Mon Papa !         Ventrebleu, je ne sais où j’en fuis ! Est-ce que je peux, moi, vous forger des maris ? Ces trois carognes-là me font tourner la tête. Nous voulons un état ; la demande est honnête. Le moyen, s’il vous plaît, detrouver des époux, Quand on ne voit ici que portes et verroux ? Eh ! Peut-on trop fermer, quand au travers des grilles, On voit s’évaporer l’honneur de tant de filles ? C’est donc notre vertu qui répond de nos moeurs : Rien ne peut arrêter le penchant de nos coeurs, C’est elle seule aussi que vous devez en croire, La contrainte, mon père....         Ah ! Taisez-vous, Victoire. Pour trouver des partis, il faut paraître au moins. Non, vous dis-je, attendez tout du temps, de mes soins, Et je vous marierai ; ces conteurs de sornettes, Qui dans chaque maison débitent leurs fleurettes, Ne sont point épouseurs ; le quatrième jour Qu’on vous frequentera, serviteur ; plus d’amour ; Ou bien qu’on vous épouse.         Il paraît impossible Qu’une fille d’honneur qui doit être insensible, En quatre jours connaisse, aime, épouse...         Comment, La doucette Lolotte aussi veut un amant ? J’ai bientôt dix-huit ans.         Et je suis son aînée. Moi, je suis déjà grande.     Ah ! Tant mieux.         Une année En donne trois ici, mon père, en vérité, Si vous ne modérez notre captivité, Point de maris pour nous. En fait de mariage.... Morbleu !         La plus pressée est toujours la plus sage. Ah ! Mesdames tant-pis ! Le tour est merveilleux ; Mais moi je ne veux point voir ici d’amoureux : Vous prenez des conseils, on vous met à la mode, Et corbleu, ma maison est déjà trop commode ! Votre belle Clorinde avec son Chevalier, Sans leur bail, à l’instant vuideraient mon premier. C’est elle qui vous met dans la coquetterie. Les pompons, la frisure, un air d’étourderie.... Je vois mille escoffions qui m’étetient inconnus Depuis qu’on la fréquente on ne travaille plus. Nouër un bout de soie, et sourire avec grâce ; Voilà ce qu’on vous montre, et tout cela me lasse. On ne dort plus ici ; c’est un train nuit et jour... Des carosses sans cesse, embarassent ma cour, Elle vient ; des laquais, des coureurs, et des pages. On frappe, on ouvre, on entre et de quatre équipages, Sortent comtes, marquis et des abbés coquets, L’un lui porte ses chiens, l’autre ses perroquets : Un Petit-Maitre tient le singe de Madame.... Voilà le bel exemple ! Ah ! Si ma pauvre femme Revenait à la vie et voyait ce fracas, Ses filles en rubans, aigrettes, falbalas... Pour les habillements on doit suivre l’usage, Clorinde a de grands airs, mais elle est belle et sage, Et jamais l’ornement n’influa sur les moeurs. Tous ces colifichets amollissent les coeurs ; Est-ce pour vous former qu’on vous lie des brochures, Qui plus que du latin me paraissent obscures, Et ne peuvent au plus amuser que des sots ? Eh ! Morbleu, lisez-moi, lisez-moi des bons mots, Encor bien rarement : que l’esprit se repose, Coudre, filer, pour vous est la meilleure chose. Il faut changer de ton ; Lolotte. Et vous Cathis, Passez racommoder, s’il vous plaît, mes habits. Que j’étais ennuyée avec sa sermonade ! Il ne finissait pas ; une heure en embuscade Je voulais vous parler ; Léandre...         Il a raison. Mes soeurs, depuis un temps, prennent un mauvais ton : Ce qui sied à Clorinde a pour nous peu de grâce. Léandre est là qui vient...         Ce fard sur nous s’efface : L’éclat est pour les grands ; la noblesse a ses droits, Et la simplicité fait l’honneur des bourgeois. Votre commodité n’est donc point de m’entendre ? Je reviendrai ce soir vous parler de Léandre. Léandre ? Que dis-tu?         Non, non, moralisez : Que voulez-vous de plus, quand vous vous amusez ? Si Monsieur Broton même en prêchant peut vous plaire, Je vais le rappeller : telle fille, tel père... Ah ! Finis. Quoi! Léandre est ici, dis, Babot ? Parlez raison, vertu...     Dis donc.         Je ne dis mot. Je t’en conjure, ah ! Dis ; que mon âme est émue ! Eh bien, j’ai ménagé pour vous une entrevue. Léandre vient...         Grands Dieux ! Qu’il soit en mon pouvoir ; D’accorder la raison, l’amour et mon devoir. Qu’avez vous décidé, sage et tendre Victoire? De vous aimer toujours et de chérir ma gloire; Et si mon père un jour, consent à nous unir, Léandre, mon bonheur sera de vous chérir... Quand je suis dévoré, par une flame ardente, Puis-je me contenter d’une cruelle attente ? Peut-être peu de temps satisfera nos coeurs ; Il suffit que mon père ait marié mes soeurs, Il vous acceptera.         Bon ! Quand le seront-elles ? Il les garde avec soin, et quoi qu’elles soient belles, Elles resteront là.         Mais il faut lui parler. Si par un stratagème on pouvait l’engeôler ? C’est un soin superflu, qu’esperez vous Léandre ? Obtenir votre main.         Il n’y veut point entendre. Je suis une cadette, et mes soeurs pour mon choix, Ne seront pas d’humeur à me céder leurs droits. Encor se marier est toute leur folie. Et moi qui suis plus jeune en ai-je moins d’envie ? Comment donc faire ?         Mais... Il faudrait boire un peu... Vous griser...     Me griser !         Ceci n’est pas un jeu. Monsieur fait d’un bouchon sa retraite ordinaire, C’est là qu’il adoucit sa bile atrabilaire, Et qui peut sur un banc être assis près de lui, Bavarder et brailler deviendra son ami. Moi-même qu’au logis il bougonne sans cesse, Quand je vais l’y chercher...     Eh ! Bien ?         Il me caresse. Et moi qui sais qu’il faut hurler avec les loups, J’avale de bon vin deux ou trois petits coups, Alors tout plein d’amour, il dit, ma gouvernante... Est une honnête fille... Et...         Fille complaisante. Écoutez, n’allez pas faire le Dameret, Il faut avec Broton aller au cabaret. Au Cabaret Babot !         Vous voilà bien à plaindre. Si par là vous parez ce que vous devez craindre, En buvant comme lui, rapellez le vieux temps ; Faites des contes bleus.         Mais les honnêtes gens, Rougissent...     Il le faut.         L’épreuve est un peu sotte. Il le faut, il le faut.         Allons, j’irai ; n’importe. Il faut boire, jurer, parler beaux sentiments, Rire, à l’instant pleurer, critiquer les amants. Je ferai tout cela pour vous, belle Victoire. Léandre, en verité, je rougis de ma gloire ; Et Babot est bien folle...         Il n’est que ce chemin ; Je vous le garantis son intime demain, Il tramera pour vous et contre vos soeurs même. Léandre est votre époux ; ah ! Lorsqu’un buveur aime, Avec un petit verre on ranime l’Amour, Et l’on fait vingt amis et cent amants par jour ! Clorinde vient...     Ah Dieux !         Sortez, Mademoiselle, J’accommoderai tout ; Damis est avec elle : Broton ne veut souffrir aucun amant chez lui, Mais je trouve un moyen pour nous tirer d’ici ; Et crainte qu’on ne jase et qu’on ne vous soupçonne, Faites ce que je dis, je vais leur donner bonne. Contrefaites le fou.         Puis tantôt le buveur ? J’ai mis en bonnes mains l’interêt de mon coeur ! Eh bien, laissons tout là ; finissons la querelle ! Non, non, poursuis, Babot, la cause en est trop belle. Ah ! Le pauvre garçon ! Son mal est dangereux ! Il vaudrait mieux, ma foi, qu’il fût bien amoureux Que d’avoir des vapeurs qui lui tournent la tête ; Mais à plus de vingt ans être encor assez bête ; Pour ignorer l’Amour ! Il vient de m’avouer... J’ignore si l’on doit le plaindre ou le louer : Qu’il s’ennuie à périr près d’une jeune fille : Mon Maître a, ce dit-on, un secret de famille ; Pour guérir la folie; il vient le consulter, Madame, et vos beaux yeux ne font que l’irriter : S’ils’ approche de vous, d’abord au moindre geste, Son accès le prendra, puis vous le verrez, zeste, Sauter, gesticuler, devenir en fureur. Ah ! Par ce seul récit tu me glace de peur ! Vient-il souvent ici des objets de la sorte. Non.         Son mal va lui prendre ! Ah ! Babot, fais qu’il sorte. Quoi donc ! Vos yeux, Madame, auraient pu le guérir ; Le refuseriez vous ?         J’aimerais mieux mourir ! Ah ! Damis... Je frissonne... Et je sens qu’il me peine. Sa folie est tranquille.         Ah ! J’en ai la migraine ! Madame il est sorti.         Comme il me regardait ! Ainsi que lui, Madame, un sage le ferait. Dans le trouble où je suis je crains quelques visites ; On l’interpreterait...     Voilà...     Qui ?         Les petites. Ah ! Ce sont nos enfants ; avons-nous du papa, Obtenu joliment d’aller à l’Opéra, Mon coeur !         Oh oui, Madame, et c’est ma soeur Lolotte ; Qui l’a déterminé.         Paix donc petite sotte ; Il faut cacher sa joye et que l’exterieur, Offre précifément le contraire du coeur ; Voilà le monde.     Bien !         Ah ! Ma belle Madame ! Que d’obligation... De plaisir... Que mon âme.. Comment donc ! Chevalier ! Elle a des sentiments ! Oui, beaucoup, mais beaucoup... Et... Gare les amants ! Je dissimulerai.     Bon !         Que tout soit mystère. Pour vous, Lolotte, il est bien peu de chose à faire. Voyez elle a dejà certain air nonchalant. Elle est bien, et ses yeux ont l’air fier et galant. Pour d’autres c’est un art, c’est nature chez elle. Vous vous trompez, Madame, et je vois mon modèle. Elle a le ton du monde ; elle est faite pour lui. Trop de vivacité nous annonce. Aujourd’hui, Les jeux, la promenade, et jusques à la danse ; Tout doit se prendre enfin d’un air d’indifférence. D’un transport modéré le plaisir est plus doux. Et plus durable aussi...         L’Opéra, l’aimez vous ? Par exemple en ce lieu la morale est contrire. À ce que la vertu nous commande d’austère ; Mais cela se tolère à la faveur du chant ; On en est quitte après pour vaincre un doux penchant. Allons douce beauté, voir du grave, du tendre, Vous il vous faut du gai : nous allons tout entendre : Sortons. Que dites-vous de leur ajustement ? Qu’il leur faudrait un peu de rouge seulement. Elles sont à charmer.         Ces noeuds sont votre ouvrage. Une mouche par-là... Fort bien... Voilà je gage, Monsieur Broton.         Eh bien ! Qu’est-ce donc !... Du plaisir !... Il est gai : d’ou vient-il ?         Je sens à ce soupir Qu’il a fort bien diné.         Qu’il fait chaud ! Non, ne bouge... Asseyez-vous, papa.         Comme te voilà rouge ! C’est que j’ai chaud aussi.         Toujours mille chiffons ? C’est moi qui l’ai parée.     Elle est.... Bien.. Propre.         Allons, Avouez qu’elle est bien.     Mon cher Broton ?         Charmante ! Ah ! Madame, c’est vous... Qui...         Je suis engageante ? N’est-il pas vrai, l’ami ?         Vous avez... Un attrait... Me trouvez-vous jolie ?         Ah ! Madame... Au parfait ! Que je vous parle, enfants : vous serez satisfaites, Et les choses dejà sont plus d’à moitié faites. Nous voilà bons amis, mais ce prélude là, Nous annonce qu’il faut se passer d’Opéra. Vous plaît-il de parler ?         Oui vous allez entendre. Au cabaret voisin... Connaissez vous Léandre? Non         C’est un épouseur... Parbleu ! C’est toujours un... Bon garçon, qui boit bien... Et... N’est pas du commun. Je l’ai mis sous la table et quoi qu’il sache boire, J’ai remporté sur lui l’honneur de la Victoire ; Pour choisir entre vous il viendra dans ce jour, Songez à lui montrer beaucoup, beaucoup d’amour. J’ai vu le prétendu, dans l’instant il arrive. Est-il blond ?     Est-il brun ?         Ah ! Que vous êtes vive ! Il est noir de cheveux, d’humeur aussi, je crois : Ce que j’en ai pu voir me déplait fort à moi, Il prétend que l’on soit simple, silencieuse: Avec un tel bizarre on serait malheureuse. Point du tout ; vite otons mon rouge et mes rubans. Courons à la toilette : en avons nous le temps ? Par la simplicité pour moi je veux lui plaire. Et moi par l’ornement.         Voilà bien du mystère, Pour tenter un coeur pris grâce à notre complot ; Le père est tout à nous.         Suis-je bien ?         Moi, Babot ? Votre frisure bouffe.     Et la mienne ?         Est trop plate. Victoire enfin aura le mari qui la flatte, Si nous réussissons dans ce nouveau projet ; Je pense qu’il vaudra celui du cabaret, De mon esprit fécond il est encore l’ouvrage, Léandre va venir jouer son personage ; Il a su plaire au père, il faut déplaire aux soeurs ; Par la condescendance on gagne tous les coeurs ; Mais il n’est pas aisé de dégouter des filles, Qui veulent un mari.         Vous voilà bien gentilles, Quel dommage pourtant de quitter tout cela ! Car le futur époux voit mieux que le papa, Je m’en suis aperçue, il a l’humeur jalouse. Le plaisir d’obéir est celui d’une épouse. Eh ! Mais, ma soeur, c’est moi qu’il doit choisir ici. S’il a droit de choisir, moi j’y prétends aussi. Vite, redressez-vous, votre père l’amène. Que la jeune Victdoire à présent est en peine ! Entrez...     Non.     Vous...     Monsieur...         Enfants c’est le mari... Dont je vous ai parlé ; mon gendre et mon ami ; Bon vivant, honnête homme... Et, voilà ma cadette, Et l’ainée, entre nous, elle est assez drolette ? Au moins !         Comme une épouse elle est peinte en mon coeur. Monsieur, je m’applaudis de ce titre flatteur. Cela peut vous flatter ?         Tais-toi point d’interprète : Je pense en femme sage, et non pas en coquette... Il me disait tout bas que tous ces affiquets, L’avaient un peu choqué, que des airs trop coquets. Ah ! Doucement, Monsieur...         Qui plaisent dans les femmes, Offusquent les maris.         Excusez-moi mesdames, Si j’ai pu m’expliquer un peu trop librement. Je parlais en mari.         Ce n’est pas en amant ; On pourrait vous taxer, Monsieur de jalousie. Eh ! cet heureux défaut fait le bien de la vie. Si je le suis, jaloux ? oui, sans doute ; à l’excès ! J’aime que pour un rien on me fasse un procès, La fureur d’un jaloux n’a rien dont je m’irrite, C’est un aveu secret de son peu de mérite, J’aime à le voir se croire indigne de mes feux, M’accabler de rigueurs et soupçonner mes voeux, C’est par ce sentiment que triomphe une belle : Être injuste n’est rien, quand le coeur est fidèle. Ne vous y trompez pas, à présent les époux, Par le droit du plus fort sont coquets et jaloux. Oui l’Amour est jaloux de toute la nature, Mais si mon coeur un jour pouvait vous faire injure, Si pour quelques instants j’oubliais vos attraits, Je reviendrais à vous plus soumis que jamais. Il se peut quelquefois, qu’une âme un peu trop tendre, Sur les droits de l’hymen anticipe.         Léandre, Cela me paraît fort; vous me poussez à bout : Être injuste n’est rien, être infidele est tout, Je n’excuserais pas...         Mais, vous êtes si bonne ! Ah ! Mon gendre, c’est trop !         La chose se pardonne. Une infidélité ! Qu’en dites-vous, ma soeur ? Que l’on peut excuser la faiblesse du coeur ; Que la vertu triomphe avec plus d’avantage, Quand l’épouse pardonne, et qu’elle est belle et sage. Vous pardonnerez tout à cet époux parfait? Voilà pour tous les tems un modele complet. Si Cathis est fachée, en tout cas j’ai trois filles. Entends-tu bien ; mon gendre ? Et toutes trois gentilles... Viens-t’en laisse-les là : viens vite boire un coup, Je veux t’accoutumer à boire comme un trou. Son caractere est franc, tendre.         Et sans artifice. Oui la chose vaut bien que l’on y réflechisse. Faites moi part, ma soeur, de votre intention. Mon père saura seul ma résolution. Eh ! Bien, chère Babot, a-t-on fait quelque chose ? Léandre était à nous, et quand tout se dispose, Le diable dans l’instant vient qui nous brouille tout, Cathis n’en voulait plus, et Lolotte y prend goût. Que je suis malheureuse ! Il est vrai que Léandre, Ne veut aimer que moi, mais si longtemps attende. Ou sentir le remords d’avoir trompé mes soeurs ! Gouterais-je un plaisir qui leur coutât des pleurs ? Non j’en mourrai Babot.         Trop de délicatesse, Dans les pressants dangers dégénère en foiblesse. L’affaire est en bon train ; faites vous peu de cas, Que l’Amour et Bacchus y saient vos avocats ? Nous mettrons ordre à tout, vous voyez votre père ; Agir avec tendresse. Ah ! Le bon caractère ! Vive le bon vieux temps où l’on était tout rond, De cette pâte d’homme on n’a plus la façon. Eh ! Mais... Laissez moi donc..         Venez, venez mon père. Laissez-moi boire un coup.         Terminez notre affaire, Imposez donc silence à Atys.         À ma soeur. Terminez.     Oui.         Sans doute.         Allons de tout mon coeur, Commençons par Lolotte elle a vu que Léandre, A l’humeur déplaisante, il n’y doit plus prétendre, Si vous y consentez, mon espoir le plus doux, Serait, des aujourdhui d’en faire mon époux. Rien ne doit effrayer dans un mari qu’on aime, Caractère léger, un peu libertin même, Tout est pour notre gloire un triophe de plus. Cessez, ma tendre soeur d’étaler vos vertus, Pour voler un amant, on n’est pas dégoutée, Mais vous oubliez donc que je suis votre aînée ? Que je l’épouse moi, que fut-il ombrageux, Suffisant, emporté, tel qu’il est, je le veux. Vous déclamiez tantôt contre les infid7les, Et j’ai cru...     Moi je sais...         Peste des peronnelles ! Le diable vous épouse en peut-il prendre trois ? Car Victoire sans doute aime aussi le matois. Au refus de mes soeurs j’obeirai, mon père. Eh bien ! Soyez d’accord, et sans tant de colère, Laisses-lui le mari qui fait votre débat. Nous n’avons point de goût du tout au célibat ; Bien des grâces, mon père.         On trouve par la suite. Milles grâces, ma soeur.         Ah ! Ma pauvre petite, Vous n’entendez pas mal déjá vos intérêts ! Allez vous consulter, puisque j’ai fait les frais, Je vous donne un quart d’heure, et veux sans plus attendre, La noce pour ce soir, ou bien, plus de Léandre. Hé bien, papa,         Mon gendre on n’a pu rien gagner. Aussi c’est ma bonté qui me fait barguigner, Eh ! Que doit m’importer le rang de chaque fille ; Pourvu que mon ami vienne dans ma famille ? Sans doute.         Il faut qu’il ait celle qu’il a choisi, J’ordonnerai, morbleu ! Je veux être obéi. Je suis honteux d’agir avec tant de faiblesse. Beau-père, il vaudrait mieux par quelque tour d’adresse, Appaiser les deux soeurs. Un valet entendu, Que j’ai pris depuis peu, qui leur est inconnu, Pourra nous y servir décriant ma conduite. Ici comme marchand... Il viendra...         Tout de suite, Oui je vais l’introduire, et soyez assuré, Qu’on vous équipera, Monsieur, à votre gré. Oui bon cela, l’ami !         Du transport qui m’anime ; Permettez qu’a vos pieds la douce ardeur s’exprime, Si je vous interromps...         Quelle vivacité ! Mon père, pardonnez ; mon coeur est transporté, Par la crainte, l’amour et la reconnaissance. Tu transportes le mien ; va ; ton obéissance, M’a toujours contente, mon enfant, et ton coeur, Est franc comme le mien et digne d’un buveur, Je reconnais mon sang, c’est la fille à son père. Vos ordres sont si doux, qui pourrait vous déplaire? Que ce transport, Victoire, à de quoi me flatter ! J’en suis l’heureux objet, je n’en saurais douter. Oui c’est vous, cher Léandre !         Hélas ! Chère Victoire ! Morbleu ! Près de cela ce n’est rien que de boire, Chers enfants ! Oui... l’Amour... Vous me faites pleurer, Pour la première fois ils m’ont fait soupirer. Quel plaisir nous aurons à vous chérir sans cesse ! Mon père et mon époux partagent ma tendresse. J’aurai tout le bonheur quand vous serez heureux. Ah ! Par ce seul désir vous comblez tous mes voeux. Voilà nos gens d’esprit ! Si je n’y prenais garde, Ils passeraient, jarni ! Le temps à la moutarde, Allez, votre valet devrait être envoyé. Je vois qu’elle a raison : je m’étais oublié. Le coeur quoi qu’on en dise, ici n’est qu’une bête, Et vous aviez tous trois bon besoin de ma tête. On s’oublierait à moins, et ces heureux instants. Sont les seuls de ma vie...         Ah ! Les beaux sentiments ! Allez, vous dis-je ; allez.         Il faut te satisfaire. Un millier de soupirs ne fait pas une affaire. Vous voulez nous parler, à ce que dit Babot, Vous décidez, sans doute ?         Il n’en est pas le mot. Entre vous le débat ; la cadette ou l’ainée, Tout cela m’est égal, pourvu que la journée, Décide qui des trois de Victoire ou de vous, Recevra de ma main Léandre pour époux. Bonjour, ma belle enfant, où sont tes Demoiselles? À qui parles-tu là?         J’ai les modes nouvelles. C’est un petit marchand de pompons, de bijoux. Des peignes, des saveurs pour les nouveaux époux. La fille du logis, m’a-t’on dit, se marie... On ne m’avait pas dit que tu sois si jolie. Cette affaire, ma soeur, a dejà fait du bruit, Comment le savez vous?         Tout le monde le dit. Voici de bons parfums, des mouches, des aigrettes: Pour le futur époux voilà des savonettes. Approchez-vous, ma Reine, et choisissez ici. Toi qui sais si bien tout, que dit-on du mari ? Recevez ce ruban.         Tes façons sont galantes. J’en usé ainsi partout, pour les belles suivantes. Mais réponds moi ; l’on dit...         Que je suis son valet, Que quand je le regarde il me semble parfait. Que dit il?         Il m’a dit, qu’il vous trouvait à plaindre. Non.     Tai-toi donc, serpent !         Que Léandre sait feindre. Le ferai-je chasser quand j’entre en goût pour toi ? Je t’instruirai de tout.         Qui le sait mieux que moi ? Voulez-vous du carmin ? Du beau blanc de ceruse ? Ceruse, donc, manant ! Marche avec ta peinture. Nous n’en employons point.         Reviens un autre jour Il nous prenait, je crois, pour des femmes de Cour. Pourquoi le renvoyer ? nous aurions su peut être, Que Léandre n’est pas ce qu’il voudrait paraître. Laissez moi seule, ici, je vais le rapeller, Fut-il, mardi ! Muet, je le ferai parler. Oui sortons; tu pourras en savoir davantage. Écoutez, beau Marchand.         Tout est manqué: j’enrage ! Champagne, qu’as-tu fait ? Eh ! Bien suis-je chassé ? Pas... tout-à-fait, Monsieur,         Il aurait tout gâtê. Si je n’avais rien dit.         Ah ! Maraud ! Ah ! Belître ! Loin de vous décrier, Valets sur ce chapitre, Ne tarissent jamais, leur esprit inventif : Trouve dessus cela du faux ou positif ; Lui, faisait votre éloge !         En voici le mystère : Déplait-on quand on a tant de désir de plaire ? Vous me pardonnerez en regardant Babot. C’est votre faute...     Oui.         Taisez-vous maitre sot ! Il n’était qu’a demi dans votre confidence. Si j’ai péché, Monsieur, c’était par ignorance; Je pourrai réparer tout le mal que j’ai fait. Il voit ici deux soeurs, une autre est votre fait : Il ne comprenAit rien à toutes ces vétilles. Qui diable eut deviné que Broton eut trois filles ? Fort bien ! Il a raison, puisqu’il est amoureux ; Mais je perds mon bonheur, et c’est pour tes beaux yeux. Pouvait-on deviner qu’on lui brouillait la vue ? On pourra retrouver l’occasion perdue. Votre zèle à présent serait hors de saison ; Je ne veux écouter que la droite raison. Enfin je vais risquer tout ce que je peux craindre, Et mon coeur souffre trop d’être obligé de feindre. Tout nous réussit mal; il saut, mon cher papa, Instruire les deux soeurs...         Justement les voilà. Eh oui ! La vérité ; c’est la vertu que j’aime. In vino veritas.         C’est ce fou ! C’est lui-même !... Je vois son teint rougir, et ses yeux s’égarer. Nous possédons ici de quoi tout réparer. Tu me l’as déja dit.         Il n’est plus temps de feindre. Ah ! Damis !         Pardonnez ; vous n’avez rien à craindre. Et l’Amour seul, Madame, a causé ces erreurs, Je craignais d’offenser ces deux aimables soeurs ; En adressant mes voeux à ma chère Victoire, Dont la main comblerait mon bonheur et ma gloire. J’ose vous implorer...         Qu’en dites-vous, Damis ? On tirerait plutôt morbleu ! du vin d’un puits, Qu’on ne dégouterait filles du mariage, Surtout quand elles sont... Vous m’entendez... D’un âge...         À moins que ce ne soit par leur propre raison. Il faut faire un effort, mes chères.         Un bon non, Car ce libertinage et cette jalousie, Tout était faux...     Ma soeur...         Ainsi que ma folie. Quoi ! Ma soeur on nous joue ! et Victoire...         Ah ma soeur ! Il faut abandonner ce Bourgeois...         De grand coeur ! Baise moi mes Amours... Te voilà raisonnable, On verra mon bon coeur, quand nous serons à table, Je leur fais un présent qui vaut bien... Cent maris. Je leur fais épouser pour le moins des Marquis : De leur âme à l’instant j’ai connu la noblesse ; Elles ont de grands biens ; la beauté, la sagesse : Que leur faut-il de plus ?         C’est fort bien engeôler. Et toi coquine, aussi voudrais-tu m’enrôler ? Allons boire aux accords de Victoire et Léandre ; Et vive le bon vin qui me procure un gendre ! L’amour avec Bacchus est au moins de moitié. Couronnez ce beau jour par la douce amitié : Je l’espère, mes soeurs, puisque tout m’autorise. On vous fréquentera quand on sera Marquise.