Qu’est ce que tu viens donc faire ici, Saint-Hilaire ? Je viens consulter Monsieur Galand Delariverie, sur une affaire. Parbleu, je te plains d’être entre ses mains, car il ne finit rien ; je suis bien fâché de l’avoir pour Avocat. Mon affaire à moi ne sera pas longue, ce ne fera qu’une consultation. On ne le trouve jamais chez lui. Je sais bien où il va ; mais ne t’embarrasse pas ; je ne crois pas qu’il y retourne davantage. On dit qu’il est amoureux d’une Demoiselle. C’est cela même. Tu la connais peut-être ? Beaucoup. Je t’entends. Je crois avoir imaginé un moyen pour cela. Ne lui fait pas de mal. Ne t’inquiète pas. C’est que s’il était malade, cela reculerait encore mon affaire. Tu n’as rien à craindre. Je m’en vais, je revendrai tantôt. Messieurs, Monsieur l’Avocat va revenir dans l’instant. Où est il ? Il n’est pas loin, il est chez Mademoiselle de Sainte Lucie. C’est cela même. Allons, c’est bon. Adieu, Saint-Hilaire, à ce soir. Le voilà, Monsieur l’Avocat, il rentre par le jardin, Allons, laissez nous. Ici Monsieur, ici. Ah, c’est Monsieur de Saint-Hilaire. Oui, Monsieur Galand, je viens vous consulter. Monsieur, vous me faites bien de l’honneur, asseyez-vous donc, s’il vous plaît. Ce n’est pas la peine. Voici, de quoi il s’agit. Mais, Monsieur, je ne peux pas vous écouter comme cela. Allons, puisque vous le voulez absolument. C’est que réellement vous ferez mieux. Monsieur, je viens vous consulter pour savoir ce que je dois choisir d’une chose ou de l’autre que je me trouve dans la nécessité de faire. Voyons, Monsieur, expliquez votre affaire comme elle est. Monsieur, je n’ai jamais eu de procès de ma vie, et je voudrais bien n’en pas avoir. Il y a peut-être quelque moyen d’accommodement ; voyons. Monsieur, il y a un homme dans le monde qui me déplaît beaucoup, je suis déterminé à lui donner cent coups de bâton, ou à le jeter ter par les fenêtres. Monsieur, c’est violent. Je le sais bien ; mais je ne peux pas absolument m’en dispenser, et je viens vous consulter sur le choix de ces deux choses-là. Je ne vous conseillerai jamais ni l’une ni l’autre, il y a trop de danger. Oui pour cet homme-là. Pour vous-même ; mais quelles raisons avez-vous ? Il y a les voies de la Justice. Je vous dis que je ne veux pas avoir de procès, cela m’impatiente, et je ne veux pas tirer cette affaire-là en longueur. Mais que vous a fait cet homme qui puisse vous porter à cet excès de violence ? Le voici, Monsieur. Je suis très amoureux d’une Demoiselle fort aimable que j’ai même envie d’épouser, je crois lui plaire, et cet homme ne cesse point de venir dans la maison ; vous entendez ? Oui, Monsieur, très bien. Or, comme il paraît vouloir déterminer la mère de cette Demoiselle en sa faveur, je ne vois pas d’autre parti à prendre que de l’expulser de cette maison. N’est-ce pas expulser qu’il faut dire ? Oui, Monsieur. Je trouve bien que de le faire sauter par les fenêtres serait plus court ; mais il pourrait en mourir, et pourvu qu’il n’y revienne plus, c’est tout ce qu’il me faut ; ainsi les coups de bâton pourraient peut-être lui suffire. Conseillez-moi. Monsieur, il pourrait arriver que... Parlez-moi naturellement, j’aimerais fort les coups de bâton. Prenez plutôt le parti de la douceur ; cela aurait moins d’inconvénient. Oui ; mais cela sera lent. Non, non, attendez quelques jours, vous verrez que cet homme-là prendra son parti. Vous le croyez ? Oh sûrement vous ne le reverrez plus, Vous me le promettez ? J’en réponds, même. En ce cas-là... Mais si je le retrouve encore, pour lors je prendrai le parti de la fenêtre. Vous ne serez plus exposé à cette violence. Allons, Monsieur, nous verrons. Monsieur, qu’est-ce que vous faites donc ? Il faut bien que je vous paye votre consultation. Monsieur, vous vous moquez de moi. Vous n’êtes pas obligé de donner votre temps et votre science pour rien, je suivrai donc votre conseil, j’attendrai deux jours ; mais après cela je ne balancerai plus. Adieu, Monsieur Galand, en vous remerciant. Monsieur... Rentrez donc. Monsieur, je vous verrai aller.