LOUIS est triomphant, tout céde à sa puissance,            La Victoire en tous lieux, fait reverer ses Loix. Pour la voir avec nous toujours d’intelligence, Rendons-luy des honneurs dignes de sa presence. Rendons-luy des honneurs dignes des grands exploits         Qui consacrent le Nom du plus puissant des Roys. LOUIS est triomphant, tout céde à sa puissance, La Victoire en tous lieux, fait reverer ses Loix. Pour la voir avec nous toujours d’intelligence, Rendons-luy des honneurs dignes de sa presence.     Rendons-luy des honneurs dignes des grands exploits Qui consacrent le Nom du plus puissant des Roys. Paroissez, charmante Victoire, Hastez-vous, venez, descendez. Amenez-nous Bellone, amenez-nous la Gloire, Par qui vos soins pour nous sont si bien secondez. Paroissez, charmante Victoire, Hastez-vous, venez, descendez. Paroissez, charmante Victoire, Hastez-vous, venez, descendez. Ce nuage brillant nous donne lieu de croire, Que vous nous entendez. Paroissez, charmante Victoire, Hastez-vous, venez, descendez. Le Ciel dans vos vœux s’interesse, Depuis long-tems, la France est mon sejour. Attachée au Heros, qui pour elle sans cesse Fait agir sa haute sagesse, Je sens pour luy de jour en jour, En redoublant mes soins, redoubler mon amour. Ne craignez pas que la Victoire, Favorise jamais les jaloux de sa gloire. Ils ne cherchent à triompher Qu’afin de prolonger la guerre. LOUIS combat pour l’étouffer, Et rendre le calme à la terre. Ils ne cherchent à triompher Qu’afin de prolonger la guerre. LOUIS combat pour l’étouffer, Et rendre le calme à la terre. Vous resistez en vain, tremblez, fiers Ennemis, Au grand Roy que je sers, je vous rendray soûmis. Chez vous plus que jamais, par l’effroy de ses armes, Je porteray les plus rudes allarmes : Et mille triomphes divers,   Feront de son grand Nom retentir l’Univers. Par mille triomphes divers, Faisons de son grand Nom retentir l’Univers. Pour seconder vos soins, laissez faire la Gloire, Ce Heros me cherit, & je l’aimay toujours. On verra durer nos amours, Quand même il n’aura plus besoin de la Victoire. Non, non, ses ennemis jaloux, Ne pourront jamais rien, contre des nœuds si doux. Non, non, ses ennemis jaloux, Ne pourront jamais rien, contre des nœuds si doux. Le bruit des tambours, des trompettes, Ne viendra plus troubler vos jeux, Bergers, reprenez vos musettes, Chantez l’amour, chantez ses feux, La guerre & ses dangers affreux, N’approchent point de vos douces retraittes : Le plus grand des Heros, vous y fait vivre heureux. Il vaincra tant de fois, sur la terre & sur l’onde, Que ses Ennemis terrassez, Malgré tous leurs projets, seront enfin forcez De souffrir le repos qu’il veut donner au monde. Il vaincra tant de fois, sur la terre & sur l’onde, Que ses Ennemis terrassez, Malgré tous leurs projets, seront enfin forcez  De souffrir le repos qu’il veut donner au monde. Dans le bel âge, Si l’on n’est volage, Les tendres cœurs Goûtent peu de douceurs. L’ardeur d’une flâme constante Est bien-tost languissante, Veut-on d’agreables amours ? Il faut changer toujours. Dans le bel âge, Si l’on n’est volage, Les tendres cœurs Goûtent peu de douceurs. Voir nos moutons dans la verte prairie, Bondir sur l’herbette fleurie,   Sans craindre la fureur des loups, C’est pour nous un plaisir extrême ; Mais voir souvent ce que l’on aime, C’est encore un plaisir plus doux. Le bruit des tambours, des trompettes, Ne viendra plus troubler nos jeux. Prenons nos pipeaux, nos musettes, Chantons l’amour, chantons ses feux ; La guerre & ses dangers affreux, N’approchent point de nos douces retraittes, Le plus grand des Heros, nous y fait vivre heureux. Il vaincra tant de fois, sur la terre & sur l’onde, Que ses Ennemis terrassez, Malgré tous leurs projets, seront enfin forcez De souffrir le repos qu’il veut donner au monde. Fin du Prologue. Pour flater mes ennuis, que ne puis-je te croire ! Tout le voudroit, mon repos & ma gloire ; Mais en vain à douter je trouve des appas, Jason est un ingrat, Jason est un parjure ; L’amour que j’ay pour luy, me le dit, m’en asseure, Et l’Amour ne se trompe pas. Un mouvement jaloux vous le peint infidelle, Mais d’injustes soupçons troublent vostre repos ; Créüse est destinée au souverain d’Argos. Sur quel espoir Jason brûleroit-il pour elle ? Je sçay qu’Oronte est prest d’arriver en ces lieux ; Il vient remply d’un espoir glorieux : Mais à le recevoir si Corinthe s’appreste, Ce n’est point son hymen qui le fait souhaiter. Il s’éleve contr’elle une affreuse tempeste, Son secours la peut écarter. Acaste contre vous arme la Thessalie. La cruelle mort de Pelie Vous rend l’objet de sa fureur. Si Creon ne vous abandonne, De la guerre en ces lieux il va porter l’horreur ; Et lorsqu’en ce peril, comme l’amour l’ordonne, Jason veut de Créüse aquerir la faveur, Faut-il que ce soins vous étonne ? Qu’il soit abandonné de Créüse & du Roy, S’il luy faut un appuy, ne l’a-t-il pas en moy ? Quand de Colchos il prit la fuite, Maître de la riche Toison, Mon pere eut beau s’armer contre ma trahison, Quel fut l’effet de sa poursuite ? Quoy, vous resoudre à fuir toujours ? La fuite, l’exil, la mort même, Tout est doux avec ce qu’on aime. Jason pour vos enfants cherche icy du secours. Qu’il le cherche, mais qu’il me craigne. Un dragon assoupy, de fiers taureaux domptez, Ont à ses yeux suivy mes volontez. S’il me vole son cœur, si la Princesse y regne, De plus grands efforts feront voir, Ce qu’est Medée & son pouvoir. Forcez vos ennuis au silence, Un couroux violent ne doit jamais parler. On perd la plus seure vengeance Si l’on ne sçait dissimuler. Forçons nos / forcez vos ennuis au silence, Un couroux violent ne doit jamais parler. On perd la plus seure vangeance Si l’on ne sçait dissimuler. D’où vous vient cét air sombre, & qu’allez-vous m’apprendre ? Creon nous voudroit-il bannir de ses Estats ? Creon redoute Acaste, & ne s’explique pas ; Mais contre nous quoy qu’on puisse entreprendre, Du moins pour nos enfans j’ay sçeu fléchir les Dieux. S’il faut d’un fier destin suivre la loy cruelle, Ils trouveront un azyle en ces lieux ; La Princesse les doit retenir auprés d’elle. C’est estre genereuse.         Elle me laisse voir Que nous pouvons esperer d’avantage. Sur son pere elle a tout pouvoir Et j’attens tout du zele où sa bonté l’engage. L’ardeur que vous montrez à luy faire la Cour… Ignorez-vous d’un pere où va le tendre amour ? Pour nous la rendre favorable, Vos soins trop assidus devroient vous alarmer. Une douce habitude est facile à former ; Et voir souvent ce qui paroît aimable, C’est flater le penchant qui nous porte à l’aimer. Quoy vous me soupçonnez ?         Jason doit me connaistre ; Il me coûte assez cher pour ne le perdre pas. Ah ! que me dites-vous ?     Ce que je crains.         Helas ! Que ne puis-je faire paroître Ce que mon cœur pour vous sera jusqu’au trépas ! Que de tristes soucis, malgré ses doux appas, Dans un cœur bien touché l’injuste amour fait naistre ! De trop cuisants remords accablent les ingrats ; Jason ne le voudra pas estre. Quittez ces détours superflus. Pour m’asseurer du Roy, je voyois la Princesse. Mais si c’est un soin qui vous blesse, Parlez, je ne la verray plus. Non, Jason, cherchez à luy plaire. Dans les rigueurs d’un sort trop inhumain Son secours nous est necessaire. Pour nous le rendre plus certain, Diray-je ce qu’il faudroit faire ? Cette robe superbe où par tout nous voyons, Du Soleil vostre Ayeul éclater les rayons, Par son brillant a touché son envie, Ses yeux m’en ont paru surpris. Nous verrions sa faveur d’un prompt effet suivie, Si de ses soins vous en faisiez le prix. Vous le voulez, je la donne sans peine ; Mais du ciel irrité quel que soit le couroux, Songez que si je puis me repondre de vous, Je n’ay point à craindre sa haine. Que je serois heureux, si j’étais moins aimé ! Medée avec ardeur dans mon sort s’interesse, Je luy dois toute ma tendresse ;     D’une autre cependant je me trouve charmé ; Et malgré moy j’adore la Princesse. Que je serois heureux, si j’étois moins aimé ! Si vous l’abandonnez, songez-vous à la rage Où la mettra son desespoir ? Je sçay la grandeur de l’outrage, Je manque à la foy qui m’engage, Et vois tout ce que je dois voir ; Mais un fier ascendant asservit mon courage. En vain je cherche à n’y point consentir ; Des grandes passions c’est le sort qui décide. Je rougis, je me hais d’estre ingrat & perfide, Et je ne puis m’en garantir. Dans ce que peut Medée, oseray-je vous dire Que vous ne sçauriez trop redouter son couroux ? Si sur vostre ame encor la gloire a quelque empire, Voyez ce qu’elle veut de vous. Que me peut demander la Gloire, Quand l’Amour s’est rendu le maistre de mon cœur ? Dans le triste combat, où si j’ose la croire, L’avantage cruel de demeurer vainqueur, Doit me coûter tout mon bon-heur, Que peut me demander la Gloire ? Si je traite Medée avec trop de rigueur, Un objet tout charmant trouve de la douceur A me ceder une illustre victoire : Je touche au doux moment d’en estre possesseur. Sermens de ma premiere ardeur, Devoirs que je trahis, sortez de ma memoire, Et ne m’opposez plus vos chimeres d’honneur : Que me peut demander la Gloire, Quand l’Amour s’est rendu le maître de mon cœur ? Disparoissez, inquietes alarmes ; Vaines terreurs, fuyez, éloignez-vous. Le secours d’un Heros vient se joindre à nos armes, Nos plus fiers ennemis trembleront devant nous. Disparoissez, inquietes alarmes, Vaines terreurs, fuyez, éloignez-vous. L’allegresse en ces lieux, ne peut estre plus grande… Mon peuple voit Oronte, & son secours promis Doit étonner nos ennemis. Rendons luy les honneurs que son rang nous demande. Seigneur, la Thessalie attaquant vos Estats, Pour vous de mon secours je craindrois la foiblesse, Si ma seule valeur répondoit de mon bras ; Mais quand pour meriter les vœux de la Princesse, L’honneur de la servir m’attire en vostre Cour, J’ose tout esperer de l’ardeur qui me presse. Que ne peut point un cœur animé par l’amour ? Prince, je sçay que l’Amour a des charmes, Qui font les soins des jeunes cœurs ; Mais la guerre aujourd’huy, par ses tristes alarmes, En doit suspendre les douceurs. Vous brûlez pour ma fille, avant qu’elle se donne, Il faut affermir ma couronne : Jason la soutiendra, si vous le secondez. Aprés l’heureux succez de la Toison conquise, Sa valeur dans cette entreprise, Asseure les exploits que vous en attendez. Les vostres sont certains, un grand prix vous anime, Et rien n’est impossible à qui peut l’aquerir. Voyez nos peuples accourir, Et souffrez que leur joye auprés de vous s’exprime. Courez aux champs de Mars, volez, jeune Heros. Ouvrez-nous le chemin qui conduit à la gloire. Nos cœurs ont trop languy dans le sein du repos : Pour nous mener à la victoire, Courez aux champs de Mars, volez, jeune Heros. Courez aux champs de Mars, volez, jeune Heros. Ouvrez-nous le chemin qui conduit à la gloire. Nos cœurs ont trop languy dans le sein du répos : Pour nous mener à la Victoire, Courez aux champs de Mars, volez, jeune Heros. Courons, volons, d’un courage intrepide, Sur la foy de l’amour, affrontons les hazards : Ce Dieu peut tout ; puisqu’il nous sert de guide, La Victoire en tous lieux suivra mes étendards. Quel bonheur suit la tendresse ! Heureux l’amant qui l’obtient. Quelque desir qui le presse, Dans l’espoir qu’il entretient ; L’amour n’a point de foiblesse, Quand la gloire le soutient. C’est un charmant avantage, Que l’heureux nom de vainqueur ; Mais le plus noble courage, N’en goûte bien la douceur, Que lorsque l’amour l’engage, A la conqueste d’un cœur. Que d’épais bataillons, sur nos rives descendent. A nos vaillans efforts il faudra qu’ils se rendent. Unissons-nous en ce grand jour, La gloire & l’amour le demandent. Unissons-nous en ce grand jour, Nous ferons triompher & la gloire& l’amour. Fin du premier Acte. Il est temps de parler sans feindre. Acaste vous poursuit, vous n’avez rien à craindre ; Sur quelqu’espoir qu’il forme ses desseins, Tombe sur Corinthe la foudre, Plûtost qu’on puisse me résoudre, A vous livrer entre ses mains. Seigneur, une bonté si grande, Marque le cœur d’un veritable Roy. Lorsque pour vous je fais ce que je doy, A vostre tour, la justice demande Que vous fassiez quelque chose pour moy. A vous voir dans ma Cour, mon peuple s’inquiete, Il craint ce qu’avec vous vous traînez de malheurs, Et que ma complaisance à vous donner retraite Ne luy soit un sujet de pleurs. Pour le guerir de ses alarmes, Allez attendre en d’autres lieux, Pendant le tumulte des armes, Ce que de nos destins ordonneront les Dieux. A vos enfans je veux servir de pere ; Pour eux, puisque je l’ay promis, Je combatray vos ennemis, C’est plus que je ne devrois faire. Sans m’étonner j’écoûte mon arrest. Quels que soient les ennuis où mon destin me livre, Jason à partir est-il prest ? Je fais tout mon bonheur du plaisir de le suivre. Pour ne vous pas livrer, j’expose mes Estats Aux malheurs que la guerre attire, Et pour deffendre cet empire, Jason voudroit nous refuser son bras ? Me ravir ce Heros, c’est m’ôter la Victoire. Me separer de luy, c’est me priver du jour. S’il m’ose abandonner, que deviendra sa gloire ? S’il m’ose abandonner, que devient son amour ? S’il m’ose abandonner, // que deviendra sa gloire / que devient son amour // ? Par une lâcheté, voulez-vous qu’il ternisse L’éclat des grands exploits, qui le font redouter ? Ses exploits sont fameux, mais rendez-moy justice ; Si malgré les perils qu’il falloit surmonter, La Toison emportée a fait voir son courage, A qui doit-il cét avantage ? Je veux que ce qui rend son nom si glorieux, De vos enchantements soit l’effet admirable ; Ignorez-vous qu’un murmure odieux Vous fait par tout croire coupable ? Doit-on m’imputer des forfaits, Sans voir pour qui je les ay faits ? Vos reproches, Seigneur, ne sont pas legitimes. Si pour Jason je me suis tout permis, Puisque luy seul a joüy de mes crimes, C’est luy seul qui les a commis. En vain sur ce Heros vous rejettez la haine Qui ne doit tomber que sur vous. Du pouvoir de vostre art peut-estre est-on jaloux, Mais enfin mes sujets vous souffrent avec peine. Pressé par eux, pour sortir de ma Cour, Je ne puis vous donner que le reste du jour. Ay-je donc merité cette rigueur extrême ? On me chasse, on m’exile, on m’arrache à moy-même. Faisons taire les mécontens. Quand on entend gronder l’orage, C’est être sage Que de céder au temps ; Faisons taire les mécontens. Princesse, c’est sur vous que mon espoir se fonde. Le destin de Medée est d’estre vagabonde. Preste à m’éloigner de ces lieux, Je laisse entre vos mains ce que j’aime le mieux. Je sçay qu’une pitié sincere Pour mes enfans a touché vostre cœur ; Prenez en quelque soin, & souffrez qu’une mere Au moins dans son exil goute cette douceur. Ce sera pour mes vœux une grande victoire, Si dans mon triste sort le Ciel leur fait raison. Je ne vous dis rien pour Jason, Jason aura soin de sa gloire. Enfin à ton amour tout espoir est permis, Ta rivale à partir s’appreste ; Et puisque tes appas tiennent Jason soûmis, Tu peux conserver ta conqueste. Seigneur, souvenez-vous que c’est par vostre aveu Que Jason dans mon ame alluma ce beau feu. L’amour sur tous les cœurs remporte la victoire, La plus fiere à son tour reconnoît son pouvoir ; Mais il n’est doux que quand la gloire, Pour le faire éclater, suit les loix du devoir. D’Oronte par ce choix je trompe l’esperance ; Mais l’hymen de Jason t’arrête en mes Estats. Au plus grand des Heros j’en remets la deffense, Et preferant son alliance, Je te donne, & ne te perds pas. Prince, venez apprendre une heureuse nouvelle. Medée est preste à nous quitter, Et veut bien qu’en ces lieux vous demeuriez sans elle, Tant que nos ennemis seront à redouter. Comme dans vos adieux il faudra de l’adresse A luy cacher sous quel espoir Pour l’éloigner j’use de mon pouvoir, Prenez avis de la Princesse. Qu’ay-je à resoudre encor ? il faut vivre pour vous. Est-il un plus grand avantage Que de borner mes souhaits les plus doux A rendre à vos beautez un éternel hommage ? Plus je vous voy, plus je me sens charmé : A mon amour mon cœur ne peut suffire. Quand on aime ardemment, quel plaisir d’estre aimé. Quel triomphe de l’oser dire ! Pour regner par tout à son choix, L’imperieux Amour ne respecte personne. Il faut faire ce qu’il ordonne, Le vray bonheur est de suivre ses loix. Avant que de vous voir mon cœur estoit tranquile, Et quand vous en troublez la paix, Je sens qu’à mon bonheur la perte en est utile. Vous, où j’ay tant trouvé de sensibles attraits, Doux repos, quittez-moy, ne revenez jamais. De la tranquilité doit-on se mettre en peine, Quand on sent un trouble si doux ? J’en joüirois encor sans vous. Contre l’amour la resistance est vaine. Goûtons l’heureux plaisir de perdre cette paix. Doux repos, quittez-moy, ne revenez jamais. Goûtons l’heureux plaisir de perdre cette paix. Doux repos, quittez-nous, ne revenez jamais. Medée eut sur vostre ame un souverain empire, L’amour luy soumettoit toutes vos volontez ; Pour rallumer vos feux la pitié peut suffire. Quel desespoir si vous la regrettez ! Oronte vous adore, il viendra vous le dire. L’amour tiendra sur vous ses regards arrestez ; Ses soupirs vous pourront parler de son martyre. Quel desespoir si vous les écoutez ! Quand son amour serait extrême Vous n’avez rien à redouter. Dans le temps mesme Que je paroistray l’écouter, Quand son amour seroit extrême Vous n’avez rien à redouter : Mes yeux vous diront, je vous aime. Ah, pour le prix de mes tendres soupirs Ne vous lassez point de le dire ; De l’amour à nos cœurs faisons suivre l’empire : Le plaisir d’estre aimé passe tous les plaisirs. De l’amour à nos cœurs, faisons suivre l’empire : Le plaisir d’estre aimé passe tous les plaisirs. Puisqu’un fier ennemy par le bruit de ses armes, Suspend le succés de mes feux, Du moins, belle Princesse, agréez qu’à vos charmes, J’offre l’hommage de mes vœux. Dans le doux espoir qui me flate, Mon amour ne peut plus se tenir renfermé ; Il faut enfin que cet amour éclate Aux yeux qui m’ont charmé. Mon cœur qui s’applaudit d’une illustre victoire, Aime dans son penchant à trouver son devoir ; L’hommage d’un Heros que couronne la gloire Est toujours doux à recevoir. Ne le differons plus, ce tendre & pur hommage Qui vous repondra de ma foy ; Et qu’icy mille voix par un doux assemblage, De mon amour vous parlent avec moy. Qu’elle est charmante, qu’elle est belle ! Ah, qu’il est doux de soupirer pour elle ! Venir l’adorer en ces lieux, Est un destin bien glorieux ; Mais si la douceur de ses yeux Doit tromper une ardeur si belle, Ah, quel malheur pour un amant fidelle ! Ah, quel malheur pour un amant fidelle ! Une rigoureuse fierté Sieroit mal à tant de beauté, L’amour par tout si rédouté L’empeschera d’estre crüelle ; Ah, quel bonheur pour un amant fidelle ! Ah, quel bonheur pour un amant fidelle ! Regnez ; l’Amour à vos loix Vient soumettre son empire, Chacun à vous plaire aspire ; Voulez-vous faire un beau choix ? Vous n’avez qu’à dire. Tous mes traits sont doux, C’est par eux qu’on ayme, Mon Arc est à vous, Lancez les vous-même. Vous me resistez, J’ay lieu de m’en plaindre. Montez dans mon char, montez, Un Enfant n’est pas à craindre. Quoy qu’il soit dangereux d’obéir à l’Amour, Le moyen de s’en deffendre ? Tendres Captifs, faites luy vostre cour, Et que chacun de vous s’applique tour à tour A l’hommage qu’il faut luy rendre. Tendres captifs, faites luy vostre cour. Chi teme d’amore Ilgrato martire, O non vuol gioire, O cuore non hà. Son gusti idolori, Le spine son fiori Ch’Amore ne dà ; Ma solo penando Ardendo, e sperando, Un’alma legata Fra ceppi beata, Per prova lo sà. Chi teme d’amore Ilgrato martire, O non vuol gioire, O cuore non hà. Son gusti i dolori Le spine son fiori Ch’amore non dà. Ma solo penando, Ardendo, e sperando, Un’alma legata Fra ceppi beata, Per prova lo sà. Chi teme d’amore Ilgrato martire, O non vuol gioire, O cuore non hà. O non vuol gioire, O cuore non hà. D’un amant qui veut plaire L’hommage est sincere, D’un amant qui veut plaire L’hommage est constant. D’un amant qui veut plaire L’hommage est sincere, D’un amant qui veut plaire L’hommage est constant. Aimer & l’oser dire, C’est ce qu’il desire ; Aimer & l’oser dire, C’est ce qu’il prétend. D’un amant qui veut plaire L’hommage est sincere, D’un amant qui veut plaire L’hommage est constant. Amans, portez vos chaînes D’un esprit content. L’amour a pour vos peines Un prix éclatant. D’un amant qui veut plaire L’hommage est sincere, D’un amant qui veut plaire L’hommage est constant. D’un amant qui veut plaire L’hommage est sincere, D’un amant qui veut plaire L’hommage est constant. Vous voyez à quoy j’aspire. Pour faire un heureux vainqueur, Je compte sur vostre cœur. Oserez-vous m’en dedire ? Parlez, belle Princesse, il s’agit en ce jour D’avoir le cœur sincere & d’aimer qui vous aime. L’amour sur ce qu’il veut s’est expliqué luy-même, Vous devez contenter l’amour. En vain l’amour me sollicite. Qu’un amant se fasse estimer Par tout ce que la gloire ajoûte au vray merite, Il est seur de se faire aimer. Ton triomphe est certain, victoire, Amour, victoire. L’amant que tu veux rendre heureux, Est seur de l’estre par la gloire ; La gloire est l’objet de ses vœux. Ton triomphe est certain, victoire, Amour, victoire. Fin du second Acte. L’Orage est violent, il a deû vous surprendre ; Mais sans vous alarmer laissez gronder les flots. Je viens vous offrir dans Argos     Un peuple armé pour vous deffendre. Si par l’exil que m’impose le Roy Corinthe s’affranchit des fureurs de la guerre, Pourquoy charger une autre terre Des maux que je traîne avec moy ? Acaste veut que je perisse ; Et lors que pour ma perte il arme son couroux, Je croirais faire une injustice De l’étendre sur vous. Le fier appareil de ses armes Me cause de foibles alarmes. Pour les attirer contre moy, Dans la vive ardeur qui me presse, Que Jason obtienne du Roy, Que par l’hymen de la Princesse Demain il couronne ma foy. Alors dans mes Estats Jason pourra vous suivre, Et si vos Ennemis veulent vous désunir, Vous me verrez cesser de vivre, Si je differe à les punir. Vous ignorez ce qui se passe. Il faut vous découvrir par quelle trahison On veut m’éloigner de Jason ; Il faut vous faire voir jusqu’où va ma disgrace. Tremblez, Prince ; mes maux enfin trop confirmez En m’accablant retombent sur vous mesme. Jason me trahit, Jason aime, Et peut-estre est aimé de ce que vous aimez. Ciel, que me dites-vous ! je perdrois la Princesse ! Au mépris de mes vœux elle aimeroit Jason ? N’en doutez pas, ma presence les blesse, Je fais obstacle à leur tendresse, C’est là de mon exil la pressante raison. En vain je voudrois me le taire. On vous bannit, mon hymen se differe. J’ouvre les yeux sur mon malheur. Tout me le dit, j’en voy la certitude. Qui l’aurait cru, que tant d’ingratitude Deust payer le beau feu qui regne dans mon cœur ? Qui l’auroit crû, que tant d’ingratitude Deust payer le beau feu qui regne dans mon cœur ? Souffrirez-vous qu’on vous enleve Ce cher objet de vos desirs ? Si cette trahison vous coûte des soupirs, Souffrirez-vous qu’elle s’acheve ? Quel plus sensible coup pouvois-je recevoir ! Non, dans un cœur, quand l’amour est extrême, Rien n’approche du desespoir D’estre trahy par ce qu’on aime. Unissons nos ressentimens Contre ces perfides Amans. Que Jason à mes // fœux prefere / vœux ravisse // la Princesse ! Son crime ne peut s’égaler. Il vient ; mon cœur s’émeut & reprend sa tendresse. Elle en triomphera, laissez-moy luy parler. Vous sçavez l’exil qu’on m’ordonne. Venez-vous me dire en quels lieux, Lors que tout icy m’abandonne, Je dois fuir le couroux des Dieux. En vain j’iray par tout, dans l’excez de ma peine, De cet injuste arrest leur demander raison ; Les crimes que j’ay faits pour trop aimer Jason, De l’Univers entier m’ont attiré la haine. La Thessalie arme contre mes jours, Colchos a resolu mon trop juste supplice ; Le seul Jason me restoit pour secours, Et ce Jason si cher permet qu’on me bannisse. N’appellez point exil, un triste eloignement Que l’honneur à souffrir m’engage. J’en ressens le coup en amant, J’en gemis, je m’en fais un rigoureux tourment, Mais je ne puis rien davantage. Voulez-vous que je quitte un Roy, Qui pour épargner vostre teste, Attend sans s’ébranler, l’éclat de la tempeste Qui remplit son peuple d’effroy ? Voyons finir la guerre, & le coup qui vous blesse Pour un temp seulement nous aura separez. Helas ! pendant ce temps, je connois ma foiblesse, Quels ennuis vous me coûterez ! Je tâche à vaincre les alarmes Que me cause un soupçon jaloux ; Mais enfin malgré moy je sens couler mes larmes, Ingrat, m’abandonnerez-vous ? S’il faut de tout mon sang racheter vostre vie, Je suis tout prest à le donner. Partager les malheurs dont elle est poursuivie, Est-ce là vous abandonner ? Rien ne m’est plus doux que de croire Tout l’amour que vous me jurez ; Il fait mon bonheur & ma gloire, Mais je parts, & vous demeurez. Je demeure, il est vray, mais quand on nous separe Vous n’avez rien à redouter ; Partez, les vains efforts que l’Ennemi prepare Ne pourront long-temps m’arrester. Il faut donc me résoudre à ce depart funeste. Soûtenez une guerre oû vous serez vainqueur ; Mais conservez-moy vostre cœur, C’est l’unique bien qui me reste. Je ne m’en répens point ; pour m’attacher à vous J’ay quitté mon pays, abandonné mon Pere ; On m’exile ; & l’exil ne peut m’estre que doux, S’il asseure à Jason la gloire qu’il espere. Ah, c’est m’en dire trop ! cessez de m’attendrir ; Je ne me connois plus dans ce trouble terrible. J’y consens, je veux bien estre seule à souffrir, Un Heros ne doit pas avoir l’ame sensible. Je vous l’ay déja dit, je sens tous vos malheurs. Ce qu’a fait vostre amour gravé dans ma memoire… Adieu, je ne puis plus soutenir vos douleurs, Et je dois me cacher vos pleurs, Si je veux en sauver ma gloire. Quel prix de mon amour ! quel fruit de mes forfaits ! Il craint des pleurs qu’il m’oblige à répendre ; Insensible au feu le plus tendre Dont un cœur ait brûlé jamais, Quand mes soupirs peuvent suspendre L’injustice de ses projets ; Il fuit pour ne les pas entendre. Quel prix de mon amour ! quel fruit de mes forfaits ! J’ay forcé devant luy cent Monstres à se rendre. Dans mon cœur où regnoit une tranquille paix, Toujours promte à tout entreprendre, J’ay sceu de la nature effacer tous les traits. Les mouvements du sang ont voulu me surprendre, J’ay fait gloire de m’en deffendre, Et l’oubly des serments que cent fois il m’a faits, L’engagement nouveau que l’amour luy fait prendre, L’éloignement, l’exil, sont les tristes effets De l’hommage eternel que j’en devois attendre ? Quel prix de mon amour ! quel fruit de mes forfaits ! Croiras-tu mon malheur ? Jason, Jason luy-mesme, L’infidelle Jason me presse de partir. Ah, gardez-vous d’y consentir. Arcas sçait son secret, il m’aime, Et de sa perfidie il vient de m’avertir. Son hymen avec la Princesse Par le Roy mesme est arrêté, Et vostre éxil n’est qu’une adresse Pour mettre contre vous ses jours en seureté. Dieux, témoins de la foy que l’ingrat m’a donnée, Soufrirez-vous cet hymenée ? C’en est fait, on m’y force, il faut briser les nœuds Qui m’attachent à ce perfide. Puisque mon desespoir n’a rien qui l’intimide, Voyons quel doux succés suivra ses nouveaux feux. Pour qui cherche ma mort je puis estre barbare, La vengeance doit seule occuper tous mes soins ; Faisons tomber sur luy les maux qu’il me prepare, Et que le crime nous separe, Comme le crime nous a joints. Avant que d’éclater, rappelez dans son ame Le souvenir de sa premiere flame. Malgré sa noire trahison, Je sens que ma tendresse est toujours la plus forte ; Mais Corinthe, le Roy, la Princesse, Jason, Tout doit trembler si je m’emporte. N’en deliberons plus. Vous qui m’obeissez, Esprits à me plaire empressez, Volez, apportez-moy cette robe fatale Que je destine à ma rivale. Des poisons que j’y vais verser Je suspendray la violence, Et je ne les feray servir à ma vangeance Que quand je m’y verray forcer. De la pitié vous pourrez-vous deffendre ? En punissant Jason craignez de vous punir. Retire-toy, tes yeux ne pourroient soûtenir L’horreur qu’icy je vais répandre : Noires filles du Stix, Divinitez terribles, Quittez vos affreuses prisons. Venez mesler à mes poisons La devorante ardeur de vos feux invisibles. L’Enfer obéït à ta voix, Commande, il va suivre tes loix. Punissons d’un ingrat la perfidie extrême. Qu’il souffre, s’il se peut, cent tourmens à la fois, En voyant souffrir ce qu’il aime. L’Enfer obéit à ta voix, Commande, il va suivre tes loix. Je voy le don fatal qu’exige ma rivale. Pour le rendre funeste, il est temps, faisons choix Des sucs les plus mortels de la rive infernale. L’Enfer obéit à ta voix, Commande, il va suivre tes loix. Dieu du Cocyte & des royaumes sombres, Roy des pasles Ombres, Sois attentif à mes enchantements. Pour m’asseurer qu’Hecate m’est propice, Que l’Averne fremisse, Et fasse tout trembler par ses mugissements. L’Enfer m’a répondu, ma victoire est certaine. Naissez, Monstres, naissez, tous mes charmes sont faits. Du funeste poison, par une mort soudaine, Faites-moy voir les seurs effets. Naissez, Monstres, naissez, tous les charmes sont faits. Du funeste poison, par une mort soudaine, Faites-nous voir les seurs effets. Tout répond à nostre envie, Les Monstres perdent la vie. Non, non, les plus heureux amans, Aprés une longue esperance, N’ont des plaisirs qu’en apparence. En voulez-vous de charmans ? Cherchez-les dans la vengeance. Vous avez servi mon courroux ; C’est assez retirez-vous. Fin du troisième Acte. Jamais on ne la vit si belle, Cette Robe superbe augmente ses appas  ; Et dans l’éclat qu’elle répand sur elle, Il faut estre sans yeux pour ne l’admirer pas. A peine dans ses mains cette Robe est remise, Et déja la Princesse a voulu s’en parer ! L’agrément qu’elle en sçait tirer Vous causera de la surprise. Elle paroist. Voyez quel air de Majesté Anime & soutient sa beauté. Ah ! que d’attraits, que de graces nouvelles ? A voir ce vif éclat que mes yeux sont contents ! Des fleurs que produit le Printemps Les couleurs ne sont point si belles. Ah ! que d’attraits, que de graces nouvelles ? Si j’ay quelques appas assez vifs pour toucher, S’ils brillent plus qu’à l’ordinaire ; Cet avantage ne m’est cher, Que par la gloire de vous plaire. Quels feux nouveaux dans mon cœur Cette asseurance fait naistre ? N’ont-ils point assez d’ardeur ? Pourquoy chercher à l’accroistre ? Si cette ardeur peut s’augmenter, Croyez-vous qu’en vouloir borner la violence, Ce ne soit pas une offense Capable de m’irriter ? D’un amour qui se menage Les cœurs tendres sont blessez. Malgré les vœux empressez Qui m’asseurent vostre hommage, Pouvant m’aimer davantage, Vous ne m’aimez pas assez. Non, jamais tant d’ardeur, jamais flâme si belle N’embraza le cœur d’un Amant. C’est peu d’y voir un sort charmant, Cette ardeur doit estre éternelle. Ah ! j’en fais icy le serment. Puisse l’Amour dans sa juste colere Exercer contre moy sa plus grande rigueur, Si jamais il trouve mon cœur Detaché du soin de vous plaire. Puisse l’Amour dans sa juste colere Exercer contre moy sa plus grande rigueur, Si jamais il trouve mon cœur Detaché du soin de vous plaire. Je finis à regret un entretien si doux, Mais le Prince d’Argos s’avance ; Et son importune presence Me force à m’éloigner de vous. Si-tost que je parois, la Princesse vous quitte ; Mon amour s’en doit alarmer. Cette crainte est injuste ; un éclatant merite Peut trop sur les grands cœurs pour ne pas l’estimer. Quand sur un espoir legitime On peut se flatter d’estre heureux, Pour satisfaire un cœur bien amoureux, Est-ce assez que de l’estime ? Avec un tel secours, si vos feux sont constans, Aimez, on obtient tout du temps. Non, non, dans sa froideur extrême Je vois le refus de son cœur. Quelque Rival se cache, elle est aimée, elle aime ; Je pourray découvrir ce trop heureux Vainqueur, Et mon bras disputant cette noble victoire, Fera voir qui de nous en merite la gloire. L’Amour promet souvent plus qu’il ne peut tenir. Jugez mieux d’un Amant que le mepris outrage ; S’il forme une entreprise, il sçait la soûtenir. Vous sçavez à quels soins la Guerre icy m’engage. Les Troupes qu’aujourd’huy fait assembler le Roy, N’attendent plus que moy. Vos soupcons estoient vrais, j’ay veu, j’ay veu moy-mesme L’inexcusable trahison, Qui doit estre le prix de vostre amour extrême ; J’ay leu dans le cœur de Jason, Il m’oste la Princesse, il l’aime. De tant de perfidie, ô Ciel, fais-nous raison. Eût-il le Ciel à ses vœux favorable, Ne craignez point cet Hymen odieux ; Au pouvoir de Medée il n’est rien de semblable, Elle asservit la terre, elle commande aux cieux. Je tiens la Foudre suspenduë, Mais si Creon ne cede pas, Il verra quelle peine est deuë A qui se fait le soutien des ingrats. Pardonnez à ma foiblesse, L’Amour a sçeu m’engager. Un juste couroux vous presse ; Mais à ne rien menager, Le plaisir de vous vanger Me rendra-t-il la Princesse ? Je me declare pour vous. Jamais, quoy que puissent faire, Les Dieux, Créüse & son Pere, Jason n’en sera l’Epoux : Je me declare pour vous. Laissez-moy seule icy ; dans ce que je medite J’ay besoin de calmer le trouble qui m’agite. D’où me vient cette horreur ? est-ce à moy de trembler ? Preste à punir la criminelle flame Qui cause les ennuis dont on m’ose accabler, Puis-je me souvenir que je suis mere & femme ? Ses yeux sont égarez, ses pas sont incertains. Dieux, détournez ce que je crains. Non, non, à la pitié je dois estre inflexible. Jason meprisera mon desespoir jaloux ? Venez, venez, fureurs, je m’abandonne à vous. Je prens une vengeance epouvantable, horrible ; Mais pour voir son supplice égaler mon couroux, C’est par l’endroit le plus sensible Qu’il faut porter les derniers coups. Vos adieux sont-ils faits ? Le murmure s’augmente, C’est aigrir les esprits que de ne céder pas. D’un Peuple qui vous fait sortir de mes Estats Craignons la fureur insolente. Je parts, & ne veux-plus troubler vostre repos, Mais je dois tenir ma promesse. Pour m’en voir degagée, il faut que la Princesse Epouse le Prince d’Argos.      A serrer ces beaux nœuds la Gloire vous invite, Pressez ce doux moment, l’Hymen fait, je vous quitte. Quelle audace vous porte à me parler ainsi, Vous, l’objet malheureux de tant de justes haines ? Ignorez-vous que je commande icy, Et que mes volontez y seront souveraines ? C’est à moy seul de les regler. Creon, sur ton pouvoir cesse de t’aveugler. Tu prens une trompeuse idée De te croire en estat de me faire la loy ; Quand tu te vantes d’estre Roy, Souviens-toy que je suis Medée. Cet orgüeil peut-il s’égaler ! Sur l’Hymen de ta fille il m’a plû de parler ; En vain mon audace t’estonne. Plus puissante que toy dans tes propres Estats, C’est moy qui le veux, qui l’ordonne : Tremble si tu n’obeis pas. Ah ! c’est trop en souffrir ; Gardes, qu’on la saisisse. Que vois-je ! ah, justes Dieux ! Par quel mouvement furieux, Vouloir que par vos mains chacun de vous perisse. Montre icy ta puissance à retenir leurs bras ; Sois Roy, si tu peux l’estre, & suspens leurs combats. Quoy, lasches, contre-moy tous vos efforts s’unissent ? Je plains ton triste sort, tes Sujets te trahissent, Mais ne crains rien de leur emportement ; Pour le faire cesser je ne veux qu’un moment. Objets agreables, Phantômes aimables, Appaisez les fureurs De ces farouches cœurs. Aprés de mortelles alarmes, Qu’un heureux calme semble doux ! Aprés de mortelles alarmes, Qu’un heureux calme semble doux ! Cœurs agitez d’un vain couroux, Cedez, rendez-vous à nos charmes. Où prendrez-vous des armes Qui tiennent contre nous ? Cœurs agitez d’un vain couroux, Cedez, rendez-vous à nos charmes. Où prendrez-vous des armes Qui tiennent contre nous ? Par quel prodige, à moy-mesme contraire En voyant ces objets, n’ay-je plus de colere ? Tout ressent le pouvoir Du plaisir de nous voir. Une ame de glace S’en laisse émouvoir, En quoy que l’on fasse, Le chagrin le plus noir Luy doit ceder la place. Tout ressent le pouvoir Du plaisir de nous voir.      Tout ressent le pouvoir Du plaisir de nous voir. Une ame de glace S’en laisse émouvoir, Et quoy que l’on fasse, Le chagrin le plus noir Luy doit ceder la place. Tout ressent le pouvoir Du plaisir de nous voir. Mon pouvoir t’est connu, j’ay mis ta Garde en fuite, Pour te forcer à l’Hymen que je veux, Mon art secondera mes vœux, J’ay commencé, crains en la suite. Quoy, l’on viendra me braver dans ma Cour ! Perisse tout plûtost que je l’endure. Votre sang odieux lavera mon injure, Ou les Dieux m’osteront le jour. D’un indigne mépris c’est trop souffrir l’outrage. Vien, Fureur, c’est à toy d’achever mon ouvrage. Noires Divinitez, que voulez-vous de moy ? Impitoyables Eumenides, Vous faut-il le sang des perfides Qui n’ont pas respecté leur Roy ? Mais où suis-je ? & d’où vient tout à coup ce silence ? Le Ciel s’arme de feux. Ah, c’est pour ma vengeance. Courons, n’épargnons rien. Quels terribles éclats ? Où veux-je aller ? Tout tremble sous mes pas. Tout s’abîme, la terre s’ouvre. Dans ses gouffres profonds quels monstres je découvre ! Ils saisissent Medée. Ah, ne la quittez pas. Les sombres flots du Stix n’ont rien qui m’épouvante. Pour la voir condamnée aux plus cruels tourmens, Je vais apprendre à Radamante Jusqu’où va la noirceur de ses enchantemens. Fin du quatriéme Acte. On ne peut sans effroy soutenir sa presence. Il court de toutes parts, menaçant, furieux, Dans ce funeste estat tout ce qu’il voit l’offence ; La Princesse elle seule, en s’offrant à ses yeux, Semble de sa fureur calmer la violence ; Il s’arreste, il soupire, & garde un long silence. Et que dit son heureux Amant ? Jason ignore encor ce triste évenement. Occupé par les soins que la guerre demande, Il range avec nos chefs les troupes qu’il commande. Que d’horreur ! que de maux suivront sa trahison ! C’est luy seul qui les cause, il m’en fera raison ; Vangeons nous. Ma fureur, à tant de Rois fatale, A-t’elle assez de ma Rivale ? Non, s’il ose garder ses sentimens ingrats, Si toûjours il perd la memoire      De ce que j’ay fait pour sa gloire, Il aime ses Enfans, ne les épargnons pas. Ne les épargnons pas ! ah, trop barbare Mere ! Quel crime ont-il commis pour leur percer le sein ? Nature, tu parles en vain, Leur crime est assez grand d’avoir Jason pour Pere. Quel desespoir m’aveugle & m’emporte contr’eux ? Leur âge permet-il cet affreux parricide, Et sont-ils criminels pour estre malheureux ? Quoy, je craindray de punir un perfide ! De ses vœux triomphants ma mort serait l’effet ! Oublions l’innocence, & voyons le forfait. Une indigne pitié me les fait reconnoistre ; C’est mon rang, il est vray, mais c’est le sang d’un traitre. Puis-je trop acheter, en les faisant perir,      La douceur de le voir souffrir ? Si la pitié vous peut trouver sensible, Voyez une Princesse en pleurs, Qui vient vous demander la fin de ses malheurs : A votre Art rien n’est impossible. Pour garantir l’Estat des maux que je prevoy, Si la pitié vous peut trouver sensible, Appaisez la fureur du Roy. Si vous voulez obtenir ce miracle, C’est au Prince d’Argos qu’il faut vous adresser. Par son hymen vos maux doivent cesser, Vos desirs n’auront point d’obstacle : Mais je veux qu’en ce même jour, En recevant sa foy, vous payez son amour. Sur cet hymen quel party puis-je prendre, Quand d’un Pere & d’un Roy le ciel m’a fait dépendre ? J’ay parlé, c’est assez ; ne cherchez plus qu’en moy, Le pouvoir d’un Pere & d’un Roy. Pourquoi precipiter un dessein…         Point d’excuse. Du trouble où je vous mets je connois la raison ; Quand au Prince d’Argos vostre cœur se refuse, Il veut se garder à Jason. Se garder à Jason ?         Je sçay sa perfidie, En luy vous aviez un amant ; Mais on n’offence pas Medée impunément ; D’une entreprise si hardie L’Univers étonné verra le châtiment. Ah, reprenez Jason, & me rendez mon Pere. Que Jason parte, & qu’il fuye avec vous. Non, de ma main vous prendez un Epoux ; Ce seul moyen peut satisfaire Les transports de mon cœur jaloux. Ah, funeste revers ! fortune impitoyable ! Corinthe, helas ! que vas-tu devenir ? Que ce grand bruit m’est redoutable ! Dieux cruels, est-ce ainsi que vostre haine accable Ceux que vous devez soutenir ? Venez, parlez ; qu’avez-vous à m’apprendre ? Je vois vos yeux baignez de pleurs. Je viens vous annoncer le plus grand des malheurs. Le Roy ne respiroit que du sang à répandre, Quand voyant le Prince d’Argos, Il a paru plus en repos ; Sa fureur sembloit dissipée ; Mais dans le temps qu’on n’a rien redouté De sa fausse tranquillité, De ce malheureux Prince il a saisi l’épée, Et luy perçant le flanc, son bras nous a fait voir Ce que peut un prompt desespoir. Helas !         Dans ce malheur extrême,      Chacun s’est empressé de luy prêter secours. Le Roy dans ce moment a terminé ses jours, Du mesme fer il s’est percé luy-même. Ah, s’est-il écrié, le ciel a donc permis, J’ay vaincu tous mes ennemis.      Ah, funeste revers ! fortune impitoyable ! Corinthe, helas ! que vas-tu devenir ? Dieux cruels, est-ce ainsi que vostre haine accable Ceux que vous devez soûtenir ? Refusons nostre encens, nostre hommage, A ces Dieux inhumains ; Tous nos respects sont vains, Nos malheurs sont leur injuste ouvrage ? Refusons nostre encens, nostre hommage A ces Dieux inhumains. C’est assez, laissez-moy, vos pleurs ne font qu’aigrir, Les maux que je me dois preparer à souffrir. Eh bien, barbare, estes-vous satisfaite ? Par des crimes plus noirs voulez-vous meriter Le détestable honneur de faire redouter Le pouvoir que l’Enfer vous préte ? Pourquoy faire éclater ce violent couroux ? Si la perte d’un Pere est pour vous si funeste, Le cœur de Jason qui vous reste, Pour vous en consoler, est un prix assez doux. Ah, si j’ay sur luy quelque empire, Craignez à vous punir la derniere rigueur. Je ne m’en serviray, que pour mettre en son cœur Tout la haine que m’inspire Ce que pour vous je sens d’horreur. Que peuvent contre-moy ces desseins de vangeance ? Quels effets en seront produits, Puisque vous ignorez jusqu’où va ma puissance, Connoissez tout ce que je suis. Quel feu dans mes veines s’allume ? Quel poison, dont l’ardeur tout à coup me consume, Dans cette robe étoit caché ? Soûtenez-moy, je n’en puis plus, je tremble, Je brûle. Sur mon corps un brasier attaché Me fait souffrir mille tourmens ensemble. Mon mal est sans remede, à quoy servent ces pleurs ? Rien ne peut soûlager l’excez de mes douleurs. Ah, Roy trop malheureux ! mais ô ciel ! la Princesse Parôit mourante entre vos bras ! Qui la met dans cette foiblesse ? Approchez-vous, Jason, ne m’abandonnez pas. Mon pere est mort, je vais mourir moy-meme. Je peris par les traits que Medée a formez ; Mille poisons dans sa robe enfermez, Par une violence extrême, Vous ostent ce que vous aimez. Ce que j’endure est incroyable ; Mais au moins j’ay de quoy rendre graces aux dieux, Que sa fureur impitoyable Me laisse la douceur de mourir à vos yeux. Appelez-vous douceur un effet de sa rage ? De cet affreux spectacle elle a sçeu la rigueur. Pouvoit elle mettre en usage Un supplice plus propre à m’arracher le cœur ? Helas ! prests d’estre unis par les plus douces chaînes, Faut-il nous voir separes à jamais ? Peut-on rien ajoûter à l’excés de mes peines ? Peut-on lancer sur moy de plus terribles traits ? Helas ! prests d’estre unis par les plus douces chaînes, Faut-il nous voir separes à jamais ? Non, non, rien ne sçauroit m’obliger à survivre Au coup fatal, qui vous force à perir. Je trouveray le moyen de vous suivre. Ah, ne cherchez point à mourir. Vivez si vous voulez me plaire J’ay causé la mort de mon pere, Vangez-la, c’est le prix qu’exigent mes douleurs. Mais adieu ; de la mort les horreurs me saisissent, Je perds la voix, mes forces s’affoiblissent, C’en est fait, j’expire, je meurs. Elle est morte, & je vis ! courons à la vengeance, Pour estre en liberté de renoncer au jour. La perte de Medée est deuë à mon amour. Quel supplice assez grand peut expier l’offense ? Mais par quel effet de son art… C’est peu, pour contenter la douleur qui te presse, D’avoir à vanger la Princesse ; Vange encor tes Enfans ; ce funeste poignard Les a ravis à ta tendresse. Ah barbare !         Infidelle ! aprés ta trahison, Ay-je dû voir mes fils dans les fils de Jason ? Ne crois pas échapper au transport qui m’anime, Pour te punir j’iray jusqu’aux Enfers. Ton desespoir choisit mal sa victime. Que pourra-t-il, puisque les airs Sont pour moy des chemins ouverts ? Ah, le Ciel qui toûjours protegea l’innocence… Adieu Jason, j’ay remply ma vangeance. Voyant Corinthe en feu, ses Palais embrasez, Pleure à jamais les maux que ta flame a causez. Fin du cinquième et dernier Acte.