Vous, qui voulez qu’à la fureur de l’onde Jupiter mette un frein, et repeuple ces lieux, Vous vous lassez trop tôt d’être seul dans le monde ; Mille voeux vont troubler cette paix si profonde Dont la terre à présent laisse jouir les cieux. Charmante oisiveté, repos délicieux ! Ou plutôt, repos ennuyeux ! Quoi ! le sommeil pourrait aux déesses déplaire ! Ne point souffrir, Ne point mourir, Et ne rien faire, Que peut-on souhaiter de mieux ? Ce qui fait le bonheur des dieux, C’est de n’avoir aucune affaire, Ne point souffrir, Ne point mourir, Et ne rien faire. Est-ce ainsi qu’on a des autels ? Eh bien, faisons d’autres mortels : Vos talents et nos soins deviendront nécessaires. Ne vous faites point tant d’affaires. Les premiers des humains sont péris sous les eaux : Fille de ma raison, forgeons-en de nouveaux. Prométhée en fait des modèles ; Vents, allez le chercher, qu’il vienne sur vos ailes. Que me veut Jupiter ?         Ouvre tes magasins. Paraissez, nouveaux humains. Sont-ce là des humains ? Quelle race immobile ! J’aimais mieux la première, encor que moins tranquille. Vous ne les connaissez pas. Fais-leur faire quelques pas. Descendez.         Quelles gens ! Ce n’est qu’une machine. C’est l’idole d’un sage.         Hé quoi ! la passion Jamais chez eux ne domine ! Leur coeur en est tout plein ; ce n’est qu’ambition, Colère, désespoir, crainte, ou joie excessive. Machine, on veut voir vos ressorts ; Quittez tous ces trompeurs dehors. Je la trouvais trop lente, et la voilà trop vive. Laissez-moi régler ces transports. Mon fils, par de secrètes causes, Peut encor mieux que vous les calmer à son tour : Rien n’a d’empire sur l’Amour, L’Amour en a sur toutes choses. Le plus magnifique don Qu’aux mortels on puisse faire, C’est l’amour.         C’est la raison. Le don le plus nécessaire Aux hôtes de ce séjour, C’est la raison.         C’est l’amour. L’effet en jugera : servez-vous de vos armes, Et moi j’emploierai mes charmes. Que vous vous tourmentez, mortels ambitieux, Désespérés et furieux, Ennemis du repos, ennemis de vous-mêmes ! A modérer vos voeux mettez tous vos plaisirs : Régnez sur vos propres désirs ; C’est le plus beau des diadèmes. De vos sages discours voyez quel est le fruit Je ne dirai qu’un mot.     Aimez.         On obéit : Vous le voyez.         Amour, qu’il est doux de te suivre ! Vivez, nouveaux humains. Vivez, nouveaux humains. Laissez-vous enflammer. Que vaut la peine de vivre, Sans le doux plaisir d’aimer ? Que vaut la peine de vivre, Sans le doux plaisir d’aimer ? D’où vient que si mal assortie Cette belle a fait choix d’un vieillard pour amant ? C’est l’effet merveilleux d’un secret sentiment Que j’appelle sympathie. Le démon opposé n’a pas moins de pouvoir. Souvent nous haïssons ce qui devrait nous plaire. Tel dieu sait l’avenir, qui n’a pas su prévoir Quels maux ce démon lui va faire. Mais un jour un prince viendra Qui plaira plus qu’il ne voudra. Le Destin parmi nous lui garde un rang insigne, Et je lui veux accorder, Afin qu’il en soit plus digne, L’art de savoir commander. Mars lui promet en apanage La grandeur d’âme et de courage. Moi, la vertu.         Moi, l’agrément. Et moi le don d’aimer et d’être heureux amant. Amour et la Raison s’accorderont pour faire Qu’aux coeurs comme aux esprits ce prince plaise un jour Heureux qui par raison doit plaire ! Plus heureux qui plaît par amour ! Allons dans cette prairie : C’est un tranquille séjour ; Jamais les larmes d’amour N’y baignent l’herbe fleurie ; Les moutons y sont en paix, Et les loups n’y font jamais D’outrage à la bergerie. Viens, ma soeur.     Je te suis.         Viens goûter une vie Dont le calme est digne d’envie. Notre Nymphe a banni de ces lieux si charmants Ce peuple d’importuns que l’on appelle amants. La voici.         Que d’appas, de beautés, et de grâces ! Dirait-on pas que l’air s’embellit à ses traces ? Amour, n’approche point de nos ombrages doux, De nos prés, de nos fontaines ; Laisse en repos ces lieux ; assez d’autres que nous Se feront un plaisir de connaître tes peines. Chloris, n’est-ce pas la ta soeur que tu m’amènes ? Je vous la viens offrir. Nous cherchions en ces lieux Ce que Flore a pour vous de dons plus précieux. Cherchons, cherchons des fleurs ; l’âge nous y convie : Parons-nous de bouquets pendant notre printemps : Les plaisirs ont chacun leur temps, Comme les saisons de la vie Cherchons, cherchons des fleurs ; Daphné nous y convie. J’entends de nos bergers le concert plein d’appas. Qu’ils chantent, je le veux, mais qu’ils n’approchent pas. Cherchons, cherchons des fleurs ; Daphné nous y convie Il en renaît sous ses pas. Déployons nos trésors.         J’ai cueilli les plus belles. Et moi, les plus nouvelles. Moi, les plus vives en couleur. Et vous ? Quel mauvais choix vous avez fait, ma soeur ! Vous nous direz, pour votre peine, Une chanson contre l’Amour. Cependant je veux que ma Cour Jure de lui porter une éternelle haine ; Jurez la première, Clymène ! Tout serment De n’avoir jamais d’amant Est chose fort incertaine ; Il en est peu que l’on tienne Plus d’un jour, plus d’un moment : Tout serment De n’avoir jamais d’amant Est chose fort incertaine. Je veux que vous juriez ; dites donc après moi : Amour,     Amour,         Si jamais sous ta loi Je respire,         Si jamais sous ta loi Je respire,         Je consens de mourir. Mourir ? c’est beaucoup dire. Je consens de mourir, si jamais je soupire. Je consens de mourir, si jamais je soupire. Clymène, acquittez-vous ; accompagnons ses sons, Et que nos pas animent nos chansons. L’autre jour sur l’herbe tendre Je m’assis près de Philandre : Il me conta ses tourments ; Ma mère alors me querelle. « Petite fille, dit-elle, N’écoutez point les amants. Ils sont indiscrets, volages, Téméraires, et peu sages ; Ils font mille faux serments : Ils sont jaloux, ils sont traîtres, Et tyrans quand ils sont maîtres, N’écoutez point les amants. » Écoutez ma chansonnette, Et l’écho qui la répète, Et ces rossignols charmants : Leur musique est sans pareille ; Mais ne prêtez point l’oreille Au ramage des amants. Méroé, poursuivez nos divertissements. J’ai vu le temps qu’une jeune fillette Pouvait, sans peur, aller au bois seulette. Maintenant, maintenant les bergers sont loups : Je vous dis, je vous dis : « Filles, gardez-vous. » Voici Tempé, cette vallée Dont on vante partout l’ombrage et les beautés ; Et voilà les flots argentés Qu’y fait couler le dieu Penée. Plus loin vers ces sommets mon empire s’étend. N’y veux-tu pas venir, Momus ? On nous attend. Demeurons encore où nous sommes : Ai-je pu voir en un instant Toutes les sottises des hommes ? Par vos puissants efforts, invincible Apollon, On ne craint plus ici les fureurs de Python. Les habitants de ces rivages DeVÉNUS plus heureux, n’en seront pas plus sages : Le temps de la sottise est celui du bonheur. Mais que dis-tu de ma victoire ? Elle vous a comblé d’honneur, Et rien n’égale votre gloire. Que le fils de VÉNUS cesse de se vanter Qu’ainsi que nous il sait porter Un carquois, un arc, et des flèches ; C’est un enfant qui fait des brèches Dans les coeurs aisés à dompter. Il remporte toujours des victoires faciles ; Je défais des serpents qui dépeuplent des villes. Vous méprisez celui qui tient tout sous sa loi. Si l’Amour vous entend ?         Et que crains-tu pour moi ? Parlez bas, c’est un dieu ; s’il venait à paraître ? Un dieu ! c’est un enfant : quitte ce vain souci. Qui donne à Jupiter un maître, Vous en pourrait donner aussi. Quel est l’orgueilleux qui me brave ? Quel téméraire ose attaquer l’Amour ? Ah ! je vous reconnais : vous serez mon esclave Avant la fin du jour. Que cet enfant est fier ! Voyez comme il menace ! Ne le prendrait-on pas pour l’aîné des Titans ? Je plains le dompteur de serpents ; Il ne fait pas sûr en sa place. Ah ! Qu’ai je vu, Momus ! Que de traits éclatants ! Que de jeunesse, que de grâce ! Elle fuit.         Mille amours avec elle ont paru. Mille amours ? C’est beaucoup ; je n’en ai pas tant vu. Vous aimez ; vous voyez d’un autre oeil que le nôtre : De quelques qualités qu’un objet soit pourvu, L’amant y voit toujours ou plus ou moins qu’un autre. Déesse, tu me fuis ? T’ai-je déjà déplu ? C’est pourtant Apollon qui t’aime, qui t’adore. Je n’en puis plus, je sens un feu qui me dévore : Reviens, charmant objet ! Et vous, Olympe, cieux, Je vous dis d’éternels adieux ; Je vous méprise, je vous laisse : Qu’êtes-vous près de ma déesse ? Tout votre éclat vaut-il un seul trait de ses yeux ? Ne la verrai-je plus ? Faut-il que cette belle Emporte mes plaisirs et mon coeur avec elle ? Demeurons sur ces bords, je ne les puis laisser. Passerons-nous pour dieux ?         Et pour qui donc passer Pour mortels, car les dieux, par leur grandeur suprême Ne font souvent qu’embarrasser : On les craint plus qu’on ne les aime. Les vrais amants doivent toujours Sous un maître commun vivre d’égale sorte : Ou monarques ou dieux, n’entrez chez vos amours Qu’après avoir laissé vos grandeurs à la porte Je te croirai ; changeons de nom : Je m’appelle Tharsis, satrape de Lycie. Et moi, son suivant Télamon Que si sur mon chemin quelque Nymphe jolie Se rencontre en passant, je prétends bien aussi La cajoler, m’approcher d’elle, Non pas en amoureux transi : Je vous veux servir de modèle Et cependant, allons conquérir votre belle. Qu’est devenu mon fils ? Mortels, le savez-vous ? Je souffre, je languis, je meurs en son absence : Si l’Amour ne me suit, rien ne me semble doux. Heureux les lieux qu’anime sa présence ! Heureux tout l’Univers qui me doit sa naissance ! Qu’est devenu l’Amour ? Échos, le savez-vous ? Quel nouveau coeur aujourd’hui de ses coups Éprouve la puissance ? Qu’est devenu l’Amour ? Échos, le savez-vous ? Je souffre, je languis, je meurs en son absence. Ah ! Mon fils, d’où viens-tu ?         De blesser Apollon. Je l’ai rendu pour Daphné tout de flamme ; Tandis qu’un autre trait, par un autre poison, Fait que pour lui Daphné n’a que haine dans l’âme. Amour, tu sais dompter les coeurs et les esprits. Que la terre et les cieux célèbrent de mon fils La dernière victoire ! Mortels et dieux, chantez sa gloire. Allez de toutes parts, courez, Amours et Ris ; Faites connaître de mon fils Le doux et le suprême empire : Ne laissez rien qui ne soupire. Allez de toutes parts, courez, Amours et Jeux ; Rendez l’Univers amoureux Dieux tributaires de mon onde, Je veux, par les beautés de ce moite séjour, Arrêter quelque temps deux princes à ma Cour ; Que votre zèle me seconde ! Commandez.         Que le Sort vous a rendus heureux ! Hyménée et l’Amour fréquentent vos rivages : Vos grottes quelquefois leur prêtent des ombrages : Ces dieux me méprisent tous deux. Laissez agir le temps ; il peut tout auprès d’eux. A peine a-t-il encor fait passer la princesse Des appas de l’enfance à ceux de la jeunesse : Deux soleils ont à peine éclairé son printemps. Combien de coeurs depuis ce temps Ont en vain soupiré pour elle ! Ah ! si Tharsis pouvait la rendre moins cruelle ! Consultez la Sibylle Ismèle : Les dieux peut-être par sa voix Obligeront Daphné de suivre votre choix Hélas ! Jamais Daphné n’aimera que les bois. Ces plaisirs passeront : tout passe dans la vie ; De différents désirs elle est entre-suivie ; On y change d’humeur, on y change d’envie ; On y veut goûter de tout. Le plus libre enfin se lie ; Tôt ou tard on s’y résout. Il faut peu pour changer ces âmes si sévères ; L’exemple à ce doux noeud les amène toujours. Des bergers chantant leurs amours, Dans les bras de l’hymen voir mener des bergères, Et leurs folâtres jeux sur les vertes fougères, Apprivoisent les coeurs, qui, deVÉNUS plus doux, S’accoutument aux mots d’amour, d’amant, d’époux ; Des mots on en vient au mystère. J’approuve vos raisons ; et Daphné, pour me plaire, Doit faire en mon palais les honneurs de ce jour. On y va célébrer l’hymen du jeune Amphrise Il s’engage avecque Florise ; La fête arrêtera ces princes à ma Cour : Allons en prendre soin. Daphné vient, et Clymène ; Entrons dans la grotte prochaine. Ah, Clymène ! Plains-moi. Princesse, vous pleurez ; puis-je savoir pourquoi ? Je ne me connais plus ; ce n’est plus moi, Clymène : Ces puissants dédains, cette haine, Ces serments contre Amour, que sont-ils deVÉNUS. Un mortel les rend superflus. Hélas ! il vient de me dire sa peine, Et depuis ce moment je ne me connais plus. Un des princes, sans doute, a causé ces alarmes. Serait-ce point Tharsis ? Je lui trouve des charmes Contre qui je sens bien que ma sévérité N’emploierait pas toutes ses armes. Je crois ? Si tu le veux, qu’on en est enchanté, Cependant il me cause une invincible haine ; Contre lui dans mon âme un dieu me semble agir. Je le connais, ce dieu : c’est Leucippe.         Ah, Clymène ! Ne me regarde point, tu me ferais rougir. Pourquoi rougir ? commettez-vous un crime ? Le Ciel permet-il pas d’aimer ou de haïr ? Est-il rien de si légitime ? Tircis est des plus charmants, Je méprise son martyre ; Cependant sous mon empire Il languit depuis longtemps. Philandre à peine y soupire, Son service est reconnu ; La raison, je vais la dire : Mon temps d’aimer est venu. Hélas ! le mien aussi ; mais garde-toi, Clymène De découvrir ma flamme, et l’exposer au jour : Plains-toi que de Tharsis je méprise la peine ; Notre sexe veut bien que l’on sache sa haine, Mais il met tous ses soins à cacher son amour. Le voila, ce Tharsis ; son malheur vous l’amène. Que je dois au Destin de m’avoir arrête En des lieux ou l’on voit briller votre présence ! Vous y régnez par la beauté, Aussi bien que par la naissance : Souffrez que j’y demeure au rang de vos sujets. Non, Seigneur, je ne puis recevoir vos hommages ; Offrez-les à d’autres objets ; Abandonnez nos rivages : Quel plaisir aurez-vous parmi des coeurs sauvages ? Je vous verrai.         Fuyez cette triste douceur. Il vaut mieux qu’une prompte absence Rende le calme à votre coeur, Que de vous voir enfin guéri par ma rigueur, Ma haine, ou mon indifférence. Ô Ciel ! Lui dois-je ajouter foi ? Quoi ! Ne pouvoir m’aimer ! me haïr ! me le dire ! Amour, tyran des coeurs, depuis que sous ta loi On gémit, on pleure, on soupire, Fut-il jamais amant plus malheureux que moi ? Que je sache au moins, inhumaine, Ce qu’a Tharsis en lui de si digne de haine ? Son amour ; c’est assez : je le dis à regret. Vous avez dans mon coeur quelque ennemi secret Qui met un voile sur ces charmes A qui d’autres auraient déjà rendu les armes. Enfin quittez nos bords, Seigneur, vous ferez mieux ; Qui ne peut être aimé doit s’éloigner des lieux Où sans cesse il peut voir le sujet de ses peines. Faut-il livrer son coeur à d’éternelles gênes Pour le plaisir de ses yeux ? Je vous laisse, et me tais ; ma fuite et mon silence Vous seront des tourments plus doux. Princesse, demeurez : je trouve votre absence Plus cruelle encor que vous. Ceci vous trouble et vous étonne. Suis-je donc le fils de Latone ? Ai-je dompté Python ? Suis-je un dieu ? Je n’ai pu Gagner une mortelle ! un enfant m’a vaincu ! Qu’il m’ôte mes autels : que sert-il qu’on me donne En ces lieux l’encens qui m’est dû ? Et qu’est-ce que l’encens qu’une chose frivole Près des moindres faveurs que nous font de beaux yeux ? Daphné, vous me pourriez d’une seule parole Mettre au-dessus des autres dieux. Espérez ce mot favorable : Il n’est amant si misérable Qui n’espère.     Tu ris.         Jupiter vous vaut bien : Je ris aussi quand l’Amour veut qu’il pleure. Vous autres dieux, n’attaquez rien Qui, sans vous étonner, s’ose défendre une heure : Sachez que le temps seul en a plus couronné Que tous les efforts qu’on peut faire. Je n’ose plus parler de mes feux à Daphné. Laissez dormir sa colère. Après que l’on vous aura Contraint longtemps de vous taire, Un moment arrivera Que l’on vous écoutera. Hymen, Hyménée. Florise est donnée A l’un des plus beaux Qui porte à Pénée Tribut de ses eaux : Qu’il ait chaque année De nombreux troupeaux, Et chaque journée Des plaisirs nouveaux. Hymen, Hyménée. Amants, je vous unis ; vivez sous mêmes noeuds. Parmi les plaisirs et les jeux. A quelques filles de la noce, près desquelles il se rencontre : Pour un pareil lien formez-vous point des voeux ? Songez-y bien, bergères : Hyménée est un dieu jeune, charmant, et blond ; Mais les jours avec lui ne se ressemblent guères : Le premier est amour, amitié le second, Le troisième froideur ; songez-y bien, bergères. Vraiment, Télamon, La leçon Est jolie. Changez de place, Iris ; venez ici, Célie, Pholoé, ne l’écoutez plus. J’en suis d’avis ; mes soins deviendront superflus ; Télamon corrompra cette troupe innocente. Que vous êtes reprenante, Gouvernante ! Laissez-nous causer en paix : Laissez la jeunesse rire : Elle inspire Toujours d’innocents secrets. Je crois que vous êtes sage : À votre âge On le doit être, ou jamais. Vingt ou trente ans de veuvage, C’est dommage, Ont refroidi vos attraits. Ah ! si selon vos souhaits Vous redeveniez aurore, Vous vous serviriez encore De vos traits. Me faudra-t-il aussi souffrir la raillerie ? Laissez-nous achever cette cérémonie. Hymen, Amour, joignez vos noeuds, Et rendez ces amants heureux. Des pas de Florise Loin, bien loin les loups ; Et de ceux d’Amphrise Les soupçons jaloux ! Que leur destinée N’ait rien que de doux, Et que la lignée Ressemble à l’époux. Hymen, Hyménée. Jamais la constance Aux amants ne nuit ; On vit d’espérance, Puis le reste suit. L’amour obstinée Porte fleur et fruit. Ô douce journée ! Ô plus douce nuit ! Hymen, Hyménée. Tout me semble parler d’amour En ces lieux amis du silence : Ici les oiseaux nuit et jour Célèbrent de ses traits la douce violence. Tout me semble parler d’amour En ces lieux amis du silence. Heureux les habitants de ces ombrages verts, S’ils n’avaient que ce mal à craindre ! Mais nous troublons leur paix par cent moyens divers : Humains, cruels humains, tyrans de l’Univers, C’est de vous seuls qu’on se doit plaindre. Vois-je pas Télamon, confident de Tharsis ? Hélas ! il vient en vain me conter les soucis D’un prince que Daphné devrait trouver aimable. Plût au Ciel qu’elle fut à ses voeux favorable ! Que vous avez de grâce à porter un carquois ! Rien ne vous sied si bien.         On me l’a dit cent fois. On ne vous l’a pas dit peut-être au fond d’un bois. En ces forets, je vous prie, Écartons-nous un moment, Et mettons de la partie L’ombre et l’amour seulement. Tout rendez-vous un peu sombre Doit toujours être évité : Quand je vois l’amour et l’ombre, Je vais d’un autre côté. C’est trop s’en défier. Mais, dites-moi, Clymène, Daphné montre en ses yeux une secrète peine ; Qui la cause ? Leucippe est-il ce bienheureux ? Ou plutôt est-ce un dieu qui s’attire ces voeux ? Je m’y connais, l’Amour la touche. On se laisse assez toucher, Mais on aime à le cacher ; Et d’une jeune farouche L’Amour est plus tôt vainqueur Qu’il n’a tiré de sa bouche Le nom qu’elle a dans le coeur. N’en saurai-je pas plus ?         Je n’ai rien appris d’elle. Vous voulez garder ce secret : Je serais importun aussi bien qu’indiscret Si je vous pressais trop, et la chasse m’appelle. Adieu, Nymphe cruelle. Je vous ai tous deux entendus : Heureuse, si Tharsis ne me pressait pas plus ! Puis-je interrompre le silence Qu’en ces paisibles lieux peut-être vous cherchez ? Me le permettez-vous ?         Oui, Leucippe, approchez ; On ne craint pas votre présence ; Venez me consoler de celle de Tharsis. Et qu’ordonnerez-vous de mes propres soucis ? Mon rival ne peut plaire à l’objet qu’il adore, Un sentiment jaloux ne me peut alarmer : C’est beaucoup ; mais que dis-je ? ah ! ce n’est rien encore Vous savez bien haïr, mais pourriez-vous aimer ? J’ai souffert votre amour ; répondez-vous vous-même. Ô dieux ! qu’ai-je entendu ? quelle gloire suprême ! Quel bonheur ! Doux transports qui venez me saisir, Exprimez, s’il se peut, ma joie et mon plaisir, Et votre juste violence. Princesse, après l’aveu qui vient de me charmer, Je ne sais rien, pour m’exprimer, Que le langage du silence. Ô bienheureux soupirs, favorables moments Où l’un et l’autre coeur, plein de doux sentiments, Aime, et le dit, et se fait croire ! Les dieux, dans leurs ravissements, Les dieux, au milieu de leur gloire, Sont moins dieux quelquefois que ne sont les amants. Je bénis mon destin, et cependant Pénée Favorise mon rival. Quand il aurait pour lui le dieu même hyménée, Ce n’est pas son bonheur qui fera votre mal. Et mon bien ?         Attendez la réponse d’Ismèle : Peut-être elle sera favorable à nos voeux. Allez : il reviendra quelque moment heureux ; Daphné craint qu’on ne trouve un amant avec elle. Que notre sexe a d’ennemis ! A combien de tyrans le destin l’a soumis ! Des amants importuns, un père inexorable, Un devoir impitoyable ; Tout combat nos désirs : trop heureuses encor Si nous n’avions que cette peine ! Mais il faut, par un double effort, Ainsi que notre amour, surmonter notre haine. Daphné, rendez grâces aux dieux : Cet ours fatal aux bergeries, Fatal aux autres ours, teint de sang nos prairies ; Tharsis a vaincu seul ce monstre furieux. L’Amour m’accompagnait ; lui seul en a la gloire : Ce n’est pas à mes mains qu’on doit cette victoire, Belle Daphné, c’est à vos yeux. Ma fille, venez voir aussi l’énorme bête. Réjouissez-vous, bergers ; Que les ours soient de la fête : Ils avaient part aux dangers. Daphné ne peut souffrir ma flamme. Si je parlais au sort ?         Changera-t-il son âme ? Je vais le consulter. Attends ici Tharsis. Vous qui de votre sort, voulez être éclaircis, Consultez, comme moi, le démon de la treille ; Mon oracle est Bacchus, quand j’ai quelques soucis, Et ma sibylle est la bouteille. Cette chasse m’altère. Ah ! Si Bacchus... Je crois Que ce dieu m’entendait. Momus, monte avec moi Viens écouter d’ici tous les chants de victoire. Ces gens m’ont au spectacle invité, les voici. Quoi ! la peau de leur ours aussi ? Tharsis, nous érigeons ce trophée à ta gloire Par ta valeur, le monstre a vu finir son sort. L’ennemi commun est mort. Noyez-en dans le vin la funeste mémoire. N’est-ce pas Télamon qui nous invite à boire ? Ô le mortel heureux, d’être aimé de Bacchus ! Amis, laissons à part les discours superflus. L’ours est mort.         L’ours ne vit plus. L’ours a passe l’onde noire. Noyons-en dans le vin la funeste mémoire. Cher compagnon, me veux-tu croire ? Courons ensemble le pays ; Tu sais médire, et je sais boire : Nous ne manquerons point d’amis. Toujours le vin et la satire Tiennent aux tables le haut bout ; Tu sais boire, et je sais médire : Voilà de quoi passer partout. Quel étrange et sombre palais ! Je frémis à le voir ; n’as-tu point peur, Aminte ? Va seule dans ces lieux ; pour moi, j’ai trop de crainte. Qu’y demanderais-tu ? Tes voeux sont satisfaits. Philandre a l’âme blessée Des traits dont tu sais charmer ; Moi, que Tircis a laissée, J’ai sujet d’être empressée Pour savoir qui doit m’aimer. Je te rends ce Tircis ; son ardeur m’importune. J’aurai donc pour toute fortune Ton refus.         Que t’importe ? Examine ton coeur ; Et si Tircis te plaît, laisse le point d’honneur. Tu ris ; que diras-tu, si je fais qu’il te quitte ? Mes rigueurs en cela préviendront ton mérite. Tu dois aux miennes ce berger Que mes faveurs vont rengager. Une fille a cent adresses Pour rebuter un amant ; Mais de dire ses finesses Pour faire un engagement, On ne le peut nullement. Voilà, sans consulter Ismèle Un oracle bientôt rendu. Aurait-elle mieux répondu ? Non, et nous nous pouvons désormais passer d’elle : Aussi bien l’intérêt de Daphné nous appelle. Ma fille, tout est prêt ; Ismèle va sortir : N’ayez point de repentir, Si le choix des dieux est autre Que le vôtre. Monarque de l’Olympe, en qui sont tous les temps, Qui les fais devant toi passer comme moments, Et pour qui n’est qu’un point toute la destinée, Dis-nous, Ô maître des dieux, À qui doit être donnée La princesse de ces lieux. Où sont tes truchements ? Es-tu sourd aux prières ? Fantômes, qui savez peindre en mille manières Les secrets du destin gravés au haut des cieux, Simulacres volants, frères du dieu des songes, Faites-nous voir sans mensonges Ce qu’ont ordonné les dieux Sur un si digne hyménée ; Dites-nous la destinée De la Nymphe de ces lieux. Que vois-je ! Quel objet ! Quelle image à mes yeux Si vive et si claire Vient se présenter, Et me tourmenter Plus qu’à l’ordinaire ? L’objet Me fait Tressaillir : Je sens Mes sens Défaillir. Les dieux à leur interprète Ont fait un étrange don ; Ne peut-on être prophète, Si l’on ne perd la raison ? Les démons Vont l’agitant, Ses poumons Vont haletant ; Et son coeur va palpitant. Les ressorts De son corps, Son esprit, Tout pâtit. Qu’on se taise : soyez attentifs aux mystères. J’épands en l’air ces caractères : C’est ma réponse ; il faut la poser sur l’autel. Démons, peuples légers, ministres de l’oracle, Cherchez-la ; car aucun mortel Ne la peut trouver sans miracle. Approchez-vous, lisez, et que dans ce vallon Un invisible choeur mon oracle répète. Daphné doit aujourd’hui couronner Apollon. Daphné doit aujourd’hui couronner Apollon. Ismèle, servez-vous vous-même d’interprète ; Expliquez-nous l’ordre des dieux. Un prophète entend-il les choses qu’il annonce ? C’est à l’événement d’expliquer sa réponse. Adieu, princesse, adieu, je vous laisse en ces lieux. Couronner Apollon ! Qu’importe à l’hyménée De la fille de Pénée ? Pour comprendre ces mots, je fais un vain effort. Nos conseils ont été frivoles ; La seule obscurité fait le prix des paroles Que l’on cherche aux livres du Sort. Ma fille, rendez-vous aux volontés d’un père : Qu’il soit votre oracle aujourd’hui Aimez Tharsis ; il vous doit plaire ; Toute notre Cour est pour lui. Tels étaient ces mortels pour qui l’idolâtrie Commença d’introduire au monde son pouvoir. Il a tout l’air d’un dieu ; l’on dirait à le voir, Que l’Olympe est sa patrie. Hélas ! J’en crus autant, lorsqu’en notre prairie Je le vis arriver inconnu dans ces lieux. Maintenant mon coeur tâche à démentir mes yeux. Ne m’en accusez point : quelque force suprême M’entretient malgré moi dans cette erreur extrême. Que Tharsis soit parfait, qu’il ait l’air qu’ont les dieux, Est-ce par raison que l’on aime ? L’hymen change les coeurs : suivez mes volontés. Quoi ! Seigneur, vous aussi vous me persécutez ! De ses autres tyrans sans peine on se console ; Mais d’un père ! un père m’immole ! Je tiens le jour de vous, Seigneur ; vous me l’ôtez. Moi, je perdrais Daphné ! qu’ai-je à conserver qu’elle ? L’hymen m’a-t-il fait d’autres dons ? Cependant, quand je vous appelle Du plus tendre de tous les noms, Vous ne vous souvenez que de votre puissance ; Vous regardez l’obéissance, La raison, et jamais d’autres tyrans plus doux ; Il en est toutefois. Leucippe vient à nous : Je lui vais ôter l’espérance. Vous le voulez, Seigneur ; je le lis dans vos yeux. Leucippe, il faut tâcher d’éteindre votre flamme. Je ne puis être à vous.         Ô cieux ! Injustes cieux ! Est-ce là votre arrêt ?         Cet oracle odieux Vient de mon père seul.         Votre père et les dieux Disposent de mon sort, mais non pas de mon âme : Moi-même en suis-je maître ?     Il le faut.         Ah ! Daphné ! Que ce mot est facile à dire ! Et que l’amour possède avecque peu d’empire Un coeur que la contrainte a si tôt entraîné ! Quoi ! Faut-il que mon coeur soit par vous soupçonné ? Cruel ! n’avais-je pas encore assez de peine ? Enfin donc le Destin me déclare sa haine ; Vous serez à Tharsis ; et moi, par mes soupirs, J’augmenterai ses plaisirs. Plût au Ciel que Tharsis causât seul vos alarmes, Et qu’un père...     Achevez.         Eh ! Que sert d’achever Un souhait qu’on sait bien qui ne peut arriver ? Il n’importe, mon âme y trouvera des charmes. Ne m’aimez plus.         Le puis-je ? Et le souhaitez-vous ? Vos tourments ont pour moi quelque chose de doux, Il est vrai ; mais cessez.         Hélas ! Cesser de vivre Est le seul remède à mon mal. Voilà le parti qu’il faut suivre ; Mais avec moi je veux perdre aussi mon rival. Vous ne me serez pas impunément ravie : Non, Daphné. Vous pleurez ? Ah ! Princesse, je dois Mourir pour vos yeux mille fois. Avant qu’avoir Daphné, Tharsis aura ma vie. Je ne puis voir tant de biens En d’autres bras que les miens : Que mon rival me les cède, Et renonce à votre amour, Ou qu’il m’ôte aussi le jour Si l’on veut qu’il vous possède. Leucippe, si je vous perds, Il faut que dans nos déserts La solitude me donne Un sort plus calme et plus doux ; Et ne pouvant être à vous, je ne veux être à personne. Daphné, portez vos yeux Sur le plus beau des dieux. Tu me fuis, divine mortelle ! Où cours-tu ? N’aperçois-tu pas Un précipice sous tes pas ? Il est plein de serpents : détourne-toi, cruelle. Suis-je encor plus à craindre ? Et rien dans ce vallon Ne peut-il t’arrêter quand tu fuis Apollon ? Quoi ! Tant de haine en une belle ! Insolent, qui brûles pour elle, Renonce à l’hymen de Daphné ; C’est Apollon qui te l’ordonne. Regarde quel rival ton malheur t’a donné. Mon malheur ? Dis le tien. Toi, le fils de Latone ! N’es-tu pas ce Tharsis que tantôt on a vu ? D’un magique ornement ton front s’est revêtu. Enchanteur, penses-tu que ta pompe m’étonne ? Ce n’est qu’un songe, ce n’est rien ; Va tromper d’autres yeux, et me laisse mon bien. Ô dieux ! Ô citoyens du lumineux empire ! Que vient un mortel de me dire ? Malheureux, ton orgueil s’en va te coûter cher. Les dieux ne sont pas insensibles. Qu’on l’attache sur ce rocher Avec des chaînes invisibles. Astres, soyez témoins de ces injustes fers. J’atteste ici tout l’Univers, Et les vents emportent ma plainte. Jupiter, je t’implore ; on veut forcer les coeurs : Il n’est plus de libres ardeurs, Ni d’autres lois que la contrainte. Loges-tu dans le ciel ou dans les antres sourds ? Écoutez-moi, déserts ; on m’ôte mes amours : Est-il douleur pareille ? Qui me consolera sur ce rocher fatal ? Leucippe est un spectacle à son cruel rival. Déserts, écoutez-moi : les dieux ferment l’oreille. Qui vous consolera ? Ne le savez-vous pas ? Quoi ! Je vous vois ! C’est vous ! C’est ma princesse ! Hélas ! J’avais perdu l’espoir d’une faveur si douce. Craignez-vous d’approcher ? Je sens qu’on me repousse : Quelque charme arrête mes pas. Mais, si c’est adoucir vos peines Qu’y prendre part, souffrir ces gênes, Gémir avec vous sous ces chitines, Vous aimer malgré tous, malgré Cieux, malgré Sort, Votre princesse en est capable. Apollon, Apollon, tu fais un vain effort ! Je ne suis plus le misérable. Hélas ! J’irrite un dieu jaloux et redoutable. À qui dois-je adresser ma voix ? Je n’ose t’invoquer, déesse de nos bois . Dans ta Cour, dans ton coeur, autrefois j’avais place ; L’amour m’en a bannie ; écoute toutefois : Je ne demande point pour grâce Que tu souffres mes feux, et qu’un hymen charmant Engage à d’autres dieux celle qui t’a servie ; Délivre seulement Mon amant, Et prends le reste de ma vie. Pourquoi finir vos jours en des lieux pleins d’ennui ? Trouvez-vous le dieu du Parnasse Plus affreux qu’un désert ?         Hélas ! ce dieu la chasse : Elle aime mieux mourir que régner avec lui. C’est toi qui nous causes ces peines. Mortel, contre les dieux oses-tu contester ? Mes amours sont mes dieux.         Qu’on redouble ses chaînes Démons !         Faites-les arrêter. Pouvez-vous bien me voir à vos pieds toute en larmes, Sans vous laisser toucher le coeur ? Daphné, C’est contre vous que retournent ces armes. La pitié redouble vos charmes ; En combattant l’amour, elle le rend vainqueur. Votre douleur vous nuit ; vous en êtes plus belle. Venez, venez être immortelle : Je l’obtiendrai du Sort, ou je jure vos yeux Que les cieux Regretteront notre présence. Zéphyrs, enlevez-la malgré sa résistance. Ô dieux ! Consentez-vous à cette violence ? Démons, gardez de lui toucher ! Deviens laurier, Daphné ; Leucippe, sois rocher. Barbare, qu’as-tu fait ? Détruire un tel ouvrage ! Faire à ton frère un tel outrage ! Cruelle soeur, Cruelle, et cent fois plus sauvage Que les ours avec qui tu vis ! Que de trésors tu m’as ravis Rends-moi ces biens, rends-moi ce divin assemblage. Daphné, vous n’êtes plus, j’ai perdu mes amours, Et ne saurais perdre la vie Heureux mortels, vos Pleurs cessent avec Vos jours : La mort est un bien que j’envie. Puissent les cieux cesser leur cours ! Périsse l’Univers avecque ma princesse Sèche tes pleurs, elle est déesse. Viens l’épouser : mes traits se sont assez vengés ; Ces mouvements de haine en amour sont changés. Puis-je t’ajouter foi ? m’as-tu fait cette grâce ? Viens l’éprouver.         Allons, et que sur le Parnasse On célèbre des jeux à l’honneur de Daphné. Que le vainqueur y soit de laurier couronné. Bel arbre, adieu. je quitte à regret cette place, Et veux qu’à l’avenir on ceigne de lauriers Le front de mes sujets et celui des guerriers. Quel prince offre à mes yeux des lauriers toujours verts ? Je vois dans l’avenir cent potentats divers Lui disputer en vain l’honneur de la victoire. Ô toi, fils de Latone, amour de l’Univers, Protecteur des doux sons, des beaux-arts, des bons vers, Aide-nous à chanter sa gloire ! Ce n’est pas l’ouvrage d’un jour : Sublime, allez dormir encor sur le Parnasse, Et vous, clairons, faites place Aux doux concerts de l’Amour. Les Zéphyrs sont de retour : Flore avec eux se promène. Savez-vous qui les ramène ? C’est l’Amour. De quoi parle en ce séjour La savante Philomèle ? Et de quoi parlerait-elle, Que d’amour ? Faisons aussi notre cour Au printemps vêtu de roses ; Ayons, comme toutes choses, De l’amour. Aimez, mais permettez que je parle à mon tour. Comment faire Pour se taire ? Le monde est plein de sots, de l’un à l’autre bout ; Le passé, le présent, et l’avenir surtout. Comment faire Pour se taire ? Comment faire Pour se taire ? Ridicules, envoyez-nous Les principaux d’entre vous. Quoi ! Dans ces lieux sacrés on souffre la satire ! Soyez les premiers à rire. Chacun de vous doit être couronné : Recevez ces présents de la part de Daphné. Elle est maintenant déesse, Aimant le dieu de ces lieux : Poussez-en jusques aux cieux Des chants remplis d’allégresse. Il n’est que de s’enflammer ; Laissez, laissez-vous charmer ; La raison vous y convie : Sans le dieu qui fait aimer, Que serait-ce que la vie ? Chacun sert quelque désir ; Tout consiste à bien choisir ; Faites-vous de douces chaînes : En amour tout est plaisir, Et même jusques aux peines. Aimez, doctes nourrissons : S’il n’était point d’amour, serait-il des chansons ?