Don juan ou le festin de pierre.
Le tellier
Jean-François
Théâtre Classique
Texte saisi par Isabelle Martin d’après le manuscrit ff. 9251 de la Bibliothèque Nationale de France.
publié par Paul FIEVRE, janvier 2014
Opéra comique
moeurs françaises
Trois actes, un prologue
vers
1711-1720
0-250
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k745013
Opéra comique
PROLOGUE.
SCÈNE PREMIÈRE. Pierrot, Fanchon.
Dis-moi, ma petite Fanchon
Que portes-tu dans ton giron
Ô reguingué.
Prends bien garde à ta marchandise
Car aujourd’hui tout est de prise.
Ne touches point à mes oeufs frais
Pourquoi tant les mirer de près
Ô reguingué.
Veux-tu voir si dans la coquille
Quelque petit poulet fourmille.
SCÈNE II.
Que faites-vous là cousin
Vous mangez mon fromage
Eh bien si vous avez faim
Mangés en jusqu’à demain
Courage, courage.
SCÈNE III. Don Juan, Arlequin, Fanchon.
Que cet objet est charmant
Me ravit et m’enchante
Quel bonheur pour un amant
Qui de sa beauté naissante
Peut cultiver la plante
Et l’arroser souvent.
Laissés en repos
Notre minagère
Comme
J’en avons affaire
Morguienne de vous
Quel homme, quel homme
Morguienne de vous.
Tu te mets en colère
Petit mari
Va, je n’ai point affaire
D’un favori
Tu seras toujours mon bouchon
Mon joli mignon
Et qui te plaira
Ô gai lanla.
Avant que de finir la scène
Inventons quelque jeu gaillard
Pierrot laisse bander ta veine
Nous jouerons a colin-maillard.
ACTE I
SCÈNE I.
Nous jouissons au bord de ce rivage
D’un sort heureux, d’un tranquille repos
Et de l’amour nous fuyons le naufrage
Plus dangereux que la mer et ses flots.
SCÈNE II.
Quel objet, j’en suis attendrie
En vain j’appelle ma fierté
Ah faut-il lui sauver la vie
Aux dépends de ma liberté.
Tâchons avec cette eau de vie
De sauver ces deux malheureux
Ne trouverai-je point en eux
Quelque signe de vie.
Échappé du naufrage
Je rends grâce au sort
D’avoir sur ce rivage
Abordé votre port
Et vogue la galère.
Sensible a votre malheur
À votre triste aventure
Je vous offre de bon cour
Turelure
Ma chambre et sa garniture
Robin turelure...
Vous ne connaissez pas
Ce dangereux corsaire
Mais moi qui suis son frère
Je vous le dis tout bas
Ne vous y fiez pas.
Quoi de ce beau seigneur
Vous vous dites le frère
L’amour le fit pour plaire
Et vous faites horreur
Vous n’êtes qu’un menteur.
Savez-vous la raison pourquoi
Mon cadet est plus blanc que moi
Liron falarirette
On l’a fait de jour, moi de nuit
Liron falariri.
Pour m’avoir sauvé du naufrage
Ma chère enfant
Je veux vous prendre en mariage
Dès à présent.
Menez moi dans votre logis
J’ai besoin de changer d’habits.
Je vous le dis encor un coup
Il est plus à craindre qu’un loup
S’il met le pied dans la maison
Croyez moi prenez bien garde
À votre cotillon.
SCÈNE III. Un Berger et deux Bergères viennent se réjouir au bord de la Mer.
Dans notre brillante jeunesse
Livrons nos cours a la tendresse
Laissons murmurer la vieillesse
Qui languit sous le poids des ans
Dans notre brillante jeunesse
Ne songeons qu’a passer le temps
Dans notre village
Chacun vit content
Fidèle et constant
Même après le mariage
Vivez-vous ainsi
Bonnes gens d’ici.
Jamais une belle
Dans notre hameau
Ne descend sur l’eau
Pour se trouver à javelle
Vivez-vous ainsi
Bonnes gens d’ici.
SCÈNE IV.
Oh, écoutez petits et grands
Mon histoire et mes ardeurs
Depuis vingt ans je sers mon maître
Un fourbe, un scélérat, un traître
Dont je n’ai touché que dix sols
Et qui m’a bien roué de coups.
Je tremble à chaque instant de peur
Il vient d’occire le Commandeur
Il a débauché tant de filles
Des plus honorables familles
Que je crains qu’un Diable aujourd’hui
N’emporte son valet et lui.
SCÈNE V.
Ah, Messieurs sauvez-moi des coups
De mon maître en courroux.
Je vous payerai pinte a dix sols
Pour vous enivrer tous.
J’admire d’un poltron la gloire
Qui croit établie sa mémoire
Par un superbe monument
On le prendrait pour Alexandre
Mais son histoire le dément
Le lâche n’a pu se défendre.
Quoi, c’est donc là ce Commandeur
Que votre bras a mis parterre
Pour vous faire épouser sa sour
Veut-il vous faire encor la guerre
Ah pour le coup il a grand tort
Il mérite bien d’être mort.
Veux-tu nous faire l’honneur
Commandeur
Dont la mine me fait peur
De venir chez nous sans suite
Manger une carpe frite.
Ô le Diable d’homme
Je suis confondu
Monsieur voila comme
Il m’a répondu
Il aime la carpe
La peste soit du goulu
Lanturelu lanturelu.
Ainsi je commence a croire
Qu’on aime à boire
Chez les morts
Ainsi je commence a croire
Qu’on aime à boire
Sur les sombres bords
Que cette parque inévitable
Vienne aujourd’hui pousser mes jours à bout
Je me moque de tout à table.
Puisque Platon permet qu’on soit à table
Lieu délectable
Je verrai le trépas d’un oil serein
Et là-bas comme ici je boirai du bon vin.
ACTE II
SCÈNE PREMIÈRE.
Voulez-vous savoir l’histoire
Des femmes de mon temps
On en voit mille à la foire
Venir avec leurs galants
L’époux tranquille
Garde au logis les enfants
Comme un bon Gille.
D’une jeune brune
Vous causez l’ardeur
La fortune
Et vous aurez son cour.
Quelle est donc cette brune aimable
Cher Arlequin, allons la voir
Vite, qu’on ôte la table
Je reviendrai souper ce soir.
Si je ne suis de ce repas
Ma foi je n’irai pas
Faites-moi donner un couvert
J’ai l’appétit ouvert.
SCÈNE II.
À venir souper je t’engage
Je veux ce soir sur mon tombeau
Te régaler d’un mets nouveau
Auras-tu ce courage ?
ACTE III
SCÈNE PREMIÈRE. Isabelle et Colombine trouvent Don Juan et Arlequin.
Vous n’êtes qu’un perfide amant
Qui mérite un châtiment
Quand on est si volage eh bien
Doit-on prendre pour gage
Vous m’entendez bien.
Vous vous plaignez injustement
Nous vous aimons fidèlement
Par un contrat en forme eh bien
Attendez nous sous l’orme
Vous m’entendez bien.
Tout ceci n’est que vision
Je donne peu dans la chimère
Et poussons jusqu’au bout l’affaire
Nous verrons peut-être a la fin
Que c’est un tour à la Jobbin.
Quel Repas et quels mets funestes
Commandeur sont-ce là les restes
De ton Infernale Maison
Mais je veux passer mon envie
J’en mangerai fut ce un poison
Et dût il m’en coûter la vie.
Viens ici que je te régale
Don Juan donne-moi la main
C’est ici ton heure fatale
Et ton repentir sera vain
Le Ciel se venge enfin
Des maux dont tu l’outrages
C’est ainsi qu’un libertin
Voit terminer son destin.
Mes gages, mes gages. Ven...