L’inauguration du théâtre franÇais, comédie.Imbert Barthélémy1664
publié par Paul FIEVRE, septembre 2015
Comédiemoeurs françaisesUn actevers1781-1790500-750MolièreCorneille, PierreRacine, JeanComédie
SCÈNE PREMIERE. Mercure, Plusieurs Génies.Thalie et Melpomène arrivent en ces lieux ;Dans ce Temple nouveau qu’on destine à leurs jeux.Or maintenant, jeunes et vieux Génies,C’est pour les recevoir qu’ici je vous conduis ;Et de par Apollon, je suisLe maître des cérémonies. Que ces lauriers en couronnes tressésPar ordre en tous lieux soient places;C’est le digne ornement de l’enceinte où nous sommes:Le laurier fut toujours le luxe des grands hommes.
SCÈNE II. Mercure, seul d’abord; ensuite La Cabale.Pour moi qui fus toujours instruitÀ priser l’arbre par son fruit,Ce n’est pas-là le mien ; et je sais m’y connaître.Je préfère, pour être heureux,Tout arbre qui nourrit son maître,À celui qui le rend fameux.Mais quel est donc ce personnage ?Seigneur Mercure, agréez mon hommage.J’ai l’air étranger à vos yeux?Cela doit être ; on connaît beaucoup mieuxMes actions que ma figure. J’habite le parterre, et j’en suis, je vous jure,Une colonne, un des soutiens.Une telle colonne annonce, j’en conviens,Une solide architecture.Comme on en veut à mon talent,Je prends pour l’exercer cette forme étrangère ;Et vous voyez ici mon costume ordinaire.Sans doute qu’au Spectacle on vous trouve souvent?Souvent ? Toujours. D’autres en font autant ;Mais d’eux en un point je diffère :Ils y vont par plaisir, moi, j’y vais pour affaire.J’y vais pour applaudir ou pour siffler.Ah ! bon.Et vous applaudissez suivant la pièce ?Non ;Suivant l’auteur. Tel est mon ministère.Bref, je suis la Cabale, à vous servir. Ma foi,La visite m’étonne. Eh quoi!A peine la porte est ouverte,Et vous voilà déjà !Vraiment oui, me voici.Par le Styx, vous êtes alerte.Il le faut bien; je viens iciReconnaître les lieux en profond politique ;Et pour faire éclater ou pour cacher mes soins,Lever des coins et des recoinsUne carte topographique.On peut, je pense, avec les battoirs que voilà,Se flatter d’assourdir la scène ;Je crois qu’on est en fonds avec ces poumons-là,Pour fournir aux sifflets une bruyante haleine,Ou faire retentir les bravo, les paix-là.Mais quoi ! Nous devrions être assez bien ensemble;Vous fûtes toujours, ce me semble,D’un naturel à la malice enclin.Il est vrai ; je suis même un peu plus que malin.Mais, mon ami, si de l’antique Rome Tu parcours le code divin,Tu conviendras, j’en suis certain,Que l’on peut être un Dieu, sans être un honnête homme.Mais comment feras-tu désormais ? Autrefois,Le Spectateur, dans les flots du parterre,Entendait sans te voir et tes mains et ta voix ;Tu pouvais te cacher, en y faisant la guerre.Tes voisins maintenant assis, en plein repos,Vont nuire aux élans de ton zèle,Gêner tes mouvements, dévoiler tes complots.Je n’en suis pas plus gai. Par des efforts nouveauxIl me faut conquérir une gloire nouvelle ;Il faudra former d’autres plansPlus subtilises, plus savants.C’est pour cela qu’ici d’avanceJe viens observer le terrain.Observe ; mais après, sors et fais diligence ;Apollon doit ici me rejoindre soudain ;Et je ne vous crois pas en bonne intelligence.Ô temps ! ô moeurs ! Ainsi donc tout me nuit !On a détruit mon poste, on m’insulte, on m’offense,Et pour comble de maux Apollon me poursuit !Est-ce ainsi que les Arts sont protégés en France ?
SCÈNE III.Oui, les beaux Arts. Il est original !En effet on le traite mal.Son talent fait grand bruit, et n’est connu qu’à peine,N’est pas encouragé, se trouve sans Mécène.Mais je vois Apollon.
SCÈNE IV. Mercure, Apollon.Mon message est rempli ;Voilà, de vos lauriers, le théâtre embelli.Mais qui les cueillera ?Qui ? Les Auteurs sublimes.C’est payer dignement leurs efforts magnanimes.Mais si le seul Génie a désormais des droitsAux Lauriers dont j’ai fait investir ces colonnes,Tout franc, vous trouverez, je crois,Moins de têtes que de couronnes.Pourquoi donc cet effroi triste et décourageant ?Si le Pinde a perdu plus d’un rare talent,Nature, en Mère tendre et pleine de prudence,À côté du malheur a placé l’espérance ;Ne troublons point cet ordre, il est trop consolant.J’honore le Génie ; il m’est cher, il doit l’être ; Mais faut-il ajouter, quand il a disparu,Au regret de l’avoir perdu,Le désespoir de le voir reparaître ?Non ; disons aux humains trop prompts à s’alarmer :Pour honorer les morts, n’allez pas diffamerLa race qui respire et celle qui doit naître.Si jadis en son art un grand homme excella,Nature fut sa mère, elle est aussi la vôtre ;Que prouve ce grand homme-là ?Qu’elle en peut enfanter un autre.Enfin croyons toujours, instruits par le passé,Que ce qu’on voit périr peut être remplacé.En amour, soit.Oh ! Dans ce styleVous êtes, je l’avoue, un maître plus fameux.Et vous un railleur merveilleux.Mais s’il vous en souvient, à ce jeu quoique habile,Vous n’êtes pas toujours heureux.Autrefois, au bruit du tonnerre,Pour un bon mot de sa façon,Très lestement, le Seigneur ApollonNe fit qu’un saut du ciel en terre. Oui, mon frère ; et c’est-là qu’en mainte occasionDe plusieurs de vos tours il fut témoin fidèle.Votre adresse est un peu sujette à caution.Du bien d’autrui souvent...Oui, c’est ce que j’appelleUne épigramme en action.C’est parler poliment. On vient. Que nous veut-on ?
SCÈNE V. Apollon, Mercure, un Auteur tragique, un Auteur comique.Nous sommes tous les deux, quoique l’envie en gronde,Favoris d’Apollon.Soyez les bienvenus.Oui : c’est ainsi que j’ai de par le mondeDes favoris que je n’ai jamais vus.Ne nous découvrons point.Bigarrure complète ;L’un tient de l’ours, et l’autre a l’air d’une coquette.Je viens voir si la scène où l’on veut m’établirEst digne du fruit de mes veilles ;Si je peux, sans les avilir,Y laisser voir mes tragiques merveilles ;Si le Théâtre est vaste, élargi dans ses flancs ;Si l’on peut, sous les yeux des mères alarmées, Sous les yeux des vieillards, des citoyens tremblants,Y faire battre à l’aise deux armées ;Si l’on peut sans tumulte, en ordre solennel,Y faire défiler des convois mortuaires ;Si de mainte poulie on a garni le ciel,Pour accrocher des lampes funéraires ;Si l’on a préparé, pour l’endroit éclatant,Des toiles d’un beau noir, qui, sans bruit à l’instant,Couchent sur la coulisse un vernis de ténèbres ;Enfin, si l’on a su, dans un goût neuf, charmant,Y ménager adroitementDes échos pour les cris funèbres.Monsieur nous laisse apercevoirQu’il est riche en moyens pour égayer la scène.Même désir m’amène : en moi vous devez voirUn auteur, mais comique.Oui, je le crois sans peine.La Salle me paraît un peu vaste pour moi.Mes vers ont un, je ne sais quoi,Une harmonie et douce et tendre ;Sans les crier, il faut les faire entendre.Mon style aisé, plein de douceur,Ne fatigue jamais, (car c’est à quoi je veille)Ni la poitrine de l’acteur, Ni l’oreille du spectateur;Mon vers... c’est du miel pour l’oreille.Je viens donc voir si les décorateurs,Si les peintres pourront assortir leurs couleursAux tirades que je compose,Imiter la fraîcheur qui distingue, je crois,Mes madrigaux ; il me faudrait, à moi,Une Salle... couleur de rose.Ils sont fous.On verra (j’en jure mon honneur)Que l’on ne connaît pas la Tragédie en France.On y sut quelquefois inspirer la terreur;Mais l’horreur... De notre art, c’est-la la quintessence.Heureux qui, par l’amas de tragiques horreurs,Porte la pâmoison, le spasme en tous les coeurs !Qui confond par un art digne de nos éloges,L’accent convulsif de l’acteur,Le cri mourant du spectateur !Quel tableau ! Le parquet, le théâtre et les loges,Tout est spectacle alors : c’est ainsi que je croisAvoir traité la Tragédie.Oh ! Votre muse est faite, je le vois,Pour adoucir les moeurs de sa patrie. Moi, par d’heureux tableaux avec art préparés,Je guérirai les coeurs qu’il aura déchirés.Mes pièces détruiraient le plus sombre prestige :On dirait d’un jardin qu’aucun hiver n’afflige ;On n’y voit promener que l’essaim des plaisirs ;On n’y marche pas, on voltige ;Tous les vents y sont des zéphyrs.Je crois voir chaque Belle, à ma douce éloquence,S’embellir encor à nos yeux ;Sur leurs lèvres circule un souris gracieux,Sans que jamais le rire en trouble le silence.Sur les Théâtres de ParisAurait-on déjà vu vos sublimes écrits ?Pas encor. Notre but est d’y paraître ensemble.Comme nous avons pris des genres opposés,Nos coeurs ne sont pas divisés ;Avec des noeuds de fleurs l’amitié les rassemble.Aussi, je dis partout que du sein du trépas,Si le ciel rappelait Corneille à la lumière,Il baiserait la trace de ses pas.Moi, je mets à ses pieds Molière.Si j’eusse à Melpomène offert mes premiers voeux, J’imiterais sa touche au sombre accoutumée.Si Thalie inspirait ma Muse désarmée,Je prendrais son pince au moelleux ;J’emploierais son carmin.Moi, son noir de fumée.Sur un seul point nos avis sont divers.Et sur quoi ?Dans Corneille il ne voit que des scènes.Et dans Racine, il ne voit que des vers.Corneille n’a bien peint que les âmes romaines.Et Racine, l’amour.Messieurs, laissons cela ;Apollon pourrait vous entendre.Où donc est-il, Apollon ?Le voilà : Lui qui semble un peu vous surprendre ;Avec qui, soit dit entre nous,Vous devriez au moins avoir fait connaissance,Avant de vous vanter de ses bontés pour vous;Car c’est par-là que l’amitié commence.Rentrez dans le respect, échos présomptueux !L’erreur d’autrui n’excuse point la vôtre.Pour louer un grand homme, en déprimer un autre,C’est insulter à tous les deux.La gloire veut toujours que le laurier fidèleSur tous les fronts puisse fleurir ;Elle a toujours, cette riche immortelle,De quoi payer, sans s’appauvrir,Les efforts que l’on fit pour elle.Le Temple de mémoire, ouvert de tout côté,S’agrandit à mesure en son immensité.Vous n’y voyez nul vide, à juger sa surface ?Vienne un autre grand homme ; aussitôt adopté,Sans déplacer personne, il trouve encor sa place ;En un mot, l’équité, qui conserve à chacunDes destins exempts de disgrâce,Y peut faire cent rois, sans en détrôner un.Mais, croyez-moi, j’attends Thalie et Melpomène ;Elles pourraient fort bien, sans respecter les droitsDu noeud de fleurs qui vous enchaîne,Siffler vos madrigaux, bâiller à vos convois.Je présume mieux de Thalie. Pour un tel procédé, je croisMelpomène un peu trop polie.Bon ! La Critique, justement !
SCÈNE VI. La Critique, Apollon, Mercure, les deux Auteurs.Quel trouble !Quel malaise !Qu’est-ce ?Qu’avez-vous donc ?Une faiblesse...D’où me vient ce saisissement ?Dieux ! la Critique.Ô ciel ! Ma faiblesse est extrême, Et mes genoux tremblants...Qu’ont-ils ?Ma foi, voilàNos deux auteurs prêts à tomber... eux-mêmes.Il faut pourtant les secourir.Hola !Venez : soutenez-les, Génies;C’est l’unique bienfait, le seul que de leurs viesAuront reçu de vous ces Messieurs-là.
SCÈNE VII. La Critique, Apollon, Mercure.C’est vous dont la présence a su nous en défaire.Pour les favoris de mon frèreVous êtes donc un objet de frayeur ?Oui : j’ai souvent le don de leur déplaire ;Mais c’est surtout aux sots que je fais peur.Aux bons auteurs souvent je plais, quoique sévère.Hé ! Quel succès pourrait flatter,Si je n’avais soin d’habiterDans le parterre, ou de m’asseoir en loge ?Il faut savoir discerner les défauts,Pour pouvoir aux beautés donner un digne éloge ;Le sot peut seul prétendre aux louanges des sots.Oui : mais pourtant on vous déchireEn plus d’un lieu. La Critique, dit-on,Déraisonne souvent, et se plaît à médire.Est-ce-là votre portrait ? Non.Et si l’on déraisonne, ou si l’on cherche à nuire,Ce n’est pas moi ; c’est sous mon nomOu l’ignorance, ou la satire.Mais, souffrez une question.Est-ce-là l’essaim des Génies,Qui forme en tout temps votre cour ?Oui, c’est par eux que je sais tour-à-tourRanimer des talents les palmes défleuries.C’est à moi de les protéger ;Car tout ce qui plaît, m’intéresse ;J’adopte également la gaîté, la tendresse ;Nul talent ne m’est étranger.J’envoie au poète caustique,Qui de la parodie arbore l’étendard,Ce Génie à l’air goguenard,Au maintien familier, au rire sardonique.Voyez cet autre au marcher sautillant,Au visage étranger, à la taille fluette;C’est lui que je dépêche à quiconque entreprendDe mesurer des mots pour faire une ariette,Celui-ci dont le pied léger et libertinEn moins de rien va trottant par la ville,Cet espiègle joyeux à l’oeil vif et malin, A le district du vaudeville.Mais j’entends mes soeurs : les voilà.Je me sauve.Non : restez-là.Votre aspect ne peut leur déplaire.Honnête et sage, avec celaVous leur serez utile et chère.Quel est cet écuyer qui conduit gravementMelpomène ?C’est un Génie :Celui du grand Corneille. Avec cérémonie,D’Auguste il a choisi l’air et le vêtement.Je m’en doutais. On doit le reconnaîtreÀ ses cheveux blanchis sous le laurier,À son air vénérable, à son front noble, altier ;L’oeil croit voir Corneille renaître.C’est un Génie encor que vers nous si gaîmentMène Thalie ? Oui, justement.C’est celui de Molière : à ses mânes fidèle,Il a voulu garder les traits de Sganarelle.Oui, c’est lui-même. AssurémentJe n’aurais pas du m’y méprendre.Ce front exprime bien ce que sa plume écrit !Si son oeil sut scruter les travers de l’esprit,Oh ! comme sa figure est propre à nous les rendre !
SCÈNE VIII. Thalie et Melpomène, le Génie de Corneille, et le Génie de Molière, Apollon, Mercure, la Critique.J’ai cru qu’au défaut de mes soeursC’était à moi de faire les honneurs.Je vous en sais bon gré, mon frère.Vous n’êtes pas en ces lieux étrangers.Prêtez à l’art un secourable appui ;Mais ne croyez jamais valoir autant que lui ;À ce prix-là, vous pouvez, pour la vie,Compter sur nos coeurs généreux.Vous le voyez : chacune de nous deuxEst fidèle à son vieux Génie.Ce n’est pas-là ce qu’on pense à Paris :Pardon, si je me fais ici son interprète ;Mais s’il faut vous juger d’après vos favoris,Vous avez bien changé d’esprit et de toilette ! C’est trop d’honneur que l’on nous fait.Dès qu’un nouvel auteur sur la scène s’élance,C’est nous qui l’inspirons ; et l’on nous fait d’avanceComplices de chaque forfait,Lorsque sur tout cela nous sommes en effetDe la plus parfaite innocence !Mais pardon, illustres Rivaux,Qui jadis inspiriez et Corneille et Molière ;Si l’on en croit certains propos,Vous vous dédommagez par un bien long reposDe votre fatigue première.Après avoir conduit à l’immortalitéCorneille, dont le nom doit fleurir d’âge en âge,Mon repos a-t-il donc été Inutile ? Racine ? Il eut pour apanageLe sentiment, l’urbanité ;En sa faveur j’adoucis ma fierté.Peut-être moins nerveux, plus élégant, plus sage,Il fit parler au coeur un plus tendre langage.Crébillon méconnut la parure et le fard ;Trop fier pour obéir même aux règles de l’art,Il adopta pour loi l’instinct et la nature ;Il traça des forfaits l’énergique peinture,Et fit par la terreur aiguiser mon poignard. Après ces trois héros, qu’adore le Permesse,On m’eût permis peut-être, au sein de la mollesse,De sommeiller jusqu’aujourd’hui.Mais j’adoptai Voltaire ; il sut, dès sa jeunesse,Des trois genres connus en créer un pour lui,Et de jeunes lauriers j’honorai sa vieillesse :Sans ressembler, il sut, par des efforts nouveaux,Manier tour-à-tour, avec la même adresse,Les trois poignards de ses rivaux.Pour moi, je l’avouerai, quand on eut vu MolièreTomber sous le ciseau fatal,Je voulus, pour garder sa gloire toute entière,Qu’il eût des successeurs, et n’eût pas un rival.C’était de ses travaux la digne récompense.Mais, ne m’a-t-on pas vu depuisRégénérer souvent la gloire de la France,Et par d’autres essais consoler ses ennuis ?Regnard vif et brillant, armé de la saillie,A fait rire, en peignant le Joueur furieux ;Destouches, sur la scène un peu trop ennoblie,A corrigé le Glorieux.Dufrény, dont j’aimai la verve originale ;Dancourt gai, naturel, quelquefois emportéPar son humeur... trop joviale ;Le tendre La Chaussée, un peu sobre en gaîté ;Et Lesage, qui plus caustiqueDu sel de l’épigramme anima ses tableaux ;Et d’autres, dont ma main dirigea les pinceaux, Ont encore agrandi le domaine comique.Et n’ai-je pas naguère enrichi l’HéliconDe la Métromanie, ouvrage que MolièreAvouerait, j’en suis caution,Enfant cher à Thalie, et si beau que PironFut surpris d’en être le père ?Voilà tous nos forfaits que nous vous dévoilons.Quant à Mercure, il peut railler sans nous déplaire ;On doit, lorsqu’on a des ailes aux talons,Avoir la tête un peu légère.Ah ! Vous l’avez voulu, mon frère.Mais de ce nouveau Temple où l’on va s’installer,Que pensez-vous ? Qu’est-ce qu’il vous inspire ?Je le trouve fort bien.Je n’y vois rien à dire.Que de larmes y vont couler !Oh ! Comme j’y vais faire rire !Le Mauvais Goût !Le Mauvais Goût !Le Mauvais Goût ! Le Mauvais Goût !Mon Frère,À l’aide !On peut vous en défaire.Voici mon talisman. Nous en viendrons à bout.Comme il a disparu !Que la même disgrâceLe suive dans tous les climats !S’il reparaît ici, qu’aussitôt il s’efface,Et que l’oeil cherche en vain la trace de ses pas.Mais comme de sa cendre il se plaît à renaître,À la porte il faudrait, je crois, le consigner.Sans peine on peut le désigner ;Il est facile à reconnaître.Toujours sec, ou gonflé. Son corps n’est jamais droit.Il boite.Sa toilette est une bigarrure ;Chaque couleur y trouve une couleur qui jure.Son habit est toujours trop large ou trop étroit.Il louche.Il met du blanc.N’importe, quoiqu’il fasse...Mais deux de nos Acteurs viennent pour prendre place;Il faut les installer.
SCÈNE IX ET DERNIÈRE. Les précédents, Un Acteur Tragique, habillé en Orosmane, ou sous un autre habit tragique, mais sans poignard, Un Acteur comique, en habit de Crispin, mais sans épée.Venez, l’un des enfantsD’une Famille qui m’est chère,Qui fut de ma gloire en tout tempsL’organe et le dépositaire. Approchez-vous, et de ma main,Prenez mon poignard.Vous, le glaive de Crispin.Portez dans tous les coeurs les plus tendres alarmes ;Et recevez avec ce noble acierLe pouvoir d’arracher des larmes.Vous, le don de les essuyer.Grâce vous soit rendue, auguste Melpomène !Vous pouvez seule nous donnerLe droit de disputer les lauriers de la scène;Une autre main doit nous les décerner.Me voilà donc sous les armes comiques !Mais aidez-moi, vous le pouvez,À faire enregistrer mes Lettres DramatiquesAu Tribunal que vous savez. Consacrons ce grand jour par de justes hommages.Découvrez-nous ces bustes glorieux.Que des Lauriers religieuxCouronnent par vos mains ces augustes Images!Allez ? Ces marbres vivants,Allez tous rallumer le flambeau des talents.