Que toujours y font les amants, Et plus souvent ne tiennent guère. Que toujours, etc. De ma vive flamme Hymen soit le garant. Je jure à ma femme D’être toujours constant. Je vous serai fidèle, J’en fais, cher amant, Le serment. Hélas, ma belle, L’Amour le fait, mais l’Hymen le dément. Allons, qu’on ouvre les portes du temple, et que tout le monde y entre pèle-mêle. Gai, gai, gai, Madame la mariée. Bon, bon, Je sommes ravis tatigué, De vous voir si bien accouplée. Gai, gai, gai. À l’Amour, En ce jour, Rendons tous hommage. Quelle douceur ! Quand ce vainqueur Nous engage, Livrons-nous À ses coups. Jeunes cœurs hâtez-vous, Il ne veut votre encens Que dans vos beaux ans. Que votre présence calme les mutins, Voyez l’insolence De tous ces coquins. Pendant que l’on danse Ils nous rossent tant et plus, Lanturlu, lanturlu, lanturlu. Sur moi leur injuste vengeance Poursuit le sang de Gélanor, Mais c’est en vain que ma clémence Voudrait les épargner encor. Ah ! morbleu, nous allons bien rire Talaleri, talaleri, talalerire. De vous, que j’obtienne une grâce, Souffrez qu’en cette occasion, Sur cette vile populace, Je fasse une belle action. Allez donc vous battre à ma place. Le beau-père est un peu poltron. Sortez tous, et vous ma fille demeurez. Je ne sais comment elle recevra le beau compliment que je vais lui faire. Quoique les liens les plus doux Vous attachent à votre époux, Vous devez votre affection À votre cher papa mignon. Vraiment, je le sais mon père. Écoutez-moi donc. (bis) Ma fille, l’on a résolu D’immoler votre père. J’ai besoin de votre vertu. Et qu’en voulez-vous faire ? Elle doit armer votre bras. Sachons sur qui je dois Exercer mon courage. Sans différer nommez-moi L’ennemi qui vous outrage. Son nom seul va, je gage, Glacer ton cœur d’effroi. Quoi ! Vous pouvez soupçonner ma faiblesse ? Seigneur, si du serment Que dans ce jour j’ai fait à la déesse, Vous n’êtes pas content, Pour vous prouver mon amitié sincère, Je vais encor faire, Moi Je vais encor faire. À vous parler sincèrement, (bis) Je crains que le second serment N’ennuie, n’ennuie. Jamais on en fit tant En Normandie. Écoutez celui-ci, il vous fera trembler. Malgré le respect sincère Que j’ai pour toi, Si je ne venge mon père, Hymen fais-moi Manquer de foi dès aujourd’hui À mon mari. En vérité, voilà un terrible serment ! Du plus funeste sort Ma tête est menacée, Pour empêcher ma mort Va percer...     Qui ?         Lyncée. Quelle loi sanguinaire, Hélas, m’imposez-vous ! Me convient-il, mon père, De tuer mon époux ! L’ombre de Gélanor m’a prédit tantôt qu’un des fils d’Égyptus me ravirait la vie, et la couronne. Vos sœurs n’ont pas fait tant de difficulté, elles sont bien plus résolues que vous. Elles vont dans la nuit m’immoler mes victimes. Hélas ! Vous soupirez ! Vos soupirs sont des crimes... Vous balancez encor ! Qui peut vous arrêter ? Votre serment vous lie, allez l’exécuter... Hé bien, que ne partez-vous ? Lorsque ma volonté, ma fille, se déclare, C’est à vous de répondre à mon intention. Serais-je assez barbare ! Obéissez-moi donc. Mon cher père tarare, Pompon. Va, va, j’ai pris se si justes mesures que Lyncée ne pourra se soustraire à ma fureur. La nuit favorisera mon projet. J’ai su m’assurer ma vengeance. En vain l’amour retient tes coups, On va dans l’ombre et le silence, Partout assiéger ton époux. Justes dieux ! Que dois-je faire ? Quoi ! cédant à son courroux, Mes sœur par l’ordre d’un père Assassinent leurs époux. Ô nuit de tes voiles sombres Quel est le fatal secours ? Toi qui ne devais tes ombres Qu’au triomphe des amours. Où diable trouverai-je ma femme ? Je la cherche partout... Si je ne me trompe, je crois que c’est vous, ma mignonne ? Doux objet de ma flamme Je vous retrouve enfin... Mais, que vois-je ?... Ma femme, Quel est votre dessein ? Cet instrument, ma mie, N’est guère de mon goût. N’auriez-vous point envie De faire un mauvais coup ? Que lui dirai-je ?... Croyez-moi, Lyncée, éloignez-vous de ces lieux, fuyez-moi de grâce. Moi vous fuir !... Vous n’y pensez pas. Par ma foi j’ignore Pour quelle raison, Je ne suis encore Mari que de nom. Il faudrait, Madame, À vous parler net, Pour quitter ma femme, L’être tout à fait. Mais que veut dire ceci ? Vous me parlez par énigme, expliquez-vous mieux. Pour sauver un époux que j’aime, Fer fatal à toi j’ai recours, Ne sert qu’à m’immoler moi-même, Mourons pour conserver ses jours. Turlututu rengaine, rengaine, Rengaine ton couteau. Que diable voulez-vous faire ? Quoi, tu prétends, assassine, Te percer de part en part ? Ma vertu m’y détermine, Mon cher, rends-moi ce poignard. Je n’saurais, S’il entrait dans ta poitrine, Tu mourrais. Mais quel tonnerre, quels éclairs Étonnent la nature ! Ces feux qui brillent dans les airs Sont d’un sinistre augure. Quelle funeste trahison, La faridondaine, La faridondon ! Dieux, ô dieux ! on nous traite ici Biribi, À la façon de Barbari Mes amis. Quelles voix implorent les dieux ! Quels transports sanguinaires ! Je n’en doute plus, dans ces lieux, On égorge mes frères. Secourons-les... dois-je souffrir Leur sanglante défaite... Mais à quoi bon les secourir Lorsque l’affaire est faite ? Il vaut autant que je reste ici. Aux armes, camarades, L’ennemi n’est pas loin. Courons tous au vin. Aux armes, camarades, Mettons tous l’épée à la main. Portons dans le combat, Titata, L’horreur et le carnage. Que Lyncée abattu Tututu, Cède à notre courage. Comment morbleu ! On parle de moi. Ah ! Chien de beau-père, vous faites donc des vôtres ! Tout à l’heure nous allons voir beau jeu : mes amis commencez toujours. Où allez-vous donc, mon cher époux ? Je vais boire un coup. Quelle horreur ! Quel tapage ! Où porter mes regards ! Le sang dans ce carnage Coule de toutes parts. Mais quel spectacle à mes yeux se découvre ? La terre s’entrouvre, Je vois des enfers Les supplices divers. Je vois mes sœurs sur l’infernale rive... Quel est le but de leurs soins empressés ? Elles voudraient d’une onde fugitive Fixer le cours dans des tonneaux percés. Non, vos mains sont trop criminelles, Des dieux, n’espérez pas, cruelles, Apaiser le juste courroux. Vous puisez vainement, perfides, Vous avez tué vos époux, Vos tonneaux seront toujours vides. Décampons avec vitesse, Suivez-moi, mon petit cœur. Du combat je reviens vainqueur : Belle Princesse, Ma foi l’on a bien du bonheur Quand on adresse. Mais que vois-je ! Vous verrez que j’aurais tué le beau-père. Grands dieux ! quel horrible spectacle ! Ta main vient d’accomplir l’oracle. Non, fille perfide, c’est toi Qui trahis ton père et ton Roi Pour l’amour de ce misérable. Je voudrais pouvoir avec moi Tous deux vous entraîner au diable. Allez-y toujours devant, mon cher papa. Grands dieux, quelle fureur ! Vite que l’on m’emporte. La rage le transporte. Il expire, Seigneur... Ô ciel quel coup funeste ! Il ne faut pas quitter le Roi. Et zeste, zeste, zeste, Puisqu’il est défunt, croyez-moi, Songeons au reste.