Vercingentorixe, tragédie.Bievre François George Maréchal, marquis de
publié par Paul FIEVRE mars 2006
Tragédiehistoire françaiseUn actevers1761-17700-250Tragédie
SCÈNE PREMIÈRE. Vercingentorixe, environné de ses officiers, tient un conseil de guerre, Conutodun, Catuat, Convictolitan sont assis à sa droite, Éporédorixe, Cotus et Critognat sont assis à sa gauche.Dans ces lieux à l’anglaise, où ma voix vous amène,Il faut de nos malheurs rompre le cours la reine.Amis, vous dont l’esprit est plus mûr mitoyen,Donnez-moi des conseils dignes d’un citoyen ;Et surtout de droguet, dans nos vertus antiques,Rétablissons le sort de mes sujets lyriques.Non, tout n’est pas perdu, j’ai pour moi les Boyens,Les Pictons, les Turons et les Prétocoriens;Et j’ai su que bientôt, aidés des Lémovices,Les Xantons s’uniraient aux Médiomatrices.Avec moins de secours et de bras de fauteuil,Des Romains autrefois je creusai le cercueil.Je sues comme un cochon résister à leurs armes,Et je pues comme un bouc dissiper vos alarmes,Pensez-vous que César les voyant approcher,Ose continuer le siège du cocher ?Parlez, Conutodun ; vous Éporédorixe,Vous répondrez ensuite à Vercingentorixe.C’est à mon chef Saint-Jean que ma bouche de fourOse dévoiler tout de point en point du jour.Je sais bien viager que le secours approche,Mais nos remparts détruits, nos forts, nos tours de brocheNous instruisent assez qu’après mille hasards,L’ennemi de nos champs s’est rendu maître ès-arts.D’où peut naître, Seigneur, l’espoir qui vous console ?Nous mangeons des chevaux tous crus sur leur parole,Des souris gracieux et des rats de Saint-Maur,Secours vain de Bourgogne aux portes de la mort,Avant que l’ennemi puisse monter en graineSur nos murs ébranlés qui subsistent à peine,Sur nos forts de la halle et sur nos tours de main.Il faut le prévenir par quelque effort de rein.Usons du droit canon que le temps peut permettre;Confondons cette nuit leur adresse de lettre,Et ne leur faisons point de quartier de soulier,Périssons ou vengeons les Gaules d’écuyer.C’est mon avis, seigneur, et mon coeur de laitue...Vous, Catuat, parlez.Seigneur, ce point de vueMérite un examen plus clair de procureur;Le secours ne vient point et César est vainqueur;Le meilleur parti... peut-être est de se rendre.Vous, Catuat, ô ciel ! seigneur, daignez m’entendre;Non, je ne puis souffrir ni ce plan de maison,Ni le noble dessein à la mine de plomb,D’attaquer les Romains dans leur poste royale.Ce dernier me plairait ; mais dans le fond de cale,Si nous y périssons, c’est en vain frelatéQue nous voulons sauver de la captivitéEt nos enfants trouvés, et nos femmes de chambre;Et César parvenant à ses fins comme l’ambre,À la patrie entière imposera ses lois.Or moulu, quel sera le perfide Gaulois,Dont l’âme de soufflet assez basse de violeRecevra des Romains pour ses maîtres d’école ?Attendons le secours, il n’est pas loin de nous :César fait dans son camp doubler les gardes fous.Loin de nous attaquer, il songe à se défendre;À de grands coups de fouet il a l’air de s’attendre.Si la faim nous assiège et trompant nos efforts,De nos corps de logis affaiblit les ressorts,De nos pères de bas imitons la constance,Dévorons les soldats qui dans leur défaillance,Ne sont que pour la montre à répétition.Par là bémol, seigneur, du destin d’IlionNous sauverons ces murs ; et des prêteurs sur gageN’aurons pas de Calais le flatteur avantageD’asservir sous leurs lois un peuple généreux,Et sur le sol dièse où régnaient vos aïeux.Oui, nous sommes, Seigneur, si bas de Ségovie,Qu’un remède d’eau chaude utile à la patrieNe peut trop s’acheter.Eh bien ?
SCÈNE II. Les Précédents, Sylvie.Ciel ! de mon lit,Prenez garde malade, ô prince ! On vous trahit :C’est Éporédorixe.Ah ! Seigneur !Oui, barbare,Tu croyais m’abuser par ton air de guitare;Mais plus que toi, Sylvie est adroite en entrant.Qu’à nos corps épuisés il serve d’aliment :Soldats, obéissez à mon ordre ionique;Qu’on apporte en ces lieux ma table alphabétique.
SCÈNE III. Les précédents, un soldat.Seigneur, je voudrais bien vous celer et briderQue...Cours de botanique, et fais tout décider.Madame, pardonnez, je souffre d’allumette,En m’éloignant de vous, mais l’état de mes dettesDans sa chute de reins se repose sur moi ;Il est bien temps d’arrêt de lui montrer son roi.
SCÈNE IV. Sylvie, Convictolitan.Cher Convictolitan !Ô ma chère Sylvie !Je vole dans la poche au secours d’Alexie.Qu’avez-vous au plus fort ? Assuré d’être aimé,Vos yeux, ces si beaux yeux, sont éteints rétamé;Vous n’avez plus cet air serein de Canarie.Quoi ! vous me préférez votre ingrate patrie ?Ne peut-on vivre heureux sans elle de dindon ?Ah ! Cessez d’arrêter mes pas de rigaudon;Je vois trop de cheval ce qui cause vos peines;Mais ce sang de marron qui circule en mes veines,Doit couler pour la ville où je suis né morveux.Va, nous savons de Naples où tu portes tes voeux ;Pars de gâteau, cruel ! Laisse-moi.Non, Sylvie ;Votre coeur d’opéra fait toute mon envie :Je méritais plutôt d’être plaint comme un oeuf :Pourquoi ce ton salé ? prenez un air de boeuf.Qui ne redouble point mes maux à double entente.Pardonne au feu grégeois dont brûle ton amante :Hélas ! je sens mauvais ce que tu fais pour moi.Voulais-tu m’éprouver ?Non propre.Eh bien ! PourquoiSouiller nos noeuds coulants par une erreur cruelle ?Notre chaîne de montre est si forte et si belle !Tu me seras toujours chère de professeur :Oui, toujours.Je t’entends, j’admire ta valeur;Ne soit point de côté dans la froideur stoïque,Tout parti par le coche est toujours héroïque,En épurant l’amour et son flambeau d’argent.Dans la guerre le sort nous trompe d’éléphant,Et nous joue avec presse : ainsi que notre flammeSoit le coeur de ton coeur et l’âme de ton âme;L’État peut employer d’autres mains de papier,Et dans le sein des arts de ce siècle grossier,Nous vivrons tous les deux à l’abri champenoise.Je ne puis très profond vivre sans toi d’ardoise :Mais ne dois-pas rendre un compte de GrécourtDe la place de fiacre on m’a nommé la cour ?Sans ce triste devoir je sécherais tes larmes,J’épargnerais mes jours, et par cent héros d’armes,Il serait répété que Convictolitan,Las d’amour de chercher un trépas éclatant,Eut la force de corps de préférer la viePour être de raison aussi grand que Sylvie.
SCÈNE V. Les précécent, Critognat.C’est trop livrer vos coeurs à ce combat naval;L’amour dans ce héros est un vice-amiral,Lorsqu’il doit de la main défendre sa patrie.Viens, Convictolitan.Vous venez de l’entendre...Je te suis, Critognat... Dieux !Tu n’oublieras pasTa maîtresse à chanter dans l’horreur des combats ?L’amour va m’y conduire, et par sa main divine,Ton image en mon coeur sera peinte ou chopine.Je suis remise au mois par cet espoir charmant.Adieu...Je pars...Eh bien !Sylvie !...Ah ! Quel moment !
SCÈNE VI.Ah ! Nous attendrissons les cieux de mon carrosse.Quel serait l’avenir, si le présent de noceNous réduit solitaire à tant d’affreux tourments...Jette un coup d’oeil de boeuf sur deux tendres amants !Les mêmes traits de cuir, puissant maître du monde,Ont ouvert de ton coeur la blessure profonde,Lorsque tu vins d’Arbois sur ces bords de chapeau,Déposer en justice un précieux fardeau,Et que la belle Europe interdite, tremblante,Mit le comble du toit à la ruse innocente...Cher Convictolitan, tes derniers mots de reinNe sortiront jamais de mon esprit de vin."Ton image en mon coeur sera peinte ou chopine. "Ah ! Crois de Saint-André, que cette ardeur divineA dans mon sein patron nourri les mêmes feux...Mais ces gardes mangers que font-ils en ces lieux ?Je vois les apprêts tout de ce festin barbare.Quel est le coup de pied que ce moment prépare ?Une secrète horreur me glace au chocolat...
SCÈNE VII. Vercingentorixe, Critognat, Conutodun, Catuat, Cotus, Sylvie, Gardes.Princesse, il fut un temps où les grâces d’état,Les ris de veau jouaient autour de ma couronne.Les jeux de main alors embellissaient mon trôneIl plut à verse aux dieux de m’enlever ces biens...Hélas ! Sans eux brouillés que peuvent les humains ?Vous, soldats, avancez la table des matières.C’est votre place aux veaux.Oublions nos misères.Mais Convictolitan ne paraît point fermé.Je tremble.Il va venir.Je reste inanimé !...Voici ce corps de chasse où logeaient tous les vices.Consolons-nous, amis, reprenons nos sens suisses.Vous, Madame, damée.Ah ! Seigneur.Catuat...Cotus... Conutodun...Ah ! Prince.Critognat...Dieux ! Je sens fermenter la brûlante amertume...L’amour dans ces plats pieds est-ce ton sang qui fumeHélas ! Sous ces couteaux tranchants du grand seigneurSi ces lambeaux épars... O soupçons pleins d’horreur !Eh quoi ! Je participe à vos vives alarmes,Et ne puis souterrain commander à mes larmes...Critognat ne dis rien...Je pense mon cheval.Romps en visière, ami, ce silence fatal.Je voulais vous cacher une action des fermes,Qui pourrait accabler les âmes les plus fermes;Vous l’ordonnez, seigneur, je me livre tournois :Écoutez Critognat... pour la dernière fois.L’ennemi déployait ses enseignes à bière,Par bandes de billard couvrait la plaine entière.Il semblait dédaigner ces lignes à pêcher :En marchant de bijoux je le vois s’approcher.Ah ! Pardonnez, seigneur, à ce soupir de croche,Vous savez qu’il nous a menés battant de cloche :Tous nos meilleurs soldats sont pris de version,Ou taillés de la pierre en pièces de gazon.Et Convictolitan, ce prince sage femme,Dont mille vertus bleu décoraient la grande âme,Ce héros qui parait votre cour à fumier,Tombe percé d’un coup de lance du panier :Je veux le secourir... vains efforts de poitrine,À d’autres coups de vin son malheur le destine.Dieux ! Son sang de piquet coule à gros bouillons blancsPar terre d’opéra les chardons dégoûtantsEn sont teints bourgeonnés... Un soldat dans sa rage,De Mars, avril, mai, juin, vient consommer l’ouvrage;Sans tête à tête, hélas ! ce prince infortunéExpire... Le Romain, d’un revers galonnéLa sépare du tronc pour les pauvres malades...Retourne dans tes murs, retourne les salades,Ajoute-t-il... Je crie : Arrête, lâche, un pet,Ou je vais te percer de ce fer à toupet...Un ordre de César commis à la barrièreAu zèle du soldat qui porte de derrièreLa tête du héros près du corps de logisDu traître dont par vous les jours furent proscrits.Ami, tout mon courage est à bout de chandelle.Ah ! b, c, d...Seigneur, la suite est plus cruelle.Le même garde meuble à côté du héros,Met la tête de clou de l’auteur de nos maux,Pendant jusqu’aux talons cette scène sanglante,On préparait déjà cette pompe aspiranteQue l’on croyait devoir à ses mânes d’osier.Oh ! p, q...J’avais bien juré comme un charretierMais c’était en vain points d’arrêter un échange,Devant causer tout haut quelque méprise étrange,Les Romains furieux m’ont empêché mortel,De mettre fin canine à leur dessein cruel;De façon de l’habit que le traître s’énivreDes honneurs qu’en ces lieux on rend aux morts de cuivre.Et que sa cendre chaude est couverte de pleurs...Et dans ces plats pays... Ô comble des horreurs !Dieux ! Convictolitan !Oui, Seigneur.Ah ! mon frère.Cher ami !Cher amant !En faisant de bruyèreCe qu’a fait Critognat, je m’acquitte envers toi !Dans tes bras séculiers reçois ton frère.Et moiJe ne veux sur leurs pas d’autres guides de laine.Ah ! De votre main d’oeuvre, ami, guidez la mienne.Et le courage, ami.L’avez-vous les pieds ?Non.Ne me refusez point; car de conversion,Vous me rendrez enfin un service de table.Pour moi, quand mes flancs d’oeufs dans ce jour déplorable,Ont reçu quittance le cors de mon amant,Le mien ne sera point souillé par le fer blanc.Je vais me retirer dans ma tente ou ma nièce,Et j’attendrai la mort de la faim de la pièce.