Qu’as-tu donc, ma chère Colette ? Tu parais chagrine, inquiète. Eh ! D’où vient cette sombre humeur ? Ne me cache rien, ma mignonne ; Découvre-moi ton petit coeur. Tu ne le vois que trop, friponne. Qu’une fille à vingt ans Est fille avec chagrin dans de certains instants ! Peut-on l’être toujours, quand on l’est trop longtemps ? Paix ma Cousine. Fille sage avec confiance Attend l’hymen.         Ah ! Que dis-tu ? Plus elle est fille de vertu, Et plus elle a d’impatience. Plus elle est fille de vertu, Plus elle a d’impatience. Il est vrai que cela coûte. Je vous en réponds. Quand un Amant Auprès de nous badine Trop librement, On fait bien la mutine ; Mais, hélas ! En secret On sent         Qu’on l’a fait à regret ! Imite ma franchise, Cousine. Ne serais-tu pas bien-aise aussi d’être mariée ? Hé, mais... Tu fais la sotte. Achève. Je n’en serais pas fâchée. Tu t’imagines que c’est un grand bonheur, n’est-ce pas ? Sans doute. Même en dormant un faux hymen sait plaire. Dans un sommeil je rêvais à Valère : On m’éveilla : que j’en fus en colère ! Ah ! ah ! L’hymen s’allait faire ! Oh, oh ! C’est donc Valère que vous aimez ? N’en vaut-il pas bien la peine ? Oui vraiment. Il est déjà sous-lieutenant d’infanterie. Peste ! Il est bien avancé ! C’est qu’il a de grands amis, voyez-vous. Mais il est fils du Procureur Fiscal, et vous fille de Madame Thomas. Ma Cousine, je vous entends. Je sais que le Procureur-Fifcal et ma mère sont brouillés. Peut-être ma mère ne voudra-t-elle pas que j’épouse Valére. Je vais prier le Magister Nicolas de les réconcilier. Le Magister est homme d’esprit : je compte beaucoup sur lui. Je vais le trouver pour le presser de faire cet accommodement... Ma mère vient. Je te laisse avec elle. Bonjour, ma Tante. Bonjour, ma Nièce. D’où vient ce sérieux, Cet air triste et sauvage ? Tout vous rit dans ces beaux lieux ; Au plaisir tout vous engage. Que l’état du veuvage Me paraît ennuyeux. Vous ne pleurez pas votre mari, peut-être ? Un vieil époux sombre et sévère N’est regretté que faiblement : L’époux même le plus charmant Quelquefois ne l’est guère. Ah ! Ma chère nièce, tel que fût mon pauvre mari, il m’était d’un grand secours. Que de soins mon état renferme ! Une grande fille, une femme ; Toujours des procès sur les bras ; Tantôt acheter, tantôt vendre. Sans mon pauvre Valet Lucas, Saurois-je par quel bout m’y prendre? Oui. Ce garçon-là fait toute ma consolation. Oh ! Pour cela, il a bien du mérite ! N’est-ce pas, ma nièce ? Oui, vraiment, ma tante. Il n’est rien de plus parfait. Que cet aimable valet. À l’ouvrage il se démène : Tique, tique, taque, et lon-lan-la ; Il en vaut une douzaine. Le bon Valet que voilà ! Tous les autres sont des fainéants ; lui seul est né pour le travail. C’est la pièce de résistance. Vous avez de l’esprit, ma nièce ; et je vous crois capable de me donner conseil sur une affaire importante. Je songe à me remarier. Ah, ah ! Ne t’imagine pas que ce soit par caprice ; Mais je veux empêcher que mon bien ne périsse. J’ai besoin d’un Mari vigilant, entendu ; Et je pense à Lucas. Que me conseilles-tu ? Tout ce qu’il vous plaira, ma Tante. Il est grand, il a belle face. Là, franchement, ne crois-tu pas Qu’il puisse du défunt Thomas Fort bien remplir la place ? C’est votre affaire, ma Tante. Mais, est-ce que tu n’approuves pas mon choix ? Si vous voulez que je vous parle naturellement, je ne vois pas qu’il soit nécessaire que vous l’épousiez, puisqu’il fait vos affaires avec zèle. Oh ! Ce sera bien autre chose, Quand j’aurai joint son sort au mien. Quelle erreur ! Valet qui jamais ne repose, Devenu Maître, ne fait rien. Je ne pense pas comme cela, moi. Je trouve que ce garçon-là est bien mon fait. Croyez-moi. Vous devriez plutôt penser à marier ma cousine. Oh ! Cela ne presse pas. Mais songez à ce que dira tout le village, si... Je sais qu’il en fera grand bruit ; Mais, ma foi, je n’en sais que rire : Quand les gens auront tout dit, Ils n’auront plus rien à dire, Ils n’auront plus rien         à dire. C’est fort bien fait à vous. Ne suis-je pas maîtresse de mes volontés ? Assurément. Tenez. Voilà votre Lucas. Je vous laisse libres. Adieu, ma Tante. Adieu, ma Nièce. Allez. On n’a pas besoin de votre consentement pour faire cette affaire-là. Voyez un peu cette bégueule. Qu’y a-t-il donc, notre Maîtresse ? Il semble que vous soyez en rogne. Mon ami, c’est contre ma Nièce, Qui veut me donner des leçons. Voyez un peu la bonne pièce. Mais, ma foi, je nous en gaussons. Pour cela, oui. Et dans le fond, je suis bien bonne de m’amuser à consulter une petite bête. C’est morgué bian dit. Vous ne devez consulter que vous-même, surtout dans la chose dont il s’agit. Comment donc, Lucas ! Sais-tu de quoi il était question entre nous ? Oh ! Pargué, je ne suis pas un sot. Tenez. Vous li parliez de çà. De quoi ? Ne m’entendez vous pas ? Est-ce un si grand mystère? Vous voulez, un Compère Fait tout comme Lucas. Ne m’entendez vous pas? Je t’entends à merveilles. Tu as fort bien deviné. Oh, dame ! Je devine les fêtes quand alles sont arrivées. Que tu as d’esprit, Coquin ! D’autres que moi en avont itout de l’esprit, je vous en avartis. Hé, qui donc ? Gros-Jean, Maître Piarre le Tavarnier et Blaise le Veigneron. Je les acoutis tous trois jaboter hier a soir au travars d’une haye. Tâtigué, comme il en dégoisiont ! Que disaient ils ? Voyez-vous ste Madame Thomas, ce faisiont-ils : voyez-vous comme alle se redresse. Je gagerais, ce disait Gros-Jean, qu’al’ne sera pas encor tras mois sans reprendre du poil de la bête. Pargué, ce faisait Maître Piarre, est-ce qu’vous ne fsavez pas bian qu’aile lorgne son valet Lucas ? Par ma foi, ce disait Blaise, ils se connaissont bian tous deux ; et si alle fait ce marché-là, al’n’achera pas chat en poche. Voyez un peu les médisants ! Mais je sais le moyen de les faire taire. Et moi, itout. Je n’avons besoin pour çà que du Curé et du Tabellion. C’est ce que je voulois dire, mon cher Lucas. Oui, malgré tous les jaloux,. Tu deviendras mon époux : Je ferai ce mariage À la barbe du Village. Je veux, je veux, Mon ami, te rendre heureux. C’est bian de l’honneur pour moi, dà. Mais il faudra que cela vase. Tu seras content. Mais, sais-tu bien, mon poulet, ce que j’ai fait pour toi ? J’ai méprisé la tendresse Des plus huppés du Canton. Je vous pourrais bian, Maîtresse ; Parler sur le même ton. Vingt filles des plus fringantes, Qui grillont pour mon musiau, Se trouveriont bian contentes De se charger de ma piau. Si j’avais voulu écouter certaines propositions, je serais à l’heure qu’il est une grosse Madame de Paris ; mais j’aime mieux un bon paysan qu’un Monsieur. Vous avez raison. Les paysans avont l’amiquié plus farme. Cours vite t’aquitter de la commission que je t’ai donnée. Je vais t’attendre au logis! Allez. Je vas bientôt vous suivre. Mon cher ami, ne tarde pas : Tu sais que la pauvre Thomas Sans toi ne saurait vivre. Cela suffit, belle Colette ; J’entreprends l’accommodement. La chose sera bien tôt faite : Je n’entreprends rien vainement. Vous allez donc trouver ma Mère ? Oui, ma mignonne, de ce pas. Parlez-lui bien...         Laissez-moi faire. Mais...         Ne vous embarrassez pas. Laissons agir Maître Nicolas ; et si par malheur il ne réussit point dans son entreprise, nous aurons recours à d’autres expédients. L’amour, cher Valére, Nous unit tous deux. Si le sort contraire Traverse nos feux, Le Dieu de Cythére, Propice à nos voeux, Fera son affaire De nous rendre heureux. Ah ! Je vous vois, Valére ! Ah ! Colette, c’est vous ! Permettez-moi, ma chère, D’embrasser vos genoux. Vous faites trop paraître. L’empressement....         Hélas ! De moi puis-je être maître, Quand je vois tant d’appas ? Un baiser, ma chère Colette. Un doux baiser seulement. Ah ! Valère doucement. Ma Reine, quel tort... ? Calmez ce transport : Votre ardeur est trop grande. C’est à Paris qu’on prend d’abord ; Au Village on demande, Lonla, Au Village on demande. Je vous le demande aussi. Allons, ne faites donc point la villageoise. Un peu moins de sévérité. Vous allez bien vite au fait ! Connaissez un peu mieux Colette. Vous allez bien vite au fait ! Quittez ce trop libre caquet. Vous en seriez mal satisfait ; Je pourrais de ma main blanchette... Je vous le dis franc et net... Oh ! Je vais m’exposer à tout. Je prendrai mon sérieux. Vous vous fâchez ! Cela ne vous convient point : un air enjoué vous sied mieux. Mon enjouement Vous donne un faux présage : D’un tendre amant J’aime assez le langage ; Mais, Avant notre mariage, Rengainez tous vos souhaits. Mais, je ne vous demandais que les arrhes du marché. Plus on donne de gages pour ce marché-là, et moins il tient. Franchement, votre vertu sent le village. Je suis là-dessus Paysanne et demie. Ah ! Belle Colette, connaissez mieux Valère à votre tour. Votre sévérité m’enchante, Bien loin de me rendre confus : Plus la faveur paraît charmante, Et plus j’en aime le refus. Parlons sérieusement de nos affaires. Notre Magister s’est chargé de réconcilier nos parents. Mais, s’il n’y réussit pas ? J’ai un autre moyen tout prêt. J’en ai aussi imaginé un, qu’Arlequin mon Tambour est sur le point d’exécuter : mais si tous ces moyens deviennent inutiles, que ferons-nous ? Il faudra nous séparer. Nous séparer ! Qu’ai-je entendu ! Non, non, vous n’aimez plus Valère. Mais, quand tout espoir est perdu, Cher amant, que voulez-vous faire. En attendant un meilleur sort, Nous aimer jusques à la mort. J’aperçois mon père avec Maître Nicolas. Retirons-nous. Orsus, Monsieur le Procureur Fiscal, je crois vous en avoir assez dit pour vous persuader que vous devez, vous réconcilier avec Madame Thomas. Je me rends à vos raisons. Mon ressentiment s’éteint ; et je suis prêt à vivre en bonne union avec Madame Thomas, si elle le veut. Oh ! Je vous réponds d’elle. La Voici. Tenez-vous un peu à l’écart. Je vais la prévenir. Arrêtez, Madame, deux mots. Vous arrivez fort à propos. Ne faites plus mauvaise mine À notre Procureur Fiscal, Je vous proteste, ma voisine, Qu’il veut...         Que veut cet animal ? Elle fait la fâchée. Eh ! Parlez sans colère ! Vraiment, j’ai bien affaire... Oh ! Point d’emportement ? D’un coeur franc et sincère, Avec vous il veut faire Son raccommodement. Ah ! Il veut se raccommoder tout de bon ? Tout de bon. Répondez, je vous prie, Madame, à son envie. Hé bien, soit. J’y consens. Ma foi, c’est un bon diable. Puisqu’il est raisonnable, C’est assez. Je me rends. Monsieur Griffart, vous l’entendez. Madame Thomas est un petit coeur de femme. Allons, embrassez-vous. Oublions tous deux le passé ? Vivons en bonne intelligence De mon coeur tout est effacé. Voilà quelle en est l’assurance. Malgré mon courroux, Monsieur Griffart, je n’ai jamais cessé de vous estimer. J’en suis témoin. Quoique prévenu contre vous, Madame Thomas, je vous ai toujours regardée comme une femme de mérite. Pour cela, oui. Quand j’ai rencontré des gens qui voulaient attaquer votre probité, je vous ai toujours rendu justice. Elle est généreuse. Quand je me suis trouvé avec des médisants qui voulaient me rendre votre vertu suspecte ; oh ! Je leur ai bien dit ce que j’en pensais ! Il est charitable, Monsieur le Procureur Fiscal. Jarnicoton ! Je ne me sens pas d’aise d’avoir rapatrié deux esprits d’un si bon caractère. Que je vous embrasse. Que cette paix, mes chers enfans , Puisse durer long-tems. Maudit le festin malheureux Qui vous brouilla tous deux. Il est vrai que ce jour-là Monsieur le Procureur Fiscal n’était pas de bonne humeur. De bonne humeur ! Oh ! Pardi, c’est vous qui prîtes un travers. Un travers ! Moi, prendre un travers ! Oh ! J’ai trop d’esprit pour cela. C’est vous qui n’entendez quelquefois ni rime ni raison. Eh ! Laissons-là ce festin! Vous n’êtes qu’un bourru, qu’un brutal, qu’un emporté. Madame Thomas ! Monsieur Griffart ! Que diable... Allez. Si je vous jetai une assiette à la tête, vous le méritiez bien. Eh ! Madame Thomas ! Et vous, vous méritiez bien aussi tous les noms que je vous donnai. Mais , mais , mais... Tous les noms ! Tous les noms ! Allez, mon ami, vous êtes un plaisant sot. Vous croyez parler encore à votre benêt de mari. Vous êtes une extravagante. Ah ! Fripon, il faut que je te... Que voulez-vous faire ? Le dévisager. Allez. Vous êtes une... Vous êtes une... Vous êtes une femme. Voilà de la besogne bien faite ! Je les ai mis un peu plus mal ensemble qu’ils n’étaient. Hé bien , quelles nouvelles ? Avez vous fait la paix? Hélas! Ils font, les Belles , Plus divisés que jamais. Il a perdu ses pas, Nicolas, Voilà votre hymen à bas. Oh, que non ! Puisque le Magister n’a pas réussi, je vais employer la ruse que je t’ai dite. Feindre de l’amour pour Lucas ? Justement. Cela donnera de la jalousie à ma mère. Qui, dans son jaloux effroi, Je le crois, Va se défaire de moi. Vous êtes ingénieuse. C’est que         suis amoureuse. Eh ! Le voilà, Lucas ! Parlons de lui, sans faire semblant de l’apercevoir. Apprend, mais sois discrète Que j’aime ce Lucas. S’il savait sur Colette Ce qu’ont fait ses appas, Que deviendrais je, hélas ! Oh, oh ! Alles parlont de moi ! Accoutons. Lucas a donc su vous plaire ? Je te l’avoue aujourd’hui. T’étonnes-tu que ma mère Ait pris tant de goût pour lui ? Non, vraiment. Colette m’aime ! Qui diantre l’aurait deviné ? Sa taille est charmante. J’admire sa voix. Hé, hé, hé, hé, hé, hé. Mais ce qui m’enchante, C’est son beau, tourelourirette, C’est son beau, lan-la derirette, C’est son beau minois. Fatigué ! Comme alle en tient ! Oui, je prétends satisfaire Ma nouvelle flamme ; De Lucas, malgré ma mère, Je veux être femme. Si l’on ne me donn’ ce garçon-là, On verra tout ce qu’on verra : J’en ferai la folie, Ma mie, J’en ferai la folie. Vous avez raison, la Plante, Il est bon sur ce ton-là, Larira. Ah ! Oh, oh ! Vous m’aimez donc, Mademoiselle Colette ? Eh ! Vous n’en sonniez mot. Mais, qui t’a donc mis dans l’esprit Que Colette t’aime ? Puis-je savoir qui te l’a dit ? Parguié , c’est vous-même. Vous disiez présentement... Quoi, tu m’as entendue ? Que vous m’aimiez tendrement. Je suis, je suis perdue ! Le grand malheur ! Assurément, c’en est un ; car tu l’iras peut-être dire à ma mère. Nennin, nennin, je ne li dirai pas. Al’ne sait morgué pas tout ce que je fais : Queuque sot. Après tout, quand al’le sauroit , est-ce qu’al’ me r’abattroit ça sur mes gages ? Tu la connais. Elle ferait un beau vacarme. Hé ! Palsanguié, qui s’en soucie ? Acoutez, Mademoiselle Colette. Il gn’ya qu’un mot qui sarve. Si vous vlez je l’enverrai au barniquet. C’est parler net. Quoi, Lucas, tu voudrais pour moi Renoncer au coeur de ma mère ? J’aime mieux être, par ma foi, Son gendre, que votre biau-père. Te voilà ravie, ma Cousine. Ah ! J’ai le coeur chaud comme braise, Charmante Colette, pour vous ! Fripon, tu seras donc bienaise, Quand tu deviendras mon Epoux ? Nuit et jour vous m’entendrez dire : Talaleri, talaleri, talalerie. Ah ! Lucas, tenez-vous! Ayez de la politesse. Ah ! Lucas, tenez vous ! Et craignez mon courroux. Oh ! J’aime à rire sans cesse ; À batifoler toujours, À pousser la tendresse Tout au travers des choux. Quel drôle ! Tu prends un mauvais parti. On dit qu’avec les fumelles Il faut être comme ça. Non, non, toujours auprès d’elles Un air poli l’emporta. C’est ainsi qu’on prend les Belles. Lon, lan-la, o gué, lon-la. Serpedié ! Vous ne chassez pas de race ! Que veux-tu dire par-là. Je veux dire que votre mère n’aime pas tant la poulitesse que vous. Ah, ha ! Lucas avec ma fille ! Hé , hé, hé, hé, hé. Qu’as-tu à rire ? Pourquoi ris-tu? Je ris de ce que... Hé, hé, hé, hé, hé. Explique-toi donc. Je ris de ce que votre mère... Hé, hé, hé, hé, hé. Hé bien ? Aile croit bonnement que je l’épouserai ; mais, prrr. Qu’entends je ! A l’a déjà fait avartir les ménêtriers pour note noce. Alle payera les violons ; mais jarnonbille , je danserons pour elle. Le Coquin ! Diantre ! Cela est déjà bien avancé. Le bon de l’affaire, c’est qu’al’ ne sait pas que Colette m’aime, et que j’aime itout Colette. Le traître ! Tâtigné ! Madame Thomas, Mirlababibobette ; Queu fracas Alle fera, belle Colette. Mirlababi, farlababo , mirlababibobette. Sarlababorita Ah ! Ô Ciel ! Oh ! La voilà. Petite Impertinence, Comment donc à mes yeux... Ne grondez point, ma Tante. Ôtez vous de ces lieux. Et toi, traître, volage... ! Que ne suis je en un trou ! Il faut que dans ma rage Je te coupe le cou. Quelle fureur est la tienne ! Vite sauvons-nous. Couper le cou tatiguienne ! Il est bon que le cou tienne, Arrêtez-vous, Arrêtez vous. Tu m’abandonnes donc aujourd’hui pour Colette, Toi, que depuis quinze ans j’élève à la brochette ! Mais, Madame Thomas...         Ah ! Perfide, tais-toi ! Où seras tu jamais plus heureux que chez moi ? Ne trouves-tu pas le matin , Pour te raccommoder la panse, Du pain blanc et d’excellent vin ? On double au dîné ta pitance ; Au soupé, ne garde-toi pas Le jus de l’éclanche à Lucas ? Si vous me nourrissez bian, je travaille de même. La besogne est forte cheux vous. Hé bien, petit inconstant, petit scélérat, j’y consens. Va. Épouse Colette. Mais tu n’auras pas le sou, je t’en avertis. Ce n’est pas-là mon compte. Tu mourras de faim. Malepeste ! Serviteur à Colette. Tenons-nous au gros de l’arbre. Grand-Jacques profitera de ta folie ; je l’épouserai. Ah ! Voyez donc comme alle se fâche ! Je n’en ai pas sujet, n’est-ce pas ? Bon. Allez. Tout ce que j’ai dit à Colette n’était que pour rire. Pour rire ! Vous croyez donc que je ne vous ai pas apparçue ? Eh non ! J’ai dit comme çà, à part moi : Vla Madame Thomas qui vient à pas de loup, pour nous accouter ; baillons-li un peu la venette. Quoi, Lucas, il n’est donc pas vrai que tu aimes Colette ? Fi donc ! Vla encore une plaisante morveuse. Vous m’avez dégoûté, Madame Thomas, vous m’avez dégoûté de la jeunesse. Est-il bien vrai, m’es-tu fidèle ? Oui, je le suis, n’en doutez pas. Vos écus ont bien plus d’appas Que les yeux d’une Parronelle. Sur ce pied-là, faisons la paix : Lucas, lions-nous pour jamais. Attend-moi ici. Je vais parler au Tabellion. Je reviendrai te joindre. Comme les femmes qui aimont baillent dans le pagniau.... Ah, ah ! Voici le Tambour de la Compagnie de Monsieur Valére. Si des Vilageoises, Avec leur fierté ! Vivent nos grivoises, J’en suis enchanté. Souvent au Village On nous fait souffrir ; Au Camp la plus sage À nous vient s’offrir. Courage, courage, Monsieur Arlequin. Vous êtes toujours un drôle de corps. Tambour battant. Mon cher Lucas, je me promène, Tambour battant. De mon sort je suis fort content ; Bon pain, bon vin, bon Capitaine, Avec un tendron que je mène Tambour battant. Pardi ! Vous n’engendrez point de mélancolie, Monsieur Arlequin. Non, vraiment. Ni vous non plus, Monsieur Lucas ; vous qui êtes la coqueluche de Nanterre, et le factoton de Madame Thomas. Je ne suis encore que le garçon de la Farme ; mais , entre nous, j’en serai biantôt queuqne chose de plus, dà. Je vais de Madame Thomas Tarminer le veuvage. Que je t’embrasse, cher Lucas. C’est une veuve sage : Elle te prend pour son mari, À cause de ton teint fleuri. Oui. Elle me prend pour son mari, À cause de mon teint fleuri. Je l’en estime d’avantage. C’est une brave femme. Il faut boire à sa santé. Tope. Allons, buvons à la santé De cette grosse mère. Sans oublier la Beauté Dont est charmé Valere, Trinque à la postérité Dont tu dois être père. Morgué ! Vla de bon vin. Varsez-m’en encore. À vous et à moi présentement. Allons, à nous deux. Hoçà, à st’heure, à qui boirons-je ? Pargué, à votre amoureuse, Monsieur Arlequin. Je vous remercie, mon ami. Lucas est un bon garçon, Il entend bien à vider un flacon. Oh ! Par ma foi, c’est grand dommage Qu’il croupisse en un Village ! Il aurait fait l’ornement Du plus célèbre Régiment. Oui ; mais il ne faut qu’un coup feulement Pour bouttre un homme au monument. Tu crains la mort, parce que tu n’y ès pas fait. Tiens. Si tu avais seulement deux Campagnes par devers toi, tu écouterais ronfler le canon comme une flûte douce, Jarni ! Si je savais ça, je me bouttrois tout-à-l’heure dans le sarvice. Tu t’y accoutumeras, te dis-je... J’aimerais à ne sarvir que dans les Revues. Sur ce pied-là tu peux t’engager à présent. Nous sommes en paix ; il n’y a rien à risquer. Buvons un coup : un verre de vin porte conseil. Oh ! Ce n’est pas que je balance ! J’ai du coeur comme un enragé : Mais, si la guerre recommence, Je prétends avoir mon congé. Cela va sans dire. Allons, mon Brave, à la santé du Roi. Allons, oui. Vive la guerre pendant la paix. Bon. Voici Monsieur Valére. Je ne sais si Arlequin aura réussi. Camarade saluez votre Officier. Monsieur, vous voyez dans ce garçon-là un des meilleurs soldats de votre Compagnie. Cela me fait plaisir. Lucas est un bon enfant. LJa, mes amis, j’ai ordre de partir demain pour aller joindre le Régiment en Flandres. Nous allons apparemment recommencer la guerre. Oui ; Je demande donc mon congé. Je ne me suis engagé qu’à condition que je ne sarvirois point pendant la guerre. Allons, allons. Point tant de raisons. Tu es engagé, tu marcheras. Qu’y a-t-il donc, Lucas ! Que t’a-t-on fait ? Ce sont ces vendeurs de chair humaine, qui m’avont enroullé pour la guerre. Allez, allez, Monsieur Valére, Je m’en souviendrai plus d’un jour. Vous voulez venger votre père, En me jouant ce mauvais tour. Madame, vous me connaissez mal. La fuite vous désabusera. Oui ; mais il faudra donc toujours que je marche à bon compte ? Sans doute ; et c’est trop perdre de temps. Partons. Eh ! Madame Thomas ! Tout beau, Messieurs. J’ai de quoi le racheter. Combien vous faut-il ? Cent pistoles. Grand, carré, de bon aloi, Dans l’emploi Il servira bien le Roi. Peut-on trop payer la taille ? Mais, cent pistoles ! Sans en rabattre une maille. S’il est propre pour le Roi, Par ma foi , Il l’est encor plus pour moi. Pour payer sa délivrance Voici de bonne finance. Puisqu’il n’y a rien à rabattre, je vais vous compter les cent pistoles. Heu ! L’étourdi ! Vois ce que tu me coûtes. Eh ! Là , là, Maman Thomas, Ne me le reprochez pas ! Je bêcherai tant , Je piocherai tant ; Un peu de patience : Ne plaignez point votre comptant, J’en tirerons quittance, Lon-là, J’en tirerons quittance. Votre argent ne me tente point, Madame ; la possession de l’aimable Colette peut seule me toucher. Ce n’est qu’à cela que la liberté de Lucas est attachée. Vous voyez bien que nous nous mettons à la raison. Je vois tout le mystère. Ah ! Coquine, c’est vous... Maman, point de colère. Donnez-moi cet époux. Par-là, vous allez faire D’une pierre deux coups ; En m’accordant Valère Lucas sera pour vous. C’est bian dit. Monsieur, j’ai des raison pour vous refuser ma fille. Madame, j’ai aussi les miennes pour vous refuser Lucas. Ma fille demeurera auprès de moi. Lucas demeurera dans le Régiment. Allons, marche. Madame Thomas ! Vous avez pris votre parti, Madame. Adieu. Marche. Vous m’abandonnez donc, Madame Thomas. Arrêtez, Valére. J’aime mieux vous donner deux cens pistoles. Ma chère mère, épargnez votre argent. Madame, cela est inutile. Non, non. Nous allons joindre le Régiment ! Marche, Gueux, marche. Madame Thomas. Eh ! Bâillez-li votre fille ! Monsieur, voulez-vous mille écus ? Madame, vous m’en offririez cent mille inutilement. Il n’en démordra pas. Puisqu’on ne peut s’en tirer autrement, je vous accorde donc ma fille. Ma chère mère !... Madame, vous me rendez le plus heureux de tous les hommes. Vivat. Mon enroullement a fait marveilles. Et moi, par reconnaissance, je vous donne Lucas. Que tous ceux que j’avais invités à mes noces viennent célébrer ce double mariage. Madame Thomas Épouse Lucas. Célébrons ce mariage. Elle agit en femme sage : Il fait déjà son tracas ; Il est fait à son ménage. Madame Thomas, En prenant Lucas, Vous prenez la fleur de Nanterre ; Vous ôtez au Dieu des Combats Un vrai fier-à-bras, Un foudre de guerre.