Eh quoi ? La Troupe Romaine Ne détruira jamais le Comique-Qpéra ! Quoi donc ? L’Italienne, Faridondaine, Et lonlanla. Jamais à la Foraine, Faridondaine Ne nuira. Nous n’avons encor pu qu’à demi Nous venger de ce fier Ennemi. Contre lui notre juste furie Ne sera donc qu’un inutile effort ? À nos yeux il a l’effronterie De se venir retrancher dans ce fort. La belle gloire ! La belle gloire, De l’avoir mis hors de la Foire ! Tin, terlintin, terlintin, terlintin ; Et pour en garder la mémoire, D’avoir perdu tant de latin. Il tire sans cesse sur nous, Nous donne souvent du dessous. Il a, ma foi, fait des sorties, Que nous avons bien ressenties. Mais contre fortune bon coeur ; Il nous faut reprendre vigueur. Ne consultons que la colère. Oui, mais, après mille travaux, Nos vieux Soldats sont tous manchots : Comment faire ? Oh ! Vraiment, je ne serais point en peine si "Brutus et Catilina" me venaient secourir, comme ils me l’ont promis : mais je ne puis compter sur ces grands guerriers... Catilina, par sa lenteur, Me laisserait réduire en poudre : Brutus devient un déserteur, Quand il voit qu’il faut en découdre. Cela est fâcheux pour nous. Il nous faudrait pourtant quelque puissant secours, J’espère que bientôt nous en aurons un qui nous délivrera de nos Ennemis. C’est un monstre de ma connaissance à qui j’ai envoyé ordre de se rendre ici. Ho-ho ! Ce Monstre en malice n’a pas Son pareil fur la Terre : Il fait cent fois plus de dégâts Que la Peste et la Guerre ; Il fait d’écus, et d’escalins Tous ses repas funestes ; Les Veuves et les Orphelins Ne mangent que ses restes. Que me dites-vous ! Du Manceau, comme du Normand, Cette Bête est l’organe. Elle est des environs de Caen. Ha ! C’est donc la Chicane ! Vous l’avez deviné. Je l’attends... Mais, tenez, la voici. O che bruta figura ! En bâche Normandie Ton ordre a pénétré, O chuch’ ma fey ! Je viens t’offrir, ma Mie,, Tout le pouvoir que j’ay.; O chuch’ ma fey. Vér’ guieu m’damne ! Donn’ z’au guiéble ! Qui se prend à tey, Se prend à mey, O chuch’ ma fey ! Sur l’Opéra-Comique, Et sur toute sa clique Exerce ta fureur ; Massacre cette race ; Va remplir cette place De carnage et d’horreur. Venez, l’Envie et la Fraude, Allons leur donner l’assaut : Cà, çà , çà, qu’on les galvaude Vaude, vaude, Çà, çà , çà, qu’on les galvaude Comme il faut. Ah ! Quels objets horribles ! Ah ! Quels Monstres terribles ! L’alarme est au quartier. Vole à nous, Cousin l’Opéra ? Contre ces vilains : monstres-là Tu dois prendre notre défense. Y-avance, y-avance, y-avance ! Nous payons bien ton assistance. Qu’est-ce donc que cela ? Bon, le voilà ! Oui, mes Enfants, l’Opéra Toujours vous protégera. Quoi ? Vous ne voudrez donc jamais Laisser mes Amis en paix ! Je vous écraserai tous. Redoutez mes coups, Ô Coeurs jaloux ! Fuyez, fuyez, éloignez- vous, Pour éviter mon courroux. Et toi, Monstre fatal, Affreux Animal, Échappé du séjour infernal ! À nous tu t’adresses bien mal. Reçois, Méchant, Dans ce moment, Ton châtiment. Pour ton tourment, Je vais promptement Te lier fortement, T’envoyer aux Enfers, Expier dans les fers. Tous les maux que par toi les Forains ont soufferts. Quelle horreur ! Quel triste ravage ! Le Monstre redouble sa rage ! L’Opéra s’expose pour nous ! Grands Dieux, donnez-lui l’avantage, Conduisez son bras et ses coups ! Amis, réjouissons-nous : L’Opéra , plein de gloire, Vient d’abattre sous ses coups la Chicane. Chantons tous : Victoire ! Victoire ! Victoire ! Victoire ! Victoire ! Victoire ! Que du nom d’Opéra retentissent les airs ! Rien ne peut nous troubler, la Chicane est aux fers. Enfants, j’ai fini mon ouvrage. Je ne puis plus rien pour vos jours : N’attendez plus d’autre secours Que de votre courage. Ciel ! Qui l’aurait pu prévoir ! Ha ! Que la peste le crève, L’Opéra qui nous enlève Notre plus charmant espoir ! Ne perdons point l’espérance De voir les Forains périr. Il faut à notre vengeance Les immoler, ou mourir. C’est bien dit. Mais conduisons-nous prudemment. Ils se rendront sans coup férir, Ou je veux y brûler mes livres. Pour les prendre fans ,courir , Il faut leur couper les vivres. Il faut leur couper         les vivres, Grande nouvelle, Mesdames, grande nouvelle ! Qu’y a-t-il donc, Scaramouche ? Le Malade par complaisance À petit pas ici s’avance, Escorté d’un joli garçon, Appelé Le Bal du Parnasse. Tous deux conduisent un Caisson, Ils vont ravitailler la Place. C’est ce qu’il ne faut pas souffrir. Quelles troupes leur opposerons-nous ? Hé, mais, votre Roi de Grenade , Ou bien votre Prince Malade. Hélas ! Ignorez-vous leur sort ? L’un ne vit plus, et l’autre est mort. Cela est bien triste. N’avez-vous pas vos Philosophes amoureux ? Non. Mes Philosophes amoureux Viennent de partir pour leur Terre ; Pour jamais dégoûtés tous deux Du rude métier de la Guerre, Voulant jouir d’un sort plus doux, Ils sont allés planter des choux. Nous voilà bien embarrassées. Attaquons nous-mêmes le convoi. Venez, secondez mon ardeur : Montrons que nous avons du coeur ; Deux hommes nous feront-ils peur ? Ma Bonne, allez je vous proteste Que nous leur donnerons leur reste. J’en fuis persuadée. Courons au devant de l’ennemi. Mais à nous il arrive. Qui vive ? Qui vive ? Qui vive ? Vive le Comique-Opéra. Messieurs les Guerriers, halte-là ! Songez à vous défendre. Tout Forain est notre ennemi. Pare moi celle-là : Ti, ta, ta ! Hé ! Tire donc ta lame ! Et toi, résistes-tu ? Tu, tu, tu ? Je vais te brûler l’âme. Ah ! Que vous avez de peine ! Allons donc mon Capitaine ! Voyez la belle dégaine ! Je vous demande quartier. Madame de l’Italie, Épargnez-moi, je vous prie ! Je n’ai qu’un souffle de vie... Je suis votre prisonnier. Hé bien, soit. Entrez dans ma tente avec vos vivres. Oh ! Pour les vivres, non. Qu’on les conduise à notre Camp. Nous en avons plus besoin que vous. La Reine du Barostan, Vient ici, tambour battant. Les Couplets sont avec elle... Et leur dessein est, dit-on, D’aller de la Citadelle Renforcer la Garnison. Elle n’a qu’à venir, pendant que nous sommes en train de ferrailler. Hom ! Nous allons peut-être trouver à qui parler. Les Troupes Orientales m’inquiètent. Elles nous ont souvent taillés des croupières... Mais quel Personnage vient à nous ? Madame, vous voyez le bouillant Callisthéne. En Chevalier Errant ,touché de votre peine, Je viens vous présenter le secours de mon bras, Qui vous vaudra lui seul des milliers de Soldats. Pour louer ma valeur, il faut des hyperboles. Il faut des actions, et non pas des paroles. C’est le prendre en effet sur un assez haut ton. Vous verrez dès ce jour si je suis un Gascon. Mon brave Callisthène, Lassi, Lasson, Lasson bredondaine : Mon bonheur vous amène Fort à propos ici : Patari, Pataton : Fort à propos ici, Pour combattre une Reine, Lassi, Lasson, Lasson, bredondaine ; Pour combatre une Reine, Qui sert notre Ennemi. Elle vient, ma foi ! Je l’entends. Je la vois avec tous ses gens. Opposez-vous à son passage, Et nous montrez votre courage : Pan, pan, pan ! Allez-vous-en À la Reine du Barostan. Voici les Dragons qui viennent, Vite sauvons-nous ! Allons, mes enfants, alerte ! On arrête ici nos pas, L’Ennemi vient. Il court à sa perte. Donnons dessus, ne l’épargnons pas. Ne vous battez point, ma Reine , Contre un trop fort ennemi : Rendez-vous à Callisthène. Ô turlutaine ! Il vous fera bon parti. Turlutu, tantaleri ! Prenez- y garde. Je suis un rude compagnon, Et j’ai bien de l’école : J’y vais de pointe et d’espadon. Ha ! Voyez donc. Ha ! Voyez donc. Comment s’y prend le Drôle ! Filez, Grivois, filez. Gagnez promptement le Fort. Je vais écharper votre escorte. Plaît-il ? Je ne souffrirai pas qu’elle entre. Tout beau, tout beau.         Mort ! Tête ! Ventre ! Je ne souffrirai pas cela. Menacez, grondez, pestez, criez, jurez, Fulminez ; mais restez-en là. Quoi ? Il sera dit qu’une femme à ma Barbe... Croyez-moi, faites retraite. Il n’y a rien à gagner ici pour vous. J’enrage ! Rejoignons nos gens. Attendez, Reine, attendez ! Qu’est-ce que vous demandez ? Contre vous, non sans alarmes : Tique, tique, taque, et lonlanla ! je viens éprouver mes amies, Je vous demande cela. Qui êtes-vous ? Je suis le Jeu de l’Amour et du Hasard. Mais que vois-je ! Je trouve de la ressemblance, Ma Princesse, entre vous et moi. De vos parents les miens, je crois, N’avaient aucune connaissance : Cette ressemblance ne part Que d’un simple jeu du Hasard. Quel honneur pour moi, ma Reine ! N’écoutons que notre haine. Je n’en ai plus.         Battons-nous, Mettez-vous vite en défense. Non, j’ai trop de répugnance À me battre contre vous. C’est le fort Samson qui va paraître : Vous allez trouver votre Maître. Sauvons-nous dans la Forteresse. Où sont-ils, Ces Forains maudits ? Cette engeance, Qui balance Les forces de mes Amis ? La fureur Règne dans mon coeur. C’est en vain qu’une Citadelle Entre ces murs recèle Des gens que glace la peur. Par la mort ! Dans mon fier transport, Ma. mâchoire d’âne , Tombant sur leur crâne, Enverra Chez Pluton ces Faquins-là. Suivez votre noble audace, La victoire vous attend. De mon asinine masse, Je m’en vais tout culbutant, Le long de ça , Le long de là , Le long de la Place, Par derrière et par devant. Quel abatteur de quilles ! Ne souffrons pas un tel affront : Jetons nous sur Samson. Songez à les bien recevoir. Je ferai mon devoir. Qu’il périsse ! Qu’il périsse! Nous avons pour notre Chef Le courageux Fils d’Ulysse. Qu’il périsse ! Qu’il périsse ! Je suis plus fort que Samson, moi. Oui ; car je n’ai qu’une mâchoire d’âne et tu en as deux. Tiens voilà ton estasse. Va te faire panser. Unissez-vous contre un héros Suivi de la Victoire : Venez, je vous attends , Marauds ; Sentez le poids de ma mâchoire. Je vais sur vos malheureux corps, Je vais frapper et déstoc et de taille. Sous mes invincibles efforts Tombez, tombez, vile canaille : Pata , pata , pan ! Pan, pan, pan ! Pata , pata, pata, pan ! Tombez, tombez, vile Canaille. Des Troupes Foraines Je suis le vainqueur. De mes Capitaines Vous êtes la fleur. Oui ; mais, ma petite; Il faudra, vraiment, Payer mon mérite Toujours doublement. Sans doute. Vous aurez double solde. Il ne m’en coûtera rien, le public est le trésorier de mes troupes. Nous venons de Samson célébrer la victoire. Nous ne devons donc plus appréhender la Foire ? De lui j’attends encor un coup plus généreux. Quel coup ?         Qu’il vous assomme en ce moment tous dcus, Ô Ciel ! Qu’entends-je ! Pourriez-vous tourner vos armes contre vos Alliés ! Apprenez à me connaître. Quelque bonne mine que je vous fasse, je vous regarde comme ma plus grande ennemie. Il y a de 1a franchise dans cet aveu. Et de la vérité. Je voudrais qu’il n’y eût à Paris que notre troupe. C’est bien dit. Comme un soleil suffît au Céleste lambris, Un Théâtre suffit pour divertir Paris. N’est-ce pas, Seigneur Callisthène ? Ne perdons point de temps, expédiez les l’un et l’autre. La Traîtresse ! C’en est fait, je me meurs. Âme double et sans foi ! Bientôt ton imprimeur me vengera de toi.